Mesure hybride : pas de comparaison entre chaînes télé et plateformes vidéo avant mi-2026

C’est dispersées que des chaînes (Canal+, TF1, M6, …) et des plateformes (Netflix, Disney+, YouTube, …) ont fait part, fin octobre, des premiers résultats de la « mesure hybride » de leur audience réalisée par Médiamétrie. Or les comparer ne sera possible qu’en milieu d’année 2026.

La bataille de l’audience dans le PAF – ce paysage audiovisuel français qui, décidément, n’en finit pas de se délinéariser en streaming, par-delà les fréquences hertziennes de la TNT dont l’audience s’érode (1) – se prépare à faire rage en 2026. C’est au cours de l’an prochain que la « mesure hybride », proposée par Médiamétrie via son nouveau dispositif Watch, permettra de comparer les audiences des acteurs de la télé et de la vidéo : d’un côté les chaînes de télé (TF1, M6, France 2, BFMTV, Canal+, …) et de l’autre les plateformes vidéo (Netflix, Disney+, Amazon Prime Video, YouTube, Pluto TV, …).

Délinéarisation et plateformisation
Cette nouvelle mesure d’audience unifiée télé et vidéo – avec panel unifié et cross média complet – est en vue, mais elle ne sera vraiment effective que vers le milieu de l’année 2026. C’est à se moment-là que l’on pourra enfin comparer la fréquentation des chaînes de télévision avec celle des plateformes vidéo. Cela suppose que la « mesure hybride » soit reconnue par tous les acteurs de l’audiovisuel qui y adhèrent – lorsque que chacun d’eux la juge « équitable » et certifiée par un « tiers de confiance », en l’occurrence en France Médiamétrie, lequel fête d’ailleurs ses 40 ans en 2025 (2). « Les mesures hybrides constituent un défi à la hauteur de leurs promesses. Elles s’imposent aujourd’hui comme une réponse incontournable à la fragmentation croissante des usages médias. En combinant la richesse des panels et la granularité des data, elles offrent une vision plus fine, plus complète et plus précise des comportements d’audience », explique sur LinkedIn Aurélie Vanheuverzwyn (photo), directrice exécutive Data science chez Médiamétrie (3), et coauteure avec Julien Rosanvallon du livre blanc « Hybride & IA » publié début novembre (4).
La mesure hybride permettra non seulement aux éditeurs mais aussi aux annonceurs publicitaires, aux marques ou encore aux publicitaires eux-mêmes de comparer ce qui est comparable pour analyser et monétiser la consommation globale de l’audiovisuel en France. Autrement dit, il s’agit de savoir (suite)

YouTube s’impose de plus en plus face à la télévision traditionnelle et courtise les salles de cinéma

La plateforme vidéo de Google (groupe Alphabet) s’impose comme une alternative à la télévision traditionnelle aux Etats-Unis, en se hissant en tête des audiences audiovisuelles (diffusion linéaire ou à la demande) aux côtés de Disney et de NBCUniversal. YouTube dépasse les 10 % de part d’audience depuis trois mois.

C’est historique dans le paysage audiovisuel américain : YouTube dépasse depuis trois mois consécutifs les 10 % de l’audience total de la télévision aux Etats-Unis, tous moyens de diffusion audiovisuelle confondus, gratuits ou payants : selon les données publiées mi-octobre par l’institut de mesure d’audience Nielsen, YouTube se maintient à un record de 10,6 % de part de marché sur le mois de septembre 2024 (1), score historique déjà atteint en août (2), effaçant les précédents records de 10,4 % en juillet où le seuil des 10 % a été franchi pour la première fois (3), contre 9,9 % au mois de juin (4) et en-deçà les mois précédents. A ce niveau d’audience, mesurée sur tous supports par Nielsen qui publie chaque mois les résultats dans son très suivi baromètre « The Gauge », la plateforme YouTube dispute même la première place de la « télévision » dans son pays d’origine, en ayant réussi en juillet 2024 à coiffer au poteau, excusez du peu, The Walt Disney Compagny et ses 9,9 % de part de marché. Une première historique aux Etats-Unis. La première talonnait la seconde depuis le mois de mars. En août et en septembre (5), YouTube est repassé en seconde position (10,6 %), juste dernière respectivement (sur ces deux mois) NBCUniversal (13,4 %) et à nouveau Disney (11,3 %), en reléguant (en septembre donc) NBCUniversal en troisième place (9,3 %), suivi de Paramount (8,2 %), Netflix (7,9 %), Fox (7,3 %), Warner Bros. Discovery (6,7 %), et, loin dernière, d’Amazon Prime Video (3,7 %).

