Alain Weill, nouveau PDG de SFR : « Je ne suis pas seul »

En fait. Le 9 novembre, Alain Weill, jusqu’alors DG de SFR Media (BFM TV, RMC, Libération, L’Express, …), a été nommé PDG de SFR à la place de Michel Paulin (Michel Combes étant, lui, évincé de la direction d’Altice). Inexpérimenté dans
les télécoms ? « Je ne suis pas seul », nous répond-t-il.

En clair. Depuis la nomination surprise de Alain Weill, homme de médias par excellence (Radio Cocktail, NRJ Group, NextRadioTV, La Tribune, SFR Media, Altice Media, …), d’aucuns se posent la question de savoir s’il est la bonne personne au bon endroit en tant que nouveau PDG de SFR. Contacté par Edition Multimédi@, il nous répond : « Stéphane Richard n’était pas issu des télécoms… Je ne suis pas seul ; je peux m’appuyer sur Armando Pereira [nommé, lui, directeur d’exploitation d’Altice Telecom, ndlr] qui est un expert. Ce n’est pas anormal que dans le cadre de la convergence média-télécom, le PDG du groupe vienne des médias. Rien a changé dans les responsabilités média au niveau du groupe : je suis DG d’Altice Média ». Après le départ, le 11 septembre, « pour raisons personnelles », du directeur général de SFR, le « X-Télécoms » Michel Paulin, puis de la démission le 9 novembre du DG d’Altice, le « vétéran des télécoms » Michel Combes (les deux « Michel » étant issus de la même promotion X1981 de Polytechnique), Alain Weill se retrouve propulsé à la tête du deuxième opérateur télécoms en France. « Alain continuera de diriger les activités médias du groupe et à mettre en oeuvre la stratégie de convergence des contenus et médias en France avec Armando Pereira », a en effet précisé Altice lors de l’annonce de sa nouvelle gouvernance. Le peu d’expérience d’Alain Weill dans les télécoms est soulignée par certains. D’ailleurs, le PDG d’Orange, Stéphane Richard, ne s’est pas privé le 12 novembre de s’interroger sur la stratégie d’Altice et son manque de
« stabilité managériale » (1), tout en exprimant ses « doutes sur le modèle [d’Altice]». Depuis sa prise contrôle par le groupe de Patrick Drahi, SFR a perdu plus de 1,6 million d’abonnés mobile et plus de 0,5 million d’abonnés fixe (2). Un homme des médias a-t-il les compétences et la capacité à relever le défi, là où deux XTélécoms ont échoué ?
La différence avec Orange, c’est justement que SFR s’est lancé dans une stratégie de convergence « tuyaux-contenus » en investissant dans les contenus (médias, séries, sports, …). Alors que l’ex-France Télécom y a renoncé depuis 2010 et la nouvelle stratégique « partenariats » de Stéphane Richard (lire EM@113), SFR met au contraire les bouchées doubles dans les contenus. Alain Weill à la tête de SFR, bientôt rebaptisé Altice, montre que Patrick Drahi poursuit coûte que coûte sa convergence. @

L’investissement des «telcos» franchit les 10 milliards

En fait. Le 15 novembre, le président de l’Arcep, Sébastien Soriano, est intervenu au DigiWorld Summit de l’Idate, dont le thème était : « Investir dans notre futur numérique ». Selon nos calculs, la barre des 10 milliards d’euros d’investissement de la part des opérateurs télécoms est franchie en 2017.

En clair. 10 milliards d’euros : ce seuil symbolique de l’investissement total des opérateurs télécoms en France va être dépassé en 2017, hors achats de fréquences mobile, contre 8,9 milliards l’année précédente. En effet, si l’on applique à cette année au moins la même croissance annuelle à deux chiffres observée en 2016 (à savoir
13,4 %), la barre est franchie. Ce niveau d’investissement des « telcos » français
– tant dans le fixe que dans le mobile – sera du jamais vu depuis la libéralisation du secteur il y a deux décennies.
Ce montant de 10 milliards d’euros – inégalé depuis 1998, année historique de l’ouverture du marché de la téléphonie à la concurrence – devrait appeler d’autres records pour les années à venir, tant les investissements d’Orange, de SFR, de Bouygues Telecom et de Free – sans compter les opérateurs alternatifs (Kosc, Altitude, Covage, Coriolis, …) – se sont accélérés ces derniers mois sous la pression accrue
du gendarme des télécoms, bien décidé à « manier la carotte et le bâton » – pour reprendre l’expression employée par le président de l’Arcep, Sébastien Soriano,
le 25 octobre dernier devant les sénateurs qui l’auditionnaient. A Montpellier, où se tenait le DigiWorld Summit de l’Idate, il s’est félicité : « Nous constatons que la régulation pro-investissement, et bien… ça marche ! Depuis trois ans, nous constatons une croissance forte de l’investissement des opérateurs télécoms ». Et le gendarme du secteur assure ne pas hésiter à « taper du poing sur la table » (mises en demeure avec sanctions possibles) en cas de non-respect des obligations de déploiement, comme sur la 4G. En conséquence, le taux d’investissement des opérateurs de communications électroniques dans l’investissement global national – ce que l’Insee mesure à travers
le FBCF (1) – a déjà atteint l’an dernier le niveau sans précédent de 1,8 %, pour s’acheminer cette année vers les 2%. Pour autant, les déploiements très haut débit – malgré l’objectif présidentielle d’en couvrir toute la France d’ici 2022 – ne représentent que 3 milliards d’euros d’investissement en 2016, bien qu’en hausse de 25 %, soit tout juste un tiers du total. Et encore, c’est « toutes technologies confondues » (2) et donc bien moins si l’on s’en tient à la « solution mixte de fibre optique et de boucle locale radio » (3) que prône l’actuel chef de l’Etat Emmanuel Macron. @

