Très haut débit : l’Arcep va enfin autoriser « à l’automne » le VDSL2 sur la boucle locale de cuivre

Le président de l’Arcep, Jean-Ludovic Silicani, a indiqué à Edition Multimédi@ que le Comité d’experts pour les boucles locales cuivre et fibre optique va donner « à l’automne » son feu vert à l’introduction du VDSL2. Les lignes de cuivre vont pourvoir atteindre de 50 à 150 Mbits/s.

Par Charles de Laubier

Catherine Mancini, présidente du Comité d’experts de l’Arcep

Dernière ligne droite avant le lancement en France du VDSL2 (1), qui va offrir 50 à 100 Mbits/s sur la paire de cuivre téléphonique, soit des débits descendants bien plus élevés que les 20 Mbits/s au maximum de l’actuel ADSL2+. Sauf imprévu – ce que le président de l’Arcep, Jean-Ludovic Silicani, estime « peu probable » – « le Comité d’experts [pour les boucles locales cuivre et fibre optique] doit rendre un avis favorable à l’automne », a-t-il indiqué à Edition Multimédi@ en marge des 6es Assises du Très haut débit, organisées le 9 juillet par Aromates et l’Idate (2). « Ce Comité d’experts est indépendant de l’Arcep », nous précise Jean-Ludovic Silicani. Il n’en est pas moins placé sous l’autorité du régulateur, qui nomme ses membres, depuis qu’il a été créé en son sein il y aura dix ans le 19 septembre prochain (3). Il est présidé depuis lors par Catherine Mancini (notre photo). Aussitôt que cet avis favorable sera rendu, fin septembre au plus tôt,
le VDSL2 pourra sans autre formalité être introduit et déployé au niveau des sous-répartiteurs de France Télécom. Catherine Mancini nous le confirme : « Ce sont ces avis qui prononcent officiellement les autorisations d’emploi de telle ou telle technique, rien d’autre n’est nécessaire. Les déploiements de cette technique peuvent démarrer immédiatement après, à condition de respecter les modalités d’emploi préconisées ».

Neutralité technologique dans le très haut débit ?
Est-ce à dire que le VDSL2 pourra concurrencer le FTTH dans le très haut débit, selon le principe de neutralité technologique ? Lors de son audition par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 11 juillet, le président de l’Arcep a déjà prévenu : « Le VDSL2 sera déployé, mais pas partout, pour que la fibre puisse se développer sur tout le territoire ». En d’autres termes, priorité est donnée aux lourds investissements pour amener, d’ici à 2025, la fibre optique jusqu’au domicile des Français. Et ce, moyennant un coût très élevé de 25 milliards d’euros. Beaucoup moins coûteux, le VDSL2 pourrait contrarier cette volonté politique de déployer coûte que coûte le FTTH. Cela pourrait expliquer l’autorisation tardive de cette nouvelle technologie sur les lignes téléphoniques. D’autant que le coup d’envoi du VDSL2 devait être donné initialement « avant la fin 2011 » par le Comité d’experts (4), lequel a mis plus d’un an à faire des mois de tests de non-perturbation de l’ADSL en place.

