Orange va renégocier cet été avec le cinéma français

En fait. Le 26 mai dernier, le tapis rouge des marches du Palais des Festivals a été ré-enroulé après la clôture du 66e Festival de Cannes. France Télécom était pour la quinzième année « partenaire officiel exclusif télécoms et nouveaux médias » de l’événement. Mais Orange investit moins dans le cinéma français.

En clair. Selon nos informations, Orange Cinéma Séries (OCS) va engager « fin juin-début juillet » avec les organisations du cinéma français – Bloc (1), Blic (2) et ARP (3)
– de nouvelles négociations sur ses engagements dans le financement de films français. Ces discussions vont coïncider avec le bilan annuel que France Télécom
va leur présenter cet été sur la mise en oeuvre de l’accord signée avec elles le 10 novembre 2009. Le retour à la table des négociations s’impose car cet accord quinquennal arrive à échéance le 31 décembre prochain.

Après OCS cette année, Canal+ l’an prochain
Ces discussions estivales revêtent aussi une importance particulière cette année car elles donneront un avant-goût de celles qui se dérouleront l’an prochain avec le premier pourvoyeur de fonds du Septième Art français, Canal+, dont l’accord avec les organisations du cinéma arrive à échéance le 31 décembre 2014, soit un an après
celui d’OCS.
Les deux sociétés sont en outre liées cinématographiquement et au capital, Canal + détenant depuis un an (4) maintenant 33,33 % d’OCS au côté des 66,66 % de France Télécom.
Mais les négociations s’annoncent serrées car les investissements d’OCS dans le cinéma ne cessent de baisser d’année en année. Rien que pour l’an dernier, d’après
les chiffres du CNC, ses pré-achats de films ont chuté de 9,4 % à 18,52 millions d’euros, contre un montant de 20,43 millions en 2011 et 23,38 millions en 2010. Environ 97 % de ces sommes sont investies dans des films d’initiative française. Les organisations du cinéma doivent- elles craindre que la tendance baissière d’OCS n’atteigne à son tour Canal+, ce qui aurait des conséquences autrement plus lourdes ? Pour l’heure, la chaîne cryptée finance chaque année presque la moitié des films français pour un total en 2012 de 186,43 millions d’euros. C’est un niveau en baisse
de 4,1 % par rapport au pic de 2010 à 194,57 millions.
Dans l’immédiat, le Bloc, le Blic et l’ARP devraient tenter de négocier à la hausse le prochain accord avec OCS, tablant sur le fait que le bouquet de 5 chaînes thématiques
a dépassé cette année 1 million d’abonnés grâce à l’élargissement de sa diffusion au-delà d’Orange avec CanalSat et SFR (en attendant d’autre opérateurs). Autre effet de levier possible pour le financement des films français : la fin des « demi-abonnés » mobile pour le calcul du minimum garanti (5), ces derniers devant rapporter autant que les abonnés du fixe triple play. A suivre. @

Les 13 chaînes YouTube ont signé une « exclu » pour 3 ans, avec un revenu garanti la première année

Les contrats de YouTube France avec les 13 chaînes, presque toutes lancées depuis octobre 2012, sont confidentiels. Mais, selon nos informations, ils portent sur trois ans avec une exclusivité mondiale pour la filiale de Google et un minimum garanti de revenu aux ayants droits la première année.

Ils sont en fait onze éditeurs à avoir signé fin 2012 avec YouTube France pour lancer treize chaînes « originales », AuFeminin du groupe Axel Springer et le producteur indépendant Troisième Oeil ayant chacun lancé deux chaînes (voir notre tableau ci-dessous).
Ces onze ayants droits ont signé un contrat sur trois ans avec l’exclusivité mondiale
– sur tous supports – accordée à YouTube et avec l’assurance pour les éditeurs de percevoir un minimum garanti la première année, sur un budget total de quelques centaines de milliers d’euros consenti comme avance sur recettes.