La presse en ligne sauve sa TVA à 2,10 %, pas les FAI

En fait. Le 21 octobre, lors des débats sur le projet de loi de Finances 2018, les députés ont rejeté – avec l’aval du gouvernement – un amendement qui prévoyait de supprimer la TVA super-réduite (2,10 %) dont bénéficie la presse en ligne depuis 2014. En revanche, ils interdisent les abus des FAI.

En clair. Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ne pourront plus jouer avec la TVA à taux super-réduit, celle à 2,10 % réservée à la presse imprimée et depuis février 2014 à la presse en ligne. Ainsi en a décidé l’Assemblée nationale lors des débats sur le projet de loi de Finances 2018. « Il s’agit de réparer une erreur d’interprétation possible, qui permet[trait] à certains opérateurs économiques de profiter d’un vide juridique. Certains [FAI] vendent à leurs clients de la presse en ligne, accessible depuis leur téléphone ou leur tablette. Ils utilisent le taux réduit de TVA, destiné à la presse et non aux opérateurs – agents économiques soumis au taux normal de TVA – en considérant que la proportion d’achat de la presse permet d’élargir le bénéfice du taux réduit de TVA à d’autres activités. Il y a donc une sorte d’effet d’aubaine », a dénoncé Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics. SFR (groupe Altice) avait été le premier FAI – avec son offre SFR Presse – à appliquer la TVA à 2,10 % sur une bonne partie des forfaits triple play payés par ses abonnés. Bouygues Telecom lui avait ensuite emboîté le pas, en s’appuyant sur la plateforme LeKiosk (également partenaire de Canal+).
Potentiellement, selon une analyse de JP Morgan daté de juin, si les deux autres FAI
– Orange et Free – avaient suivi, le total représenterait pour l’Etat une perte fiscale de
1 milliard d’euros ! Il faut dire que, par ailleurs, les opérateurs télécoms s’estiment toujours trop taxés au profit des industries culturelles et des collectivités territoriales (lire p. 8 et 9). En juillet, le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) s’était insurgé contre ses offres de presse couplées, « un hold-up fiscal par des acteurs économiques dont la presse n’est pas le principal métier ».
Quoi qu’il en soit, l’article 4 du « PLF 2018 » corrige cette faille qui profite aux FAI. En revanche, toujours dans l’hémicycle, le ministre Gérald Darmanin s’est opposé à un amendement déposé par  la députée Emmanuelle Ménard (1) qui demandait la suppression du taux super-réduit pour la presse en ligne car « contraire à la directive européenne “TVA” du 28 novembre 2006 » (2). Et de s’en prendre à Mediapart, qui, selon elle, profiterait d’« un cadeau fiscal totalement injustifié de près de 1 million d’euros par an ». Après un avis défavorable de Gérald Darmanin, l’amendement ne
fut pas adopté. @

Le futur code européen des télécoms fait débat

En fait. Le 24 octobre, s’est tenu à Luxembourg le Conseil européen des ministres des télécoms. Le 10 octobre, la présidence estonienne de l’UE a
obtenu le mandat de négocier avec le Parlement européen le nouveau code
des communications électroniques « à l’ère de la 5G ». Les opérateurs mobile s’inquiètent.

