Neutralité de l’Internet : la FCC remonte au créneau

En fait. Le 5 février dernier, Tom Wheeler, président du régulateur des télécoms américain, la FCC (Federal Communications Commission), a présenté à ses collègues le nouveau projet de règlement « Open Internet » qui prévoit une neutralité du Net plus « stricte » – comme le lui a demandé Barack Obama.

En clair. Le sort de la neutralité de l’Internet aux Etats-Unis est maintenant entre les mains des cinq commissaires de la FCC qui doivent se prononcer le 26 février prochain sur le projet de nouveau règlement « Open Internet » que leur président Tom Wheeler vient de leur soumettre. Sans surprise, les propositions sont en faveur d’une « Net Neutrality » stricte telle que Barack Obama l’avait demandée le 10 novembre 2014 lors d’un « President’s Statement » historique (1) – au grand dam des opérateurs télécoms et câblo-opérateurs du pays. AT&T a aussitôt décidé de suspendre son déploiement de fibre optique. Verizon, Comcast et d’autres FAI sont aussi vent debout contre ce projet
« Open Internet ». Et pour cause : le président des Etats-Unis s’était prononcé pour trois « no » : « No blocking, no throttling, no paid prioritization » (aucun blocage, aucun étranglement, aucune priorisation payée sur Internet). Il a ainsi demandé à la FCC
« des règles les plus strictes possibles pour protéger la neutralité du Net » et « une interdiction explicite de la priorisation payée », tout en ajoutant que « ces règles doivent aussi être pleinement applicables au mobile haut débit ». Dans une lettre datée du 16 janvier dernier, la Maison Blanche a réitéré auprès de la FCC son exigence pour « une régulation forte ». Mais cela suppose de légiférer pour placer le trafic Internet – fixe et mobile – sous le « Titre II » de la loi américaine sur les télécommunications (Communications Act). Il faudra donc légiférer pour que la FCC ait ainsi le pouvoir de réguler les fournisseurs d’accès Internet (FAI) et les opérateurs mobiles comme des
« common carriers » (2) auxquels leur sera alors imposée une neutralité « stricte » d’Internet.
La FCC avait bien tenté depuis 2010 de leur imposer mais ses décisions ont été annulées par la justice, notamment par le tribunal de Washington en janvier 2014. Le projet « Open Internet » devrait être adopté le 26 février par la FCC, dont le président Tom Wheeler est démocrate comme Barack Obama et deux autres membres sur cinq. Le problème est que le Congrès américain est contrôlé par les républicains. Cependant, Barack Obama – dont le mandat se terminera en janvier 2017 – pourra encore utiliser son droit de veto si cela n’allait pas dans son sens et celui des géants du Web (ou OTT), dont Google/YouTube, Facebook et Netflix. L’Europe, elle, scrute l’issue de
cette bataille. @

Lutte contre piratage et lutte contre le terrorisme : Internet se retrouve entre le marteau et l’enclume

Internet est doublement dans la ligne de mire du gouvernement. Deux projets le concernant se télescopent : la lutte contre le piratage en ligne, et la lutte contre
le cyberterrorisme. Des acteurs du Net s’inquiètent de l’impact de mesures répressives sur les libertés fondamentales.

Il s’agit pour le gouvernement de Manuel Valls (photo), d’une part,
de renforcer la responsabilité de tous les intermédiaires de l’Internet pour qu’ils déréférencent ou « assèchent » les sites présumés pirates d’œuvres protégées par le droit d’auteur, et, d’autre part, d’accroître la surveillance et le blocage de sites web afin de lutter contre le terrorisme et son apologie (1). Après l’attentat dramatique qui a touché de plein fouet le journal satirique Charlie Hebdo, ces deux projets qui n’ont a priori rien à voir entre eux se retrouvent aujourd’hui dans les priorités du gouvernement. Pour le meilleurs et… pour le pire ?

Pas sûr que Kindle Unlimited, Youboox, Youscribe, Izneo, ePoints ou Publie.net soient dans l’illégalité

La saisine de la médiatrice du livre par Fleur Pellerin pourrait finalement être salvateur et aboutir à lever l’incertitude juridique qui entoure ces nouvelles offres forfaitaires illimitées d’accès à des catalogues d’ebooks, lesquelles répondent à une demande des lecteurs. Car il serait impensable que Laurence Engel, la médiatrice du livre, en arrive – en cas d’échec de la conciliation – à saisir la juridiction compétente pour lui demander d’ordonner la cessation de ces nouvelles plateformes de lecture en ligne qui, si cela était démontré, seraient contraires aux lois n°81-766 du 10 août 1981 (loi
« Lang » sur le prix du livre) et n°2011- 590 du 26 mai 2011 (prix du livre numérique), toutes deux ayant été modifiées par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 (consommation).