12 des 13 chaînes YouTube France ont été lancées
Les reversements aux éditeurs de chaînes sont calculés sur un partage des revenus publicitaires, selon une clé de répartition tenue secrète et établie en fonction du nombre
de vidéos visionnées et du taux de publicités vidéo cliquées.
« C’est un partage de la valeur équilibré entre la chaîne et YouTube », assure Virginie Courtieu, directrice des partenariats de la filiale française (en charge de la stratégie concernant les contenus et des partenariats locaux), intervenue le 15 février dernier devant la commission TV connectée du Groupement des éditeurs de services en
ligne (Geste).

Entre 0,50 euro et 2 euros les 1.000 vues
Les reversements aux éditeurs de chaînes sont calculés sur un partage des revenus publicitaires, selon une clé de répartition tenue secrète et établie en fonction du nombre
de vidéos visionnées et du taux de publicités vidéo cliquées. « C’est un partage de la valeur équilibré entre la chaîne et YouTube », assure Virginie Courtieu, directrice des partenariats de la filiale française (en charge de la stratégie concernant les contenus
et des partenariats locaux), intervenue le 15 février dernier devant la commission TV connectée du Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste). Mais l’on sait par ailleurs que la plateforme de partage vidéo de Google rémunère les éditeurs de vidéos ou de chaînes entre 0,50 euro et 2 euros les 1.000 vues, ou RPM (1), et selon le nombre de clics enregistrés sur les vidéos publicitaires (2). Encore faut-il faire de l’audience. Or, à ce stade, force est de constater que les 12 chaînes originales YouTube actuellement disponibles en France sur les 13 – Euronews Knowledge devrait l’être « avant le printemps », nous indique-t-on – comptent encore seulement quelques milliers d’abonnés (non payants) pour des nombres de vues encore modestes. La meilleure performance revient à la chaîne Studio Bagel de Black Dynamite, avec 188.598 abonnés (relevé le 21 fév. par EM@) pour près de 13 millions de vidéos vues. Si la chaîne « X-Treme Video » produite par la société du même nom arrive en seconde position avec 138.597 abonnés, elle caracole en tête avec plus de 203 millions de vues. Virginie Courtieu a indiqué que YouTube en France enregistre par mois 30 millions de visiteurs uniques et 25 milliards de vidéos vues, dont 25 % à partir des mobiles (smartphones et tablettes).
Lancer une chaîne sur YouTube est-il alors viable économiquement ? « Aujourd’hui, il n’y a pas de business model », dit clairement Claire Leproust, directrice des développements numériques du groupe Capa et de la chaîne Rendezvous à Paris (3), laquelle vient de dépasser les 10.000 abonnés pour quelques 779.614 vues. En devenant pour la première fois éditeur de chaîne sur la sollicitation de YouTube (qui plus est dans le divertissement et non dans son journalisme habituel), Capa reste sur sa faim : « On n’est pas encore satisfait de l’audience », reconnaît Claire Leproust qui espère cependant dépasser le million de vues courant février. La question de la monétisation des chaînes YouTube se pose d’autant plus que les chaînes se sont engagées auprès de YouTube à produire au moins trente heures par an. Ce qui est beaucoup, à raison de courtes vidéos originales de 3 à 7 minutes qui coûtent pour Capa « entre 800 et 3.500 euros » chacune. Le contrat triennal exclusif avec YouTube n’empêche pas l’éditeur de la chaîne originale d’aller cherche des financements complémentaires comme auprès du « web Cosip », le fond de soutien aux productions financées par une plateforme Internet mais sans diffuseur télévisé. Ce dispositif, géré par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), existe depuis maintenant près de deux ans (4). @

Charles de Laubier

Télévision de rattrapage : les producteurs de cinéma s’apprêtent à renégocier avec Orange

Les organisations du cinéma français doivent rencontrer avant fin septembre France Télécom pour renégocier leur accord sur la catch-up TV, lequel arrivera
à son terme en novembre prochain – deux ans après sa signature le 10 novembre 2009. Le sort des mobinautes sera au cœur des discussions.

