Contenus illégaux signalés : et les œuvres piratées ?

En fait. Le 30 janvier, l’Association française des fournisseurs d’accès et de services Internet (AFA) a publié le bilan 2011 de son service Pointdecontact.net
qui permet de signaler en ligne des contenus dits « choquants » : sur les 7.820 contenus signalés en 2011, 1.966 ont été considérés comme illicites.

En clair. Seulement 25 % des contenus dits choquants signalés à l’AFA – dont Google France, France Télécom, SFR, Bouygues Telecom, Numéricâble et Darty Télécom sont membres – sont finalement illicites. Et sur ces 1.966 contenus, seulement 720 tombés sous le coup de la loi française – car hébergés en France – ont été transmis à l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), pour que celui-ci (1) fasse procéder à leur fermeture ou à
leur blocage (2). L’AFA est en outre membre fondateur de la fédération internationale des hotlines Inhope (36 pays). Tout comme le site Internet-signalement. gouv.fr avec lequel il collabore, Pointdecontact.net permet ainsi de signaler – de façon anonyme – tout contenu illégal rencontré sur Internet, à savoir : pédopornographique, violent, contraire à la dignité humaine, raciste, xénophobe, terroriste ou encore incitation au suicide.
Mais Edition Multimédi@ a voulu savoir auprès de l’AFA pourquoi elle ne s’occupait
pas des contenus illicites comme les œuvres piratées sur Internet, qui peuvent être considérés comme « odieux » par les ayants droits. « Il y a deux procédures différentes de notification et de retrait (notice and take down) prévues par la loi “Confiance dans l’économie numérique” (LCEN), selon que l’on se trouve devant un contenu “odieux”
dont la liste est dressée (3) ou devant tout autre contenu, comme c’est le cas pour les contenus de propriété intellectuelle. (…) Les contenus de propriété intellectuelle diffusés ou reproduits sans autorisation de leur auteur ne peuvent donc pas être signalés au Point de Contact de l’AFA, car ils doivent lors de leur notification remplir une procédure plus stricte (4) qu’un simple signalement », nous a expliqué Carole Gay, responsable affaires juridiques et réglementaires de l’AFA. La loi Confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 a en effet considéré que les hébergeurs ne sont pas des juges et ne peuvent déterminer sans de plus amples informations qu’un contenu de propriété intellectuelle a été diffusé ou copié sans autorisation. « Les hébergeurs ne retireront le contenu que si la notification est complète et qu’ils estiment alors se trouver devant un contenu “manifestement” illégal pour ne pas risquer de retirer un contenu finalement légal. En cas de litige, le juge tranchera », a ajouté Carole Gay. @

Steve Crossan, Google : « Etant basé à Paris, l’Institut culturel aura une touche un peu plus européenne »

L’Institut culturel que dirige Steve Crossan sera complètement opérationnel l’été prochain. Conforme à l’ambition mondiale de Google, il met en ligne photos, films, sons, documents ou encore manuscrits. Il en assure aussi la protection et laisse le contrôle total à ses partenaires culturels.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Quelle est la mission et quelles sont les dernières créations de l’Institut culturel de Google ?
Steve Crossan :
L’Institut culturel a pour mission de développer des solutions d’hébergement, de visualisation et de numérisation, pour aider nos partenaires à promouvoir et préserver la culture en ligne. Son objectif est de développer – en partenariat avec les institutions culturelles de différents pays – une plateforme d’ingénierie et de produits afin de favoriser la conservation et l’accès aux contenus culturels à travers le monde. Ainsi,
en France par exemple, nous avons conçu décembre dernier – en partenariat avec le Pavillon de l’Arsenal – la plus grande maquette numérique au monde représentant le Grand Paris en 2020 grâce à Google Earth et à des modélisations des bâtiments en 3D. Le tout est visible sur 48 écrans de l’outil de visualisation Liquid Galaxy.
Nous sommes également partenaires de l’exposition « la France en relief » qui se tiendra le 18 janvier prochain au Grand Palais. Nous avons ainsi relevé le défi – avec des entreprises françaises expertes en numérisation, notamment Aloest et Westimages –
de numériser et mettre en ligne certains plans reliefs (datant du XVII au XIXe siècle)
des principales villes fortifiées françaises.?

