Pub en ligne : le paradoxe « cartésien » de la France

En fait. Le 9 juillet, le Syndicat des régies Internet (SRI) a publié sa 10e édition
de son Observatoire de l’e-pub en France, sur la base d’une étude réalisée pour
la première fois par PriceWaterhouseCoopers (PwC), avec l’Udecam (agences médias) : 1,398 milliard d’euros au 1er semestre 2013 (+ 4 %).

En clair. Malgré 4 % de croissance pour la publicité digitale sur le premier semestre 2013, dans un marché total des dépenses publicitaires « atone » accusant, lui, une baisse de
4 %, « la France est très en retard dans la e-pub par rapport à d’autres pays ». C’est du moins le constat que dresse Eric Aderdor, président du SRI et par ailleurs directeur général d’Horyzon Media du groupe Solocal (ex-PagesJaunes). En effet, le digital en France ne représente que 20 % des dépenses des annonceurs au premier semestre 2013, contre 24 % pour les Etats-Unis, 30 % pour l’Allemagne et même 35 % pour le Royaume-Uni. « Le paradoxe, c’est que la France est le 2e marché [derrière la Norvège, selon ZenithOptimedia, ndlr] en terme de pénétration des nouveaux devices en 2012,
mais seulement le 16e en termes de poids du numérique dans les investissements publicitaires », explique Eric Aderdor. Selon l’étude de ZenithOptimedia (groupe Publicis) parue en février dernier, le « classement par adoption des nouveaux médias (smartphones, tablettes, TV connectées) » situe ainsi la France avec un taux de pénétration moyen de 35,7 % de la population. Le président du SRI estime qu’il y a encore un effort de pédagogie à faire auprès des annonceurs pour les inciter à plus investir dans la publicité en ligne. Chez PriceWaterhouseCoopers (PwC), on avance une explication à ce paradoxe et ce retard : « Ce décalage entre la publicité digitale et le taux d’équipement est dû aux annonceurs qui sont frileux en France. Nous sommes dans un pays cartésien qui demande à vouloir tout mesurer. Résultat, on teste moins comparé à d’autres pays qui pratique le test-and-learn », avance le directeur de l’étude chez PwC, Matthieu Aubusson de Cavarlay. Selon lui, cet attentisme des marques vis-à-vis de la publicité on line, qui reste « sousinvestie » en France, fait penser à « Docteur Jekyll et de Mr Hyde » !
Et d’ajouter : « Il faudrait un électrochoc chez les annonceurs ».
En attendant de sortir de cette torpeur, le SRI a revu à la baisse sa précision de croissance du digital publicitaire sur l’année 2013 : + 3%, au lieu des + 5 % envisagés en décembre dernier, à moins de 2,8 milliards d’euros. Avec une répartition qui devrait rester stable entre le search (57 %), le display (1) (26 %) et les autres leviers (2) (17 %). Le RTB (3), la vidéo et le mobile (4G en vue) continuent de tirer la croissance. @

Chronologie des médias : la VOD avant la salle !

En fait. Depuis le 10 juillet, le film « Magnifica Presenza » est disponible en France en VOD avant sa sortie en salle prévue le 31 juillet. Cette chronologie des médias
« inversée » est une petite révolution où des négociations interprofessionnelles doivent reprendre pour modifier les fenêtres de diffusion.

