L’Europe prévoit une recommandation en janvier 2013 pour “assouplir” la chronologie des médias

La Commission européenne émettra début 2013 une recommandation pour inciter les Etats membres à « plus de flexibilité dans la chronologie des médias » et encourager des expérimentations de sorties (quasi) simultanées de films en
salles et en VOD/DVD – sans que ce day and date soit obligatoire.

La pression monte dans le monde du cinéma en Europe. C’est en effet en janvier 2013 que les commissaires Androulla Vassiliou (Education et Culture) et Neelie Kroes (Agenda numérique) prévoient, selon nos informations, de présenter au Conseil de l’Union européenne une recommandation sur « le film européen à l’ère du numérique ». « Nous allons encourager les Etats membres à expérimenter des modèles plus flexibles de chronologie des médias », nous expliquent les cabinets des deux commissaires.

Expérimenter la (quasi) simultanéité
Cette recommandation à l’assouplissement et à l’harmonisation générale de la chronologie des médias en Europe va inciter fortement les Vingt-sept à mener des expérimentations de sortie des films simultanément ou quasi-simultanément en salles et en vidéo à la demande – « sans que cela soit imposé pour autant », nous précise-t-on. Objectif de la Commission européenne : faciliter l’accès aux digital films et la concurrence entre supports.
L’exécutif européen prépare ainsi les esprits à une « sortie unique le même jour » des films dans les cinémas, sur les plateformes de VOD, voire les chaînes de télévision. C’est en ces termes que la commissaire Androulla Vassiliou a déclaré le 23 octobre sa volonté d’« évaluer la diffusion simultanée » des films. « Quelques producteurs de films indépendants croient qu’il génèreront des revenus plus élevés s’ils rendent disponibles leurs films à travers tous les circuits de distribution possibles en même temps », a-t-elle souligné.
Pour commencer, 2 premiers millions d’euros – sur les 6 millions prévus pour trois ans afin de favoriser la « circulation des films européens à l’ère digitale » (1) – concernera environ 20 films de cinéma d’art et d’essai dans neuf pays européens dont la France (2). Trois projets de sorties simultanées ont été retenus : Speed Bunch (500.000 euros d’aide) du distributeur-coproducteur français Wild Bunch, Tide (800.000 euros) de l’ARP, société civile française des auteurs réalisateurs et producteurs ; et Edad (695.000 euros) du distributeur britannique Artificial Eye avec notamment le producteur français Rezo Films.
Ces trois initiatives, sélectionnées à la suite d’un appel à projets lancé en mars dernier dans le cadre du programme MEDIA (3), portent sur des films qui seront diffusés (quasi) simultanément à travers les différentes « fenêtres de diffusion » disponibles, de la salle de cinéma aux plates-formes de VOD. Contacté, le coproducteur Wild Bunch nous indique ses premiers films dès 2013 par exemple.
Androulla Vassiliou ne veut pas que l’Europe soit en retard : « L’industrie du film aux Etats-Unis est en train de s’adapter progressivement à de nouveaux modèles de distribution. Il est essentiel que l’Europe teste aussi toutes les possibilités (…) ». Après une table ronde sur le sujet au Mipcom (4), Androulla Vassiliou et Neelie Kroes ont déclaré ensemble le 9 octobre que « les participants au débat soutiennent les expériences qui ont eu lieu dans certains pays et consisté à sortir un film simultanément, ou quasi simultanément, au cinéma et en VOD ».
De quoi susciter la méfiance des inconditionnels de la sacro-sainte chronologie des médias et de ses fenêtres exclusives de diffusion des films (salles en tête), sans laquelle le cinéma pourrait, selon eux, difficilement se (pré-)financer. En France, la VOD à l’acte doit attendre quatre mois, à l’instar des DVD, avant de pouvoir proposer des nouveaux films. Et la VOD par abonnement trente-six mois ! La réunion interprofessionnelle de l’été dernier sur la chronologie des médias, qui s’est tenue au CNC (5), n’a pas fait évoluer les choses depuis l’accord de juillet 2009. Et ce, en raison de l’opposition du Bloc (Bureau de liaison des organisations du cinéma) qui réunit une quinzaine d’organisations du cinéma, majoritairement des producteurs : APC, SPI, SRF, …

Le CNC s’en remet à la mission Lescure
Ironie du sort : l’Association des producteurs de cinéma (APC) compte parmi ses membres Wild Bunch (projet Speed Bunch) et Rezo Films (projet Edad) partisans du simultané ou du quasi-simultané… « Nous sommes pour des expérimentations sur la chronologie des médias. Mais cela suppose de renégocier l’accord de juillet 2009 dans ce sens », nous assure Frédéric Goldsmith, délégué général de l’APC. Pour l’heure,
le CNC a renvoyé toute discussion à la mission Lescure (6), dont les propositions sont attendues en mars 2013. Au grand damne de l’ARP, de la SACD (7) et du SEVN (8).
Le fait qu’un film, Les paradis Artificiels, ait été déprogrammé le 31 octobre par douze salles de cinéma – en réaction à sa diffusion en avant première sur Dailymotion – en dit long sur la caractère sensible de cette nécessaire réforme. @

Charles de Laubier