Les droits d’auteur dans le monde en 2015 vont franchir la barre des 8 milliards d’euros

Lorsque la puissante Cisac, qui réunit 230 sociétés de gestion collective dans le monde (musique, audiovisuel, livre, …), publiera l’an prochain les perceptions de cette année 2015, elle fêtera ses 90 ans et 8 milliards d’euros de droits perçus – les revenus numériques se rapprochant de 1 milliard.

Selon les estimations de Edition Multimédi@, les revenus numériques des droits d’auteur dans le monde devrait durant cette année 2015 s’approcher encore plus près de 1 milliard d’euros sur le total des perceptions qui franchira, lui, la barre des 8 milliards d’euros. Comme la croissance des revenus du numériques perçus par les 230 sociétés de gestion collective – telles que, pour la France, la Sacem, la SACD, la Scam, ou encore la SGDL – se situe entre 20 % et 30 % par an, il y a fort à parier que les revenus numériques mondiaux des droits d’auteurs des industries culturelles devraient atteindre cette année entre 620 et 670 millions d’euros, contre les 515,7 millions perçus au titre de l’année 2014 (+ 20,2 % sur un an).

Numérique : 620 à 670 M€ en 2015
A ce rythme, toujours selon nos calculs et en prenant l’hypothèse haute de croissance, la barre du milliard d’euros devait être franchie au cours de l’année 2017. Sans attendre ce franchissement qui sera historique pour les industries culturelles, lesquelles s’estiment pourtant malmenées par la déferlante numérique, la Confédération internationale des droits d’auteurs et compositeurs (Cisac) se félicite déjà des nouvelles performances du numérique – à commencer par son président depuis 2013, le compositeur et musicien électronique, Jean-Michel Jarre (photo) : « Les revenus liés aux utilisations numériques ont progressé. (…) Nous, les créateurs, soutenons nos sociétés qui s’adaptent progressivement aux nouvelles conditions du marché afin d’augmenter encore davantage leurs perceptions en dépit des forces commerciales colossales qui font baisser la valeur de nos œuvres créatives », écrit-il dans son avant-propos du rapport annuel sur les droits perçus dans le monde, publié le 27 octobre dernier. Le compositeur et producteur, qui a sorti en octobre son dix-huitième album
(« Electronica 1 : The Time Machine ») commercialisé par Columbia/Sony Music et notamment sur iTunes d’Apple, Amazon et Spotify, fait allusion implicitement aux plateformes numériques et au streaming qui – selon les ayants droit – les rémunèreraient insuffisamment. « Si les politiques privilégient trop les bénéfices
des grands acteurs d’Internet et du secteur des télécoms, les créateurs – moteurs essentiels de l’innovation et de la croissance économique – devront embrasser une autre profession et nous y perdrons tous », avait déjà écrit Jean-Michel Jarre en introduction introduction du rapport d’activité 2015 de la Cisac, à l’occasion de son assemblée général annuelle de juin dernier. Les 515,7 millions d’euros collectés durant l’année 2014 grâce au « numérique & multimédia » (selon la terminologie de la Cisac) représentent tout de même déjà 6,5 % du total des sommes perçues (7,935 milliards d’euros précisément). Et pour Eric Baptiste, qui est, lui, président du conseil d’administration de la confédération et directeur de la Socan (la Sacem canadienne),
le meilleur est à venir grâce au streaming : « Nous avons peut-être atteint, pour la première fois, le point de basculement en termes de hausse des revenus ».
Si cette collecte est censée représenter les droits numériques de 4 millions de créateurs, elle ne concerne encore en réalité que la musique à 99 % (voir tableau p. 10) – le 1% restant étant réparti entre les auteurs de films, de livres, de peintures, de poèmes ou d’illustrations. Non pas que ces autres auteurs ne voient rien venir de la gestion collective de leurs droits numériques, mais parce que ces droits ne sont pas distinctement identifiés dans les données fournies par les sociétés membres de la Cisac. Résultat : la part des perceptions issues du numérique peut dès lors à ce titre être considérée comme sous-estimée par la confédération (1). La Cisac, qui fêtera l’an prochain ses 90 ans (pour avoir été créée en 1926), est installée en France à Neuilly-sur-Seine, à côté de la Sacem qui en est membre.