Etats-Unis : YouTube en tête de la « TV »
Tout en rivalisant avec les groupes américains de télévision traditionnelle qu’elle entend bien à nouveau devancer tous comme en juillet 2024, la filiale YouTube – dont le directeur général est Neal Mohan (photo) depuis février 2023 – conforte en plus sa première place des audiences enregistrées aux Etats-Unis par les seules plateformes de streaming vidéo. Ainsi, toujours selon « The Gauge » de Nielsen, YouTube devance les autres plateformes vidéo (gratuites ou payantes) depuis qu’elles ont intégré cet agrégat audiovisuel en juin 2023.

Publicité et live : Netflix devient plus que jamais un concurrent frontal de la télévision traditionnelle

Publicité, live streaming, mesure d’audience : Netflix marche de plus en plus sur les plates-bandes des chaînes de télévision traditionnelles – au point de menacer leur avenir dans leurs pré-carrés nationaux. Et Nielsen commence à comparer la première plateforme mondiale de SVOD avec les TV hertziennes ou câblées.

« Nous avons lancé notre partenariat de mesure [d’audience] avec Nielsen aux Etats-Unis ce mois-ci, en octobre. Nous sommes donc très enthousiastes. Nous avons une longue liste d’autres partenaires dans d’autres pays avec lesquels nous devons offrir la même capacité ; alors nous sommes impatients de le faire », a annoncé le 18 octobre Gregory Peters (photo), co-PDG (1) de Netflix, lors d’une conférence téléphonique sur les résultats du troisième trimestre.
La première plateforme mondiale de la SVOD est décidée à se mesurer aux chaînes de télévision traditionnelles, au sein même du même agrégat audiovisuel – « The Gauge » – de l’institut américain de mesure d’audience Nielsen. Une révolution dans le « AAL », qui est aux Etats-Unis ce que le « PAF » est à la France (2). Les premiers résultats de « l’engagement » des téléspectateurs aux Etats-Unis portent sur le mois de septembre et montrent que Netflix s’arroge à lui seul chaque jour 7,8 % en moyenne de la part du temps d’écran TV américain. Non seulement, la plateforme de SVOD cocréée il y a plus de 15 ans par Reed Hastings coiffe au poteau les chaînes de télévision traditionnelles, mais elle se place aussi en seconde position – juste derrière YouTube – des grands streamers aux Etats-Unis. Dans le AAL, le streaming vidéo évolue en tête de l’audience audiovisuelle avec un total de 37,5 % de part du temps d’écran TV américain, bien devant la TV par câble (29,8 %) et la TV hertzienne (23 %).

Accord pluriannuel entre Nielsen et Netflix
C’est la première fois que Netflix voit ses contenus en streaming (séries, films, directs) mesurés par le géant américain de la mesure d’audience Nielsen aux côtés des mesures d’audience des programmes des chaînes linéaires de télévision. Octobre marque donc le mois de la concrétisation chiffrée aux Etats-Unis de l’accord pluriannuel qui avait été annoncé par Nielsen et Netflix en janvier dernier. « The Gauge » a d’abord été déployé au Mexique et en Pologne, les deux autres pays concernés par cet accord sans précédent et où les premiers résultats d’audience « TV & Streaming » ont été divulgués à partir du mois de mai (3).

Yannick Carriou, PDG de Médiamétrie : « Nous allons mesurer en 2024 les plateformes de SVOD comme Netflix »

Médiamétrie – dont le conseil d’administration est composé de membres actionnaires issus des médias (télés en tête), des annonceurs, des agences, mais pas encore des plateformes – sortira en septembre 2024 les volumes de consommations de Netflix, Amazon Prime Video et autres, « qu’ils le veuillent ou non ».

Médiamétrie, qui fêtera ses 40 ans dans deux ans (en juin 2025), fait monter encore plus la pression sur les grandes plateformes numériques comme Netflix, Amazon Prime Video, Disney+ ou Apple TV+. Alors que les discussions confidentielles s’éternisent depuis plus d’un an avec certaines d’entre elles, dont Netflix, l’institut français de mesure d’audience réaffirme sa volonté aller de l’avant, avec ou sans leur coopération. « Nous sortirons une quantification totale de consommation des plateformes, puis au niveau des principaux contenus des audiences, avec des définitions ayant du sens, une information auditée, un certain niveau de transparence. A partir de septembre 2024, du moins au troisième trimestre 2024, on sortira des volumes de consommation, par exemple de Netflix. Puis six à neuf mois plus tard [soit à partir de mars 2025 au plus tôt, ndlr], on descendra au niveau des contenus », a indiqué Yannick Carriou (photo), PDG de Médiamétrie, lors d’une rencontre le 12 juillet avec l’Association des journalistes médias (AJM), dont fait partie Edition Multimédi@. Et d’ajouter : « C’est la raison pour laquelle nous avons passé un accord avec Nielsen, qui nous apporte immédiatement des technologies que nous sommes en train de tester et d’adapter à l’Internet français pour faire cette mesure-là ».