En clair. Au lieu de privilégier la salle de cinéma en lui donnant l’exclusivité de diffusion d’un film, la société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs (ARP) expérimente l’inverse ! A savoir : proposer un film d’abord en VOD, puis en salle quelques jours après. Ce n’est pas la première fois que l’ARP défie la sacro-sainte chronologie des médias. En avril dernier, le documentaire « Viramundo : un voyage musical avec Gilberto Gil » avait été disponible en VOD sur Orange et iTunes dès le 17 avril, avant sa diffusion en salle à partir du 8 mai. Cette fois, c’est au tour du film « Magnifica Presenza » : le 10 juillet en VOD, toujours sur Orange et iTunes, puis en salle à partir du 31 juillet.
Illégal en France ? « Non », nous répond Florence Gastaud, déléguée générale de l’ARP : « L’arrêté sur la chronologie est clair. Si la sortie simultanée salle-VOD (day-and-date)
est interdite en France, rien n’est prévu avant la sortie en salle », nous explique-t-elle.
En effet, l’arrêté du 9 juillet 2009 (publié au J.O. du 2 juillet 2009) stipule dans son point
1.1 que « Le point de départ de la chronologie des médias est la date de sortie nationale en salles de spectacles cinématographiques ». Ainsi, selon l’ARP, la sortie simultanée
est illégale en France mais pas la sortir en VOD avant la salle ! Alors que ce n’est pas le cas en Autriche, en Grande-Bretagne et en Irlande où « Magnifica Presenza » sortira en revanche simultanément en salle et en VOD (1).
En France, cette chronologie des médias « inversée » ne déclenche pas de levée de boucliers au sein du cinéma français. Et pour cause : l’expérience est bien encadrée
et circonscrite par la Commission européenne qui finance trois projets de sorties simultanées ou quasi-simultanée de films (VOD/salle) à hauteur de 2 millions d’euros (2). Les trois projets ont été sélectionnés en octobre dernier, dans le cadre du programme MEDIA, et concernent environ 20 films de cinéma d’art et d’essai dans neuf pays européens, dont la France. Il s’agit de Speed Bunch (500.000 euros d’aide) du distributeur-coproducteur français Wild Bunch, de Edad (695.000 euros) du distributeur britannique Artificial Eye avec notamment le producteur français Rezo Films, et de Tide (800.000 euros) de l’ARP. Selon nos informations, Wild Bunch prévoit, lui, la sortie simultanée de son premier film à l’automne. @

Timeline

19 juillet
• AOL et Publicis créent PAL (Publicis AOL Live).

18 juillet
•Vivendi a refusé de vendre Universal Music à Softbank pour 6,5 Mds
d’€, révèle le Financial Times.
• TDF ouvre son réseau « ultra haut débit » hertzien et fibre pour
radios et télés, sur 5.000 kms d’ici fin 2014.
• Technicolor et Sony s’allient autour des smartphones et tablettes.
• Microsoft publie ses résultats 2012/13 (clos le 30 juin) : bénéfice
net de 21,9 Mds de $ (+ 29 %) et CA de 77,8 Mds de $ (+ 5,3 %).
• Netflix voit la série « House of cards » qu’il a produite nomminée
pour les Emmy Awards du 22 septembre.
• Fleur Pellerin, sur RTL à propos de fiscalité numérique : «Ne
raisonnons pas toujours en termes de taxe ».
• « Le CNC n’est pas une vache à lait ! », lance la ministre Aurélie
Filippetti à l’attention de Bercy, sur France Culture.
• SNSII, Simavelec, Secamavi et Sfib s’insurgent contre la partialité
de deux débats sur la copie privée organisés à Avignon (en
vue du rapport Castex pour le Parlement européen).
• L’Arcep lance jusqu’au 18 septembre une consultation publique
sur les coûts de la terminaison d’appel fixe.

17 juillet
• Numericable fait l’objet d’une « enquête approfondie » de Bruxelles
pour savoir si la cession des réseaux publics entre 2003 et 2006 n’est
pas une aide d’Etat illicite.
• Le CNNum va remettre au gouvernement le 24 juillet un rapport
qui lui déconseille d’instaurer une taxe sur le numérique.
• L’Observatoire du numérique publie ses chiffres clés 2013 :
http://lc.cx/Obnum13
• GfK publie son enquête REC+ : les Français consacre 12h12
par semaine aux jeux vidéo, 6h22 à la musique (hors radio), 5h32
à lire des livres et 3h40 à regarder des vidéos.

16 juillet
• Allociné est racheté par Fimalac à hauteur de 98 % de son capital
pour 66,9 millions d’euros (lire p. 1).
• La FFTélécoms publie une étude sur« les opérateurs télécoms,
partenaires de la culture » : http://lc.cx/FFTC
• Yahoo révise à la baisse son CA 2013 : pas plus de 4,55 Mds de $.
• Google démarche des médias audiovisuels pour agréger leurs
contenus vidéo sur une web TV, rapporte le WSJ.
• France Culture lance Fictions.franceculture.fr dédié à la fiction radio.
• Québécor Média ferme 11 journaux papiers pour le numérique.

15 juillet
• La Commission européenne annule un appel d’offres pour un
projet de média en ligne multimédia consacré à l’Europe.
•MySkreensigne un accord avec Ciné-Tamaris (films de Jacques Demy).

