Gilles Pélisson : vers plus de convergence entre TF1 et Bouygues Telecom ?

En fait. Le 28 octobre, Gilles Pélisson a été désigné successeur – à partir de mi-février 2016 – de Nonce Paolini à la tête de TF1, lequel était PDG depuis juillet 2008. Mais cet ancien de Bouygues Telecom (2001-2005) ne dit pas s’il est chargé de trouver des synergies avec la filiale télécoms.

Gilles PélissonEn clair. Martin Bouygues confira-t-il à Gilles Pélisson (photo) une mission « convergence » similaire à celle dont il avait chargée Nonce Paolini en 2009 ? Le PDG du groupe Bouygues avait en effet demandé il y a six ans de « mener une réflexion approfondie sur la convergence (entre l’Internet, l’activité des médias et celle de la téléphonie fixe ou mobile) » et d’ »élaborer des stratégies et des propositions d’organisation pour réussir cette convergence ». Le patron de TF1, Nonce Paolini, avait même perçu pour cette « mission supplémentaire » 145.000 euros (1).
On connaît la suite : les synergies entre la chaîne de télévision et l’opérateur télécoms s’en tiennent au stricte minimum telles que la diffusion de TF1 sur la Bbox, la présence du portail MyTF1 sur cette même box, dont le service de VOD et de catch up TV.

Nonce Paolini ne croit pas à des « exclusivités » avec Bouygues Telecom
A part cela, pas grand chose. Nonce Paolini, qui a encore tout récemment – le 12 novembre dernier, devant l’Association des journalistes médias (AJM) – exprimé ses réserves sur l’idée de convergence télécoms-médias et d’exclusivités avec Bouygues Telecom, s’en est tenu à la « stratégie multi-supports » (IPTV, player TF1 sur mobile, MyTF1, MyTF1VOD et TV de rattrapage) qu’il avait esquissée dès octobre 2009 – la veille de l’éviction de son prédécesseur à l’époque, Axel Duroux (2) – lors d’un colloque NPA Conseil sur l’audiovisuel. Ce dernier ne croyait d’ailleurs ni à la diversification de TF1 sur Internet ni, à l’instar de Le Lay et Mougeotte, à la TNT. La « convergence » entre TF1 et Bouygues Telecom n’a donc pas été plus loin, se résumant à des relations classiques entre fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et chaîne de télévision, au même titre que M6, Canal+ ou encore Netflix. Continuer la lecture

Gilles Pélisson : des synergies TF1-Bouygues Telecom ?

En fait. Le 28 octobre, Gilles Pélisson a été désigné successeur – à partir de mi-février 2016 – de Nonce Paolini à la tête de TF1, lequel était PDG depuis juillet 2008. Mais cet ancien de Bouygues Telecom (2001-2005) ne dit pas s’il est chargé de trouver enfin des synergies avec la filiale télécoms.

En clair. Martin Bouygues confira-t-il à Gilles Pélisson une mission « convergence » similaire à celle dont il avait chargée Nonce Paolini en 2009 ? Le PDG du groupe Bouygues avait en effet demandé il y a six ans de « mener une réflexion approfondie sur la convergence (entre l’Internet, l’activité des médias et celle de la téléphonie fixe ou mobile) » et d’« élaborer des stratégies et des propositions d’organisation pour réussir cette convergence ». Le patron de TF1, Nonce Paolini, avait même perçu pour cette « mission supplémentaire » 145.000 euros (1). On connaît la suite : les synergies entre la chaîne de télévision et l’opérateur télécoms s’en tiennent au stricte minimum telles que la diffusion de TF1 sur la Bbox, la présence du portail MyTF1 sur cette même box, dont le service de VOD et de catch up TV. A part cela, pas grand chose.