« Compensation » : taxer les GAFA
Membre de la Cisac, la Sacem prône – dans le cadre de la révision de la directive européenne «DADVSI » sur le droit d’auteur – une « compensation équitable » au profit des titulaires de droit, « laquelle serait supportée par certains intermédiaires techniques de l’Internet » (2).
Pour les sociétés de gestion collective, qui en assureraient la gestion, cette taxe prélevée sur les plateformes du Web (YouTube, Dailymotion, Facebook, Yahoo, …), serait justifiée pour compenser ce qu’elles estiment être « le préjudice subi par les ayants droit » en raison du statut d’hébergeur à responsabilité limité (3) de ces acteurs du Net par rapport au piratage sur Internet. « Les créateurs n’ont rien contre les nouvelles technologies », avait cependant lancé le pionnier de la musique électronique, lors de l’assemblée générale de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi) en septembre 2014. @

Charles de Laubier

Ubisoft et Gameloft : à quoi joue vraiment Vivendi

En fait. Le 14 octobre, Vivendi annonce qu’il entre au capital de d’Ubisoft et
de Gameloft, participations portées le 20 octobre à respectivement 10,39 % et 10,20 %. Les frères Guillemot, fondateurs des deux sociétés françaises de jeux vidéo (Yves et Michel étant leur PDG), cherche à contrer l’OPA hostile.

En clair. C’est Guillemot contre Bolloré. C’est cinq contre un : les cinq frère Guillemot – Yves, Claude, Michel, Gérard et Christian (lesquels détiennent 9% du capital et 16 % des droits de vote de la société cotée) – contre le milliardaire Vincent Bolloré, président du conseil de surveillance du Vivendi, lequel s’est emparé à la hussarde, et coup sur coup en moins d’une semaine, d’un peu plus de 10 % dans le capital de chacune de leur société de jeux vidéo. Ubisoft Entertainment est le numéro trois mondial des jeux vidéo (« Assassin’s Creed », « Les Lapins Crétins », «Watch Dogs », …), valorisé près de 3 milliards d’euros. Le groupe familial, qui fêtera ses 30 ans l’an prochain, fut fondé par Yves Guillemot, son actuel PDG.

Gameloft a été fondé il y a plus de 15 ans, par Michel Guillemot, son actuel PDG.
« Nous allons étudier toutes les options possibles, y compris auprès de nouveaux partenaires. Cela pourrait par exemple être des acteurs qui créent des plates-formes et qui ont besoin de contenus », a indiqué le 28 octobre Yves Guillemot, dans Les Echos, en dénonçant l’« agression » dont faisait l’objet son groupe. Pour lui, Vincent Bolloré se comporte « comme un activiste ». Il estime en outre que « Vivendi a un conflit d’intérêt avec Ubisoft car il détient 6 % du capital d’un concurrent Activision Blizzard ». Avant que Vincent Bolloré n’en prenne les rênes, Vivendi avait vendu en 2013 la majeur partie de ses parts dans Activision Blizzard – numéro un mondial des jeux vidéo, devant Electronic Arts et Ubisoft – pour un total cumulé de plus de 10 milliards de dollars (1). Vivendi ne détient plus que 6 % d’Activision.

Mais pourquoi avoir fermé la porte du jeu vidéo en vendant Activision, dont les franchises et licences sont mondialement connues telles que « Call of Duty »,
« Skylanders », «World of Warcraft » ou encore « Diablo » (2), si c’est pour revenir deux ans après sur ce marché par la fenêtre ?

A l’époque, Vivendi affichait encore 13,4 milliards d’euros de dette. Ce qui l’aurait poussé à sacrifier Activision – pourtant rentable (la plus rentable alors des activités médias) – sur l’autel du désendettement (3)… Cette fois, avec Ubisoft- Gameloft, le conglomérat français recentré sur les contenus (Canal+, Universal Music, Dailymotion, D8/D17, iTélé, …) veut-il faire un coup financier ou construire un vrai projet industriel ? Faites vos jeux… @

 

Gilles Pélisson : des synergies TF1-Bouygues Telecom ?

En fait. Le 28 octobre, Gilles Pélisson a été désigné successeur – à partir de mi-février 2016 – de Nonce Paolini à la tête de TF1, lequel était PDG depuis juillet 2008. Mais cet ancien de Bouygues Telecom (2001-2005) ne dit pas s’il est chargé de trouver enfin des synergies avec la filiale télécoms.