14 juillet
• Le Sirti se dit « atteré » par le projet de suppression du seuil de
concentration en radio (150 millions d’habitants pour un même groupe).

12 juillet
• Hulu fait l’objet d’un investissement de 750 millions de dollars
de la part de ses actionnaires Disney, Fox et NBC Universal.

11 juillet
• Nokia lance le Lumia 1020, un smartphone avec 41 mégapixels !
• Bouygues Télécom est conforté par le Conseil d’Etat qui rejette
le recours de Free contre l’utilisation des 1.800 Mhz pour la 4G.
• Aurélie Filippetti reçoit du CSPLA le rapport de Valérie-Laure
Benabou pour « améliorer la visibilité de l’offre légale ».
• La CJUE, dans l’affaire Amazon/Austro-Mechana, valide le financement
d’actions culturelles par la copie privée : Adami, SACD, la
Sacem, SCPP ou encore SPPF en France se disent satisfaits.
• LeKiosk.com publie une enquête : 53,2 % des sondés lisent
plus de presse qu’auparavant grâce à la tablette.

10 juillet
• L’Arcep est habilitée à collecter des informations sur le trafic
Internet (neutralité du Net) auprès des opérateurs étrangers
(AT&T, Verizon, …), juge le Conseil d’Etat.
• Softbank boucle le rachat de Sprint Nextel pour 21,6 Mds$.
• L’Hadopi, 3e baromètre Ifop : les usages illicites (24 %) stables.
• Le Snep s’inquiète de la reprise du piratage de musique en ligne.
• Apple annonce qu’il fera appel de sa condamnation pour entente
sur les prix des ebooks.
• L’Autorité de la concurrence indique enquêter sur les « app
store » (iTunes, Kindle, Google Play, BlackBerry, …).
• Wuaki, service de VOD espagnol (Rakuten), se lancera en
France l’an prochain (ZDnet).
• CanalPlay Infinity est disponible sur Apple TV.

9 juillet
• Le décret du 8 juillet supprimant la coupure Internet (J.O).
• Digital Virgoest retenu pour reprendre VirginMega.fr, révèle Satellifax.
• Apple et Amazon font la paix sur l’usage du nom « app store ».

8 juillet
• David Lacombled, directeur délégué des contenus chez Orange et
auteur de « Digital Citizen » (Plon), dans «Le Télégramme» : «Le
Politique est dans son rôle quand il prône l’auto-régulation des acteurs ».
• L’EIBF (fédération internationale des libraires) en appelle à la
Commission européenne pour garantir l’interopérabilité (Epub3)
pour les ebooks.
• Carlos Slim achète 10,8 % de Shazam.

6 juillet
• L’OCDE a un plan contre l’évasion fiscale des «GAFA», révèle Reuters.
• SPQN, SEPM, SPQR et APGI (presse) se disent favorables à la
taxe « Lescure » sur les terminaux connectés.

Les radios du Sirti ne lâcheront pas la RNT pour l’IP

En fait. Le 9 juillet, le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (Sirti) a réaffirmé qu’il ne croyait pas à la radio sur IP. Les radios indépendantes veulent la RNT, dont l’avenir dépend maintenant d’un arrêté autorisant la norme DAB+ et du rapport du CSA au Parlement.