Nonce Paolini s’en est tenu à la « stratégie multi-supports » (IPTV, player TF1 sur mobile, MyTF1, MyTF1VOD et TV de rattrapage) qu’il avait esquissée dès octobre 2009 – la veille de l’éviction de son prédécesseur à l’époque, Axel Duroux (2) – lors d’un colloque NPA Conseil sur l’audiovisuel. Ce dernier ne croyait d’ailleurs ni à la diversification de TF1 sur Internet ni, à l’instar de Le Lay et Mougeotte, à la TNT.
La « convergence » entre TF1 et Bouygues Telecom n’a donc pas été plus loin, se résumant à des relations classiques entre fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et chaîne de télévision, au même titre que M6, Canal+ ou encore Netflix.

Reste à savoir si avec Gilles Pélisson, dont la prise de fonction est fixée au 19 février 2016 (deux jours après son officialisation comme PDG), les relations de bon voisinage entre TF1 et Bouygues Telecom seront renforcées. Avec Nonce Paolini, qui restera
à ses côtés jusqu’à cette passation de pouvoir, il aura l’occasion de parler « conver-
gence ». D’autant que les deux hommes se connaissent bien : Gilles Pélisson fut DG puis PDG de Bouygues Telecom de 2001 à 2005, et travaille justement avec Nonce Paolini qui est alors directeur général délégué de l’opérateur télécoms.

Gilles Pélisson est aussi membre indépendant du conseil d’administration de TF1 depuis 2009 et son le nom a circulé parmi d’autres pour la succession à TF1. Mais pour qu’il y ait un renforcement de synergies, encore faut-il que le tandem Gilles Pélisson-Olivier Roussat (3) le veuille. @

US Safe Harbour : la CJUE accable la Commission européenne

L’arrêt de la Cour de justice, déclarant invalide la décision de la Commission européenne qui considérait que les Etats-Unis assurent un niveau de protection adéquat aux données européennes transférées, accable cette dernière dans sa gestion des transferts et du flux transatlantiques de données. La portée de cet arrêt se mesure au contexte des vingt ans passés.

Par Christophe Clarenc, cabinet Dunaud Clarenc Combles & Associés

La directive européenne 95/46/CE du 24 octobre 1995 « relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données » a été adoptée pour établir un niveau harmonisé et
« élevé » de protection des données personnelles au sein de l’Europe et permettre, sur cette base, leur libre circulation entre les Etats membres et leurs entreprises. L’article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne adoptée en décembre 2000 a consacré la valeur éminente de cette protection et du rôle des autorités indépendantes de contrôle à cet effet.

Décision d’adéquation de l’US Safe Harbour
La directive 95/46/CE a considéré que cette protection ne s’opposait pas à des transferts et flux vers des pays tiers, dans le cadre du développement du commerce international, à la condition que ces pays assurent un « niveau de protection adéquat », tout transfert étant et devant être « interdit » à défaut. L’article 25 de cette directive a investi la Commission européenne du pouvoir de « constater » qu’un pays tiers assure ou n’assure pas, ou plus, un niveau de protection adéquat. Par décision 2000/520/CE du 26 juillet 2000, la Commission européenne a « considéré » que « les principes et explications » de la « sphère de sécurité » (US Safe Harbour) présentée par le ministère du Commerce des Etats-Unis assuraient un niveau de protection adéquat
des données personnelles européennes transférées outre-Atlantique à destination des entreprises déclarant adhérer à ces principes et bénéficiant à travers leur adhésion de la « présomption » de niveau de protection adéquat. Cette présomption a été accordée en considération même du principe que l’adhésion « peut être limitée » par « les exigences relatives à la sécurité nationale, l’intérêt public et le respect des lois des Etats-Unis ».
La décision 2000/520 prévoyait une possible « adaptation à tout moment à la lumière de l’expérience acquise durant sa mise en oeuvre et/ou si le niveau de protection assuré est dépassé par les exigences du droit américain ». Elle définissait par ailleurs « les cas » où les « Cnil » nationales « peuvent exercer les pouvoirs dont elles disposent de suspendre les flux de données vers une organisant adhérant aux principes » de l’US Safe Harbour.
Accompagnant la croissance et l’emprise exponentielles des grandes entreprises américaines du secteur des technologies et des services numériques, la sphère de sécurité est devenue le vecteur d’exportation, de stockage et de traitement aux Etats-Unis des données en masse de la société européenne, dont ces entreprises se nourrissent, et un levier de dépendance au système de flux transatlantique ainsi établi, considéré par la Commission européenne comme « le réseau dorsal de l’économie européenne » (1).
En juin 2013, le Guardian et le Washington Post ont publié avec fracas une série de documents internes de la NSA, en charge du renseignement électronique des Etats-Unis, dévoilant l’ampleur de ses programmes de surveillance et de pénétration informatique, ainsi que l’imbrication de ses moyens avec ceux des sociétés américaines sous sa juridiction (2). Ces documents ont révélé l’existence d’un programme « Prism » d’accès aux serveurs hébergeant notamment les données transférées depuis l’UE, et d’accès généralisé à ces données « non-US Persons » sous le régime de la section 702 de loi américaine FISA relative au renseignement étranger (3).

