Pris en étaux entre Amazon et Alibaba, eBay – 25 ans – cherche à augmenter sa valorisation

1995-2020 : un quart de siècle. Lorsque le Français Pierre Omidyar lança Auctionweb il y a 25 ans, il était loin d’imaginer que sa « place de marché honnête et ouverte » allait devenir le géant mondial du e-commerce eBay. Mais distancée par Amazon et Alibaba, la firme de San José est contrainte de se recentrer sur son métier historique.

Malgré un chiffre d’affaires 2019 de 10,8 milliards de dollars, un bénéfice net de plus de 1,7 milliard de dollars, une valorisation boursière proche de 30 milliards (1), plus de 183 millions d’acheteurs actifs dans le monde, et un volume de ventes en ligne de 90,2 milliards de dollars de transactions cumulées l’an dernier sur ses places de marché, eBay est en pleine crise des 25 ans. Des actionnaires, parmi lesquels deux fonds d’investissement newyorkais, Starboard Value et Elliott Management, estiment que le groupe eBay est « profondément sous-évaluée » et qu’il lui fallait – et ils ont eu gain de cause – se séparer de ses filiales StubHub (billetterie en ligne) et eBay Classifieds (petites annonces).
Est-ce aussi l’avis de Pierre Omidyar (photo), fondateur d’eBay, toujours membre du conseil d’administration (un des 14 « Director ») et encore l’un des principaux actionnaires avec plus de 4 % du capital de la firme de San José ? Ce Français d’origine iranienne – devenu milliardaire à 31 ans lors de l’introduction d’eBay en Bourse en 1998 et aujourd’hui 120e fortune mondiale et 36e américaine, selon Forbes (2) – s’était opposé en 2014 à la vente de PayPal (3). Et ce, avant que l’investisseur activiste Carl Icahn n’obtienne la scission l’année suivante. Cinq ans après l’introduction en Bourse de ce pionnier du paiement en ligne (4), c’est au tour des investisseurs Starboard Value et Elliott Management de réussir à convaincre la direction d’eBay de vendre StubHub et ses actifs « Classifieds ».

Cessions d’actifs et rachats d’actions
La décision de céder StubHub n’a pas été prise sans remous. Devin Wenig, opposé à cette vente, a choisi fin septembre 2019 de démissionner de son poste de PDG. Sous pression de ces deux fonds « activistes » (5), il avait expliqué ne plus être « sur la même longueur d’onde que [son] nouveau conseil d’administration » (6). Cinq ans auparavant, son prédécesseur John Donahoe avait déjà dû céder les rênes d’eBay après s’être opposé à la scission de PayPal. Perdre deux CEO en cinq ans, cela fait beaucoup ! Il y a maintenant près de six mois qu’eBay a un PDG par intérim, en la personne de Scott Schenkel (7). Le conseil d’administration, présidé par Thomas Tierney, cherche toujours son futur CEO. En cette période de transition incertaine, les spéculations vont bon train : « Amazon est dans une position privilégiée pour faire une offre sur eBay en 2020, et peut se permettre de le faire en cash », a récemment écrit un analyte financier sur Forbes.com (8). Pour l’heure, eBay accuse Amazon de détourner illégalement ses cybercommerçants et a déposé plainte l’été dernier devant la justice californienne (9).