Selon nos informations, c’est fin septembre que les organisations du cinéma français
– le Bloc (1), l’ARP (2) et le Blic (3) – engagent de nouvelles négociations sur la
télévision de rattrapage avec France Télécom. Le premier accord, en vigueur depuis
le 10 novembre 2009, avait été signé pour deux ans, dans le cadre des engagements d’investissement d’Orange Cinéma Séries dans le cinéma français. Bien que les obligations de France Télécom visà- vis du Septième Art aient été signées sur cinq ans (jusqu’en décembre 2013), l’accord sur la télévision de rattrapage avait été limité à deux ans (jusqu’en novembre 2011).

Le calcul des abonnés mobiles
Ces deuxième round de négociations se déroulera cette fois dans l’ombre de Canal+ (premier contributeur du cinéma français) qui doit finaliser au quatrième trimestre son entrée à 33,33 % du capital d’Orange Cinéma Séries que France Télécom ne détiendra plus qu’à 66,66 %. La télévision de rattrapage (ou catch up TV) permet aux téléspectateurs de voir ou revoir un programme ou un film gratuitement et durant sept à trente jours après sa diffusion à l’antenne. Les trois principales organisations du cinéma français entendent faire évoluer les conditions d’exploitation des films sur ces nouveaux services de médias audiovisuels. Contactée, l’ARP nous confirme avoir déjà repris contact avec Orange. L’un des principaux points de discussion sera le sort réservé
aux mobinautes qui utilisent de plus en plus la catch up TV. Pour l’heure, ils ne sont comptabilisés que comme des « demi abonnés » par rapport aux abonnés « pleins »
des offres « triple play » (4). Ainsi, en termes de minimum garanti, Orange ne reverse
aux ayants droits que la moitié de ce qu’il doit normalement pour chaque abonné au
haut débit fixe. Ce que souhaitait France Télécom en 2009, à la différence des organisations du cinéma qui avaient obtenu de limiter ce traitement de faveur à deux ans. « Nous considérons que l’usage est désormais assez significatif pour qu’on le réglemente de manière globale et uniforme en prenant en compte la réalité des pratiques », explique Florence Gastaud, déléguée générale de l’ARP, à Edition Multimédi@. Dès 2009, l’ART avait prévenu : « Il faut prendre garde à ce qu’un abonné, aussi mobile soit-il, ne soit pas considéré comme un demi abonné regardant nos films d’un seul oeil ». A taux plein, les mobinautes coûteront le double à Orange. Autrement dit, France Télécom devra payer pour chaque abonné mobile à son bouquet cinématographique la même somme que pour un abonné ADSL : soit 1,70 euros par mois, porté à 1,90 euros au-delà de 1,5 million d’abonnés et 2,64 euros au-delà de 3 millions d’abonnés. Et ce, en plus de ses engagements de financement des films européens et français à hauteur de respectivement 26 % et 22 % des revenus de son bouquet (5). Car les droits de la catch-up TV ne sont pas décomptés des obligations télévisuelles mais viennent actuellement en plus, contrairement à ce qu’avait demandé Orange en 2009.
Avec 9,3 millions d’abonnés haut débit en France à sa Livebox pouvant avoir accès au service « TV à la demande » de la TV d’Orange, France Télécom peut déjà rapporter gros aux producteurs de cinéma. Mais en y ajoutant des mobinautes cinéphiles, les recettes de la catch up TV devraient faire un bond. D’autant que sur 26,9 millions de clients mobiles que compte France Télécom, 9,4 millions bénéficient du haut débit de
la 3G (6). Lancées d’abord sur l’Internet ouvert et accessibles sur les sites web des chaînes, les offres de catch up TV – MyTF1, Pluzz de France Télévisions, M6 Replay ou encore Canal+ à la demande (7) – se sont généralisés ensuite sur les réseaux « managés » (ADSL/IPTV, câble) des fournisseurs d’accès à Internet (FAI), puis sur les mobiles. La « TV Replay » est désormais accessible par tous les terminaux. La TV connectée devrait accélérer son usage. Gratuite, la catch up TV pourrait s’élargir au payant (8) dans le but de faire progresser l’ARPU (9). C’est une opportunité d’exposition supplémentaire pour le cinéma français. Cependant, les producteurs de films ne veulent pas que la catch up TV gêne le développement de la vidéo à la demande (VOD).