La Commission européenne face à « Prism »
En novembre 2013, la Commission européenne a admis (4) que ces révélations suscitaient des préoccupations concernant la continuité de la protection des données européennes transférées aux Etats-Unis, dès lors que les entreprises participant au programme Prism et permettant aux autorités américaines d’avoir accès aux données stockées et traitées aux USA étaient certifiées dans le cadre de la sphère de sécurité, que celle-ci servait ainsi d’interface pour le transfert des données européennes vers Etats-Unis par des entreprises tenues de remettre des données aux agences américaines de renseignement, et que la sphère de sécurité était donc devenue l’une des voies par lesquelles le renseignement américain avait accès à la collecte des données personnelles initialement traitées dans l’UE.
La Commission européenne a considéré que la sphère de sécurité ne pouvait plus être mise en oeuvre dans son état actuel mais que sa suppression porterait atteinte aux intérêts des entreprises qui en sont membres dans l’UE et aux Etats-Unis. Elle a indiqué vouloir entamer en urgence un dialogue avec les autorités US afin d’examiner les lacunes mises en évidence.
Par résolution du 12 mars 2014, le Parlement européen a réclamé à la Commission européenne de suspendre immédiatement sa décision 2000/520 toujours en vigueur,
et invité les « Cnil » nationales à faire usage de leurs propres compétences pour suspendre sans attendre les flux de données à destination des entreprises ayant adhéré aux principes de l’US Safe Harbour.