Être racheté par Amazon ou se développer ?
En attendant son CEO et le verdict, le recentrage d’eBay sur son coeur de métier historique – vente en ligne de produits en tout genre aux consommateurs – se poursuit. La finalisation de la cession de StubHub, engagée en novembre 2019, a été annoncée le 13 février dernier, pour plus de 4 milliards de dollars cash. L’acquéreur est le spécialiste mondial des billetteries, Viagogo Entertainment (créé par le cofondateur de StubHub, Eric Baker). « La cession de StubHub renforce notre engagement à créer de la valeur pour l’actionnaire et est conforme aux autres mesures que nous avons prises, comme l’amélioration de la marge, le rachat d’actions et l’émission de dividendes », a justifié Scott Schenkel.
Mais pour eBay, se délester de StubHub va induire un manque à gagner de 1 milliard de dollars cette année. En volume de transaction, cette billetterie a même représenté l’an dernier 4,7 milliards de dollars (sur les 90,2 milliards de dollars globaux). Par conséquent, la place de marché du e-commerce et des enchères en ligne s’attend à ce que son chiffre d’affaires 2020 repasse sous la barre des 10 milliards de dollars, à savoir – selon ses prévisions – « de 9,56 milliards de dollars à 9,76 milliards de dollars ». Or, c’est sans compter la prochaine cession de l’activité de la filiale eBay Classifieds (petites annonces en ligne de voitures, d’immobilier, d’emploi, …). C’est le Wall Street Journal (Dow Jones) qui a révélé le 21 février au matin ce nouveau projet de vente d’actif valorisé autour de 10 milliards de dollars. Il y a un an, eBay Classifieds a été renforcé avec l’acquisition de Motors.co.uk en Grande-Bretagne pour 93 millions de dollars. Deux groupes de médias – le sud-africain Naspers et l’allemand Axel Springer – sont en lice pour racheter les « Classifieds » d’eBay. La firme de San José a dû clarifier en fin de journée ses nouvelles intentions : « eBay explore des alternatives susceptibles de créer de la valeur pour les petites annonces et poursuit des discussions actives avec de multiples parties [entreprises et investisseurs, ndlr] concernant une potentielle transaction », a confirmé le groupe, tout en précisant qu’il agit « en urgence » et qu’il fera un point sur ce processus en cours « d’ici le milieu de l’année ». Les banques d’affaires Goldman Sachs et LionTree l’aident à trouver preneur, tandis que le cabinet d’avocats newyorkais Wachtell, Lipton, Rosen & Katz le conseille. Pour Scott Schenkel, ce recentrage sur le e-commerce – où eBay perçoit des commissions sur les ventes, alors que les petites annonces génèrent essentiellement des recettes publicitaires – devrait permettre au groupe fondé par Pierre Omidyar d’augmenter le volume des transactions, du chiffre d’affaires, de la rentabilité et des flux de trésorerie, « tout en continuant à investir dans la croissance rentable à long terme ». Cela passera aussi par une réorganisation de l’équipe de direction, sous la houlette du prochain PDG une fois nommé, et surtout par une modernisation de la place de marché : plus d’outils et de data pour les vendeurs, de meilleures interfaces et moins d’arnaques pour les acheteurs. eBay, qui s’est retiré l’an dernier du projet Libra de Facebook, veut en outre accélérer le déploiement de sa propre solution de gestion des paiements, un service d’intermédiation lancé en septembre 2018 aux Etats- Unis, un an après en Allemagne, et, comme annoncé le 25 février (10), en Grande-Bretagne. Cet outil de paiement permet aux acheteurs de payer selon plusieurs options : cartes de crédit, Google Pay, PayPal (dont le contrat d’exploitation du e-paiement de son ex-filiale arrive à échéance au second semestre) et bientôt Apple Pay. Ces « paiements gérés » par eBay permettent de faire faire des économies aux vendeurs de la plateforme et de sécuriser les transactions.
Que va faire le groupe de e-commerce de tout cet argent provenant de la vente d’actifs ? Il prévu notamment d’augmenter son plan de rachat d’actions pour 2020, de 1,5 milliard de dollars à 4,5 milliards de dollars. Ce qui devrait contribuer à amortir l’impact négatif de la suppression de StubHub et des Classifieds du périmètre consolidé du groupe. En optimisant ainsi sa stratégie et son portefeuille d’actifs, eBay espère redorer son blason en Bourse.

Pierre Omidyar, philanthropie et journalisme
Pendant ce temps, le « Frenchie » américain Pierre Omidyar (52 ans) coule des jours que l’on suppose heureux avec sa femme Pam et ses trois enfants à Honolulu, à Hawaï, d’où il gère son patrimoine et – à travers la Omidyar Foundation depuis 1998 et la société d’investissement Omidyar Network depuis 2004, deux entités fondées avec Pam – ses oeuvres philanthropiques. Il investit par ailleurs dans des médias comme The Intercept, Field of Vision ou Topic, via sa société First Look Media créée en 2013, tout en étant éditeur à Honolulu du site web local Civilbeat.org via son autre entité Peer News (11). @

Charles de Laubier

A la demande des industries créatives, les Etats-Unis déclarent la guerre à la contrefaçon et au piratage

La peur va-t-elle changer de camp aux Etats-Unis ? Le président Donald Trump entend donner des gages aux industries créatives en déclarant la guerre à la contrefaçon et au piratage de produits, y compris en ligne. Les plateformes de e-commerce devront coopérer. Mais le risque liberticide existe.

Fabrice Lorvo*, avocat associé, FTPA.

Au commencement de la révolution numérique, les acteurs de l’Internet, par philosophie ou par appât du gain, se sont opposés à toute régulation au nom de la liberté. Cependant, se pose avec persistance l’éternelle question : « Peut-il y avoir de liberté sans contrainte ? ». Dans les faits, le cyberespace est devenu un terreau fertile sur lequel a pu prospérer tant la contrefaçon que la piraterie.