Un milliard de programmes vus
« La télévision de rattrapage est une très belle opportunité pour une meilleure exposition des films mais il faut que nous soyons vigilants pour qu’il y ait pas une trop grande “épanchéité” qui pourrait nuire d’ailleurs au développement des plateformes VOD françaises et européennes », nous indique Florence Gastaux. Selon l’étude annuelle du CNC sur le marché de la vidéo, 52,8 % des internautes pratiquent la télévision de rattrapage. Parmi eux, 78,7 % la regardent à partir de leur ordinateur,
42,6 % sur leur téléviseur et déjà 6,4 % sur leur mobile. Et selon Médiamétrie, la catch up TV compte 14,5 millions d’adeptes en France pour, selon NPA/GfK, 1 milliard de programmes vus depuis début 2011. @

Charles de Laubier

Jean-Marc Tassetto, Google : « La taxe sur la publicité en ligne va freiner la croissance des PME »

DG de Google France, Jean-Marc Tassetto fustige la « taxe Google », explique sa surprise d’être encore accusé de contrefaçon par des éditeurs, assure que Google TV et Google Music respecteront les ayants droits, et précise la portée de l’Institut européen de la Culture. Il évoque aussi Panda et Google Wallet…

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Google France a profité du Festival de Cannes pour lancer Media Ads. Quand Media Ads sera proposé à d’autres annonceurs que les producteurs de films ?
Jean-Marc Tassetto :
Le Festival de Cannes constituait
en effet une bonne opportunité pour présenter ce nouveau format publicitaire auprès des producteurs et des distributeurs de films en France. Cinq nouveaux films ont ainsi utilisé Media Ads pour leur promotion (1). Ce format permet de mettre en avant leur contenu au moyen de bandes-annonces ou d’extraits de films diffusés en haute définition lorsqu’un internaute clique sur l’annonce. Il s’agit actuellement d’un test bêta pour les annonceurs du cinéma. Lorsqu’un internaute effectuera une recherche liée à un film promu avec Media Ads, il trouvera une vidéo qu’il pourra lire sans quitter pour autant sa page de résultats. Nous attendons de voir les performances du format en France pour envisager de le proposer à d’autres annonceurs pour lesquels le format serait également pertinent. L’idée est clairement d’élargir la palette des outils publicitaires en ligne que Google propose aux différents annonceurs, mais aussi d’enrichir les réponses aux requêtes des utilisateurs. Notre souci constant est d’améliorer et d’innover sur nos formats publicitaires.

EM@ : Craignez-vous la « taxe Google » applicable au 1er juillet si elle n’est pas reportée (2) ?
J-M. T. :
Je tiens à rappeler Google n’est pas Internet à lui seul. Cette dénomination « taxe Google » relève plus de la posture médiatique, car cette taxe concerne tous les acteurs d’Internet en France. Nous partageons les inquiétudes des annonceurs et des associations. Elle va porter tout simplement atteinte aux investissements numériques en France, notamment ceux réalisés par les petites entreprises qui n’ont pas les moyens de se payer des campagnes publicitaires dans les médias classiques. Cette taxe représente au final un frein à la croissance de l’économie numérique française. Préserver les PME et leur usage du numérique, c’est préserver l’emploi.