Invalidation de l’US Safe Harbour
Un ressortissant autrichien utilisateur de Facebook, Maximillian Schrems, a saisi, dès juin 2013, la « Cnil » irlandaise aux fins de faire interdire à la filiale irlandaise du numéro un des réseaux sociaux ses transferts de données européennes vers les serveurs de sa maison mère Facebook Inc. L’autorité a rejeté sa plainte au motif notamment de l’existence de décision 2000/520 applicable à ces transferts.
Le plaignant a introduit un recours devant la Haute cour de justice irlandaise. Celle-ci
a saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle portant sur le point de savoir si une décision d’adéquation de la Commission européenne, telle la décision 2000/520, avait pour effet d’empêcher une autorité nationale de contrôle d’enquêter sur une plainte individuelle alléguant que le pays tiers n’assure pas un niveau de protection adéquat et, le cas échéant, de suspendre le transfert de données contesté.
Suivant les conclusions incisives de son avocat général, la CJUE répond dans son
arrêt du 6 octobre 2015 que cela ne fait aucunement obstacle… et invalide la décision 2000/520 de la Commission européenne (5). La Cour affirme que les autorités nationales de contrôle (comme la Cnil en France), saisies d’une plainte, peuvent et doivent, en toute indépendance, même en présence d’une décision de la Commission européenne constatant qu’un pays tiers offre un niveau de protection adéquat, examiner si les transferts de données vers ce pays tiers respectent les exigences de
la législation de l’UE relative à la protection des données et, en présence de doutes sérieux, saisir les juridictions nationales afin que ces dernières procèdent à un renvoi préjudiciel aux fins de l’examen de la validité de cette décision, la CJUE étant seule compétente pour déclarer invalide une telle décision.
La Cour invalide l’article 3 de la décision 2000/520 en cause, en ce qu’il restreint indûment les pouvoirs des autorités nationales de contrôle en cas de contestation individuelle de la compatibilité de la décision avec la protection de la vie privée et
des libertés et droits fondamentaux des personnes.
Enfin, après avoir rappelé que la Commission européenne est tenue de constater que le pays tiers, en l’espèce les Etats-Unis, assurent effectivement – en raison de leur législation interne et de leurs engagements internationaux – un niveau de protection des droits fondamentaux substantiellement équivalent à celui garanti au sein de l’UE,
la Cour invalide l’article 1er de la décision en observant qu’il n’opère aucunement une telle constatation en se bornant à présenter la sphère de sécurité et à considérer qu’elle assure un niveau adéquat de protection.
La Cour n’estime pas nécessaire dans ces conditions de vérifier si le régime de la sphère de sécurité assure un niveau de protection substantiellement équivalent à celui garanti au sein de l’UE. Elle relève et souligne cependant, en s’appuyant sur les propres analyses de la Commission européenne dans ses communications de novembre 2013, que ce régime est uniquement applicable aux entreprises américaines qui y souscrivent, sans que les autorités américaines y soient elles-mêmes soumises,
et que les exigences relatives à la sécurité nationale, à l’intérêt public et au respect des lois des Etats-Unis l’emportent sur le régime de la sphère de sécurité, si bien que les entreprises américaines sont tenues d’écarter, sans limitation, les règles de protection prévues dans ce régime lorsqu’elles entrent en conflit avec ces exigences (6).

La Commission européenne au pied du mur
L’arrêt de la CJUE accable ainsi la Commission dans sa gestion en 2000 et a fortiori depuis 2013 des transferts de données depuis l’UE vers les Etats-Unis, en particulier vers les grandes plateformes de stockage et de traitement américaines, et ses rapports de souveraineté et de négociation commerciale avec les Etats-Unis dans ce secteur stratégique.
Et elle la met au pied du mur, non seulement dans sa renégociation de la sphère de sécurité et ses lignes directrices annoncées sur les instruments alternatifs (7), mais également dans les négociations en cours sur le prochain règlement de protection
des données européennes et le volet de convergence numérique du futur traité de commerce transatlantique (Tafta) (8). @

L’idée d’un grand service public audiovisuel fait son chemin, pas seulement limité au numérique

En évoquant un peu trop vite fin 2013 l’idée d’ « un grand service public audiovisuel », le chef de l’Etat François Hollande était-il visionnaire ? Bien
que son propos ait été recadré sur le numérique, la question d’une fusion
entre France Télévisions et Radio France pour faire une BBC ou une RTBF
à la française reste posée – notamment par la Cour des comptes.

Par Charles de Laubier

François Hollande« D’autres mutations sont possibles. Par exemple, nous pourrions imaginer que France Télévisions et Radio France puissent rassembler leurs contenus dans un grand service public audiovisuel. Mais, là, je m’aventure peut-être et je préfère ne pas trancher (…) ». Oui, vous avez bien lu : un grand service public de l’audiovisuel !
Le président de la République, François Hollande (photo), avait lancé cette petite réflexion il y a seize mois maintenant, en prononçant son discours à l’occasion du cinquantenaire de la Maison de la Radio – le 17 décembre 2013.
Cette déclaration en faveur d’une fusion de France Télévisions et de Radio France, que l’on peut encore écouter en vidéo et que l’AFP avait aussitôt relayée dans une dépêche titrée « Hollande vante les mérites d‘“un grand service public” audiovisuel », n’avait pas manqué d’interloquer son auditoire et de troubler les dirigeants des groupes audiovisuels publics de l’époque.