Contrefaçon : plus de 1.000 milliards de $
Le contrefacteur est celui qui vend au public une copie de produits originaux copiés ou imités, alors que le pirate met à la disposition du public, sans autorisation du titulaire des droits, une œuvre ou un événement protégé et en tire un revenu ou un avantage direct de son activité, par exemple par abonnement ou par la publicité. D’un point de vue général, la vente de produits contrefaits et piratés – via des plateformes de commerce électronique et des marchés tiers en ligne – est une entreprise très rentable. En 2018, d’après une étude publiée par Bascap (1) et Frontier Economics (2), le montant des ventes mondiales des produits de contrefaçon était estimé en 2013 entre 710 et 917 milliards de dollars (3), et il est prévu qu’il atteindra 1.000 à 1.220 milliards de dollars d’ici 2022.
Pour les contrefacteurs, les coûts de production sont faibles. Internet permet d’accéder à des millions de clients potentiels. Le processus transactionnel est simple et le référencement sur des plateformes de notoriété internationale confère une apparence de légalité. De plus, les risques sont faibles car les contrefacteurs peuvent être résidents de pays dans lesquels cette activité illégale est peu poursuivie ou peu sanctionnée, que ce soit sur le plan civil ou pénal.
L’industrie numérique est aussi directement touchée. L’étude démontre que le montant des ventes mondiales des produits numériques piratés en 2015 était de 213 milliards de dollars (dont 160 milliards pour les films, 29 milliards pour la musique et 24 milliards pour les logiciels). Il est prévu qu’il atteindra d’ici 2022 entre 384 et 856 milliards de dollars (dont entre 289 et 644 milliards pour les films, entre 42 et 94 milliards pour la musique, et entre 42 et 95 milliards pour les logiciels).
Les réseaux sociaux sont eux-aussi concernés par la prolifération des contrefaçons. Selon un rapport de Ghost Data paru en 2019, près de 20 % des articles analysés sur les produits de mode sur Instagram comportaient des produits contrefaits ou illicites (4). Plus de 50.000 comptes Instagram ont été identifiés comme faisant la promotion et la vente de contrefaçons, une augmentation de 171 % par rapport à 2016. Ce phénomène est notamment justifié par les fonctionnalités proposées par les réseaux sociaux. Sur Instagram, par exemple, la recherche de certains biens est facilitée par l’utilisation des noms des marques de luxe dans les hashtags, les fameux mots-dièse. Les résultats de ces recherches mêlent cependant, à l’insu des utilisateurs, des produits contrefaits et des produits authentiques. Il est donc difficile de les différencier. De plus, la fonctionnalité « Story » d’Instagram est très utilisée par les vendeurs de contrefaçons car le contenu publié disparaît en vingt-quatre heures, ce qui permet de vendre rapidement et de disparaître.
Le 3 avril 2019, le président des Etats-Unis a publié un « Memorandum sur la lutte contre le trafic de marchandises contrefaites et piratées » (5) dans lequel il demandait un rapport faisant des recommandations pour lutter plus efficacement contre le trafic de marchandises contrefaites et piratées, y compris en ligne. Le 10 juillet 2019, le département du Commerce américain (DoC) a publié un appel à contribution (6) pour obtenir du secteur privé – détenteurs de droits de propriété intellectuelle, des plateformes de marchés en ligne et autres parties prenantes – leurs commentaires sur l’état de la contrefaçon et de la piraterie et leurs recommandations pour freiner ledit trafic.

Les exigences des industries culturelles
En août 2019, plusieurs associations professionnelles américaines de l’industrie créatrice – à savoir la MPAA (7), l’IFTA (8), CreativeFuture (9), et le Sag-Aftra (10), ont répondu à cet appel en demandant à l’administration :
• de continuer d’exhorter les plateformes de contenus et les intermédiaires Internet à collaborer avec la communauté créative sur les meilleures pratiques volontaires pour lutter contre la violation du droit d’auteur ;
• d’encourager le département de la Justice (DoJ) à engager des poursuites pénales contre les entités impliquées dans une violation du droit d’auteur en ligne ;
• de persister à faire pression sur l’Icann (11) pour rétablir l’accès aux données « Whois » (12), accès qui serait entravé par une application excessive du RGPD européen, et d’adopter une loi si l’Icann ne parvient pas à le faire rapidement ;
• et d’élever le niveau de protection des droits d’auteur à l’étranger par le biais de négociations commerciales.

