Ce que disait Dominique Baudis il y a près de dix ans

En fait. Le 15 avril, ont eu lieu les obsèques de Dominique Baudis décédé le 3 avril. Ancien journaliste (débuts au Liban en 1971 pour l’ORTF) et présentateur du JT sur TF1 puis FR3, il fut – après 18 ans de politique – président du CSA. Alors aux Echos, l’auteur de ces lignes l’avait interviewé en 2005.

En clair. « C’est au législateur de préciser jusqu’où peut aller le CSA (1), notamment
dans le cas de la vidéo à la demande et des contenus sur Internet. Autant le site web d’une chaîne ou d’une radio est soumis aux mêmes obligations de contenu que sa ‘’maison mère’’, autant la capacité d’intervention du CSA n’est pas extensible à tous
les services interactifs ». Ainsi s’exprimait Dominique Baudis, alors président du CSA depuis janvier 2001, dans une interview accordée à Charles de Laubier pour La lettre des Télécommunications du groupe Les Echos parue en octobre 2005. « Entre une liberté totale sur le web (Etats-Unis) et le risque autoritaire de censure du web (Chine), je pense qu’il y a place en Europe pour une régulation mesurée des contenus ».

A l’époque, YouTube n’avait que cinq mois d’existence et sera racheté l’année suivante par Google ; Dailymotion faisait aussi ses premiers pas et tombait ensuite dans l’escarcelle d’Orange ; la vidéo en ligne sur Internet commençait à peine à émerger ;
la vidéo à la demande (VOD), la télévision de rattrapage (catch up TV) et plus largement les services de médias audiovisuels à la demande (SMAd) étaient anecdotiques ; les web TV et les webradios aussi. « Aux nouveaux services, dits ‘’non linéaires’’, il nous semble important de leur appliquer les principes fondamentaux du droit de l’audiovisuel (protection des mineurs et de la dignité humaine notamment) et
de trouver des moyens adaptés pour les inciter à promouvoir les oeuvres européennes (en termes d’investissement ou de catalogue, par exemple) », avait-il expliqué. Ce n’est qu’avec la loi du 5 mars 2009 que les SMAd relèveront des compétences du CSA (2).
A ceci près que la définition de SMAd est limitée – encore aujourd’hui – aux services de type VOD ou TV de rattrapage. Ce qui exclut la vidéo en ligne et, partant, les grandes plates-formes de partage vidéo. Ce que souhaiterait changer aujourd’hui le CSA (3) (*).

Dominique Baudis fut un Européen convaincu, élu eurodéputé à partir de 1984. « Je suis pour ma part favorable à l’idée d’une régulation européenne (…). (…) Il nous semble important que les services non linéaires soient inclus dans la directive ‘’Télévision sans frontières’’ [future directive « SMA », ndlr] ». Quant à la chronologie des médias, elle devait selon lui « s’adapter » – déjà ! Elle le fut un peu avec les accords de 2009. Elle doit à nouveau être réformée… @

SFR-Numericable et Bouygues face à Orange et Free

En fait. Le 7 avril, le directeur financier de Vivendi, Hervé Philippe, a indiqué – lors d’une conférence téléphonique pour les analyses – que la cession de SFR à Altice-Numericable sera clôturée fin 2014, voire début 2015, si l’Autorité de la concurrence prend plus de temps pour rendre sa décision.