De l’Elysée à la Cour des comptes
Mais le discours retranscrit et mis en ligne par la suite, toujours accessible sur le site de l’Elysée, exprime une idée quelque peu différente et nuancée : « D’autres mutations
sont possibles. Nous pourrions par exemple imaginer que France Télévisions et Radio France puissent un jour assembler leurs contenus Internet dans un grand service audiovisuel numérique », aurait dû dire le chef de l’Etat. Le grand service public de l’audiovisuel évoqué serait finalement circonscrit aux contenus numériques.
Le soir même, une version du discours remise à l’AFP s’en tient aussi au domaine
du numérique, même si les mots employés diffèrent là aussi légèrement : « D’autres évolutions sont à inventer. Faudra-t-il rapprocher les sites de la radio et de la télévision pour créer un grand service public audiovisuel numérique qui allie sons et images originales et spécifiques ? La question se posera certainement dans les années à venir, mais il ne m’appartient pas de la trancher ». Officiellement, François Hollande aurait mal lu son discours ou serait sorti de son texte. Rêve-t-il déjà – en regardant du côté de la Grande-Bretagne, de la Belgique, de l’Italie, de la Suisse et de l’Espagne – d’une BBC (3), d’une RTBF (4), d’une RAI (5), d’une RTS ou encore d’une RTVE à la française ? Une sorte d’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) nouvelle génération, plus de quarante après sa suppression ? « Le président de la République est facétieux : il n’y aura pas de fusion entre Radio France et France Télévisons, je suis très claire là-dessus. Mais il doit y avoir un travail sur les contenus numériques (…), c’est à cela qu’il faisait allusion », avait dû préciser le lendemain de ce discours la ministre de la Culture et de la Communication, alors Aurélie Filippetti, sur la chaîne d’information iTélé. Elle était même revenue sur le sujet le 15 janvier 2014 dans l’émission « Questions d’info » (LCP/FranceInfo/ LeMonde/AFP) : « Il peut y avoir des synergies entre les plateformes techniques, numériques » de Radio France et France Télévisions mais « [ce rapprochement] s’arrête au web et au numérique »… L’embarras est palpable…

C’était sans compter sur la Cour des comptes, qui, dans son rapport consacré à Radio France et publié le 1er avril dernier (6), va extrapoler la seconde version « officielle » pour pousser plus loin la réflexion – au-delà du numérique. « Dans l’univers d’Internet, la séparation par métiers (radio, télévision, archives) semble de plus en plus artificielle. Certains pays européens en ont tiré la conclusion en engageant un rapprochement de leurs télévisions et de leurs radios. Ainsi, en 2010, la Radio Télévision Suisse [RTS] est née du mariage de la Radio Suisse Romande et de la Télévision Suisse Romande. En 2006, la Radio Televisión Española [RTVE] a réuni la Radio nacional de España et la Televisión Española », ont expliqué les sages de la rue Cambon.

Fusion France Télévisions-Radio France
La Cour des comptes évoque ainsi implicitement la fusion entre la radio et la télévision publiques françaises. Elle replace aussi France Télévisions et Radio France dans un contexte où aujourd’hui la radio et la télévision, à l’instar de la presse, deviennent à l’ère du numérique des « médias globaux, producteurs de contenus non plus seulement sous forme audio, mais également de textes ou de vidéos ». Et le rapport de la Cour des comptes d’ajouter : « Cette révolution va rendre plus floues les frontières issues
du découpage de l’ORTF en sociétés distinctes, voire concurrentes ». Où l’on voit que le propos de François Hollande en décembre 2013 étaient loin d’être hors sujet.

