Pub, Google et Facebook : verbatim du gendarme

En fait. Le 6 mars, l’Autorité de la concurrence a rendu son avis-étude sur
le marché de la publicité en ligne – du moins le display, mais pas le search –
avant de décider dans quelques mois « s’il y a lieu d’ouvrir une (ou plusieurs) enquête(s) contentieuse(s) ». Ce qu’elle dit au juste de Google et Facebook.

En clair. « De nombreux fournisseurs de services d’intermédiation et d’exploitation
de données [pour les annonceurs ou les éditeurs] sont confrontés à la concurrence d’acteurs globaux, au premier rang desquels Google et Facebook [qui] occupent des positions stratégiques sur ce nouveau marché en utilisant leurs atouts considérables : effets de réseau, capacité à produire des innovations technologiques, audiences considérables et vastes ensembles d’inventaires et de données » résume l’Autorité
de la concurrence dans son avisétude de 125 pages.
Partant du constat que Facebook et Google apparaissent comme les deux leaders
du secteur de la publicité en ligne (1), et pas seulement sur l’Hexagone, le gendarme de la concurrence évoque à plusieurs reprises la question de la position dominante
– mentionnée vingt-deux fois (https://lc.cx/gNty) – mais sans dire si elle est avérée
pour les deux géants du Net : « Au final, au niveau mondial comme au niveau français, la majorité des revenus dans le secteur est réalisée par Google et Facebook. Cette situation résulte du cumul de plusieurs avantages concurrentiels ». (…) « Le modèle d’intégration verticale de Google et de Facebook, qui est fondé sur une présence à la fois dans l’édition et l’intermédiation technique, apparaît constituer un avantage concurrentiel significatif ». Les deux firmes de Menlo Park (Californie) sont devenues quasi incontournables sur le marché du display (2) : « Les outils d’achats d’espaces publicitaires de Google ou Facebook constituent par ailleurs l’unique plateforme permettant de mettre en oeuvre des campagnes publicitaires sur les sites [web] qu’ils éditent, et qui sont les services bénéficiant de l’audience la plus importante en France. Google et Facebook bénéficient de capacités d’exploitation de données, qui constituent également de puissants avantages concurrentiels pour la fourniture de services publicitaires ». Il en va ainsi notamment du ciblage publicitaire « Google et Facebook disposent d’avantages concurrentiels qui sont liés au volume et à la variété des données mais aussi, de manière indissociable, à la taille des inventaires publicitaires mis à disposition des annonceurs, et à leur audience ». La présidente de l’Autorité de
la concurrence, Isabelle de Silva, n’exclut pas d’« ouvrir une (ou plusieurs) enquête(s) contentieuse( s) ». Décision « dans quelques mois ». @

La 5G : tout le monde en parle mais personne ne l’a !

En fait. Le 1er mars, le Mobile World Congress – grand-messe internationale consacrée au téléphone mobile et organisée sur quatre jours à Barcelone par l’association mondiale des opérateurs mobile GSMA – a fermé ses portes.
La 5G sort des labos pour entrer en phase de tests. Et commercialement ?

En clair. Pour l’instant, c’est l’arlésienne depuis de dix ans (1) : toujours annoncée, mais jamais commercialisée (2). Et il aura fallu attendre décembre 2017 pour que soit enfin publiée la première standardisation – appelée « Release 15 » – de la norme 5G par le 3GPP – The Third Generation Partnership Project, basé en France à Sophia Antipolis et chargé du développement technique des normes mobiles (GSM, GPRS, EDGE, UMTS, LTE et LTE Advanced). Alors que la première couche du standard
n’est pas encore sèche, la 5G du 3GPP est maintenant entre les mains de l’Union internationale des télécommunications (UIT) – qui dépend de l’ONU – pour être évaluée avant d’être estampillée « IMT-2020 » d’ici… un an et demi. Il faudra encore patienter.
« La soumission finale et aboutie de la norme 3GPP, englobant les “Release 15” et “Release 16”, est planifiée pour juillet 2019 », a précisé Kevin Flynn, directeur marketing et communication de l’organisme de standardisation le 24 janvier dernier. Initialement prévue pour 2020, la commercialisation de la 5G pourrait néanmoins démarrer dès l’an prochain. Il est même question que, aux Etats-Unis, AT&T et Verizon lancent leurs services mobiles de cinquième génération dès fin 2018. Mais cela, au risque d’être du « Canada Dry » de 5G : cela y ressemblera mais il s’agira plus de
« 4G++ », en attendant la disponibilité de terminaux compatibles et que tout le puzzle normatif soit constitué et estampillé « IMT-2020 » par l’UIT. Outre les Etats-Unis, d’autres pays comme le Japon et la Corée du Sud seront aux avant-postes des déploiements commerciaux. Tandis que l’Europe, pourtant pionnière de la 2G (GSM), reste en retrait comme en 4G – dont la couverture reste insatisfaisante. A moins que
le déclic ne se fasse avec la 5G grâce à sa promesse de débit très élevé (plus de 10
à 20 Gbits/s, contre 30 Mbits/s en 4G) et de temps de latence réduit (moins de
1 milliseconde, contre jusqu’à 40 ms en 4G).
En France, Orange et Bouygues Telecom ont été autorisés le 23 février par l’Arcep à tester « grandeur nature » de la 5G – respectivement du 1er juin 2018 au 1er juin 2019 (à Lille et Douai), et 1er mai au 30 septembre 2018 (Bordeaux, Lyon et Villeurbanne) – dans la bande des 3,6-3,8 Ghz. Cinq autres villes pourront accueillir d’autres tests : Montpellier, Nantes, Le Havre, Saint-Etienne et Grenoble. @