En clair. Un oligopole peut cacher une hydre à trois têtes… C’est en effet la crainte de Xavier Niel, le fondateur de Free et actionnaire majoritaire, qui de son côté n’exclut pas par ailleurs de s’emparer de Bouygues Telecom (1). « Si Altice rachetait SFR, on se retrouverait dans un scénario dans lequel Numericable, SFR et Bouygues Telecom – grâce à l’accord de mutualisation entre les deux derniers – feraient une seule et même entité », avait-il alerté dès le 10 mars.
C’est en effet le 28 février de cette année que SFR et Bouygues Telecom ont annoncé
un accord de mutualisation d’une partie de leurs réseaux mobiles, via la création d’une coentreprise, afin de couvrir ensemble 57 % de la population française d’ici 2017.
Et cet accord SFR-Bouygues ne devrait pas être remis en question après la fusion SFR-Numericable, selon Jean-René Fourtou, président du conseil de surveillance de Vivendi (2) : « Bouygues Telecom demeure un partenaire sérieux avec lequel nous devons travailler et la cession de SFR n’est pas un motif de rupture du contrat de mutualisation », a-t-il déclaré le 7 avril dans une interview aux Echos. C’est ce que pense aussi Patrick Drahi, le patron d’Altice, lequel rappelle au passage qu’il n’y a pas seulement le récent accord de mutualisation mobile SFR-Bouygues Telecom mais aussi les engagements
de décembre 2010 de coinvestissement dans les zones très denses pour le déploiement de la fibre optique en France. En outre, Bouygues Telecom s’appuie depuis 2009 sur le réseau câblé de Numericable, lequel est depuis 2010 MVNO sur le réseau de Bouygues Telecom. Ironie de l’histoire, c’est il y a exactement deux ans que SFR avait attaqué Bouygues Telecom devant le tribunal de commerce de Paris pour concurrence déloyale, lui reprochant d’utiliser le terme « fibre » pour désigner le câble.

Mais Free n’est pas le seul à s’inquiéter de l’imbrication entre SFR, Numericable et Bouygues Telecom. Orange est aussi préoccupé comme l’a manifesté Stéphane Richard, son PDG, le 14 mars : « Le rapprochement SFR-Numericable pourrait créer une position concurrentielle déséquilibrée (…) sur le mobile, le fixe et les contenus ». C’est en effet aussi sur les contenus – notamment la distribution de chaînes de télévision – que l’Autorité de la concurrence devra être vigilante. Par exemple, Numericable bénéficie pour sa box de 40 à 80 chaînes (selon le forfait) « en exclusivité partagée avec CanalSat ». @

Cookies : après la concertation, la Cnil veille maintenant au respect de ses recommandations

La Cnil, qui a récemment reçu les professionnels et les éditeurs de services en ligne sur le bon usage des cookies, a prévenu qu’elle allait redoubler de vigilance ces prochaines semaines pour s’assurer du bon respect de ses recommandations et de l’accord préalable de chaque internaute.

Par Etienne Drouard, avocat associé, cabinet K&L Gates LLP

Etienne DrouardLa Cnil (1) a publié en décembre 2013 une série de recommandations assorties d’observations et de fiches pratiques sur la régulation française des fichiers cookies et autres traceurs. Ces fichiers, enregistrés dans le terminal d’un utilisateur lors de
la visite d’une page les contenant, sont au cœur de la mesure d’audience, de la publicité interactive et comportementale ainsi que du commerce électronique.

De la concertation à la réglementation précise
Ces cookies permettent de mesurer l’audience des services, d’identifier un terminal
lors de diverses connexions successives, de constituer un panier de commande, etc.
Ils fondent de nombreux modèles économiques et contribuent à la performance économique et éditoriale des services en ligne.
La publication par la Cnil de ces divers documents d’interprétation est intervenue près de deux ans et demi après la modification par voie d’ordonnance (2) de l’article 32.II
de la loi Informatique & Libertés de 1978, lui-même issu de l’article 5§3 de la directive européenne Vie privée et communications électroniques de 2002 modifiée en 2009 (7).