En clair. Martin Bouygues confira-t-il à Gilles Pélisson une mission « convergence » similaire à celle dont il avait chargée Nonce Paolini en 2009 ? Le PDG du groupe Bouygues avait en effet demandé il y a six ans de « mener une réflexion approfondie sur la convergence (entre l’Internet, l’activité des médias et celle de la téléphonie fixe ou mobile) » et d’« élaborer des stratégies et des propositions d’organisation pour réussir cette convergence ». Le patron de TF1, Nonce Paolini, avait même perçu pour cette « mission supplémentaire » 145.000 euros (1). On connaît la suite : les synergies entre la chaîne de télévision et l’opérateur télécoms s’en tiennent au stricte minimum telles que la diffusion de TF1 sur la Bbox, la présence du portail MyTF1 sur cette même box, dont le service de VOD et de catch up TV. A part cela, pas grand chose.

Nonce Paolini s’en est tenu à la « stratégie multi-supports » (IPTV, player TF1 sur mobile, MyTF1, MyTF1VOD et TV de rattrapage) qu’il avait esquissée dès octobre 2009 – la veille de l’éviction de son prédécesseur à l’époque, Axel Duroux (2) – lors d’un colloque NPA Conseil sur l’audiovisuel. Ce dernier ne croyait d’ailleurs ni à la diversification de TF1 sur Internet ni, à l’instar de Le Lay et Mougeotte, à la TNT.
La « convergence » entre TF1 et Bouygues Telecom n’a donc pas été plus loin, se résumant à des relations classiques entre fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et chaîne de télévision, au même titre que M6, Canal+ ou encore Netflix.

Reste à savoir si avec Gilles Pélisson, dont la prise de fonction est fixée au 19 février 2016 (deux jours après son officialisation comme PDG), les relations de bon voisinage entre TF1 et Bouygues Telecom seront renforcées. Avec Nonce Paolini, qui restera
à ses côtés jusqu’à cette passation de pouvoir, il aura l’occasion de parler « conver-
gence ». D’autant que les deux hommes se connaissent bien : Gilles Pélisson fut DG puis PDG de Bouygues Telecom de 2001 à 2005, et travaille justement avec Nonce Paolini qui est alors directeur général délégué de l’opérateur télécoms.

Gilles Pélisson est aussi membre indépendant du conseil d’administration de TF1 depuis 2009 et son le nom a circulé parmi d’autres pour la succession à TF1. Mais pour qu’il y ait un renforcement de synergies, encore faut-il que le tandem Gilles Pélisson-Olivier Roussat (3) le veuille. @

Rencontres du cinéma à Dijon : Action ou Coupez ?

En fait. Du 22 au 24 octobre derniers, se sont tenues les 10es Rencontres cinématographiques de Dijon (25es si l’on y ajoutent celles de Beaune auparavant), organisées par l’ARP, société civile des Auteurs- Réalisateurs-Producteurs. Edition Multimédi@, qui y était, a constaté une certaine fébrilité.