Orange : Dufourcq se verrait bien remplacer Richard

En fait. Le 20 février, le conseil d’administration d’Orange – où siège Nicolas Dufourcq parmi les trois représentants de l’Etat (actionnaire à 23 % du capital, dont 9,5 % de Bpifrance) – a voté pour le renouvellement du mandat de Stéphane Richard, actuel PDG d’Orange, comme administrateur du groupe.

En clair. Bien qu’il ait été mis en examen – en tant qu’exdirecteur de cabinet de la ministre de l’Economie Christine Lagarde (1) – dans l’affaire de l’arbitrage de 404 millions d’euros en faveur de Bernard Tapie, et qu’en mai ou juin il sera jugé en correctionnelle avec cinq autres personnes (dont ce dernier) pour « complicité d’escroquerie » et « complicité de détournement de fonds publics », Stéphane Richard reste intouchable au sein d’Orange, dont il est le PDG depuis sept ans maintenant, après avoir été nommé DG il y a près de huit ans. Même l’Etat français – pourtant au cœur de cette affaire d’Etat qu’est le scandale « Tapie » – n’a rien trouvé à redire sur Stéphane Richard, l’un de ses plus dévoués grands commis. C’est ainsi que les trois administrateurs qui représentent « la sphère publique » – Nicolas Dufourcq en tant que PDG de Bpifrance Participations (détenteur de 9,5 % d’Orange sur les 23 % de l’Etat), Anne Lange et Lucie Muniesa – ont voté comme les autres membres du conseil d’administration « en faveur du renouvellement du mandat de Stéphane Richard comme administrateur d’Orange dans la perspective de son renouvellement en tant
que président du conseil d’administration pour une période de quatre ans ». Cette résolution sera soumise au vote de l’assemblée générale le 4 mai (2). Mais le PDG ira-t-il jusqu’au bout de son troisième mandat s’il était approuvé par les actionnaires – Etat et salariés d’Orange en tête ? Une simple formalité ? Cela semble être le cas malgré l’épée de Damoclès au-dessus de l’ex-directeur de cabinet. « S’il devait y avoir une condamnation, il remettrait immédiatement son mandat et démissionnerait », a prévenu Bruno Le Maire le 22 janvier sur Radio Classique. Ce que l’intéressé, qui assure n’avoir exécuté à l’époque qu’une décision politique prise par Christine Lagarde, a confirmé le 20 février sur RTL. Quoi qu’il en soit, les noms de successeurs potentiels circulent de plus belle, notamment celui de Nicolas Dufourcq qui passa près de dix ans chez France Télécom (1994- 2003) où il dirigea la division Multimédia et y lança Wanadoo. Président de Bpifrance depuis 2013, il est donc un administrateur de l’Etat au sein d’Orange et n’a jamais démenti son intérêt d’être calife à la place du calife. En 2016, Nicolas Dufourcq s’était dit convaincu que le rapprochement entre Orange et Bouygues Telecom allait se faire… un jour. @

« Le livre numérique est un produit stupide » (Hachette)

En fait. Le 17 février, soit un mois avant le Salon du livre à Paris, Arnaud Nourry, le PDG d’Hachette (groupe Lagardère), a lancé dans une interview au site web d’actualités indépendant indien Scroll.in : « The ebook is a stupid product » !
Le numéro un français de l’édition ne croit pas au livre numérique…

