Box, TV et replay : le différend de TF1 avec Orange et SFR se retrouve devant le régulateur et la justice

Le groupe TF1 veut être rémunéré pour ses chaînes TF1, TMC, NT1, HD1 et LCI diffusées sur les « box », comme c’est le cas pour son service de replay MyTF1. Mais faute d’accord sur sa nouvelle offre « TF1 premium » avec Orange et SFR, c’est au CSA et au tribunal de commerce de trancher.

SFR s’est dit fin juillet « étonné que TF1 ait choisi de ne pas attendre la conclusion des recours en cours, celui formé par SFR devant le CSA (1) comme celui d’Orange devant le tribunal de commerce » pour annoncer qu’« à compter du 29 juillet 2017, Numericable-SFR n’est plus autorisé à exploiter commercialement MyTF1 et les chaînes en clair du groupe TF1 ». SFR avait en effet saisi en mai dernier le CSA sur son différend avec TF1. « Nous attendons la décision du CSA à l’automne », a indiqué le 29 août Alain Weill, DG des médias d’Altice, à Edition Multimédi@. Tandis qu’Orange a porté plainte début juillet contre TF1 devant le tribunal de commerce de Paris pour abus de position dominante dans la télévision et la publicité.

Orange et SFR, mais aussi Free et Canal+
Orange et SFR ne sont pas les seuls fournisseurs d’accès à Internet (FAI) à qui TF1 demande d’être rémunéré pour la diffusion de ses chaînes sur les « box ». En avril dernier, le groupe audiovisuel – dirigé par Gilles Pélisson (photo) – a également envoyé une lettre recommandée à Free et à Canal+ (CanalSat) pour leur demander de payer, comme ils le font déjà jusque-là pour le replay. En effet, la chaîne la plus regardée en catch up TV (2) perçoit environ 10 millions d’euros par an pour la reprise de MyTF1 par les FAI. L’histoire ne dit pas si Bouygues Telecom, filiale soeur de TF1 au sein du groupe Bouygues paie son tribut pour diffuser la première chaîne… Si les discussions se poursuivent encore aujourd’hui avec Free et Canal+, il n’en va pas de même avec Orange et SFR qui ont aussitôt refusé de payer le nouveau service « TF1 Premium » incluant les chaînes gratuites, le service de télévision de rattrapage MyTF1, et de nouvelles fonctionnalités de « retour au début » (start-over) ou de «catch-up enrichie » (replay au-delà de sept jours et haute définition) (3).
Rien ne dit que SFR (alias Altice) ne porte plainte à son tour devant le tribunal de commerce de Paris, après que TF1 ait annoncé le 29 juillet dernier la « fin des
accords de distribution des chaînes en clair du groupe TF1 et de MyTF1 avec Numericable-SFR ». La filiale audiovisuelle de Bouygues n’a pas mis à exécution sa menace de couper le flux de ses chaînes de télévision en direction des « box » de SFR, elle a tout de même décidé « la coupure unilatérale de MyTF1 pour les seuls abonnés de SFR » (dixit ce dernier).

L’opérateur télécoms d’Altice, qui dénonce une « inique tentative de prise d’otage de ses clients au plein coeur de l’été », a aussitôt répliqué en estimant subir « un préjudice considérable contre lequel [il] étudie toutes les voies de recours possibles [et] engagera dès aujourd’hui toute action judiciaire nécessaire ». Contacté fin août, un porte-parole de SFR a indiqué à Edition Multimédi@ que la situation n’avait pas évolué depuis. En attendant que le CSA et le tribunal de commerce ne rendent leur verdict respectif, les opérateurs télécoms et les chaînes de télévision se regardent en chiens de faïence. Chacun campe sur ses positions :
• Côté SFR, on rappelle que TF1 est diffusé auprès des abonnés depuis la création de l’opérateur télécoms et qu’il reste incompréhensible de vouloir – « après plus de 30 ans » et « pour la première fois depuis la création du câble et de l’ADSL» – être rémunéré pour la diffusion de sa chaîne gratuite. Il est aussi rappelé que TF1 détient plus de 40 % de parts de marché de la publicité télévisée et que la filiale audiovisuelle du groupe Bouygues « jouit d’une position dominante sur le marché français » et qu’« il dispose d’une licence de diffusion hertzienne gratuite », tout en profitant des 20 millions d’abonnés à un service de TV sur ADSL sans reverser une quote-part de leurs recettes publicitaires télévisées aux FAI.
• Côté TF1, on affirme que Numericable-SFR n’a aucun droit à distribuer les chaînes
du groupe sans accord préalable et que les chaînes ont été mises à disposition des opérateurs télécoms et gratuitement que pour une période limitée dans le temps.
Par exemple, est arrivé à échéance fin 2016 l’accord de distribution avec SFR que TF1 a bien voulu prolonger jusqu’au 28 juillet 2017 « afin de favoriser la conclusion d’un nouveau contrat » sur la base de la nouvelle offre « TF1 Premium ». Sans succès puisque Numericable-SFR a suspendu toute discussion en avril et saisi le CSA, tandis qu’il continue de monétiser auprès de ses abonnés les chaînes à son seul profit et à contourner les écrans publicitaires de ces chaînes.

Depuis que Gilles Pélisson est PDG de TF1
Cela fait maintenant dix-sept mois – soit deux mois après l’arrivée de Gilles Pélisson, ancien directeur général de Bouygues Telecom, comme PDG du groupe audiovisuel de Bouygues (4) – que TF1 a lancé la négociation avec les FAI pour trouver un nouveau partage de la valeur. La justice et le régulateur lui donneront-ils gain de cause ? @

Charles de Laubier