Pourquoi Macron a reçu le premier « A » de GAFA

En fait. Le 9 octobre, à 16h15, le président de la République, Emmanuel Macron,
a reçu à l’Elysée le PDG d’Apple, Tim Cook, qui en avait fait la demande. Les deux hommes se sont rencontrés pour la première fois. La « taxe GAFA » européenne – et/ou de l’OCDE ? – était au coeur de leur « dialogue constructif ».

En clair. Après les patrons d’Alibaba, de Google, de Facebook et de Cisco, l’entretien qu’a accordé Emmanuel Macron à Tim Cook, le PDG d’Apple, est le cinquième du genre à l’Elysée pour le président de la République. Deux visions du monde se sont confrontées : le chef de l’Etat français raisonne au niveau européen en voulant taxer les GAFA sur la base de leur chiffre d‘affaires réalisé dans chaque pays et non plus sur les seuls bénéfices « optimisés » dans l’Etat membre au mieux disant fiscal ; le patron de la multinationale américaine raisonne, lui, au niveau mondial en estimant que les lois fiscales doivent changer partout dans le monde si l’on veut faire payer l’impôt aux entreprises là où elles gagnent effectivement l’argent. Emmanuel Macron prône une fiscalité « numérique » régionale (européenne), tandis que Tim Cook en prône une harmonisation fiscale globale. Si le chef de l’Etat français a bien compris que la France ne pouvait pas taxer seule les GAFA, au risque de tomber dans ce que le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, a appelé des « bricolages nationaux » (1), le projet de « taxe GAFA » européenne est loin de faire l’unanimité
au sein de l’UE (2) et suscite la défiance des Etats-Unis. Même si l’on ne connaît
pas la teneur précise du « dialogue constructif » (dixit l’Elysée) entre les deux hommes, il apparaît évident que Tim Cook ne se satisfera pas d’une solution circonscrite à quelques pays. Pour qu’une nouvelle fiscalité des multinationales du Net soit acceptable aux yeux des Google, Apple, Facebook, Amazon et autres Microsoft, il faudra qu’elle soit globale – tous secteurs confondus, pas seulement « numérique » – et mondiale. Tim Cook attend donc des mesures non pas de l’Europe seule mais a minima de l’OCDE (3), dont font partie les Etats-Unis avec 34 autres pays membres
à travers le monde (de l’Amérique du Nord et du Sud à l’Europe et l’Asie-Pacifique). Cette organisation avait dévoilé son plan BEPS (4) en octobre 2015 pour « lutter contre l’optimisation fiscale des multinationales tous secteurs confondus ». La Commission européenne participe à ces travaux de l’OCDE. « Je suis plutôt favorable à une fiscalité globale, au lieu de faire une fiscalité numérique », avait d’ailleurs dit Pierre Moscovici début 2016 (5) devant l’Association des journalistes économiques et financiers (Ajef). Rapport de l’OCDE : début 2018. @

Très haut débit et fibre : la feuille de route zigzague

En fait. Le 27 septembre, la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale a présenté un rapport sur la couverture numérique du territoire. La veille, UFC-Que Choisir dénonçait la fracture numérique du très
haut débit. Le gouvernement, lui, finalise la « feuille de route » attendue « fin septembre ».

En clair. Rien ne va plus dans le déploiement du très haut débit fixe et mobile en France. Plus personne ne sait si l’objectif présidentiel de couvrir toute la France en très haut débit d’ici 2022 au plus tard – objectif fixé il y a cinq ans par François Hollande et repris cette année par son successeur Emmanuel Macron (1) –, sera tenu ni même s’il tient toujours tant la confusion règne sur les déclarations et les déploiements des opérateurs télécoms.
Pas sûr que la « feuille de route », que le gouvernement a prévu de présenter « fin septembre » à partir des prévisions d’investissement des uns et des autres dans le très haut débit fixe et mobile, puisse rassurer. C’est le 7 juillet dernier que le gouvernement – via le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard – avait en effet demandé à Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free « d’accélérer le déploiement
des réseaux fixe et mobile et de définir une feuille de route détaillée dès septembre permettant d’atteindre l’objectif fixé d’un accès au très haut débit partout en France
au plus tard d’ici 2022 ». Et début 2018, l’Arcep gèrera la base de données ouverte
(en open data) – que va lui confier l’Agence du numérique et sa mission Très haut débit – pour suivre plus localement (commune par commune) les déploiements de la fibre optique selon une périodicité trimestrielle. Est-ce la fin annoncée de l’opacité, de la confusion et du grosso modo ? Pour l’heure, le flou sur la fibre perdure. SFR, filiale d’Altice, a par exemple jeté le trouble durant l’été en affirmant vouloir déployer son propre réseau fibré au risque de faire concurrence aux réseaux d’initiative publique (Rip) et de contrarier le plan France Très haut débit. Le 5 septembre, les collectivités
de l’Avicca (2) ont appelé le gouvernement à sévir envers les opérateurs télécoms.
Le 26 septembre, UFC-Que Choisir a tiré la sonnette d’alarme : « 11,1 % des consommateurs (soit 7,5 millions) sont inéligibles à un Internet de qualité (supérieur à
3 Mbits/s) » (3), alors que le gouvernement prévoit partout en 2022 du très haut débit à 30 Mbits/s minimum, et du 8 Mbits/s minimum en 2020. Le 27 septembre, ce fut au tour de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale de pointer dans un rapport (4) la fracture numérique et d’exiger d’« avoir fibré 100% des Français en
2025 » et « la 4G pour tous en 2020 ». Vraiment ? @