En clair. Le Conseil de l’Union européenne (UE) table toujours sur l’objectif d’achever
« au plus tard en 2018 » la mise en place du marché unique numérique afin de
« stimuler l’innovation et la croissance ». C’est dire que le temps presse pour que le projet de « code européen des communications électroniques » (1) soit enfin débattu par le Parlement européen. D’autant que cette prochaine règlementation des télécoms et du numérique prépare l’Europe à l’ère de la 5G « en encourageant les investissements, la concurrence, la protection des consommateurs et le développement de nouveaux services ». C’est sur les licences des fréquences 5G que se cristallisent le rapport de force entre les opérateurs mobile représentés par la puissante association mondiale GSMA et les Etats membres de l’UE propriétaires souverains des ressources spectrales.
« Chers ministres [des télécoms européens], je dois exprimer mes profondes préoccupations quant à l’état actuel des discussions », leur a fait savoir le 23 octobre Mats Granryd, directeur général de la GSMA, dans une lettre ouverte adressée la veille de leur réunion à Luxembourg. Les opérateurs mobile veulent : « une durée de licence minimum de 25 ans [comme l’a proposée la Commission européenne dans ses propositions de septembre 2016 en vue d’harmoniser la gestion du spectre dans l’UE, ndlr], avec une forte présomption de renouvellement » pour invertir à long terme,
« des redevances structurées de manière à s’éloigner d’une création de revenu à court terme » pour plus investir dans les réseaux « Gigabit » que dans les fréquences des Etats. Or cette durée de 25 ans a été rayée du projet de texte (2) du mandat confié à la présidence estonienne de l’UE, car cette disposition continue d’être contestée par une dizaine d’Etats membres, tels que le l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, les Pays-Bas, l’Espagne la Finlande, la Pologne, ou encore le Royaume-Uni, lesquels veulent garder leur pouvoir régalien de gérer et monnayer leur spectre (durée et prix).
En France, qui ne conteste pas les 25 ans, les prix des licences mobile ont rapporté 240 millions d’euros en 2009 pour le 4e réseau 3G (Free), 600 millions d’euros pour les fréquences 3G résiduelles en 2010, 3,6 milliards d’euros en 2012 pour les fréquences 4G dans les bandes 800 Mhz et 2.6 Ghz, et 2,98 milliards en 2015 pour les 700 Mhz (lire p. 8 et 9). C’est maintenant tout l’avenir de la 5G qui est en jeux. @

Le « A » de BATX (les GAFA chinois) avance en France

En fait. Le 6 octobre, le directeur général de la filiale française du géant chinois du e-commerce Alibaba, Sébastien Badault, était « l’invité de l’économie »
de Radio Classique. Le 4 octobre, il intervenait au congrès « stratégies commerciales » du magazine LSA. Un avant-goût de l’arrivée des BATX
en France.

En clair. BATX ? Ce sont les « GAFA » chinois : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi. Comme pour le sigle américain aux quatre lettres, le sigle chinois désigne aussi d’autres géants du numérique : par exemple, Microsoft d’un côté, Huawei de l‘autre.
Le « A » de BATX (1) est, avec Huawei, le plus avancé dans sa conquête de l’Europe en général et de la France en particulier. Le géant chinois du e-commerce et du e-divertissement, dont la valorisation à la Bourse de New York s’achemine vers les 500 milliards de dollars (2), avance à petits pas sur le Vieux Continent. Conformément à ce que son patron milliardaire Jack Ma avait annoncé en mars 2015 à François Hollande, alors chef de l’Etat, Alibaba avait ouvert – il y a deux ans maintenant – son
« ambassade en France » à Paris en mettant à la tête de sa filiale française un ancien de Google et d’Amazon, Sébastien Badault. « Ambassade » ? C’est que Jack Ma perçoit son groupe – fort de ses presque 23 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2016/2017 pour un bénéficie net de 8,5 milliards (3) – comme un monde à part ayant dépassé en début d’année les 50.000 employés, dont près de la moitié (44,8 %) en recherche et développement. Le 11 octobre, Alibaba a annoncé qu’il allait investir en trois ans 15 milliards de dollars en R&D et notamment en intelligence artificielle.
« L’objectif d’Alibaba est de devenir la 5e économie mondiale », a rappelé Sébastien Badault lors d’une conférence de LSA le 4 octobre dernier, en se référant aux propos de son patron. Aujourd’hui à la 20e place des PIB mondiaux, Alibaba veut dépasser le PIB de la France en… 2036 ! Jack Ma, déjà 23e personne la plus riche du monde avec un patrimoine actualisé de 39,8 milliards de dollars, aura alors 72 ans. Avant d’en arriver là, la firme de Hangzhou – capitale de la province chinoise du Zhejiang où Jack Ma a créé Alibaba en 1999 – accélère en Europe (4). Il en a les moyens : 21,3 milliards de cash disponible à investir dans le monde. Si plus de 85 % des revenus d’Alibaba proviennent du e-commerce de ses 455 millions d’utilisateurs, le « A » des BATX est
en embuscade dans le e-divertissement avec sa filiale Youku Tudou (le « YouTube » chinois) et Alibaba Music. En France, Sébastien Badault veut développer le paiement mobile avec la solution maison Alipay et attirer plus d’entreprises françaises sur la place de marché B2B French.alibaba.com. @