EM@ : Quand le nouvel algorithme « Panda », déployé sur les sites anglais de Google, sera-t-il opérationnel en France et dans quel but ?
J-M. T. :
Concernant la France, nous n’avons pas de calendrier précis. Le but est simple : fournir aux utilisateurs les réponses les plus pertinentes et les sites de qualité par rapport à leurs recherches.

EM@ : Alors que Google France avait fait appel contre le jugement de décembre 2009 en faveur de La Martinière, du SNE et du SGDL, c’est au tour de Gallimard, Flammarion et Albin Michel d’assigner la filiale française pour contrefaçon. Pourquoi êtes-vous surpris ?
J-M. T. :
Nous sommes surpris de recevoir cette nouvelle assignation que nous examinons actuellement. Elle surgit alors même que nous travaillons déjà depuis un certain temps avec les éditeurs français pour trouver des moyens d’augmenter les audiences et les sources de revenus pour eux, les auteurs et les libraires. Ceci étant dit, Google reste déterminé à travailler avec les industries culturelles dans l’intérêt de chacun et à travers des partenariats fondés sur des solutions en ligne pertinentes. Nous demeurons en tout état de cause convaincus de la légalité de Google Livres et de sa conformité avec les lois françaises et internationales en matière de droits d’auteur. C’est d’ailleurs dans cette optique que nous avons fait appel du jugement La Martinière/SNE. Nous sommes en attente du jugement d’appel, tout en restant ouvert à toutes discussions avec les éditeurs, afin de rendre leurs œuvres accessibles aux internautes en France, comme à l’étranger.

EM@ : Le protocole d’accord de novembre 2010 avec Hachette Livre est-il duplicable en France ?
J-M. T. :
L’accord avec Hachette Livre montre justement qu’un dialogue constructif et profitable à toutes les parties prenantes est possible. Pour mémoire, je vous rappelle
qu’il s’agit de redonner vie à des milliers de livres indisponibles à la vente et plus édités. Les livres épuisés sous droits représentent 75 % de l’ensemble des œuvres dans le monde. Il nous faut encore finaliser quelques détails (3).

EM@ : Google va-t-il aller en cassation suite à l’arrêt donnant raison à Copie-presse?
J-M. T. :
Nous sommes en désaccord avec cette décision de justice que nous examinons afin de déterminer la suite de notre action. Google News respecte totalement les droits d’auteur. Référencer l’information avec des titres et des liens directs vers les sources, est non seulement légal mais encourage aussi les internautes à lire la presse en ligne. Nous sommes déjà impliqués avec certains éditeurs pour trouver des moyens nouveaux de monétiser ces contenus.

EM@ : Google vient de renoncer à archiver les journaux : l’Europe est-elle concernée ?
J-M. T. :
News Archives est effectivement supprimé dans le monde entier. Les anciennes archives resteront toutefois en ligne et nous travaillons étroitement avec des partenaires presse sur d’autres initiatives.

EM@ : En Europe, Google a reporté à 2012 Google TV pourtant lancé à l’automne dernier aux Etats-Unis. Le 10 mai, Google a lancé aux Etats-Unis la bêta de Google Music. Comme pour Google TV, ce « cloud » musical tardera- t-il à arriver en Europe, en France ?
J-M. T. :
Il n’existe pas encore de calendrier précis pour l’arrivée du service Google TV
en Europe. Celui-ci est encore en phase de test aux Etats-Unis pour améliorer un certain nombre de paramètres techniques et d’interface utilisateur. La télévision connectée est un marché qui est appelé à se développer rapidement et nous entendons fournir une plateforme efficace qui permette au téléspectateur d’accéder à des contenus vidéo diffusés sur Internet, des services de vidéo à la demande et de rattrapage en plus des chaînes classiques. Google TV n’est pas une chaîne en soi mais une plateforme ouverte, construite à partir du système d’exploitation Android et utilisant le navigateur Chrome. Pour l’ensemble de l’écosystème télévisuel, il s’agit là d’une véritable opportunité. Les éditeurs de contenus pourront ainsi valoriser des catalogues via Internet et élargir le champ des choix pour les téléspectateurs. A l’instar de Google TV, le service « Music Beta by Google » est pour l’instant uniquement disponible aux Etats-Unis et sur invitation. L’idée consiste à capitaliser sur les avantages du cloud computing, la fameuse informatique dans le nuage, pour permettre à un utilisateur de télécharger et de stocker ses morceaux de musique préférés dans un espace « cloud » qui lui est dédié via son compte Gmail. Cela lui permet ainsi de pouvoir écouter sa musique à tout moment et quel que soit le terminal. En revanche, il est évident que Google TV et Google Music, la mise à disposition de ces différents contenus s’effectuera dans le respect des ayants droits avec nos partenaires respectifs.

