Timeline

19 juillet
• Microsoft, qui lancera Windows 8 le 26 octobre, affiche pour la première fois depuis 25 ans une perte trimestrielle.
• Twitter lance pour les annonceurs les « twitts publicitaires ciblés ».
• Philippe Marini dépose au Sénat sa proposition de loi « Fiscalité numérique » (lire p. 3 et 7).
• Le Sirti demande un appel à candidatures pour la RNT à Strasbourg et Mulhouse, le CSA attendant la position du gouvernement.
• Le Simavelec indique à l’AFP la saisine prochaine de la justice pour exiger un décret d’application de la loi sur la copie privée.
• Médiamétrie publie son baromètre « réseaux sociaux » : 77 % des internautes en France y sont inscrits.

18 juillet
• Fleur Pellerin, à l’Assemblée nationale : « La réflexion (…) sur les autorités de régulation [Arcep et CSA] va être un peu plus globale. (…) La convergence, (…) la télévision connectée (…) nous poussent à avoir une réflexion d’ensemble ».
• Aurélie Filippetti précise le calendrier de la mission « Lescure » : auditions et débats d’octobre à décembre 2012 ; rapport en mars 2013.
• UFC-Que Choisir et le Simavelec (Chere-copie-privee.org) rappellent « l’urgence d’une réforme de la rémunération pour copie privée ».
• Google lance sa « librairie numérique » sur Google Play, avec « plusieurs centaines de milliers de livres en français » (Hachette, Editis, Gallimard, Média Participations, …).
• Xavier Couture, ex-directeur des contenus d’Orange (EM@4), est nommé directeur exécutif de France Télécom en charge de la communication et de la marque.
• Videofutur atteint 40.000 abonnés à ses offres « cinéma », physiques et VOD
(+ 7 %).
• Rovi (qui a racheté DivX en 2010) publie une étude : 75 % des Français regarde des vidéos de leur ordinateur, 18 % de leur TVconnectée ou sur Blu-ray, 2 % sur tablette.

17 juillet
• Aurélie Filippetti, au Sénat : la mission Lescure va « associer [pour le financement de la création] ceux qui tirent profit du développement de la circulation des œuvres dans les réseaux ».
• NRJ devient la radio la plus écoutée en France, devant RTL, selon Médiamétrie (voir p. 11).
• GfK publie ses chiffres sur la TV connectée : 3 millions de téléviseurs connectés vendus en France entre janvier 2009 et mai 2012.
• TeVolution lancera fin 2012 une offre audiovisuelle en ligne (TNT, catch up TV, VOD, SVOD), selon « Satellifax ».

16 juillet
• Pierre Lescure, au Festival d’Avignon, à propos de l’Hadopi : « La sanction est indispensable mais insuffisante ».
• Le Sirti estime à moins de 10 millions d’euros sur 4 ans le coût de Radio France à la RNT.
• YouTube, un média de « vidéo d’information à la demande » selon Pew Research Center.
• Forrester prévoit une explosion du « m-commerce » à 19 milliards d’euros en 2017, contre 1,4 milliard en 2012.
• Digital TV Research chiffre à 3,9 milliards d’euros le chiffre d’affaires de la TV payante en France en 2017, contre 4,1 milliards en 2011.
• Yahoo désigne Marissa Mayer (ex-Google) comme DG.
• Samsung creuse l’écart avec Apple (smartphones), selon « Reuters ».

13 juillet
• L’Asic « se félicite » des décisions de la Cour de cassation qui « écarte le spectre d’un filtrage de l’Internet ».
• Le SVEN demande un « soutien » du gouvernement et le « maintien » d’une réponse graduée.
• La Coordination pour la RNT « s’engage pour aider le gouvernement et Radio France ».
• L’Arcep a transmis à la Commission européenne son projet de décision de soumettre TDF à une régulation ex ante jusqu’en 2015.
• News Corp s’interroge sur la viabilité de son journal pour tablettes, « The Daily » (100.000 abonnés), selon le « NYT ».