Les acteurs français de la publicité sur Internet s’étaient très tôt dotés de lignes directrices sur l’application de la réglementation européenne, tout d’abord par l’élaboration d’une charte « Publicité ciblée et protection des utilisateurs » signée le
30 septembre 2010 sous l’égide de l’Union française du marketing direct & digital (UFMD) (8). Ensuite, par l’adoption sous l’égide de l’UFMD en avril 2012, d’un « Guide de bonnes pratiques sur l’utilisation des cookies publicitaires », fournissant des recommandations pratiques sur les modalités d’application de l’article 32.II. La Cnil avait, en mai 2012, invité l’UFMD à participer à des travaux d’échanges et de concertation destiné à réduire les écarts d’interprétation qui s’étaient creusés entre l’analyse des associations professionnelles et la doctrine stricte exprimée par la Cnil
et ses homologues depuis 2010, exigeant un consentement explicite, préalable et discrétionnaire des internautes à l’utilisation des cookies à des fins publicitaire et d’analyse comportementale (9). Cette concertation s’est déroulée entre les mois de
juin 2012 et novembre 2013. Elle a conduit la Cnil à adopter des recommandations concrètes synthétisant les points essentiels de consensus dégagés avec les associations professionnelles concernées. L’article 32.II prévoit que le dépôt de cookies et l’accès à des informations stockées dans le terminal, ne peuvent avoir lieu « qu’à condition que l’abonné ou la personne utilisatrice ait exprimé son accord », après avoir reçu des informations prévues par la loi (10). Cet article ne détermine pas de manière précise les modalités d’accord. Le législateur a donc ouvert à toutes les solutions et évolutions technologiques les modalités d’expression des choix des utilisateurs, à condition que ces derniers en conservent la maîtrise.

Poursuivre sa navigation vaut accord
• Etape 1 : un bandeau d’information immédiatement visible lors d’une première visite.
La CNIL requiert l’affichage d’un bandeau informant l’internaute : des finalités des cookies présents sur le service visité, du fait que la poursuite de la navigation vaudra accord à l’enregistrement de cookies, qu’il dispose de moyens lui permettant de refuser les cookies. La notion de « service visité » correspond à une même URL principale. La formule préconisée par la Cnil et qui peut être adaptée selon l’ergonomie des écrans des terminaux et les finalités d’utilisation des cookies, est la suivante : « En poursuivant votre navigation, vous acceptez l’utilisation de cookies pour vous proposer des services et offres adaptés à vos centres d’intérêts et mesurer la fréquentation de nos services. Pour en savoir plus et paramétrer les cookies… (11) ». Le bandeau peut n’apparaître que lors de la première visite du service, mais il doit être distinct du contenu du service visité et être visible immédiatement, sans action de l’utilisateur, c’est-àdire sans avoir à « scroller » une page ni à effectuer aucune action lors de la première visite.
• Etape 2 : un lien cliquable depuis le bandeau d’information. Le bandeau d’information doit comporter un lien cliquable permettant à l’internaute d’exprimer ses choix à travers les paramètres de son navigateur ou d’un mécanisme de choix sur les finalités de cookies acceptés ou refusés par l’internaute (12). Le lien figurant au sein du bandeau d’information doit permettre à l’internaute, avant de poursuivre sa navigation, de consulter une seconde étape d’information décrivant : les finalités détaillées d’utilisation des cookies, les cookies utilisés pour des opérations de publicité ciblée, les cookies permettant d’identifier un utilisateur de réseaux sociaux avec un bouton de « partage », les cookies de mesure individualisée de l’audience mais pas tous (voir plus loin).