EM@ : Google France va doubler ses effectifs, à 500 employés en dix-huit mois. Tous seront regroupés rue de Londres fin 2011. En plus d’un centre de R&D, Google y crée un Institut culturel sans précédent : pourquoi ?
J-M. T. :
La France est l’un des cinq pays les plus importants pour Google dans le monde. Le vaste plan d’investissement dans l’Hexagone annoncé en septembre 2010 par Eric Schmidt, président exécutif de Google, s’est traduit par l’acquisition récente d’un vaste immeuble de plus de 10.000 mètres carrés au cœur de Paris où nos équipes France et Europe du Sud/Moyen-Orient/Afrique seront hébergées d’ici fin 2011. Dans ces mêmes locaux, nous ouvrirons également un Institut européen de la Culture, ainsi qu’un centre de recherche et développement (R&D). C’est unique en Europe et cela traduit la volonté que Google a de montrer son ancrage en France. Nous allons recruter une centaine d’ingénieurs dans les mois qui viennent (4). Les thèmes qui y seront développés sont en cours de finalisation et nous devrions les présenter sous peu. Quant à l’Institut européen de la Culture, il s’inscrira avant tout dans une logique de partenariat avec le monde de la culture et des arts. Notre mission, c’est la défense du patrimoine par la numérisation, par l’indexation et par la diffusion au plus grand nombre. De nombreuses thématiques pourront être définies à partir de cela, comme des projets de numérisation de type Google Art Project ou bien d’autres choses encore. Enfin, outre ces ouvertures, nos investissements comprennent également le financement de bourses universitaires et de recherche, le soutien d’entrepreneurs dans les nouvelles technologies et des développeurs français (5).

EM@ : Alors qu’Android devrait équiper la moitié (49,2 % selon Gartner) des smartphones en 2012, le portefeuille mobile sans contact « Google Wallet » est testé aux Etats- Unis… A quand “Google Portefeuille“ en France ?
J-M. T. :
Pour l’instant, il s’agit d’un test terrain mené uniquement cet été à New York
et San Francisco avec une quarantaine d’enseignes commerciales comme Subway, Macy’s, Toy’R US, etc. Android connaît effectivement un véritable engouement autant auprès des constructeurs de terminaux que des utilisateurs. Quelques chiffres récents suffisent pour s’en convaincre. En 2011, Android a ainsi passé le cap des 100 millions de smartphones Android activés dans le monde (6). Chaque jour, on compte en moyenne 350.000 nouvelles activations.
Android compte à ce jour plus de 200.000 applications et enregistre au total plus de
4,5 milliards de téléchargements. De plus en plus, les possesseurs de terminaux
mobiles sous Android effectuent des recherches sur Internet. Ce qui représente
autant d’opportunités de croissance pour les revenus publicitaires.