La presse aidée par Google veut aussi être payée

En fait. Le 12 octobre prochain s’achèvera le 4e appel à projets du Fonds d’innovation de la Digital News Initiative (DNI) de Google, qui a déjà subventionné en Europe 359 réalisations de « digital journalism » dans 29 pays pour 73,5 millions d’euros. Mais la presse veut en plus être rémunérée par Google.

En clair. Les 150 millions d’euros sur trois ans (avril 2015-avril 2018), que Google a consenti pour venir en aide financièrement aux journaux en Europe dans leurs projets de « journalisme numérique » (1), ont maintenant été pour moitié distribués : 359 projets – sur un total de 3.000 dossiers examinés – ont pu en bénéficier dans 29 pays, sur 32 concernés (2), pour 73,5 millions d’euros (3) versés à ce jour. Le 4e appel à projets a été lancé le 13 septembre et se terminera le 12 octobre. «Ce quatrième round de DNI sera légèrement différent des précédents pour les candidats de projets moyens ou grands, à qui nous demanderons cette fois de prévoir obligatoirement un plan explicite pour la monétisation et des indicateurs clairs montrant le potentiel à créer de
la valeur ajoutée économique pour l’activité. Les projets prototypes, eux, ne sont pas concernés et restent axés sur l’innovation », a expliqué Ludovic Blecher, responsable du fonds DNI chez Google. Le géant du Net répond ainsi à une exigence des éditeurs de presse de voir cette aide financière – jusqu’à 50.000 euros pour les prototypes et limitée à 1 million d’euros pour les projets d’envergure – non seulement affectée à l’innovation technologique mais aussi à l’expérimentation de nouveaux modèles économiques. D’autant que la rémunération des journaux est au coeur des relations, parfois conflictuels, entre la presse et Google. Etre subventionner, c’est bien. Etre
payer à sa juste valeur, ce serait mieux. Les journaux en Europe demandent ainsi l’instauration d’un « droit voisin » qui serait une sorte de « taxe Google News », afin d’être rémunérés par les moteurs de recherche qui mettent leurs articles en ligne. La Commission européenne l’envisageait dans son projet de réforme sur le droit d’auteur. L’AFP, qui fait aussi partie des bénéficiaires du fonds DNI de Google, a plaidé le 6 juillet pour un droit voisin en faveur également des agences de presse réunies au sein de l’Alliance européenne des agences de presse (EANA). Aux Etats-Unis, la News Media Alliance – 2.000 organes de presse – a demandé le 10 juillet au Congrès américain une loi anti-trust visant le duopole Google et Facebook dans la diffusion de l’information sur le Net. De son côté, Google pourrait annoncer en octobre des accords avec des quotidiens anglo-saxons tels que le Financial Times, le New York Times ou le Wall Street Journal pour booster leurs abonnements. @

Livre : entre impression et intelligence artificielle

En fait. Le 11 septembre, le Syndicat national de l’édition (SNE) a annoncé que les 18èmes Assises du livre numérique se tiendront le 23 novembre. De son côté, le Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne (Basic) a publié le 12 septembre une étude sur les impacts environnementaux de l’édition en France.