12 juillet
• Bercy lance une mission d’expertise sur la fiscalité de l’économie numérique (lire p. 3).
• L’Hadopi demande, malgré l’opposition de quatre membres, 12 millions d’euros de budget pour 2013, d’après « Numerama ».
• Le Sirti dénonce « le silence radio d’Aurélie Filippetti sur la RNT ».
• Le Snep se félicite que la Cour de cassation « oblige Google à coopérer » contre le piratage.
• Médiamétrie publie l’audience des chaînes sur le câble, le satellite et la TV par ADSL.
• Orange et Dailymotion récompensent 3 projets « nouveaux-écrans ».
• Zewall (Le Télégramme, Orange, Télécom Bretagne, …) font la démonstration de la diffusion en direct de vidéos mobile en 4G.

11 juillet
• Aurélie Filippetti, auditionnée à l’Assemblée nationale : « La mission Lescure démarrera à partir du 1er septembre, avec l’objectif d’avoir des préconisations pour le printemps 2013 ».
• José Manuel Barroso doit répondre à une question sur l’accord CETA avec le Canada, texte semblable à l’ACTA, révèle « PC INpact ».

10 juillet
• La Cnil promeut « l’objectif d’inscrire, dans la Constitution, le droit à la protection des données personnelles ».
• Le J.O. publie la résiliation de la convention d’Orange Sport.
• Médiamétrie lance la mesure des applications et du streaming sur la Xbox 360, dont 2,5 millions de foyers en France sont équipés.

9 juillet
• Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, indique qu’il n’imposera pas à Canal+ la vente de CanalSat.
• TF1 voit son audience chuter à son plus bas historique.

Gestion collective et Internet en Europe : urgence ?

En fait. Le 12 juillet, la Commission européenne a transmis au Parlement européen et au Conseil son projet de directive sur la gestion collective des droits d’auteurs et des droits voisins, ainsi que sur les licences multi-territoriales pour les plateformes de musique en ligne au sein des Vingt-sept.

En clair. Selon nos informations, une procédure accélérée pourrait bientôt être retenue par le Parlement européen et le Conseil de l’Union pour que cette nouvelle directive « Gestion collective et licences multi-territoriale » puisse être adoptée d’ici la fin de l’année. Les Vingt-sept auront alors douze mois – et non les dix-huit mois habituels pour une directive – pour la transposer. Il a fallu huit ans de gestation pour que ce projet de directive voit enfin le jour. Ce sprint final viendrait en effet couronner un marathon commencé en avril 2004 avec la consultation publique sur « la gestion du droit d’auteur et des droits voisins au sein du marché intérieur ». Elle aboutit en 2005 à une recommandation peu suivie de la Commission européenne dans le domaine de la musique en ligne (1). Avec ce nouveau cadre législatif destiné à « faciliter la concession de licences de droits d’auteurs multiterritoriales et multirépertoires », les services Internet – plates-formes de téléchargements, de streaming ou de webradios – devraient enfin pouvoir obtenir plus facilement des droits de diffusion musicale en ligne sur l’ensemble des Vingt-sept. Pour l’heure, 543 licences ont été octroyées à des services en ligne (2). Ce « passeport européen de licence » encouragera l’agrégation volontaire des répertoires pour l’utilisation de la musique en ligne et la concession de licences multi-territoriales et donc transfrontalières. Quant aux titulaires de droits (artistes, interprètes, auteurs, compositeurs, …), qui seront en droit de choisir la société de gestion collective, ils pourront intervenir directement dans la gestion de leurs droits et être rémunérés plus rapidement. La directive incite les États membres à mettre en place un « organe de résolution des litiges indépendants, impartiaux, efficaces et capables de régler les litiges commerciaux opposant les sociétés de gestion collective et les utilisateurs ». Les sommes en jeu sont colossales à l’échelon européen : quelque 6 milliards d’euros de royalties perçues chaque année par plus de 250 sociétés de gestion collective des droits. La GEMA en Allemagne arrive en tête (862 millions d’euros de collecte), suivie par la Sacem (3) en France (819 millions), MCPS-PRS au Royaume-Uni (709 millions), SIAE en Italie (605 millions), SGAE en Espagne (341 millions), la SACD (4) en France (219 millions) ou encore SABAM en Belgique (192 millions). @