Les recommandations du « Homeland Security »
Le 24 janvier 2020, le département de la Sécurité intérieure des Etats-Unis – le « Homeland Security » (DHS) – a remis au président américain Donald Trump un rapport intitulé « Combattre le trafic de produits contrefaits et piratés » (13). Il conclut qu’il est essentiel, pour l’intégrité du commerce électronique et pour la protection des consommateurs et des titulaires de droits, que les plateformes de e-commerce et autres intermédiaires tiers assument un plus grand rôle, et donc une plus grande responsabilité dans la lutte contre le trafic de marchandises contrefaites et piratées. Ce rapport préconise de prendre immédiatement les mesures suivantes :
• S’assurer que les entités ayant des intérêts financiers dans les importations aux Etats-Unis assument une responsabilité. Elles devront apporter un soin raisonnable dans la lutte contre la piraterie. De plus, les entrepôts et les centres de distribution situés aux Etats-Unis seront considérés comme les destinataires finaux pour tout bien qui n’a pas été vendu à un consommateur spécifique au moment de son importation.
• Accroître l’examen du périmètre de l’article 321 (texte qui permet l’admission de produits en franchise de droits si sa valeur n’excède pas 800 dollars) pour obtenir plus d‘informations sur l’identité des tiers vendeurs. A défaut d’information, la responsabilité pèsera sur l’entrepôts ou le centre de distribution présent sur le sol américain.
• Lutter contre les acteurs de la fraude. Pour les acteurs directs, en excluant les récidivistes de la piraterie de toute participation aux marchés publics américains et/ou de pouvoir obtenir un numéro d’importateur pour les Etats-Unis. Pour les acteurs indirects, en adoptant des mesures de non-conformité dans l’utilisation du courrier international et en agissant contre les postes internationales qui ne les respecteraient pas.
• Renforcer la responsabilité des intermédiaires, dont les plateformes Internet, en appliquant des sanctions (amendes civiles, pénalités et injonctions), dès lors qu’il est prouvé qu’ils ont illégalement participé à l’importation de produits contrefaits.
• Améliorer la collecte des données concernant l’arrivée des produits contrefaits aux Etats-Unis par l’intermédiaire du courrier international.
• Créer un « Consortium anti-contrefaçon pour identifier les acteurs en ligne néfastes », et ce, en collectant les données auprès des acteurs tiers (plateformes, intermédiaires tiers ainsi que les transporteurs, expéditeurs, moteurs de recherche et centres de paiement en ligne). Ces données permettront de créer une technique d’automatisation des risques pour surveiller les plateformes et ainsi identifier les produits contrefaits.
• Augmenter les ressources de l’administration pour surveiller les envois (estimés 500 millions annuellement) par courrier international. Cela permettra, d’une part, de détecter les produits contrefaits, et, d’autre part, d’accroître la collecte des données sur ce type de transaction pour en améliorer la détection.
• Créer un cadre effectif moderne pour le commerce électronique qui pourrait prévoir des immunités pour les plateformes en échange d’un contrôle interne suffisant et de la communication d’informations aux autorités américaines.
• Evaluer, notamment avec le secteur privé, le cadre de la responsabilité des plateformes de e-commerce en cas de contrefaçon par fourniture de moyens.
• Réexaminer le cadre légal entourant les importateurs non-résidents (et notamment leurs agents résidents aux Etats-Unis).
• Etablir une campagne nationale de sensibilisation des consommateurs concernant les risques de contrefaçon (risques directs en cas de produits dangereux et risques indirects en cas, par exemple, de financement du terrorisme), ainsi que les différentes façons dont ils peuvent repérer les produits contrefaits.

En conclusion, le gouvernement américain déclare la guerre à la contrefaçon et à la piraterie et appelle à la mobilisation générale, tant des institutions politiques américaines, des acteurs tiers – dont les plateformes Internet – que des consommateurs situés aux Etats-Unis. Il conviendra de suivre la manière dont ces recommandations vont trouver une transcription dans la législation américaine.

L’Europe devrait avoir son mot à dire
Deux dangers doivent être conservés à l’esprit. D’une part, que la législation américaine devienne le standard international auquel devront se soumettre directement ou indirectement les opérateurs européens : dans cette perspective, une contribution de l’Europe à ce débat s’impose. D’autre part, qu’au nom de la protection du commerce et des consommateurs un vaste plan de collecte de données et de surveillance va probablement être mis en place. Il faudra garder à l’esprit que les modalités techniques de protection de la liberté peuvent aboutir, si l’on y prend garde, à l’anéantissement des libertés fondamentales. @

* Fabrice Lorvo est l’auteur du livre « Numérique : de la
révolution au naufrage ? », paru en 2016 chez Fauves Editions.

Haine sur Internet : la loi Avia veut lutter
contre un fléau sans « privatiser la censure »

Le marathon parlementaire de la future loi « Avia » contre la haine sur Internet n’en finit pas. Rédigé à la va-vite, le texte est controversé. Le délai de retrait de 24 heures – disposition supprimée puis réintégrée (délai ramené à 1 heure dans certains cas) – illustre la valse-hésitation du législateur.

Par Rémy Fekete, avocat associé, cabinet Jones Day

C’était il y a 37 ans… Dans « L’ère du vide » (1), Gilles Lipovetsky s’essayait déjà à analyser jusqu’où l’individualisme emmenait la société contemporaine, à force de tout tourner en dérision, de mettre fin à toute hiérarchie, vers une ère postmoderne. Ce postmodernisme se traduisait selon l’auteur, par une forme d’épuisement des valeurs collectives, de réduction de la violence physique, et globalement une ère de bien-pensance dans laquelle l’engagement laissait place à la tolérance.