En clair. La radio numérique terrestre (RNT) n’en finit pas de s’enliser. « On ne lancera pas Paris, Marseille et Nice, avec les coûts que cela implique et le pari industriel que cela représente, sans une perspective de déploiement multirégional relativement rapide si ce n’est national », a prévenu Philippe Gault, président du Sirti. Or, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) n’a pas du tout respecté le calendrier du 10 mai 2012, pourtant présenté devant le Conseil d’Etat, pour de nouveaux appels à candidatures RNT dans 20 zones régionales (68 % de la population), qui devaient être lancés de juin 2012 à avril 2013. Il n’y a que Paris, Marseille et Nice. Depuis le 15 mars dernier, 14 multiplex sur 19 ont été soumis au CSA : soit 6 multiplex à Paris (54 radios, dont 23 nouvelles), 4 multiplex à Marseille (36 radios, dont 18 nouvelles) et 4multiplex à Nice (36 radios, dont 18 nouvelles).
Le régulateur avait dit lors du colloque du Sirti 10 avril dernier qu’il annoncerait six mois
à l’avance le début des émissions. A ce jour, silence radio : ce qui reporte à début 2014
le lancement de la RNT.Le CSA attend en fait, à l’instar des radios autorisées concernées, la publication de l’arrêté permettant d’utiliser la norme DAB+ (testée à Nantes et à Saint-Nazaire jusqu’au 31 juillet) moins coûteuse que le T-DMB. « Le process “Paris, Marseille et Nice” est en panne », déplore Philippe Gault. A ce changement de technologie s’ajoute l’incertitude sur le sort que le nouveau président du CSA réservera à la RNT (1).
Olivier Schrameck doit en effet remettre au Parlement son rapport sur la RNT (2). Cela devrait coïncider avec les Assises de la radio annoncées pour l’automne par Aurélie Filippetti. La volonté politique en faveur de la RNT sera-t-elle au rendezvous de la prochaine grande loi sur l’audiovisuel en 2014 ? « C’est au Parlement de définir avec
le gouvernement la route à suivre par le régulateur. Le rapport du CSA ne sera qu’une étape », insiste Mathieu Quétel, vice-président du Sirti et DG de Sud Radio Groupe. Et d’ajoute : « On ne se contentera pas de la radio sur IP. Nous avons besoin de ce relais
de croissance qu’est la RNT, à défaut d’avoir obtenu suffisamment de fréquences dans
le plan FM+ ». Pas sûr que des initiatives comme l’IP broadcast (Pierre Bellanger) ou R+ (Philippe Levrier), présentés comme des « plans B » pour la RNT (3), aillent dans son sens. @

Interopérabilité : l’Europe et la France préoccupées

En fait. Le 15 juillet, un « Policy Officer » de la DG Connect a rappelé à EM@
que l’interopérabilité numérique restait une préoccupation de la Commission européenne, notamment dans la musique et le livre. En France, l’Autorité de
la concurrence a indiqué le 10 juillet enquêter sur l’App Store d’Apple.

En clair. Les écosystèmes verrouillés ou tous les « walled gardens » du monde numérique sont prévenus : l’Europe ne laissera pas faire. « Dans la mesure où les contenus tels que les livres numériques ou la musique en ligne sont concernés,
la Commission européenne soutient pleinement l’interopérabilité qui permet aux consommateurs d’y accéder facilement, y compris de manière transfrontalière »,
nous explique Nicolas Gyss, responsable des Affaires publiques à la DG Connect (réseaux de communications, contenu et technologie). Il précise que « la Commission européenne n’a pas de projet à ce stade d’intervention juridique pour garantir l’interopérabilité numérique, en dehors de l’application des règles concurrentielles
en cas de possibles cas d’abus de position dominante ». Mais il tient à rappeler que la directive européenne « Droits des consommateurs » du 25 octobre 2011, qui doit être transposée par les Etats membres d’ici juin 2014, « impose déjà au fournisseurs de services en ligne des obligations d’information, dont la fonctionnalité et l’interopérabilité des contenus numériques ». Plus largement, la Commission européenne entend stimuler l’interopérabilité dans par le développement de standards ouverts, tels que ceux utilisés pour accéder au Web et échanger. Dans le livre numérique, par exemple, les libraires européens réunis au sein de l’EIBF (1) tentent de convaincre la Commission européenne – via la DG Connect dirigée par Roberto Viola – d’intervenir pour imposer l’Epub 3 comme standard ouvert pour assurer l’interopérabilité. Les formats propriétaires d’Apple et d’Amazon sont dans le collimateur. Mais l’interopérabilité ne s’arrête pas aux formats ou aux DRM (2) : la question se pose en même temps pour les plates-formes de vente en ligne, App Stores en tête (3). « Le Parlement européen juge important que les consommateurs ne se heurtent pas à des obstacles lorsqu’ils souhaitent acquérir des livres électroniques sur des platesformes (…) ; juge important d’assurer l’interopérabilité entre les différents dispositifs et systèmes d’acquisition de livres électroniques », ont d’ailleurs déclaré les eurodéputés dans une résolution adoptée le 4 juillet dernier (4).
En France, l’Autorité de la concurrence a indiqué le 10 juillet avoir lancé une enquête sur les boutiques d’applis sur mobiles pour savoir s’il n’y a pas d’abus de position dominante. A suivre. @