Le VDSL2 à l’étude depuis sept ans
En fait, cela fait plus de sept ans que sa présidente Catherine Mancini, par ailleurs directrice chez Alcatel- Lucent, étudie le VDSL2. Cette norme a en effet été adoptée par l’Union international des télécommunications (UIT) en février 2006. Elle a depuis été suivie en mai 2010 par la norme vectorielle « G.Vector » (5) numérotée G.993.5, appelée aussi « VDSL3 », qui permet d’atteindre les 150 Mbits/s sur cuivre ! En attendant les 500 Mbits/s grâce au bonding (6)… Aujourd’hui, déjà plus de 10 millions de lignes téléphoniques dans le monde offrent du très haut débit sur fils de cuivre et leur nombre progresse de 10 % à 15 % par an.
Mais au-delà du principe de précaution technologique dont fait preuve le Comité d’experts pour les boucles locales cuivre et fibre optique, d’aucuns se demandent si cette instance tenue au secret n’est pas le théâtre d’intérêts antagonistes. France Télécom, concerné au premier chef, est membre de ce Comité d’experts aux côtés
des opérateurs du dégroupage (SFR, Free, Bouygues Telecom, …) et des principaux équipementiers télécoms (Alcatel-Lucent, Ericsson, Huawei, …). Mais l’opérateur historique est réticent à laisser la concurrence bénéficier d’un dégroupage total en VDSL2 qui permettrait aux autres opérateurs télécoms de monter en débit avec leur propre équipements. Et ce, au moment où les pouvoirs publics demandent à Orange d’accélérer le coûteux déploiement du FTTH à la rentabilité incertaine. Pourtant, en Pologne via sa filiale TPSA, Orange propose déjà du VDSL2. En France, les 100.000 sous-répartiteurs de la boucle locale de cuivre historique offrent une capillarité et un potentiel de déploiement pour le VDSL2 bien plus importants que les 12.300 répartiteurs utilisés pour l’ADSL. Plus le noeud de raccordement d’abonné (NRA) sera près du domicile de l’abonné, plus le très haut débit sur cuivre n’aura rien à envier à la très chère fibre optique. SFR est dans les starting-blocks depuis l’an dernier pour du VDSL2 à 150 Mbits/s, grâce à une gestion dynamique de la paire de cuivre dite DSM – Dynamic Spectrum Management – que lui fournit la société américaine Assia dirigée par l’inventeur du DSL, John Cioffi (7) (*) (**). Les box de Free et de Bouygues Telecom sont également prêtes. En juin dernier, France Télécom a informé certains de ses clients du lancement d’ici septembre d’un test grandeur nature du VDSL2 à Paris et Marseille, ce qui annoncerait l’arrivée de la Livebox 3 compatible VDSL2 dans les prochains mois (8). C’est dire que le cuivre est encore loin d’être « déterré pour être vendu sur les places de marchés [sic] », contrairement à ce qu’a affirmé Viktor Arvidsson, directeur stratégie et marketing d’Ericsson France, lors des 6e Assises du Très haut débit. La France reste la championne du monde de l’ADSL avec 21,2 millions d’abonnés – en progression de 5 % sur un an – et un taux de pénétration de 75 % des foyers. Et la combinaison FTTB+VDSL2 pourrait augmenter l’espérance de vie de la paire de cuivre au détriment du FTTH. Chez Alcatel-Lucent, Marc Charrière, vice-président des affaires publiques, parle plus volontiers de « complémentarité des technologies », mais avec un « objectif final : la fibre ». Présenté par le régulateur et par le gouvernement comme « une étape intermédiaire vers le déploiement du FTTH » (9), le VDSL2 pourrait devenir un « provisoire qui dure » pour les Français qui ne se précipitent pas pour s’abonner à la fibre : sur les 1.580.000 foyers éligibles au FTTH au premier trimestre 2012, seulement 220.000 se sont abonnés. Et au niveau des Vingt-sept, l’Idate a recensé 4,6 millions d’abonnés FTTH sur les 27,8 millions de foyers raccordables. Les sénateurs Philippe Leroy, président de ces 6e Assises du Très haut débit, et Hervé Maurey, auteur en octobre 2010 d’un rapport sur le sujet, préparent pour l’automne une proposition d’aménagement numérique des territoires qui fixe une date butoir pour l’extinction du fil de cuivre. Objectif : obliger les opérateurs à faire basculer leurs abonnés vers la fibre. Autre solution radicale pour tuer dans l’oeuf le VDSL2 serait d’augmenter le tarif du dégroupage ADSL pour inciter les opérateurs télécoms à investir dans la fibre optique. « La hausse du prix du dégroupage pourrait être de 1 euro par an sur trois ans », a même avancé Jérôme Yomtov, directeur général délégué de Numericable. Cela remettrait en cause, selon lui, « la rente » dont bénéficierait France Télécom sur le cuivre et l’avantage tarifaire que cela procure aux SFR, Free et autres concurrents dissuadés d’investir dans la fibre.