Eviter une société schizophrène
Lipovetsky ne pouvait s’imaginer combien la généralisation de l’usage de l’Internet allait décupler cet individualisme, déjà fortifié pendant les années 1980 par les contre-vertus combinées de la crise économique et de l’explosion de la consommation audiovisuelle. De fait, 2019 parait déjà comme une année charnière puisque pour la première fois, le temps passé sur Internet dépasse celui devant les écrans de télévision (2). Récemment, le neuroscientifique Michel Desmurget nous alarmait sur la situation, selon lui presque désespérée, des atteintes portées par la visualisation d’écran pour les enfants et adolescents. Avec plus de 1.000 heures par an devant un écran, les enfants de maternelle entrent dans un processus de « crétinisation » qui ne fait que s’amplifier (3). Le risque présenté par une consommation non contrôlée de l’Internet est exacerbé par la facilité de l’accès à la violence sur le Net.
La haine et la violence s’expriment de multiples manières, telles que le cyberharcèlement, les propos haineux, les images violentes. Ces risques constatés depuis une trentaine d’années (4) ont fait l’objet de multiples dispositifs législatifs et en particulier de la loi du 21 juin 2004 « pour la confiance dans l’économie numérique » – loi dite LCEN. Depuis, de nombreux autres textes sont venus compléter l’édifice législatif français pour prendre en considération à la fois l’instrumentalisation de l’Internet dans le cadre des activités terroristes visant notre territoire, et les enjeux particuliers que présente l’effet démultiplicateur des réseaux sociaux. C’est dans ce cadre, à l’occasion du plan du gouvernement de lutte contre le racisme et l’antisémitisme le 6 mars 2018, que le Premier ministre a confié à la députée Laetitia Avia (5), à l’écrivain Karim Amellal (6) et à Gil Tayeb (7) le soin de réfléchir aux outils à mettre en place pour lutter plus efficacement contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet. C’est la deuxième fois, sous le mandat du président de la République et à la demande de l’exécutif, que les députés sont amenés à se pencher sur les limites à la liberté d’expression sur Internet. On se rappellera le fâcheux précèdent de la loi contre « la manipulation de l’information » en période électorale (8), loi dite « Fake news » promulguée le 23 décembre 2018. La proposition de loi « Avia » visant à lutter contre la haine sur Internet (9) tente de rajouter un étage supplémentaire dans le contrôle des propos échangés dans le cyberespace. A juste titre, les auteurs de la proposition de loi s’émeuvent de la libération d’une parole haineuse décomplexée sur la Toile et des effets dévastateurs, en particulier sur les jeunes, des phénomènes de cyberharcèlement. Ils constatent également la relative impunité qui règne en matière de cyberhaine, du fait du peu de plaintes déposées et en conséquence de condamnations prononcées. De fait, les plateformes de réseaux sociaux savent habilement échapper à leurs responsabilités tant par une organisation de leur groupe en forme de nébuleuse internationale qu’en exigeant leur statut juridique de simple hébergeur (que leur assure la directive européenne « E-commerce » de 2000). Il est vrai que si nous ne voulons pas voir notre société devenir schizophrène, les interdits applicables dans l’espace public réel devraient également faire l’objet d’interdits dans le cadre de comportements en ligne. Contrairement aux récrits des héros habituels de la liberté à tous crins, une opinion estimée sur Internet ne relève pas plus de la liberté de conscience qu’un cri poussé dans la rue ou qu’un écrit diffusé dans la presse papier. L’Internet a beau être accessible dans la chambre à coucher, il ne relève pas du for intérieur.

Après l’Allemagne, la France légifère
De fait, les évolutions législatives à travers le monde, y compris en Europe, tendent à instaurer des codes de bonne conduite et une responsabilité croissante des acteurs du numérique. Le 1er octobre 2017, l’Allemagne a adopté la loi « NetzDG » par laquelle la responsabilité des plateformes est renforcée avec l’obligation de mettre en place des procédures de traitement des signalements efficaces et transparentes, et l’exigence de retrait des contenus illicites sous 24 heures sous peine de lourde sanction financière.
En France, la réforme de la justice instaurée par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (10) a permis de procéder à des avancées qui sont utiles dans le cadre de la lutte contre les propos haineux sur Internet : dépôt de plainte en ligne, jugement par ordonnance pénale plus rapide, responsabilité des plateformes quel que soit leur lieu d’établissement, …