EM@ : Les ordinateurs sous Chrome OS seront-ils proposés en France dès juin ? J-M. T. : Les ordinateurs sous Chrome OS seront effectivement disponibles à la vente dès la mi-juin dans 7 pays dont la France. Ces ordinateurs reposent intégralement sur
le concept de cloud computing. @

Frédéric Goldsmith, APC : « Les films ne peuvent plus être ignorés dans les nouvelles chaînes de valeur »

Le délégué général de l’Association des producteurs de cinéma (APC), présidée
par Anne-Dominique Toussaint, répond à Edition Multimédi@ sur les enjeux numériques et réglementaires auxquels doit faire face le Septième Art français. Entre inquiétudes et opportunités.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Avez-vous été rassurés après les propos que Nicolas Sarkozy envers la loi Hadopi (« Je prends (…) ma part de l’erreur [Hadopi] (…) suis prêt à une Hadopi 3 ») ?
Frédéric Goldsmith :
Nous avons exprimé notre inquiétude à la suite des propos rapportés du Président de la République, lors du lancement du Conseil national du numérique (CNN). Nous connaissons son engagement en faveur du respect des droits de propriété littéraire et artistique sur les réseaux électroniques. C’est pourquoi nous avons été très surpris de ses propos. Le rectificatif qu’il a publié (1) va dans le bon sens. Nous avons de bons échos de l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa) sur la progression de l’action de la Hadopi pour prévenir le piratage et développer l’offre légale (2). Un enjeu est le développement des sites de « streaming » illégaux, contre lesquels il existe des moyens d’action complémentaires dans le Code de la propriété intellectuelle.

EM@ : Le CNN a-t-il une légitimité ?
F. G. :
Malgré nos demandes, les producteurs de films et plus généralement les industries culturelles ont été tenus à l’écart du CNN. Il s’agira donc d’une instance
non représentative, exprimant des positions sectorielles. Il semble que le ministre de l’Industrie ait souhaité ignorer ceux qui produisent les œuvres et s’intéresser surtout
à ceux qui les exploitent – avec plus ou moins de vigilance sur la légalité de cette exploitation selon les circonstances. Si cette politique industrielle et numérique venait
à se confirmer, ce serait désastreux car la France est un pays producteur de biens culturels qui s’exportent avec succès.

EM@ : La TV connectée soulève des questions sur le financement des films : qu’avez-vous dit à la mission commune des inspections générales des Finances
et des Affaires culturelles ?
F. G. :
Nous avons indiqué à cette mission à quel point le CNC (3) joue un rôle essentiel dans notre modèle de création cinématographique, à travers un soutien à l’investissement dans la production et à l’accès aux films via tous les modes d’exploitation. La France doit conserver la place qui est la sienne aux niveaux européen et international dans ce domaine. Il importe notamment que les pouvoirs publics mettent un terme aux tentatives d’un certain acteur des télécommunications [Free, ndlr] d’échapper à sa contribution en tant que distributeur de services audiovisuels. Plus largement, à l’instar de ce qui a été un succès avec le financement du cinéma par la télévision, nous demandons à ce que les acteurs économiques qui tirent profit de l’exploitation des films directement ou indirectement contribuent à leur financement.
Les évolutions techniques et économiques imposent de prendre en compte les nouvelles chaînes de valeur dans l’exploitation des films, depuis les fournisseurs d’accès aux services audiovisuels mais également aux fabricants de récepteurs audiovisuels connectés et aux moteurs de recherche.

EM@ : Les fabricants de téléviseurs ou de tablettes doivent- ils cotiser au Cosip comme le demande le Bloc (4) ?
F. G. :
Nous approuvons les propositions faites par Dominique Richard (5) tendant à réfléchir à la contribution à la création cinématographique et audiovisuelle des fabricants de terminaux permettant le visionnage d’images. En outre, si le fabricant met en place une plateforme interactive d’accès à des services de télévision, il suggère de le considérer comme distributeur au sens de la réglementation cinématographique et audiovisuelle. L’APC et le Bloc appellent depuis plus d’un an à cette réflexion qui est entamée aujourd’hui.