Trop de sociétés pour une redevance
D’autant que viennent s’ajouter dans l’audiovisuel public d’autres entités qui pourraient aussi se rapprocher entre elles, telles que Radio France internationale (RFI) intégrée
en 2008 à France Médias Monde (ex-Audiovisuel Extérieur de la France). De son côté, curieusement, France Télévisions assure la diffusion radiophonique publique Outre-mer (RFO). Sans parler de l’Institut national de l’audiovisuel (Ina), à la fois chargé de l’archivage des productions audiovisuelle (radio et télévision). Depuis le discours présidentiel de décembre 2013, force est de constater que la parole de François Hollande n’a pas été suivie d’effet. L’éclatement du secteur public français en plusieurs sociétés – France Télévisions, Radio France, Arte France, France Média Monde (RFI, France 24, Monte Carlo Doualiya inclus), TV5 Monde, Ina, La Chaîne Parlementaire – reste atypique en Europe. C’est ce que souligne aussi le rapport Schwartz de février 2015 sur France Télévisions (7). « Le service public de l’audiovisuel se caractérise
par une pluralité et une faible coopération des acteurs entre eux. Cette situation détonne dans le paysage européen, où les médias de service public sont regroupés autour d’une ou deux grandes entreprises rassemblant à la fois les différents médias (radio, télévision, Internet) et les différentes zones de diffusion (domestique et internationale) ».
De plus, les synergies, qui pourtant devaient être facilitées entre médias publics effectuant le même métier, s’avèrent limitées. Malgré le numérique, « chaque société dispose de ses propres équipements techniques, de ses propres rédactions, de ses propres fonctions support ». Et le rapport Schwartz d’enfoncer le clou : « Dans le domaine de l’information, les stratégies des sociétés publiques ne sont pas coordonnées et les moyens s’additionnent au sein des trois entités concernées : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde. Les rédactions de ces sociétés totalisent environ 4.500 journalistes, au sein des rédactions nationales, des rédactions régionales et des réseaux internationaux ». L’Etat français a consacré en 2014 près de 4 milliards d’euros de ressources publiques au financement à ces différentes sociétés de l’audiovisuel public, avec les recettes de la redevance audiovisuel en partage (voir encadré ci-contre). Mathieu Gallet, président de Radio France depuis mai 2014, a bien proposé à l’Etat (dans le cadre du COM 2015-2019) de mettre en place un « service global d’information en continu » (France Info Média Global) s’appuyant sur France Info et son site web franceinfo.fr. Tandis que, de son côté, France Télévisions prépare bien le lancement d’une « chaîne d’information en continu » en ligne s’appuyant sur son site web francetvinfo.fr. Mais où sont les synergies entre les deux groupes publics ?
« France Télévisions n’a pas de chaîne en continu. Nous, on a une radio avec une marque incroyable. Cela fait partie des réflexions du moment par rapport au contrat d’objectifs et de moyens qu’on doit négocier avec l’Etat. Nous devons nous positionner comme un média radio/vidéo/Internet d’info en continu du service public. En Europe,
la France est le seul pays à ne pas avoir de chaîne [publique] 100 % info ! », avait expliqué en novembre 2014 Mathieu Gallet, PDG de Radio France (8).

Manque de coordination radio-télé
C’est ce manque de coordination entre Mathieu Gallet et Rémy Pflimlin, PDG de France Télévisions, qu’a aussi épinglé le rapport Swartz : « Le manque de coordination a trouvé une expression récente lors de l’annonce, à quelques jours d’intervalle, du souhait de Radio France de disposer d’un ‘service global d’infos en continu qui mélangerait la radio, la vidéo et le numérique’, puis de celui de France Télévisions de lancer une chaîne d’information en continu en numérique, courant 2015 ». La députée (PS) Martine Martinel a, elle aussi, souligné « l’urgence de mieux articuler les offres du service public audiovisuel numérique » (9). @