En clair. Arnaud Nourry (57 ans) a beau avoir débuté sa carrière il y a plus de trente ans en tant qu’ingénieur-conseil en informatique, il n’est pas technophile pour autant. Installé par Arnaud Lagardère depuis 15 ans maintenant au poste de PDG d’Hachette Livre, le patron du premier groupe français de l’édition de livre – et troisième des Big Five de l’édition mondiale en anglais (1) – est attaché au papier. Entré il y a près de trente ans chez Hachette Livre, ses interventions médiatiques se font rares. Mais lorsqu’il s’exprime, comme le 17 février dans Scroll.in lors d’un déplacement en Inde pour les dix ans de sa filiale locale, c’est pour tirer à boulets rouges sur le livre numérique. « Je pense que la stabilisation en plateau, ou plutôt le déclin [du marché
de l’ebook], que nous observons aux Etats-Unis et au Royaume-Uni ne s’inversera pas. C’est la limite du format ebook. Le livre numérique est un produit stupide. C’est exactement la même chose que le papier, à part son côté électronique. Il n’y a aucune créativité, pas d’enrichissement, pas de véritable expérience numérique », a lancé Arnaud Nourry. A un mois du Salon du livre de Paris, organisé du 16 au 19 mars par le Syndicat national de l’édition (SNE), dont Hachette Livre est l’un des cofondateurs, la sortie défaitiste voire technophobe de son patron en dit long sur l’état d’esprit rétif des maisons d’édition traditionnelles visà- vis de la dématérialisation des livres – les ebooks représentant pourtant déjà 20 % du marché de l’édition aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. La France, elle, se contente d’à peine 10 %. « Nous, en tant qu’éditeur, nous n’avons pas fait du grand boulot en allant dans le digital [(2)]. Nous avons essayé – d’améliorer ou d’enrichir les ebooks. Cela ne marche pas. Nous avons essayé des applis, des sites web de nos contenus – nous avons un ou deux succès parmi des centaines d’échecs », a décrié le « Monsieur Livre » d’Arnaud Lagardère. En outre,
il assure qu’il ne voulait pas faire les deux erreurs commises par la musique et la vidéo, voire la presse. A savoir : tarder à numériser les contenus, « ce qui a favorisé l’émergence du piratage », mais surtout ne pas garder le contrôle sur le prix de vente,
« ce qui les a empêchés de protéger leur chiffre d’affaire ». Et après avoir dénigré le livre numérique, le PDG d’Hachette Livre ose dire : « Ce n’est pas que nous sommes contre les ebooks »… @

Carrefour arrête Nolim, sa plateforme de livres et films

En fait. Le 23 janvier, Alexandre Bompard, le PDG de Carrefour depuis plus de six mois, a présenté la stratégie numérique de son plan « Carrefour 2022 ». Parmi les mesures annoncées : l’abandon de Nolim, la liseuse et la plateforme de contenus (ebooks et films) lancées par le géant de la grande distribution en 2013.

En clair. Nolim, No Future ! Cela aurait fait cinq ans en octobre prochain que Carrefour a lancé un site de vente d’ebooks, Nolim.fr, et une liseuse fabriquée par la société française Bookeen (ex-société Cytale). Il y a trois ans, la librairie en ligne Nolim.fr se diversifiait dans la vidéo à la demande (VOD) avec le lancement de Nolim Films (1). Carrefour commercialisait, à proximité de ses rayons « livres et BD », les fameuses liseuses Nolimbook. Contacté par Edition Multimédi@, le géant de la grande distribution nous a fait savoir qu’aucun calendrier d’arrêt du service en ligne n’était encore établi. Carrefour avait déjà essuyé les plâtres dans les livres numériques avec Numilog en 2010, ainsi que dans la VOD lors d’une première expérience en 2008 avec Glowria (devenu par la suite Videofutur chez Netgem). Nolim aura été une nouvelle tentative, finalement passées par pertes et profits. La société éditrice du Nolim Store – « Votre librairie numérique » – était Online Carrefour, dirigée par Hervé Parizot, directeur exécutif ecommerce et data clients du groupe Carrefour. Dans le rapport financier de 2016, publié en avril 217, une filiale détenue à 100 % avait fait son apparition sous le nom de Carrefour Nolim. La plateforme culturelle en ligne de Carrefour est encore accessible via Nolim.fr ou Nolim.carrefour.fr, ce dernier lien étant référencé parmi les 423 plateformes légales recensées par l’Hadopi (2), mais curieusement sans être labellisée par cette dernière, et uniquement sur son catalogue de livres numériques mais pas sur les films et séries proposés. Qu’à cela ne tienne. Nolim fait partie des nombreuses activités abandonnées par le nouveau PDG du groupe Carrefour, Alexandre Bompard.
Ce dernier a annoncé un plan de départs volontaires de 2.400 personnes dans le
cadre d’une restructuration des activités au niveau mondial (plan « Carrefour 2022 »), tout en prévoyant d’investir 2,8 milliards d’euros sur cinq ans dans le digital (portail
e-commerce unique Carrefour.fr, fin du cybermarché Ooshop, poursuite de Rueducommerce.fr, participation dans Showroomprivé, accord avec Tencent en Chine, …). C’est Marie Cheval, ancienne DG de Boursorama, qui devient directrice de la transformation digitale. Quant au partenariat avec Fnac-Darty, dont Alexandre Bompard était auparavant PDG, fera-t-il revenir les ebooks et la VOD chez Carrefour ? @