Déshabiller Pierre pour habiller Paul ?
En s’apprêtant cependant à autoriser le VDSL2, l’Arcep démontre qu’elle croit encore en l’avenir du cuivre. « Le dégroupage est un marché très dynamique et qui va le rester. Nous poursuivons nos efforts pour faciliter l’accès aux très petits NRA », a assuré Jean-Ludovic Silicani, lors de son intervention aux 6e Assises. Mais la pression monte en Europe, la commissaire Neelie Kroes ayant indiqué le 12 juillet qu’elle allait d’ici la fin de l’année prendre « des mesures pour favoriser l’investissement dans la fibre optique ». Le bras de fer entre le cuivre et la fibre ne fait que commercer… @

Europe : les « Arcep » devront toutes proposer des outils de mesure de la qualité d’accès aux réseaux

Après plus de deux ans de débat, la neutralité du Net a enfin des lignes directrices : le « super-régulateur » européen, l’ORECE, souhaite notamment que les « Arcep » mettent à disposition des particuliers des outils gratuits de mesure de la qualité de leurs accès aux réseaux fixe ou mobile.

Selon nos informations, l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE), qui réunit depuis dix ans maintenant les vingtsept régulateurs télécoms sous la houlette de la Commission européenne, va lancer une consultation publique portant sur des lignes directrices destinées à préserver la neutralité de l’Internet.

Mesures : par logiciel ou site web
Lors de sa 11e assemblée plénière des 24 et 25 mai à Dubrovnik en Croatie, l’ORECE (1) devait adopter – à l’appui de cette consultation publique – deux rapports, l’un sur les différentes pratiques des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) en matière de gestion de trafic (2), l’autre sur une évaluation de l’interconnexion IP. Devaient aussi être adoptées des lignes directrices – à l’attention des régulateurs – sur la qualité de service. Le tout
va être transmis à la Commission européenne. La plus concrète des mesures, qui concernera les millions d’internautes et de mobinautes européens, sera la forte incitation faite aux « Arcep » européennes de mettre à la disposition des particulier
des outils de mesure de la qualité de leur accès à l’Internet fixe et mobile. Objectif : que les abonnés puissent – avec un logiciel de monitoring – contrôler par eux-mêmes les éventuels blocages ou ralentissements de leur ligne et vérifier ainsi que leur FAI et opérateur mobile respectent la neutralité du Net. L’ORECE tient particulièrement à la mise à disposition auprès du public connecté de ces outils de mesure que devront leur fournir – gracieusement – soit les régulateurs eux-mêmes, soit les FAI, soit des tierces parties agréées préalablement. Cette mesure « ex post » sera le pendant de la régulation « ex ante » de l’obligation de transparence des FAI au regard de la neutralité des réseaux.
Dans certains Etats membres, des régulateurs ont déjà pris l’initiative de développer des outils spécifiques de mesure du débit. Ce que l’ORECE souhaiterait généraliser à toute l’Europe. Dans ses Guidelines pour une qualité de service (« QoS »), le super-régulateur européen fait état des bonnes pratiques en matière de mise à disposition d’outils de mesure pour les particuliers. Déjà, dans un premier rapport publié en décembre 2011, l’ORECE avait fait l’éloge de ces outils promus par des régulateurs. En France, l’Arcep – qui a lancé une consultation publique jusqu’au 20 juin sur la neutralité du Net (4) et qui adoptera cet été une décision fixant les indicateurs de QoS à mesurer à partir de 2013 – pourrait s’inspirer de son homologue italien. L’AGCOM propose en effet un logiciel gratuit et téléchargeable sur son site web, NeMeSys (5), qui mesure les performances de chaque FAI en Italie et permet aux internautes de vérifier la qualité de leur accès haut débit. A moins que l’Arcep ne propose un outil fonctionnant directement en ligne, comme c’est le cas au Danemark où le régulateur a créé un site web de mesure en temps réel de sa connexion. Il calcule à partir de la connexion de l’internaute le temps de latence en millisecondes (ping), de download et d’upload en kilobits par seconde, tout en identifiant bien sûr le FAI concerné. La NPT norvégienne propose un site web de mesure équivalent, Nettfart.no. Sur le même principe la Public Utilities Commission de Lettonie propose les mêmes paramètres. En Grèce, le régulateur EETT a développé un outil en ligne baptisé SPEBS (6) qui mesure une multitude de paramètres (7).
Autre solution : l’Arcep pourrait s’appuyer sur des prestataires extérieurs labellisés comme le fait la Suède, où l’organisation indépendante du Net (8) propose un site web de mesure en ligne appelé Bredbandskollen. En Grande-Bretagne, l’Ofcom a certifié dès 2008 les outils de SamKnows qui ont été retenus en 2010 par la FCC aux Etats-Unis (lire ci-dessous), puis en 2011 par la Commission européenne. En France, l’Arcep pourrait s’appuyer sur la société Cedexis qui fournit un outil de monitoring en temps réel aux FAI ou aux sites web, dans les serveurs desquels ont été placés de petits agents numériques (tags). D’autres outils font aussi référence en Europe, tels que Ripe Atlas ou Neubot. @