Régime de responsabilité administrative
La proposition de loi Avia prévoit un nouveau régime de responsabilité administrative applicable aux opérateurs de plateforme à fort trafic, selon un seuil de connexion mensuel sur le territoire français qui sera déterminé par décret. L’article 1er du texte, le plus critiqué, notamment au Sénat, prévoit que les opérateurs ont l’obligation de retirer ou de rendre inaccessible dans un délai maximal de 24 heures tout contenu comportant manifestement une incitation à la haine ou une injure discriminatoire en raison de la race, de la religion, du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap. Le manquement à cette obligation est passible d’une sanction – susceptible d’atteindre 4 % du chiffre annuel mondial de l’opérateur – prononcée par le CSA. Le texte prévoit également, aux termes de son article 2, de faciliter les procédures de notification des contenus illicites par les victimes. Le formalisme procédural qui était prévu initialement par la LCEN de 2004 est considérablement simplifié. Désormais, tous les hébergeurs ont l’obligation de mettre en place un bouton unique de signalement commun à tous les grands opérateurs de plateforme de communication et de simplifier le processus de notification. Le soutien des victimes et des déclarants amène l’article 3 de la proposition de loi à imposer la fourniture par les opérateurs d’une information publique claire et détaillée sur les dispositifs de recours, y compris judiciaire dont disposent les victimes.
Les opérateurs ont également une obligation de transparence en matière de lutte contre les contenus d’incitation à la haine sur Internet (obligation de communiquer le nombre de signalements reçus, la répartition des délits visés, le nombre de signalements abusifs, les moyens humains et financiers engagés, …). Le CSA voit ses compétences élargies à nouveau et il lui reviendra de suivre la lutte engagée contre la haine sur Internet et d’accompagner par ces recommandations les opérateurs de plateforme. L’article 5 impose aux opérateurs de désigner un représentant légal exerçant les fonctions d’interlocuteur référent des autorités sur le territoire français. Cette disposition est en effet essentielle tant les plateformes de réseaux en ligne ont eu jusqu’à présent le loisir de jouer sur la complexité de leur organisation sociale pour éviter de répondre aux autorités administratives judiciaires. Le montant des sanctions applicables a été augmenté de 75.000 à 250.000 euros par infraction. Ce montant reste dérisoire compte-tenu du niveau de revenus des opérateurs, même s’il a vocation à s’appliquer à chacune des infractions, notamment lorsque les représentants des plateformes refusent de coopérer promptement pour lever l’anonymat des auteurs de contenus illicites. Le législateur ayant constaté que les propos racistes sont également diffusés sur des sites web dédiés, il a tenté au sein de l’article 6 de faciliter le blocage et le déréférencement des sites web illicites ainsi que de lutter contre le transfert des contenus litigieux sur des sites miroirs. Il confie le pouvoir à une autorité administrative d’enjoindre le blocage de tels sites miroirs. La proposition de loi Avia prévoit en outre que le gouvernement présente chaque année au Parlement un rapport sur l’exécution de la loi, les moyens consacrés à la lutte contre les contenus licites, y compris en matière d’accompagnement des victimes. Enfin, car la France ne serait plus la France sans mêler à tout texte législatif une disposition fiscale, la proposition crée une taxe additionnelle d’un montant qui reste à définir. Les voies critiques se sont multipliées sur ce texte manifestement rédigé à la va-vite. Conseil national du numérique (11), Conseil d’Etat, Commission européenne (12), … Les avis étaient mitigés ou franchement négatifs, ce qui rend le parcours du combattant parlementaire peu surprenant.
Le Sénat, où certains redoutent une « privatisation de la censure », a finalement adopté le 17 décembre 2019 le texte largement modifié en supprimant notamment le délai de 24 heures prévu par la proposition pour le retrait des contenus illicites. Le texte a été renvoyé en commission mixte paritaire (CMP), qui s’est réunie le 8 janvier 2020 sans parvenir à un accord entre députés et sénateurs. En conséquence, le texte a fait l’objet d’une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale les 21 et 22 janvier après avoir été réexaminé le 14 janvier en commission des lois où le délai de 24 heures a été rétabli (13). Ce délai de retrait est assorti d’une amende plafonnée à 1,25million d’euros (14). Le texte a été adopté par les députés, avec l’introduction in extremis par le gouvernement d’un délai de 1 heure seulement pour les contenus terroristes ou pédopornographiques (15). Prochains rendez-vous : le 30 janvier pour une nouvelle lecture au Sénat et le 11 février pour l’adoption définitive du texte à l’Assemblée nationale.

GAFAM, juges de la bien-pensance ?
Espérons que les parlementaires trouveront la voie étroite pour limiter les tombereaux d’ordures qui déferlent sur la Toile, sans donner – ni aux forces étatiques, dont la répression n’est jamais neutre, de nouveaux pouvoirs limitant les libertés publiques, ni au GAFAM, motivés comme jamais par des sanctions pécuniaires significatives – le pouvoir de s’ériger en nouveaux juges de la bien-pensance universelle. Le risque, à défaut, serait de donner une nouvelle dimension à cet « Empire du bien » fustigé par Philippe Murray, qui y voyait avec raison le règne d’une « tolérance hygiénique » sans savoir combien l’Internet contribuerait à décupler ce qu’il appelait avec une anticipation géniale la « Virtue World Corporation ». @

Le Digital Services Act veut abolir la directive «E-commerce» et responsabiliser les plateformes

La directive « E-commerce » aura 20 ans en juin 2020. La Commission européenne veut la remplacer par le futur « Digital Services Act », une nouvelle législation sur les services numériques où la responsabilité des plateformes sera renforcée. Mais les GAFAM défendent leur statut d’hébergeur.

La vice-présidente exécutive de la Commission européenne chargée d’œuvrer « pour une Europe préparée à l’ère numérique », Margrethe Vestager (photo de gauche), a été missionnée par Ursula von der Leyen – laquelle a succédé il y a près de deux mois à Jean-Claude Juncker – pour coordonner la mise à niveau des règles de responsabilité et de sécurité des plateformes, des services et des produits numériques (1).