Vers une plateforme coactionnaire de Médiamétrie ?
Nielsen, le géant américain de la mesure d’audience présent dans le monde, collabore déjà avec Médiamétrie depuis 1999 mais, avec ce nouveau partenariat signé fin 2022, il fournit au français ses technologies – déjà éprouvées aux Etats-Unis – de mesure des flux digitaux à domicile par des routeurs Internet, de gestion informatique des contenus numériques de télévision, ainsi que de reconnaissance de contenus des plateformes de vidéo à la demande (VOD, SVOD, AVOD, FAST, …). « On sait mesurer quand un terminal se connecte à un serveur qui appartient à Netflix, Amazon ou Spotify, et quantifier automatiquement et de manière assez certaine les volumes de consommation. La situation est un peu différente au niveau des contenus : dans l’univers de la SVOD, 90 % à 95 % des contenus sont quasi exclusifs et on les reconnaît par une technique de type Shazam [reconnaissance de contenus, ndlr], alors que sur la télévision les contenus sont watermarqués [par du watermarking ou tatouage numérique, ndlr]. Sur l’audio digital, c’est plus difficile car les contenus sont aussi diffusés par les autres », explique Yannick Carriou.

Vers une plateforme coactionnaire de Médiamétrie ?
Médiamétrie travaille déjà sur les acteurs de l’Internet comme Google/YouTube, Facebook, Snap et Twitter ou encore Dailymotion, lesquels participent aux travaux de son comité Internet. En revanche, ce n’est toujours pas le cas des plateformes de SVOD qui sont absentes. « Si Netflix, Amazon, Disney et d’autres veulent participer d’avantage, et ils sont les bienvenus ; ils le peuvent en apportant un peu plus de précisions (logs, informations, …) qui seront auditées.

Vivendi gonflerait-il l’audience de Dailymotion ?

En fait. Le 11 mai, le groupe Vivendi a annoncé une nouvelle application mobile pour Dailymotion. Son PDG Maxime Saada (président de Canal+) annonce une audience mensuelle de la plateforme de partage vidéo de « près de 400 millions d’utilisateurs ». Or c’est trois fois moins selon Similarweb. En clair. « Dailymotion est passé d’une audience de moins de 300 millions d’utilisateurs mensuels en 2017 à près de 400 millions en 2023. C’est la seule plateforme vidéo gratuite française avec un rayonnement mondial et une présence dans 145 pays », s’est félicité le 11 mai Maxime Saada, président du directoire du groupe Canal+, maison mère depuis 2015 de Dailymotion, dont il est aussi PDG depuis 2016. Dans le document d’enregistrement universel de Vivendi publié le 17 mars, il est question de « plus de 350 millions d’internautes » chaque mois. Est-ce à dire qu’en deux mois l’audience du « YouTube » français a progressé à ce point ? Or, lorsque l’on se réfère au site de mesure d’audience Similarweb, Dailymotion affiche trois fois moins de fréquentation (toujours ordinateurs et mobiles) que les chiffres communiqués par Vivendi, à savoir : seulement 124,9 millions de visiteurs sur le mois d’avril, et même en baisse par rapport aux 130,5 millions de visiteurs de mars. Qui dit vrai ? Contacté, Vivendi ne nous a pas répondu. Toujours selon Similarweb (1), Dailymotion se place en avril au 367e rang mondial des sites web, soit à des années lumières des 32,7 milliards de visiteurs sur YouTube (2e rang mondial). En France, d’après Médiamétrie cette fois, Dailymotion totalise un peu plus de 19,4 millions de visiteurs en mars et se place ainsi à la 24e place, bien loin des plus de 48,3 millions de visiteurs sur la même période de YouTube, en 2e place derrière le moteur de recherche Google, sa filiale sœur au sein d’Alphabet. « L’audience de Dailymotion atteint des niveaux records », affirme Vivendi, grâce à des accords comme avec MSN (portail de Microsoft) en Europe et aux Etats-Unis. Maxime Saada est président de la régie publicitaire Dailymotion Advertising. Il préside en outre les filiales de Dailymotion aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, tout en étant directeur général de celles basées en Allemagne et à Singapour. « Et nous voulons aller encore plus loin », a assuré le PDG de Dailymotion qui bénéficie à ce titre d’un plan d’intéressement depuis 2015 et jusqu’au 30 juin 2026 « indexé sur l’accroissement de la valeur de Dailymotion par rapport à son prix d’acquisition au 30 juin 2015 ». Vivendi ne dévoile pas les résultats de Dailymotion, hormis le fait que son chiffre d’affaires a augmenté en 2022 de 29,5 % sur un an. Mais la plateforme perd de l’argent (2). @