Charles de Laubier

FOCUS

Google a co-fondé M-Lab pour « mesurer » la neutralité du Net
Aux Etats-Unis, Google a fondé avec l’Open Technology Institute et PlanetLab Consortium un laboratoire de mesure – Measurement Lab (M-Lab). Il s’agit d’une plate-forme ouverte de mesures des connexions haut débit et de performance de certaines applications (9). Une dizaine d’outils sont proposés gratuitement, comme NDT (Network Diagnostic Tool). Le régulateur américain, la FCC (10), le propose en beta-test depuis le 11 mars. BitTorrent est aussi partie prenante dans le M-Lab, aux côtés d’Amazon ou de Skype (Microsoft). En Europe, le régulateur grec (EETT) supporte aussi M-Lab, tout comme SamKnows. Les données recueillies sont exploitées à des fins de recherche sur la qualité et la neutralité du Net. @

Mobile et Catch up TV : le cinéma va prolonger jusqu’à fin 2013 ses accords avec Orange

Les organisations du cinéma français vont prolonger jusqu’à décembre 2013 les accords qu’elles ont avec Orange Cinéma Séries pour, d’une part, les abonnés mobiles et, d’autre part, la catch up TV. Les conclusions des négociations devraient intervenir avant le Festival de Cannes.

Par Charles de Laubier

Selon nos informations, les principales organisations du cinéma français – le Bloc (1), l’ARP (2) et le Blic (3) – vont prolonger jusqu’à fin 2013 deux accords avec Orange Cinéma Séries (OCS) sur respectivement les abonnés mobiles et la télévision de rattrapage. Signé le 10 novembre 2009 pour seulement deux ans (alors que les obligations d’investissement du bouquet de chaînes de cinéma d’Orange l’ont été pour cinq ans), ces deux accords sont arrivés à échéance à la fin de l’an dernier.

Mobinautes : « demi-abonnés »
Maintenant que la prise participation de Canal+ à hauteur de 33,33 % dans OCS est finalisée, ces négociations vont aboutir avant le Festival de Cannes (16-27 mai 2012). « Les accords sur les abonnés mobiles et la catch up TV vont être prolongés jusqu’à fin 2013, échéance qui correspond aussi à celle des engagements d’investissement pris il y a trois ans et sur cinq ans par France Télécom dans le cinéma français et européen », indique un représentant d’une organisation du cinéma à Edition Multimédi@. Pour les mobinautes abonnés au bouquet OCS (4), une annexe de l’accord de 2009 prévoit qu’ils sont considérés comme des « demi-abonnés » pour le calcul du minimum garanti. Les organisations du cinéma avaient consenti cet avantage à OCS sur seulement deux ans, en espérant par la suite les comptabiliser à plein régime. « Il faut prendre garde à ce qu’un abonné, aussi mobile soit-il, ne soit pas considéré comme un demi abonné regardant nos films d’un seul oeil », avait à ce propos ironisé l’ARP en 2009. Mais, finalement, cette « demie mesure » accordée pour les mobinautes sera donc prorogée de vingt mois. Orange continue donc de payer un minimum garanti moitié moins élevé que pour un abonné fixe triple play.