Le DSA pour compléter le DSM
Cette réforme d’envergure se fera par une « loi sur les services numériques », appelée Digital Services Act (DSA), que va proposer la Commission européenne cette année pour « compléter » le Digital Single Market (DSM) qui avait été présenté pour la première fois par la Commission « Juncker » il y aura cinq ans en mai prochain. Ce DSA portera sur de nombreux aspects de l’économie numérique et des nouveaux médias, dont la liste n’a pas encore été arrêtée à ce stade. La future proposition de texte, qui sera présentée au Parlement européen (dont la commission juridique prépare un rapport) et au Conseil de l’Union européenne, devrait comporter des mesures de lutte contre les contenus illicites en ligne, d’interdiction de la publicité politique lors de campagnes électorales, ou encore d’action communautaire pour empêcher la cyberhaine et le cyberharcèlement. Pourraient aussi être intégrées dans ce DSA des dispositions pour interdire les fausses nouvelles (fake news) et la désinformation en ligne. Cette future législation européenne sur les services numériques devrait en outre permettre de veiller aux conditions de travail de ceux qui offres leurs services aux plateformes numériques contre rémunération.
Mais le point le plus sensible à traiter par la Commission « Leyen » sera la question des exemptions de responsabilité dont bénéficient les plateformes d’hébergement depuis vingt ans. La directive « E-commerce » de juin 2000, qui est censée être transposée par l’ensemble des Vingt-huit depuis le 17 janvier 2002, prévoit en effet dans son article 15 – intitulé explicitement « Absence d’obligation générale en matière de surveillance » – que « les Etats membres ne doivent pas imposer aux [plateformes d’Internet] une obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites » (2). Cette responsabilité limitée des GAFAM a été confortée à maintes reprise par la jurisprudence européenne (3) (*) (**) (***) (****) (*****). Pourtant, un mois après sa prise de fonctions, le nouveau commissaire européen en charge du Marché intérieur, le Français Thierry Breton, a mis d’emblée les pieds dans le plat lors de sa première interview à la presse européenne : « Il faut évidemment mettre les plateformes face à leurs responsabilités. Le monde a changé. L’opinion publique aussi. On ne peut continuer à vivre dans un monde dans lequel cinq ou six grands acteurs stockent 80 % des données de la planète sans se considérer responsables des usages qui en sont faits ! », a-t-il lancé dans Les Echos datés du 8 janvier dernier. Et d’enfoncer le clou : « La directive “E-commerce” a longtemps fonctionné mais l’environnement et les usages ont considérablement évolué depuis son adoption. (…) Mon objectif, c’est de renforcer, vite, la responsabilité des grandes plateformes ». Et d’ajouter en plus : « Je préférerais le faire dans le cadre de la directive “E-commerce” mais nous verrons s’il nous faut aller plus loin » (4).
Son propos catégorique dans le quotidien économique français était une réponse à Edima, qui, la veille, a appelé la Commission européenne à préserver ce statut d’hébergeur à responsabilité limitée. Cette organisation (5), basée à Bruxelles, représente les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) ainsi que Airbnb, Allegro, eBay, Expedia, Mozilla Mozilla, OLX, Snap, TripAdvisor, Twitter, Verizon Media, Yelp et un nouveau membre : Spotify). « La responsabilité limitée doit être réaffirmée. (…) Il est essentiel de garder à l’esprit les avantages du régime établi par la directive sur le commerce électronique, notamment (…) l’interdiction d’une obligation générale de surveillance [d’Internet] », déclare Siada El Ramly (photo de droite), directrice générale de Edima.

Les GAFAM attachés à leur régime
Plutôt que d’abolir la directive « E-commerce », Edima propose un nouveau « cadre de responsabilité en ligne », qui permettrait et encouragerait les fournisseurs de services en ligne à faire davantage pour protéger les consommateurs contre les contenus illicites en ligne. Une brèche dans la responsabilité limitée des plateformes a déjà été ouverte avec la nouvelle directive « Droit d’auteur et droits voisins dans le marché unique numérique » promulgué en mai dernier (6). Ainsi, sans accord avec les ayants droits, les GAFAM seront responsables du piratage en ligne (7) sans qu’ils puissent invoquer le régime de responsabilité limité d’hébergeur. @

Charles de Laubier

PDG depuis 5 ans de la Française des Jeux (FDJ), Stéphane Pallez mise sur le digital et… gagne

Du 7 au 20 novembre, public et investisseurs pourront souscrire à des actions « FDJ », ce sigle ayant été choisi comme enseigne par la Française des Jeux il y a dix. L’Etat français passera de 72 % du capital à 20 % après privatisation de cette cash machine. Son plan « FDJ2025 » accroît la mise sur le numérique.