Tous les cookies ne sont pas concernés
Qui doit informer l’internaute ? Chaque émetteur de cookie : il s’agit, au premier chef,
de l’éditeur du service visité, qui doit informer les personnes des finalités des cookies présents sur le service visité, émis par ledit éditeur ou par des tiers, ainsi que des
moyens d’opposition pour les cookies « non nécessaires » au service. Il s’agit également des acteurs suivants (13) : la régie publicitaire, les adservers et membres de réseaux d’adexchange, les agences media, les annonceurs, les éditeurs de réseaux sociaux, les fournisseurs de solutions de mesure d’audience, etc.
Quant au « timing » de dépose des cookies, il est soumis à « l’accord » de l’internaute.
S’il poursuit sa navigation, l’internaute est réputé accepter les cookies et le bandeau d’information peut alors disparaître. A contrario, la dépose/lecture des cookies soumis
à l’accord de l’internaute est subordonnée à la poursuite de sa navigation, laquelle consiste en une action positive de navigation : clic, accès à une page secondaire, scroll, etc. En conséquence, l’inaction totale de l’internaute n’est pas un élément de poursuite de sa navigation (14). Cependant, certains cookies ne sont pas soumis à l’accord ou à la navigation active de l’internaute. Selon les recommandations de la Cnil, les cookies
qui n’ont pas à être acceptés, refusés ou retardés jusqu’à un acte de navigation de l’internaute, sont les suivants :
• Les cookies nécessaires au fonctionnement du service souhaité. Il s’agit des cookies de gestion d’un panier d’achat et d’authentification mémorisant les droits d’accès d’un utilisateur. Il s’agit également des cookies persistants d’adaptation d’un service aux spécificités d’un terminal (langue, système d’exploitation).
• Les cookies de mesure d’audience en vue d’établir des statistiques et dont la durée de validité est limitée dans le temps.
• Les cookies « de session », qui peuvent inclure ceux créés par un lecteur multimédia ou pour l’équilibrage de charge du service visité.
• Les cookies persistants, limités à quelques heures. Ces divers types de cookies peuvent donc être déposés lors du chargement de la page visitée, sans attendre la poursuite de la navigation et sans besoin du bandeau d’information. Mais des difficultés d’application et des questions ont été laissées en suspens par la Cnil.

Les éditeurs, dont les services en ligne contiennent des cookies qu’ils émettent eux-mêmes ou que des tiers ont émis, doivent interroger ces tiers sur les finalités des cookies déposés par ces derniers, afin de pouvoir en informer les internautes. Pour ce faire, les éditeurs doivent donc identifier, analyser et décrire les cookies présents sur leurs propres pages, afin de déterminer s’ils sont ou ne sont pas soumis à l’exigence
de l’accord de l’internaute. De cette analyse dépend la faculté pour l’éditeur de gérer
le moment de dépose de chaque cookie et, le cas échéant, de retarder la dépose
des cookies soumis à l’accord de l’internaute à un acte de navigation de ce dernier.
Or les éditeurs de services ne sont pas toujours en mesure de paramétrer le moment de dépose des cookies émis par des tiers sur les pages de leurs services, ne serait-ce que pour les cookies rattachés à l’utilisation des réseaux sociaux. De surcroît, les éditeurs peuvent ne pas être en mesure de retarder le dépôt des cookies qu’ils émettent et qui sont soumis à l’accord de l’internaute ou à sa navigation active au sein de leurs services.
Sur ce point, les éditeurs de services et les acteurs de l’écosystème de la mesure d’audience et de la publicité doivent évaluer non seulement leur capacité à se conformer aux recommandations de la Cnil sur le « timing » de dépose des cookies, mais surtout le risque résiduel (perte de chiffre d’affaires notamment) résultant de leur incapacité à s’y conformer parfaitement (ou de leur décision de ne pas s’y conformer). La Cnil sera, à n’en pas douter, vigilante dans les semaines qui viennent et ne manquera pas de rappeler des acteurs au meilleur respect de ses recommandations, lesquelles, certes, n’ont pas de portée juridique obligatoire.

Les sanctions possibles de la Cnil
Néanmoins, ces recommandations synthétisent la doctrine de la Cnil et aucun acteur économique ne saurait prendre sereinement le risque médiatique de faire les frais d’une critique publique de cette autorité administrative indépendante – voire d’une amende pour une contravention de la 5e classe (15). L’esprit de concertation dans lequel la Cnil s’était engagée a conduit à des aménagements qui fonctionnent et permettent une bien meilleure information des personnes, à charge pour elles de faire leurs choix. Espérons que cet esprit de concertation perdurera. @

Etienne Drouard a coordonné pour l’UFMD les concertations avec la Cnil. Il est, par ailleurs, président de la commission « Enjeux réglementaires » du Geste (Groupement des éditeurs de services en ligne), lequel publiera le 30 avril 2014 son « livre blanc » de recommandations sur les cookies.