En clair. C’est la rentrée littéraire 2017 avec près de 600 nouveaux titres, mais aussi avec son lot d’interrogations sur l’industrie du livre en pleine mutation numérique. En abordant « les enjeux de l’intelligence artificielle (IA) », la 18e édition des Assises du livre numérique – prévue le 23 novembre et désormais sur un rythme annuel – tentera de plonger dans le « Big Data » appliqué aux ebooks. L’IA s’apprête en effet à chambouler l’écriture même des œuvres. Le sixième livre de la saga « Game of Thrones » n’a-t-il pas été co-écrit par le logiciel d’IA Zack Thoutt ? Et en 2049, si l’on
en croit le MIT, les livres conçus par l’IA ne seront-ils pas mieux que ceux écrits par des humains ? Quant aux recommandations et prescriptions de nouvelles lectures, sur fond de e-commerce intelligent basé sur les algorithmes et le machine learning, elles vont révolutionner la relation éditeurs-lecteurs et/ou auteurs-lecteurs, tout en créant des relations entre les lecteurs eux-mêmes. L’IA fait justement l’objet d’une mission gouvernementale confiée le 8 septembre au député et mathématicien Cédric Villani. Son rapport d’étape doit être remis fin novembre à Mounir Mahjoubi, le secrétaire d’Etat au Numérique, avant un rapport final en janvier 2018 pour le Premier ministre Edouard Philippe. Ce sera le deuxième rapport sur l’IA depuis celui rendu en mars à François Hollande, alors chef de l’Etat, et réalisé par « France IA » (1). Il y est déjà question
d’« applications nombreuses dans l’industrie du loisir (génération de jeux vidéo, de scripts, de musique, texte, etc.) » (lire EM@168, p. 5).
D’autres interrogations sur la filière du livre sont posées en cette rentrée par l’étude intitulée « Un livre français. Evolutions et impacts [sociaux, environnementaux et numériques, ndlr] de l’édition en France », publiée le 12 septembre par le Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne (Basic). Ainsi, pour réduire la mise au pilon qui représente un quart de la production annuelle de livres imprimés, l’impression numérique à la demande se développe (Hachette, Editis, Interforum, Puf, …). Côté livres numériques, Basic tort le coup à une idée reçue selon laquelle la liseuse est une alternative plus écologique aux livres : « Le “seuil de basculement”, c’est-à-dire le nombre d’ouvrage qu’il faut lire sur une liseuse pour que celle-ci devienne moins impactante qu’un livre, serait de 128 livres » (2). @

L’Europe continue de soutenir le Day-and-Date

En fait. Le 14 septembre, la Commission européenne a répondu à Edition Multimédi@ qu’elle continue à soutenir « les expérimentations de sorties simultanées de films en salles et en VOD » mais qu’elle rencontre « des difficultés juridiques et des résistances ». Malgré cela, le programme Media soutient le D&D.

En clair. Selon nos informations auprès de la nouvelle commissaire européenne à l’Economie et à la Société numériques, Mariya Gabriel Mariya (photo) (1), le programme Media de Creative Europe soutient toujours les initiatives de sorties simultanées de films dans les
salles de cinéma (D&D (2)) et en vidéo à la demande (VOD). « Nous soutenons continuellement depuis 2012 des expériences de sorties simultanées sallesVOD, notamment les projets Tide (3) et d’autres expériences menées par des distributeurs tels que Curzon Artificial Eye (4) », nous a répondu Eric Peters, expert  au sein du cabinet de Mariya Gabriel. Malgré un premier bilan décevant des expérimentations
« D&D », établi dès 2014 par le chercheur Thomas Paris et finalisé en 2015 dans un rapport européen (5), la Commission européenne persévère « en dépit, nous dit Eric Peters, des difficultés juridiques et des résistances ». Les appels à propositions se poursuivent dans le cadre de son action « Promotion des œuvres européennes en
ligne » avec le soutien de Creative Europe/Media. Cette année, ce sont près de 10 millions d’euros qui ont été attribués à pas moins de 37 projets innovants pour la promotion, la distribution et la visibilité de films européens – notamment sur les plateformes VOD, parmi lesquelles Filmo TV de la société franco-allemande Wild Bunch, le britannique Curzon Home Cinema, le français Under The Milky Way (de Jérôme Chung), et même Canal+ avec le projet « Making Europe’s greatest Films available online » de sa filiale StudioCanal, et bien d’autres encore comme l’initiative
« European Cinema & VOD Initiative » de l’allemand Rushlake Media (voir https://lc.cx/pbAb).
Parmi tous ces financements, force est constater que la simultanéité salles-VOD reste encore délicate. « De telles sorties peuvent être réalisées dans la mesure où cela est compatible avec les règles en vigueur ou les pratiques commerciales établies. Dans des pays tels que la France ou l’Allemagne, ces expériences doivent s’adapter à la chronologie des médias ou aux conditions du financement public. Dans les pays où il n’y a pas de telles règles, on expérimente des sorties simultanées plutôt pour des films d’auteurs à faible potentiel d’audience », indique le cabinet de Mariya Gabriel. En France, la réglementation datant de 2009 (lire EM@84, p. 5) interdit le D&D. A quand des expérimentations ? @