Taxe pour la copie privée : sans le piratage en ligne ?

En fait. Le 29 novembre, les députés ont voté en faveur du projet de loi sur la rémunération de la copie privée. Il établir un nouveau cadre législatif en excluant notamment des calculs de la commission « Hadas-Lebel » la copie privée des œuvres piratées. Cela lui impose de réaliser des études d’usages.

En clair. Il était temps ! Surtout que les sénateurs vont adopter à leur tour in extremis ce texte le 19 décembre… C’est en effet à partir du 22 décembre prochain que la commission « copie privée » et la plupart de ses barèmes de rémunération allaient devenir hors-la-loi. La taxe pour copie privée, qui rapporte environ 180 millions d’euros par an aux ayants droits (1), était ainsi remis en cause par le Conseil d’Etat le 17 juin dernier, à la suite
d’un arrêt du 21 octobre 2010 de la Cour de justice de l’Union européenne exemptant
les supports acquis pour un usage professionnel de la « taxe » copie privée (2). Ce n’est pas la première fois que le Conseil d’Etat porte un coup fatal à la commission baptisée
« Albis » (du nom de son ancien président jusqu’en octobre 2009), puis « Hadas-Lebel » (son successeur). En effet, la Haute juridiction administrative – saisie par le Simavelec
(3) – avait annulé le 11 juillet 2008 toutes les décisions de la commission qui dépend
de trois ministères (Culture, Industrie et Consommation). Car elle n’aurait pas dû établir ses barèmes sans exclure de ses calculs les musiques ou les films téléchargés illégalement sur Internet et les réseaux peer-to-peer. Résultat : le premier article du
projet de loi stipule que la rémunération pour copie privée ne concerne que les copies
« réalisées à partir d’une source licite ». Encore faut-il des « enquêtes » sur les usages
de chaque type de support. Le texte prévoit donc que non seulement « le montant de la rémunération [taxe mentionnée sur l’étiquette lors de l’achat, ndlr] est fonction du type de support et de la durée d’enregistrement qu’il permet », mais aussi – est-il rajouté à l’article 3 – que « ce montant est également fonction de l’usage de chaque type de support ».
« Cet usage est apprécié sur le fondement d’enquêtes ». Chaque support à taxer doit donc faire l’objet d’une étude d’usages soit préalable, soit dans certains cas « objectifs » dans un délai d’« un an à compter de cet assujettissement ». Par exemple, selon nos informations, la commission « Hadas-Lebel » a reçu en novembre une étude sur les disques durs multimédias, l’une des douze enquêtes confiées à l’institut de sondages CSA. Les smartphones, les tablettes, les enregistreurs vidéo de salon ou encore les
box des FAI auront chacun une étude d’usages. @

Pour le livre, le dossier “Hadopi” est mis de côté

En fait. Le 8 novembre, Christine de Mazières, déléguée générale du Syndicat national de l’édition (SNE), nous a indiqué que le projet de déposer un dossier « Hadopi » auprès de la Cnil pour une « réponse graduée » contre le piratage de livres numériques n’était plus une priorité pour l’instant.