EM@ : L’accord de juillet 2009 sur la chronologie des médias a été prolongé tacitement d’un an en avril, alors que des voix s’élèvent pour réformer les
fenêtres de diffusion : pour la VOD à l’acte, la Sévàd, la SACD et Free estiment
que les 4 mois doivent être raccourcis ?
F. G. :
L’APC a été particulièrement active pour raccourcir le délai de la VOD à l’acte
à quatre mois et continuera à l’être chaque fois qu’il importera de conserver son sens
à la chronologie des médias dans le nouveau contexte de convergence numérique.
Modifier l’accord de juillet 2009 passe pas la démonstration que de nouveaux modèles économiques et culturels vertueux pour la filière et pour le public rendent des changements indispensables. Pour la VOD à l’acte, un raccourcissement en deçà du délai de quatre mois après la sortie en salles – hormis l’exception à trois mois déjà prévue dans l’accord – n’a pas figuré à l’ordre du jour des réunions au CNC sur le sujet. Sa nécessité n’a en l’état pas été démontrée.

EM@ : Pour la VOD par abonnement, le rapport Hubac propose de raccourcir à
22 mois, voire à 10 mois…
F. G. :
S’agissant de la VOD par abonnement, ce n’est pas Netflix aux Etats-Unis qui
peut servir de modèle. La situation outre-Atlantique est différente de celle qui prévaut en France, ce qui est heureux. En effet, les chaînes de télévision payantes américaines se sont détournées du cinéma. Netflix a rempli le vide ainsi créé. Si la VOD sur abonnement est appelée à croître dans notre pays, c’est à partir d’un modèle qui reste à être mieux défini en lien avec la création nationale et européenne, dans le respect des schémas économiques et culturels qui sont performants pour financer le cinéma et y donner accès.

EM@ : Le financement du cinéma français dépend-t-il trop de Canal+ (200 millions d’euros par an) ?
Orange crée une co-entreprise avec Canal+ qui reprend Orange Cinéma Séries :
le risque de monopole dans la TV payante peut-il être préjudiciable ?
F. G. :
Le partenariat de Canal+ avec le cinéma français est essentiel. La chaîne a investi de façon importante en 2010 dans les films (6). L’annonce faite par Bertrand Méheut [PDG du groupe Canal+, ndlr] du lancement programmé de Canal 20 sur la TNT gratuite – avec de forts engagements en faveur de la création cinématographique et audiovisuelle – a été saluée par les organisations membres du Bloc, dont l’APC.
Et ce, au moment où l’on attend la déferlante sur les téléviseurs connectés de services mettant à disposition en continu des « blockbusters » et séries américaines. Quant
aux investissements pour 2010 d’Orange Cinéma Séries, ils correspondent à ses engagements. Et cela va continuer en 2011, ce qui est positif. Le projet de rapprochement entre Canal+ et Orange sur le cinéma est un événement d’importance majeure pour le secteur. C’est la raison pour laquelle le Bloc a exprimé sa vigilance. Il est de l’intérêt de tous de disposer de plusieurs interlocuteurs pour financer le cinéma et le diffuser.

EM@ : Le producteur Sebastian Gutierrez a produit « Girl Walks Into Bar » pour YouTube. En France, YouTube a déjà diffusé des films français (« Le Monde du silence », « Home », « A ce soir », …). Dailymotion prévoit de le faire (après
« Valse avec Bachir »). Est-ce une opportunité ?
F. G. :
Les sites vidéo communautaires ont à ce stade surtout un rôle de bouche-à-oreille sur les films mais pas de financement. Les choses sont peut-être en train d’évoluer mais nous ne le ressentons pas jusqu’à présent. Bien au contraire, des difficultés continuent à provenir de l’exonération de responsabilité de ces sites au titre des violations de la propriété littéraire et artistique. Certains d’entre eux en tirent profit d’un point de vue financier, tout en menant des actions pour que rien ne change malgré les évidentes évolutions qui justifieraient qu’ils aient au moins une obligation de moyens d’éviter le piratage et qu’ils entrent dans le champ de la réglementation audiovisuelle. @