L’accord général des engagements d’investissement et de minimum garanti d’OCS dans le cinéma français prévoit en effet que France Télécom verse – pour chaque abonné fixe au bouquet de chaînes de cinéma d’OCS – un minimum garanti. A savoir : au moins 1,70 euros HT par mois (sur les 12 euros que paie l’abonné), porté à 1,90 euros au-delà de 1,5 million d’abonnés (5). Comme les chaînes de cinéma d’Orange sont loin d’avoir dépassé le demi million d’abonnés, au point de régresser autour de 400.000 aujourd’hui, c’est le tarif minimum (1,70 euros) qui s’applique encore. Quant à la télévision de rattrapage prévue à l’article 10 de l’accord et pour vingt-quatre mois, elle est aussi prolongée jusqu’à fin 2013. Une rémunération spécifique supplémentaire est prévue pour les ayants droits, lorsque les films sont mis à disposition à la demande (6). En plus du préachat d’un film, France Télécom verse donc un prix complémentaire correspondant à 7 % du prix des droits de TV payante, ce montant étant pondéré par le taux d’utilisation du service. Et si l’abonné veut aller audelà de trois visualisations, le taux s’échelonne de 8 % à 11 % s’il comptabilise de 4 à 7 visualisations. Reste à savoir si les signataires de ces deux accords verront au cours de ces vingt prochains mois le décollage véritable des chaînes d’OCS, auxquelles les abonnés d’Orange ne sont plus les seuls à pouvoir souscrire. Depuis que Canal+ – premier contributeur du cinéma français – est entré à hauteur de 33,33 % dans le capital d’OCS (7), les abonnés de CanalSat peuvent eux aussi souscrire aux chaînes d’Orange. Et il en ira de même des abonnés des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) avec lesquels France Télécom est en négociation, CanalSat gardant cependant la primeur… En attendant les fruits de l’élargissement de la diffusion, France Télécom perd beaucoup d’argent dans cette conquête cinématographique. Selon le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), les cinq chaînes du bouquet OCS et les deux chaînes d’Orange Sport ont accumulé entre 2008 et fin 2010 une perte de 419 millions d’euros.

Fin des 80 millions d’euros
Dans le cadre de sa convention avec le CSA, l’opérateur de télécoms s’est en tout cas engagé – jusqu’à fin décembre 2013 – à investir 22 % du chiffre d’affaires de son bouquet de cinéma dans le financement de films français (8). En revanche, l’engagement d’investissement minimum de 80 millions d’euros sur trois ans (9) est arrivé à échéance fin 2011 et sans qu’il y soit donné suite. @

La loi « Copie privée » est contestée devant le Conseil constitutionnel et l’Union européenne

La nouvelle loi sur la copie privée, prolongeant d’un an les taxes (pourtant annulées par le Conseil d’Etat), fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et d’un recours devant la Commission européenne.
Les industriels français estiment payer « 100 millions d’euros de trop ».

Selon les informations de Edition Multimédi@, le Syndicat des industries de matériels audiovisuels (Simavelec) et le Syndicat national des supports d’image et d’information (SNSII) ont déposé ce vendredi 10 février leur recours devant le Conseil constitutionnel pour faire annuler la nouvelle loi sur « la rémunération pour copie privée » – datée du
21 décembre dernier et promulguée le lendemain au JORF (1).