Le rapport Françaix prépare l’AFP à la conquête du Net

En fait. Le 15 avril dernier, le député PS Michel Françaix a remis au Premier ministre Manuel Valls son rapport sur « l’avenir de l’Agence France-Presse » proposant de créer une « filiale technique de moyens », de droit privé et contrôlée par l’AFP avec des financements publics, et de changer la gouvernance.

Emmanuel HoogEn clair. Les représentants de la presse écrite au conseil d’administration de l’AFP, lesquels ont toujours été hostiles aux ambitions affichées par son PDG Emmanuel Hoog (photo) en faveur d’un développement de dépêches sur Internet et les mobiles (1), auront moins leur mot à dire.
Parmi les objectifs du rapport Françaix : « Qu’aucun collège
de membres [du conseil d’administration de l’AFP] ne dispose,
à lui seul, d’une majorité simple ». Il propose même qu’aux côtés des trois collèges actuels (presse, Etat-audiovisuel public et salariés) soient nommés « 5 à 7 nouveaux membres » non clients de l’AFP.

De plus en plus de dépêches directement sur Internet
Parmi eux, certaines « personnalités » devront faire preuve de « familiarité avec la transition numérique et les technologies de l’information et de la communication ». Pour ce faire, le poids des éditeurs de journaux – historiquement surreprésentés – serait allégé. « La présence de grands professionnels de la presse – dans leur diversité – est éclairante et légitime. Je crois qu’elle peut néanmoins se réduire, pour n’être plus, comme aujourd’hui, majoritaire. Elle pourrait ainsi passer de 8 membres (sur 15 nommés) à 5 ou 6, nommés dans les mêmes conditions qu’actuellement », explique Michel Françaix.
De plus, il propose que le PDG soit élu pour 5 ans au lieu de 3 ans. Ce qui laisserait les coudées franches à Emmanuel Hoog (élu jusqu’en avril 2016) pour mener à bien des projets multimédias. D’autant que l’AFP a prévu d’investir 34,4 millions d’euros dans
les nouvelles technologies de 2014 à 2018 dans le cadre de son COM (2) en cours de discussion avec l’Etat, et que la Commission européenne a validé le 27 mars dernier
les aides d’Etat à l’AFP au titre de ses «missions d’intérêt général ».

En préconisant surtout la création d’une « filiale technique de moyens », de droit privé et contrôlée par l’AFP avec jusqu’à 36 millions d’euros de financements publics (CDC, BPI France), le rapport Françaix va permettre à Emmanuel Hoog de développer « l’Agence » sur Internet, la vidéo et les mobiles (3). « Il s’agit maintenant de disposer des outils et leviers permettant d’investir pour l’avenir et d’accompagner les mutations historiques que connaît le secteur de l’information », s’est-il réjouit le 15 avril. Réélu il y a un an à la présidence de l’AFP, il avait déclaré que « la vidéo, le multimédia et le sport sont plus que jamais les relais de croissance ». @

A défaut d’avoir des offres de films et de séries premium sur Internet, en OTT, le piratage menace

L’étude de l’Idate sur « les stratégies OTT des ayants droits de contenu premium » montre que l’industrie du cinéma est en retard par rapport au monde du sport dans l’offre de contenus premium sur le Net. Et pour cause : barrières et réticences y sont plus nombreuses. Au profit du piratage ?

Florence Le BorgneSi la télévision contribue encore « assez largement » aux revenus générés par les studios de cinéma et les ligues sportives – « de l’ordre de 20% en moyenne », précise l’Idate (1) –, les offres dites OTT (Over-The-Top) de contenus premium sur Internet commencent à générer des « revenus supplémentaires » pour les détenteurs de droits sur les films, les séries télé ou les événements sportifs.

Emprise de la distribution traditionnelle
Pour peu que ces contenus premium le soient effectivement, à savoir les films et séries télé « en première exclusivité » ainsi que les retransmissions d’événements sportifs majeurs, les ayants droits (majors du cinéma et grandes ligues sportives en tête) peuvent espérer toucher une part bien plus importante de revenus provenant du marché final : « Jusqu’à 92 % de la valeur pour une distribution en direct contre 28 % dans le schéma classique actuel », souligne l’étude dirigée par Florence Le Borgne (photo), consultante à l’Idate.