L’accès temporaire et la loi de 2011
Faudra-t-il interpréter différemment la loi – voire la préciser – plutôt que de fermer des plateformes innovantes ? « Les utilisateurs de Youboox n’obtiennent pas la propriété des livres numériques qu’ils consultent. Par conséquent, la loi du 26 mai 2011 et le décret du 10 novembre 2011 ne sont pas applicables à notre activité, qui est parfaitement légale », a assuré Hélène Mérillon (photo), la cofondatrice et présidente
de Youboox, dans un droit de réponse publié par ActuaLitté le 15 octobre dernier et transmis par son avocat Emmanuel Pierrat. « Ces livres sont mis à sa disposition temporairement (s’il reste abonné) dans l’application Youboox, au fur et à mesure de
la lecture. Ils ne sont à aucun moment téléchargés dans leur intégralité, ni transférés », a-t-elle expliqué en se défendant de vouloir ainsi « contourner la loi » comme le laissait penser explicitement l’article incriminé (1) mis en ligne le 31 juillet 2014. Car, selon elle, la licence d’utilisation de ce mode d’exploitation des livres numériques est exclue du périmètre de la loi du 26 mai 2011 sur le prix du livre numérique : son article 2 (premier alinéa) parle de « prix de vente au public » que doivent fixer l’éditeur : « Toute personne établie en France qui édite un livre numérique dans le but de sa diffusion commerciale en France est tenue de fixer un prix de vente au public pour tout type d’offre à l’unité ou groupée. Ce prix est porté à la connaissance du public. Ce prix peut différer en fonction du contenu de l’offre et de ses modalités d’accès ou d’usage ». Cela suppose, soutiennent Hélène Mérillon et Emmanuel Pierrat, la transmission de la propriété d’un livre numérique, ce qui n’est pas le cas dans les offres de ebooks en streaming puisque ces derniers sont accessibles temporairement – le temps de la validité de l’abonnement. Avec Kindle Unlimited, Youboox, Youscribe, Izneo, ePoints ou encore Publie.net, il n’est donc pas question de « prix de vente » mais de licences d’usage temporaire (le temps de l’abonnement). Pourtant, le décret semble prendre en compte ces nouvelles « modalités d’accès ou d’usage » dans son article 2 : « Les modalités d’accès au livre numérique s’entendent des conditions dans lesquelles un livre numérique est mis à disposition sur un support d’enregistrement amovible ou sur un réseau de communication au public en ligne, notamment par téléchargement ou diffusion en flux (“streaming”). Les modalités d’usage du livre numérique se rapportent notamment […] à la durée de mise à disposition du livre numérique ». Alors, le prix unique du livre s’applique-t-il aussi bien à la vente qu’à la location ? A la cession et au prêt ? Au téléchargement définitif et visionnage en streaming ? Nous l’avons vu, la loi de 2011 précise que « ce prix peut différer en fonction du contenu de l’offre et de ses modalités d’accès ou d’usage ». Est-ce à dire que les éditeurs et les plateformes doivent se mettre d’accord sur les prix des ebooks, qu’il y est vente ou location, au risque de tomber dans l’ornière de l’entente illicite sur les prix ? A moins que l’on admette une bonne fois pour toute que les abonnements « illimités » de ces nouvelles bibliothèques en ligne ne soient ni de la vente ni du prêt, mais un accès temporaire aux livres numériques, un usage éphémère des ebooks qui ne tombe pas sous le coup de la loi « Lang » modifiée en 2011.

La lutte contre le terrorisme en ligne renforce l’« autorité administrative » au détriment du juge

Après les lois « LCEN », « Hadopi », « Loppsi 2 » et « LPM », voici que la loi
« Antiterrorisme » – promulguée le 14 novembre – vient complexifier la législation sur la surveillance des réseaux et des internautes. Le problème est que le juge judiciaire est de plus en plus absent des procédures.

Etienne Drouard (photo), cabinet K&L Gates LLP et Vincent Lamberts, cabinet Acteo

La loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives
à la lutte contre le terrorisme (loi « Antiterrorisme ») est parue au Journal Officiel le jour où nous écrivons ces lignes (1). Parmi ses dispositions les plus discutées figurent les nouvelles mesures de lutte contre la provocation et l’apologie du terrorisme.

Malgré la loi anti-Amazon, Amazon s’impose au livre

En fait. Le 26 juin, le Syndicat national de l’édition (SNE) a – pour une fois –
tenu son AG annuelle dans l’hôtel particulier de Massa, lequel fut donné à l’Etat en 1928 à condition d’héberger la Société des gens de lettres (SGDL)…
Le Syndicat de la librairie française (SLF) y est aussi. Pas encore Amazon !

En clair. Les éditeurs, les auteurs et les libraires se serrent les coudes face à la
vague du numérique qui s’apprête à déferler en France tel un tsunami sur le monde
de l’édition de livre. Le Parlement était de la partie : le matin même de l’assemblée générale du SNE, les sénateurs adoptaient – après les députés en février – la loi pour
« encadrer les conditions de la vente à distance des livres », loi surnommée « anti-Amazon ». Ce texte, modifiant la loi de 1981 sur le prix unique du livre, interdit désormais le géant du e-commerce – mais aussi les sites web des libraires – de vendre des livres imprimés avec à la fois la réduction de 5 % sur le prix unique et la gratuité des frais de port. Le SLF et le SNE s’en sont félicités. Pour Amazon, qui perd un avantage concurrentiel, c’est un coup dur. Pas sûr que cela améliore ses relations
avec le monde traditionnel de l’édition. La firme de Seattle a déjà maille à partir avec Hachette Livre (Lagardère) sur, cette fois, les prix des livres numériques. Au point que la Commission européenne se penche sur ce différend (1).