En clair. Malgré les engagements de ses deux plus grands argentiers, Canal+ et France Télévisions, le cinéma français s’inquiète plus que jamais pour son avenir,
au point d’en être fébrile. « On sort des trente glorieuses du cinéma », a lancé Michel Hazanavicius, réalisateur-producteur (« The Artist » entre autres) et vice-président
de l’ARP. Alors que les mémoires « A mi-parcours » d’André Rousselet, le fondateur
de Canal+, sortaient en librairie (1) au moment même de ces 25es Rencontres cinématographiques, rappelons qu’il a trente ans le cinéma craignait déjà le pire avec le lancement à cette époque de « la chaîne du cinéma ». Les professionnels de la « filière ‘cinéma », avec lesquels André Rousselet se rappelle « des discussions complexes, et qui seront parfois houleuses », pensaient que la quatrième chaîne cryptée voulue par François Mitterrand allait vider les salles de cinéma. Il n’en fut rien. Trois décennies plus tard : rebelote ! Internet est le « Canal+ » d’aujourd’hui : une menace pour les salles et tout l’écosystème du cinéma. « Le préambule doit être sur le vol de films sur Internet. (…) Tant qu’il n’y aura pas quelque de chose de sûr contre la piraterie, cela sera compliqué de parler d’offre légale », a prévenu Michel Hazanavicius, qui a lancé le 5 novembre avec d’autres cinéastes LaCinetek, un site de VOD consacré aux « films classiques ». Pour abonder, Maxime Saada, le nouveau DG du groupe Canal+, a affirmé que la chaîne cryptée a «un manque à gagner d’à peu près 500.000 abonnés, soit 10 % de notre parc, à cause du piratage ». Le successeur de Rodolphe Belmer (depuis juillet) a même ajouté que « lorsque l’on aura réglé le problème du piratage,
on pourra rediscuter de la chronologie des médias, … dans dix ans, dans cinq, même dans deux ans »… Il est même catégorique : il n’a pas de sens économique « à introduire dans la chronologie des médias des exploitations par Internet » : « Y a-t-il
un marché ? Je ne le crois pas ». Fermez le ban ! Quant aux GAFA, ils sont accusés
de faire du cinéma un produit d’appel sans contribuer à son financement – « grâce » à leur statut d’hébergeur. La menace vient aussi de la Commission européenne, dont la réforme en cours du droit d’auteurs est agitée comme un épouvantail. Seule invitée, l’eurodéputée Viviane Reding (2) : elle a tenté de rassurer en disant que « cette réforme n’ira pas droit dans le mur parce qu’elle n’aura pas lieu ! ». La territorialisation des droits ne sera pas remis en cause. @

Média public d’information en continu : radio filmée

En fait. Le 3 novembre, se tenait le 22e colloque NPA-Le Figaro sur le thème :
« Vers la société de l’omnimedia ? ». Intervenait notamment Frédéric Schlesinger, directeur délégué aux antennes et aux programmes de Radio France : il a esquissé ce que pourrait être la chaîne d’information en continu avec France Télévisions.

En clair. M-10. C’est dans dix mois, en septembre 2016, que sera lancé le médias public d’information en continu auquel réfléchissent ensemble Mathieu Gallet et Delphine Ernotte, respectivement PDG de Radio France et présidente de France Télévisions. Le compte à rebours est largement engagé : « Il faut qu’avant la fin de l’année, au plus tard le 15 décembre, nous soyons absolument d’accord sur le concept, sur le projet qu’il faudra partager et porter ensemble. Il reste donc un grand mois de travail pour parvenir à cet accord, à cette mutualité. Si les fondamentaux ne sont pas posés à Noël, il sera impossible de démarrer au mois de septembre 2016 », a prévenu Frédéric Schlesinger, directeur délégué aux antennes et aux programmes de Radio France.
Ce sont Laurent Guimier, directeur de France Info, et Germain Dagognet, directeur délégué à l’information de France Télévisions, qui pilotent ce projet commun voulu
par Mathieu Gallet et Rémy Pflimlin (prédécesseur de Delphine Ernotte), après que le rapport Schwartz de février 2015 sur France Télévisions ait épinglé la volonté initiale des deux groupes publics de lancer chacun son média d’information en continu…

Quoi qu’il en soit, ce projet commun préfigure-t-il l’idée d’un grand service public audiovisuel, pas seulement limité au numérique ? François Hollande en a rêvé dès
fin 2013 (1) (*), le tandem Gallet-Ernotte le fera-t-il ?
La Belgique fait office de modèle, où « l’ORTF existe toujours ! » : dixit Frédéric Schlesinger. « La RTBF, c’est la radio et la télé, explique-t-il. Elle s’est mise à réfléchir sur les mêmes bases que notre propre réflexion sur un média d’information en continu du service public : sera-t-il piloté par la télévision ou par la radio ? Il y a là aussi une obligation de maîtrise des coûts mais il ne s’agit pas de faire du low cost. Finalement,
la RTBF a décidé que la radio allait piloter l’offre d’information en continu du service public en Belgique. C’est en filmant la radio – je ne parle pas de “radio filmée” – qu’ils continuent d’offrir une radio, VivaCité, qui reste de la radio, et cette même radio qui, quand on la voit par l’image, devient une télévision d’information en continu, réellement, qui réinvente des codes de proximités et de ressemblances – de miroirs ». Questionné à propos de BFM Business, partant d’une radio devenue aussi télé, il répond : « Oui, c’est aussi un bon modèle ». @