Cour de justice européenne en vue
Le Simavelec et le SNSII ont le soutien d’autres organisations professionnelles, que
sont la Fédération française des télécoms (FFT), le SFIB (technologies de l’information), le Gitep TICS (télécommunications), le Secimavi (fabricants et importateurs d’appareils électroniques grand public) et la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad). Contestant déjà devant le Conseil d’Etat les décisions de la commission « copie privée », laquelle relève de trois ministères (Culture, Industrie et Consommation), le Simavelec et le SNSII ont le droit de soulever une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). La plus haute autorité juridictionnelle de l’Etat devra dire si la nouvelle loi « copie privée » porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution française garantit.
Les industriels veulent faire annuler cette loi, tant au niveau français qu’européen, en la contestant devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). « Fin février, nous allons saisir la Commission européenne qui jugera si elle transfert notre dossier devant la CJUE », nous précise un proche du dossier. Selon les plaignants, la loi « copie
privée » va à l’encontre non seulement de la décision de la Haute juridiction administrative  du 17 juin 2011, mais aussi de l’arrêt (dit « Padawan ») de la CJUE, et de la directive européenne du 22 mai 2001 sur « l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information » (DADVSI). En France, le gouvernement avait obtenu des parlementaires de voter (2) la loi « copie privée », laquelle prolonge d’un an (jusqu’au 31 décembre 2012) les barèmes actuels. Ces taxes sont prélevées sur tous – ou presque (pas les ordinateurs…) – les supports de stockage numérique (CD/DVD, clés USB, baladeurs MP3, disques durs externes, smartphones, « box », décodeurs à disque dur, …) utilisés pour y copier musiques, films ou autres. Pourtant, ces taxes – qui rapportent près de 200 millions d’euros par
an aux ayants droits (3) – avaient été annulées par le Conseil d’Etat à compter du 22 décembre dernier (4).
A la suite de l’arrêt du Conseil d’Etat de daté du 11 juillet 2008, lequel avait rendu illégales toutes les décisions de la commission « copie privée » (5), la nouvelle loi permet aux acquéreurs professionnels de ces supports numériques de se faire rembourser ou, dans certains cas, d’être exonérés. Ce que fustigent les industriels :
« Cette loi impose aux professionnels d’acquitter une rémunération pour copie privée dont le droit communautaire interdit pourtant qu’ils puissent être débiteurs ». Ce point sera attaqué devant la Cour de justice de l’Union européenne, laquelle – dans son arrêt du 21 octobre 2010 (affaire « Padawan ») – avait exempté de la taxe les professionnels. Les industriels reprochent que les barèmes annulés par le Conseil d’Etat seront maintenus pendant 12 mois. « Une telle prorogation vient pénaliser les consommateurs qui pouvaient espérer que le nouveau barème vienne compenser seulement un manque à gagner pour les ayants droit du seul fait des actes de copie privée licite (6) », ont déjà expliqué les organisations professionnelles. Elles dénoncent donc le fait « qu’une intervention législative efface, du revers de la plume, les effets d’une décision du Conseil d’Etat et engage la responsabilité de l’Etat français devant les institutions européennes ». La saisine de la Commission européenne va intervenir au moment où cette dernière étudie une réforme des taxes pour copie privée (Private Copying Levies) pour éviter les abus et aboutir à une harmonisation au sein des Vingtsept (7). Pour les industriels, il ne s’agit pas de remettre en cause la « légitimité de la rémunération des ayants droit au titre de l’exception de copie privée » mais plutôt de remettre à plat le calcul : non pas en partant de la capacité des supports (méthode retenue à l’époque de l’analogique), mais plutôt du préjudice réel des ayants droit. Les industriels ont demandé au cabinet de consultants Eight Advisory d’évaluer ce « manque à gagner ».

Les tablettes taxées elles-aussi
Résultat : « Les constructeurs paient 100 millions d’euros de trop par an ! », a lancé Philippe Citroën, président du Simavelec (8), lors d’une conférence de presse le 6 février. Et ce n’est pas fini, car la commission « copie privée » a décidé le 9 février de taxer les tablettes jusqu’à 12 euros. Ce qui ajouterait jusqu’à 36 millions d’euros dans l’escarcelle des ayants droit, puisque 3 millions de tablettes seront vendues en France cette année (9). @

Charles de Laubier

Le cinéma veut une « plateforme de suivi de la VOD » et un forum « TV connectée »

Selon nos informations, l’APC – qui par ailleurs passe à l’offensive contre les sites de streaming pirates – espère pouvoir lancer en 2012 une plateforme de suivi en temps réel de la VOD, pour les films, et demande aux pouvoirs publics de créer un forum consacré à la télévision connectée.

Par Charles de Laubier

Dans deux contributions – l’une du 7 octobre pour le « Plan France numérique 2020 » mis en ligne lors de 4e Assises du numérique, l’autre du 28 septembre pour la « mission sur la télévision connectée » que Edition Multimédi@ s’est procurée –, l’Association des producteurs de cinéma (APC) fait des propositions pour que les films soient valorisés et protégés sur les réseaux. Deux d’entre elles concernent respectivement la vidéo à la demande (VOD) et la TV connectée.