Télescopage du calendrier pour Stéphane Pallez (photo), la présidente-directricegénéral (PDG) de la Française des Jeux (FDJ) : elle fête en novembre ses 5 ans à la tête de cette entreprise héritière de Loterie nationale créée en 1933, et, au cours de ce même mois de novembre, elle l’accompagne dans sa privatisation. Première cotation en Bourse : le 21 novembre. C’est l’occasion de dresser un premier bilan de sa stratégie « FDJ2020 » qu’elle avait lancée en juillet 2015 pour digitaliser son écosystème. Et c’est maintenant au tour de « FDJ2025 ».

Passage de FDJ2020 à FDJ2025
A peine le plan stratégique FDJ2020 est-il achevé que Stéphane Pallez vient de lancer le plan FDJ2025. Et ce, a expliqué le 7 octobre dernier l’ancien monopole des jeux d’argent et de hasard en ligne, « sur la base de la confirmation pour 25 ans de ses droits exclusifs sur la loterie et sur les paris sportifs en points de vente, et du nouveau cadre fiscal et réglementaire ». Point commun majeur entre ces deux plans successifs : la digitalisation est placée au coeur du développement de la FDJ. Le plan FDJ2020 était doté d’une enveloppe de 500 millions d’euros sur cinq ans pour notamment investir dans la transformation de son système d’information (50 %), la numérisation de son réseau de distribution (36 %) ou encore l’innovation (5 %).
L’objectif était que les ventes digitalisées au niveau du réseau de vente et des services en ligne atteignent 20 % du chiffre d’affaires en 2020, soit quatre fois plus qu’en 2014. Ce seuil pourrait être dépassé, au regard des 15 % de « mises numérisées » atteints l’an dernier. Les 25 millions de Français « de 18 ans et plus » clients de la FDJ jouent de plus en plus connectés, notamment via leur smartphone. Le réseau de distribution de plus de 30.000 points de vente (1) s’est digitalisé, tandis que le site de e-commerce fdj.fr et les applications mobiles font un tabac (2). Les jeux, eux, sont aujourd’hui au nombre de 85 : jeux de loterie ou de tirage (Loto, Euromillions, …), jeux instantanés (Millionnaire, Cash, Mission Patrimoine, Astro, Vegas, …) et paris sportifs (Parions Sport). Grâce à eux, la FDJ a collecté l’an dernier 15,8 milliards d’euros de mises (+ 4,4 % en un an), sur lesquelles elle a distribué 10,7 milliards d’euros à ses joueurs (+ 5,7 %), tout en contribuant pour 3,5 milliards d’euros aux finances publiques et en rémunérant son réseau de détaillants à hauteur de 800 millions d’euros. Son chiffre d’affaires 2018 a progressé de 2,3 % à 1,8 milliard d’euros et le résultat net est de 170 millions d’euros, pour un effectif de 2.200 collaborateurs. « La FDJ enregistre un produit brut des jeux (3) en hausse de 1,9 % à 5,1 milliards d’euros, avec une part du secteur économique des jeux d’argent en France proche de 50 % », avait indiqué l’entreprise pour 2018. Cette cash machine est une affaire très rentable, y compris pour l’Etat… mais plus pour longtemps. Ses capitaux propres étaient de 564 millions d’euros au 31 décembre 2018 et sa trésorerie disponible de 841 millions d’euros. La FDJ fait aussi valoir sa contribution à la richesse nationale : 5,4 milliards d’euros en 2018 (+ 2,9 % en un an), soit 0,2 % du PIB (4). Cette fois, le plan « FDJ2025 » de Stéphane Pallez – dont le mandat se termine en 2024 – prévoit d’accroître encore plus la numérisation de la deuxième plus importante loterie en Europe (5) et quatrième au niveau mondial (6). « Sur la période 2020-2025, la FDJ prévoit des investissements cumulés, hors croissance externe, d’environ 600 millions d’euros dédiés notamment, comme depuis cinq ans, à la transformation de ses systèmes d’information », a expliqué le 7 octobre la société d’économie mixte actuellement contrôlée par l’Etat français à hauteur de 72% de son capital. « Ce plan poursuit la dynamique initiée par le plan stratégique 2020, notamment au niveau de la digitalisation et du développement international ».
Pour les cinq ans qui viennent, comme le montre le prospectus d’introduction en Bourse daté du 17 octobre (7), la FDJ table sur une croissance annuelle moyenne des mises et du chiffre d’affaires entre 3 % et 4 %. Les paris sportifs devraient progresser plus vite que la loterie. Quant aux autres activités, notamment le business-to-business (B2B) à l’international (comme fournir en marque blanche une plateforme technique de poker à un casino) et les paiements et services en points de vente, elles devraient contribuer à soutenir la croissance.

CA : 2 milliards d’euros en 2019
L’année 2019, elle, marquera le franchissement de la barre des 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires, grâce non seulement à la croissance mais aussi à la prise en compte en année pleine de Sporting Group racheté en mai dernier. Et en 2020, la FDJ devrait profiter de l’UEFA Euro 2020 sur les paris sportifs et par ailleurs de la nouvelle fiscalité basée sur le produit brut des jeux (PBJ) applicable à partir du 1er janvier 2020. @

Charles de Laubier