Charles de Laubier

ZOOM

Redevance audiovisuelle : une ressource déjà commune
Si un grand service public audiovisuel devait être créé en France, une bonne partie
de son financement est déjà en place avec la contribution à l’audiovisuel public (CAP), communément appelée redevance audiovisuelle, laquelle est déjà commune aux entreprises de audiovisuel public : France Télévisions (RFO compris), Arte-France, Radio France, France Média Monde (RFI, France 24, Monte Carlo Doualiya), Institut national de l’audiovisuel (Ina) et TV5 Monde. Pour 2015, elle est en hausse de 2,2 % à 136 euros pour la France métropolitaine (86 euros pour les départements d’outre-mer). Ce qui rapporte cette année à l’audiovisuel public 3,67 milliards d’euros en 2015, soit une augmentation de 3,3 % sur un an. François Hollande a indiqué le 2 octobre dernier (intervenant au CSA) qu’il souhaitait « une assiette plus large et plus juste » de la redevance audiovisuelle pour prend en compte les ordinateurs, les tablettes et les smartphones – et non plus seulement l’écran de télévision. @

Sébastien Soriano : l’homme de l’intégration Arcep-CSA ?

En fait. Le 3 janvier dernier, Jean-Ludovic Silicani a achevé son mandat de six ans à la présidence de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). Le 23 décembre dernier, François Hollande a proposé Sébastien Soriano (X-Télécom et conseiller de Fleur Pellerin) comme successeur.

(Depuis la parution de cet article le 12 janvier 2015 dans le bimensuel EM@, Sébastien Soriano a été nommé président de l’Arcep par décret présidentiel du 14 janvier, après avoir été auditionné le 13 janvier à l’Assemblée nationale puis au Sénat)

Sébastien SorianoEn clair. Le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat ont été saisis de ce projet de nomination, afin que chacune de leur commission respectivement concernée se prononce : leur avis est attendu pour le 13 janvier.
Un décret présidentiel entérinera ensuite la nomination de Sébastien Soriano (photo). Sa première apparition publique en tant que président de l’Arcep aura lieu à l’occasion des vœux du régulateur prévus le 28 janvier.
Il est le plus jeune – il aura 40 ans en décembre prochain – de ceux dont les noms ont circulé pour succéder à Jean-Ludovic Silicani. Parmi les candidats potentiels, il y avait notamment Catherine Trautmann, Emmanuel Gabla ou encore Pierre Collin.

Vers une « intégration » des régulations télécoms et audiovisuelles
Ce n’est pas un hasard si François Hollande, qui a déjà affirmé à l’automne dernier son souhait d’une « intégration » entre les régulations des télécoms et de l’audiovisuel (1), a proposé Sébastien Soriano pour la présidence de l’Arcep.
Cet X-Télécom (2) a déjà montré qu’il est aussi bien à l’aise dans les télécoms et le numérique que dans la culture et l’audiovisuel. Actuel conseiller spécial de Fleur Pellerin au ministère de la Culture et de la Communication, il fut directeur de cabinet de Fleur Pellerin, lorsque celle-ci était ministre déléguée PME, Innovation et Economie numérique, puis secrétaire d’Etat au Commerce extérieur.
Par le passé, il fut durant trois ans rapporteur permanent à l’Autorité de la Concurrence (2001 à 2004), puis rapporteur général adjoint (2009 à 2012), où sa connaissance des enjeux de marché est un atout à l’heure où la France connaît un mouvement de concentration important avec le rachat de SFR et de Virgin Mobile par Altice-Numericable. Sa nomination marque aussi son « retour » chez le régulateur des télécoms puisqu’il y entra il y a dix ans comme chef de mission, pour être ensuite chef de l’unité Marché mobile (2005-2006), puis de l’unité Accès haut et très haut débit (2006-2007) et chef du service Collectivités et régulations des marchés hauts débits (2007-2009).

On le dit sensible aux préoccupations des opérateurs télécoms, lesquels ont pu reprocher à Jean-Ludovic Silicani d’être trop « consumériste » : selon eux, ce dernier aurait plus favoriser la concurrence et la guerre des prix, avec notamment l’arrivée de Free Mobile, au détriment de leurs marges financières et leurs capacités d’investissement dans le très haut débit. @