« Identifiant commun » pour les films
L’APC, qui regroupe 120 producteurs de films français et assure en outre cette année la présidence du Bloc (1), dévoile ainsi son projet de plateforme de suivi de la VOD que l’APC compte mettre en oeuvre l’an prochain. « Le marché devra s’adapter aux nouveaux usages numériques, en créant de nouveaux outils de mesure. L’APC mène à ce titre une étude de faisabilité en vue de lancer en 2012 une plateforme de suivi des exploitations de [VOD] en temps réel », explique l’association présidée par la productrice Anne-Dominique Toussaint (2). Ce projet de plateforme de « mesure » en temps réel des films sur les services de VOD a pour ambition de « faire circuler les oeuvres et promouvoir l’offre légale ». L’un des enjeux est d’assurer une « intégration sécurisée et non intrusive » dans les différents sites web de VOD existants. A noter que l’APC est membre de l’Alpa, l’association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, présidée par Nicolas Seydoux (3), et demande à la justice que moteurs de recherche et FAI bloquent quatres sites de streaming (Google l’ayant déjà fait pour Allostreaming). La futur plateforme de suivi a déjà été labellisée, il a un an par le RIAM (4), le réseau de recherche et d’innovation en audiovisuel et multimédia créé il y a dix ans par le ministère de l’Industrie et le CNC (5) qui le pilote. Oséo Innovation en assure la gestion, la Ficam (6) le pilotage technique.

Il est prévu que ce projet, subventionné par le CNC/RIAM, aboutisse en février 2012. « Dans le cadre de ce projet, l’APC préconise la création d’une association, destinée à définir les grands axes souhaités pour l’outil de suivi, qui pourrait également favoriser la concertation [avec notamment les sites de VOD et les distributeurs que sont les FAI, ndlr] sur d’autres sujets techniques comme de lui d’un identifiant commun pour la mise à disposition des œuvres en [VOD] », peut-on lire dans les deux contributions. Certains sujets, tels que la préconisation d’un « identifiant commun » pour les films mis en ligne sur Internet, sont également au coeur de la seconde des propositions de l’APC : la création d’un forum consacré à la télévision connectée. « De même qu’a été créé le forum HD, on pourrait envisager la création d’un forum ‘‘TV connectée’’. Pour définir les grands champs d’action, la création d’un tel outil de concertation à travers la constitution d’une association avec plusieurs collèges devrait être envisagée », explique le syndicat professionnel des producteurs de cinéma français, qui appelle ainsi à « une coordination globale des acteurs concernés par les évolutions majeures du numérique ». Les travaux de ce Forum TV connectée porteront sur « des sujets aussi variés que fondamentaux, parmi lesquels figurent l’ergonomie des offres de [VOD] et des EPG/ESG (7), les outils de paiement en ligne, l’identifiant des œuvres cinématographiques et audiovisuelles mises à disposition sur les plateformes numériques, … ». Il s’agit de faire en sorte que non seulement « la transition vers ces nouveaux usages soit réalisée de façon cohérente notamment vis-à-vis du public », tandis que « les acteurs français et européens du numérique pourront ainsi agir d’un bloc face aux nouveaux entrants étrangers ». Ces derniers peuvent être Netflix, Apple TV, Google TV/YouTube ou d’autres acteurs, les Over-The-Top (OTT), comme les fournisseurs de contenus vidéo sur le Web. « Il s’agit, notamment dans le cadre de l’arrivée de la télévision numérique, de favoriser les accords industriels entre les chaînes de télévision, les fournisseurs d’accès, les fabricants de terminaux et les producteurs, avec l’appui des autorités de régulation, CSA et Arcep », poursuit l’APC.

Taxe Cosip pour fabricants de terminaux
Les producteurs du cinéma français demandent notamment aux pouvoirs publics « d’instaurer une contribution à l’investissement dans la création cinématographique
et audiovisuelle de la part des fabricants de terminaux de réception de contenus audiovisuels [téléviseurs connectés, tablettes multimédias, smartphones, voire ordinateurs, ndlr] ». Cette exigence, portée par le Bloc depuis sa contribution au rapport « Création & Internet » alias « Zelnik » (8), a déjà reçu un écho favorable dans le rapport « Audiovisuel 2015 » de Dominique Richard (voir EM@34). Et le plan France numérique 2020, dévoilé le 30 novembre, mentionne les fabricants de terminaux parmi les contributeurs à la création. @