Pourtant, contrairement au secteur sportif qui s’est plus investi sur Internet pour valoriser ses droits de retransmission des événements (football, rugby, tennis, sports mécaniques, …), le secteur du cinéma affiche un retard flagrant en matière de stratégie en ligne. « La chronologie des médias, réglementaire ou contractuelle, limite les possibilités pour les ayants droits de fiction de se lancer dans une stratégie OTT agressive, susceptible de concurrencer directement les distributeurs traditionnels qui leur assurent l’essentiel de leurs revenus (salles de cinéma, exploitation DVD, chaînes de TV). Les plus gros studios adoptent des démarches prudentes, s’adaptant aux contraintes et aux spécificités des marchés géographiques. Les indépendants privilégient une distribution OTT via des plates-formes existantes, faute de moyens financiers pour organiser eux-mêmes la distribution de leurs contenus en ligne », observe l’Idate.
Interrogée par Edition Multimédi@ sur les risques de piratage qu’entraînent ces barrières et ces réticences, Florence Le Borgne en convient : « Nous partageons
en effet le constat que les ‘’fenêtres vides’’ de la chronologie des médias sont une incitation forte au piratage des contenus sur Internet et qu’il vaut mieux occuper ces espaces libres via des offres légales que de laisser la porte ouverte au piratage », nous dit-elle. Un seul passage de l’étude de l’Idate évoque cette question du piratage, à propos de Hulu, la plate-forme pionnière du streaming VOD co-créée en 2007 par des majors américaines (Walt Disney, NBC Universal, Fox, …) et considérée comme étant
« l’initiative OTT la plus avancée » des studios hollywoodiens. « Les services Hulu et Hulu Plus ne constituent en aucun cas une tentative de désintermédiation des canaux traditionnels mais bien une offre complémentaire visant en partie à valoriser des titres de catalogue ainsi qu’à contrer le piratage de leurs œuvres », précise l’étude. Si l’on extrapole cette remarque de bon sens, c’est à se demander pourquoi tous les ayants droits du cinéma ne devraient pas en faire autant, à l’instar par exemple de Walt Disney qui, en plus de Hulu, déploie une stratégie OTT propre sur les plates-formes UltraViolet, Warner VOD, iTunes, Xbox Video, Playstation Store ou encore Google Play. Ou encore à l’instar du studio canadien Lionsgate qui distribue une partie de ses contenus en mode payant sur YouTube, en plus de iTunes, Amazon, Vudu et Flixter. Quant à la démarche OTT de Wild Bunch, société française indépendante de distribution et de coproduction de films (2), elle est une des rares en France avec sa filiale FilmoTV (3). La chronologie des médias, qui régit les « fenêtres » successives de diffusion des nouveaux films (salle, DVD/VOD, chaînes payantes, SVOD, chaînes gratuites), apparaît comme l’une des principales « barrières » au développement des offres
OTT de cinéma à la demande. « Formalisée sur la base des canaux de distribution historiques, la chronologie des médias reste un outil défensif pour les acteurs traditionnels face à l’apparition des offres à la demande. (…) Elle limite alors l’accès
au contenu frais, par exemple pour les services de SVOD. On remarque ainsi une certaine atrophie du marché de la vidéo à la demande en général, et de l’OTT
en particulier, en France et en Allemagne », constate l’Idate (4).

Les freins de la chronologie des médias
Résultat : les fenêtres de diffusion (assorties de gels des droits) imposées aux nouveaux films limitent l’attractivité d’une éventuelle distribution en direct des œuvres cinématographiques par leurs ayants droits sur l’Internet ouvert. L’étude relève en outre le fait que, dans les pays où la chronologie est définie sur des bases contractuelles (et non réglementaires), ce sont les offres des pure players du Web qui sont les plus populaires : Netflix, Amazon, Google et Apple. @