En clair. Après avoir auditionné les trois prestataires techniques que sont Trident Media Guard (TMG), Attributor (société américaine) et Hologram Industries (ex-Advestigo),
le Syndicat national de l’édition (SNE) n’a finalement rien décidé. « Nous avons mis le dossier “Hadopi” de côté car la question du piratage de livres numériques en France ne se pose pas vraiment encore. Le marché du livre numérique online, c’està- dire hors ouvrages sur CD-Rom, ne représente encore pas grand-chose – environ 1 % – sur le marché français », explique Christine de Mazières, déléguée générale du SNE, à Edition Multimédi@, lors des 3e Assises professionnelles du livre. C’est en janvier dernier que nous avions révélé l’intérêt de la filière du livre pour la « réponse graduée » de l’Hadopi (1) et se son projet de déposer un dossier de demande d’autorisation auprès de la Cnil pour pouvoir relever les adresses IP des internautes soupçonnés de piratage d’ebooks. En mars dernier, l’Observatoire du livre et de l’écrit en Ile-de-France (Motif) a publié son étude « EbookZ 2 » qui montrait que le piratage était encore marginal. « Pour les éditeurs, ce n’est pas la priorité du moment. Développer leur présence sur les liseuses et tablettes qui arrivent sur le marché français les occupent plus actuellement », ajoute Christine de Mazières.
Le développement d’offres légales (voir ci-dessus) est la priorité. Mais le SNE
continue d’explorer les solutions techniques en vue de mettre en place une « procédure automatisée de notification et retrait des contenus illicites », dès lors que l’éditeur est capable d’identifier techniquement l’hébergeur du site web pirate. En attendant, le syndicat présidé par Antoine Gallimard incite les maisons d’éditions à communiquer
les adresses de sites proposant des téléchargements illégaux. Et ce, afin de constituer une « liste [qui] permettra par recoupement d’identifier les sites et réseaux les plus actifs dans le domaine du piratage de livres », peut-on lire dans le rapport d’activité 2010-2011 du SNE publié le 30 juin dernier lors de l’assemblée générale (2). Une adresse mail – juridique@sne.fr – a été créée à cet effet, le SNE proposant en plus à ses membres une procédure et des courriers types. Mais, Christine de Mazières nous indique que ce point de signalement enregistre « très peu de remontées ». @

Pourquoi François Hollande est contre la Hadopi

En fait. Le 16 octobre, François Hollande a été élu à 56,6 % des suffrages
(2,86 millions de votants) candidat PS à la présidentielle de 2012. Il prône
un « pacte pour la création numérique », une loi et un régulateur « contre
les majors » pour remplacer la Hadopi.

En clair. François Hollande veut « dépénaliser » le téléchargement, comme il l’a expliqué le début octobre devant l’ARP, la société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs.
Ce qui revient à abroger la loi Hadopi et, partant, à supprimer la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, contrairement a ce qu’il avait laissé entendre aux cinéastes (1). Depuis juin dernier, il écrivait sur son site web de campagne présidentielle : « Notre responsabilité en 2012 sera de mettre un terme au plus vite au conflit entre créateurs et internautes en abrogeant le dispositif Hadopi
et en le remplaçant par ce nouveau mécanisme [une faible redevance couplée à la réorientation de la taxe sur les fournisseurs d’accès Internet (FAI), qui permettra de dégager jusqu’à 1 milliard d’euros annuels pour rémunérer les droits d’auteurs] ». Il était ainsi en ligne avec la position de la Sacem, prônant une « contribution compensatoire prélevée sur les FAI ». Mais depuis début octobre, François Hollande a changé d’avis en renonçant à sa « taxe sur les FAI » et en prenant le contre-pied de Martine Aury favorable, elle, à une « licence globale » (2).
Le conseiller en économie numérique du candidat PS, Vincent Feltesse, s’en est expliqué le 11 octobre sur son blog : « Nous ne sommes favorables ni à un big-bang
du droit d’auteur ni à l’instauration d’une taxe sur les ménages (ou sur les FAI, ce qui revient au même) venant financer une “licence globale” ou autre “contribution créative”. (…) En faisant prioritairement porter l’effort sur les ménages, la licence globale commet finalement la même injustice que Hadopi ». Or, le projet 2012 du PS prévoit le contraire à ce sujet : « De nouvelles sources de financement de la création numérique seront dégagées grâce à de nouvelles contributions partagées (opérateurs, FAI, etc.) ». En attendant d’être fixé sur ce point, François Hollande en appelle à un « pacte pour la création numérique » entre artistes et internautes, qui consistera non seulement à supprimer la coupure de l’accès à Internet mais aussi à « créer un régulateur sur les cendres de la Hadopi, doté d’un pouvoir de règlement des litiges et d’une “riposte graduée“ contre les majors allant de l’encadrement des pratiques commerciales – minimums garantis, avances, etc. – à la gestion collective obligatoire ». @