Vivendi : la logique boursière devant la convergence

En fait. Le 16 juillet, Vivendi a annoncé le « succès de l’augmentation de capital réservée aux salariés » qui, cette année, atteint « un nombre record de 12,3 millions d’actions nouvelles ». Or moins de 10.000 salariés sur les 58.300 que compte le conglomérat ont souscrit à l’offre, soit environ 15 %.

En clair. Une majorité des salariés de Vivendi n’a pas participé à l’augmentation du capital de leur entreprise. Bien que présentés comme « 4e actionnaire du groupe »,
les salariés actionnaires représentent à peine 3,4 % du capital. « La mobilisation des salariés du groupe est une preuve de la confiance qu’ils témoignent à leur entreprise et à ses perspectives de croissance dans un contexte économique difficile », affirme tout de même le directoire de Vivendi, présidé par Jean-François Dubos, lequel a succédé le 29 juin à Jean-Bernard Lévy. Pourtant, la « confiance » et les « perspectives » du groupe n’ont jamais été aussi floues. Il faut remonter à il y a dix ans, lorsque Jean-Marie Messier a été évincé après avoir mis le groupe en faillite, pour retrouver une telle incertitude stratégique. Jean-Bernard Lévy est parti pour « divergence stratégique » avec Jean-René Fourtou, le président du conseil d’administration : le premier était pour accroître les synergies entre les activités médias et les réseaux. « Le monde des réseaux et du contenu sont en train de fusionner », avait déclaré Jean-Bernard Lévy dans le Wall Street Journal du 14 décembre 2010. « Nos investissements dans les réseaux, les plates-formes et les contenus s’accompagnent d’efforts soutenus pour développer les partages d’expertises et les projets communs entre nos métiers », avait-il insisté le 1er mars 2011 (1). La voie est maintenant libre au démantèlement du groupe. La raison ? Le cours de Bourse de Vivendi, qui, selon Jean-René Fourtou serait sous-évalué. « Faut-il vendre des activités ou séparer le groupe en deux, voire trois ? Cette question n’est pas taboue », avait-il écrit aux actionnaires fin mars. Le délestage pourrait commencer par la filiale Activision Blizzard, numéro un mondial des jeux vidéo (2). L’été sera chaud pour les 58.300 salariés du groupe Vivendi, dont les 16.000 des filiales françaises (3) qui ont reçu chacun en prime 50 actions gratuites. Est-ce pour acheter la paix sociale ? « La fin d’année 2012 et surtout l’année 2013 s’annoncent mouvementées sur le plan social. SFR tout d’abord, Canal+ ensuite, mais aussi la musique ou les jeux. L’ensemble de ces business de Vivendi pourrait être impacté socialement, en France et à l’étranger par les décisions qui vont être prises dans les prochaines semaines », craint par exemple le syndicat CFE-CGC. @

Très haut débit : l’Arcep va enfin autoriser « à l’automne » le VDSL2 sur la boucle locale de cuivre

Le président de l’Arcep, Jean-Ludovic Silicani, a indiqué à Edition Multimédi@ que le Comité d’experts pour les boucles locales cuivre et fibre optique va donner « à l’automne » son feu vert à l’introduction du VDSL2. Les lignes de cuivre vont pourvoir atteindre de 50 à 150 Mbits/s.

Par Charles de Laubier

Catherine Mancini, présidente du Comité d’experts de l’Arcep

Dernière ligne droite avant le lancement en France du VDSL2 (1), qui va offrir 50 à 100 Mbits/s sur la paire de cuivre téléphonique, soit des débits descendants bien plus élevés que les 20 Mbits/s au maximum de l’actuel ADSL2+. Sauf imprévu – ce que le président de l’Arcep, Jean-Ludovic Silicani, estime « peu probable » – « le Comité d’experts [pour les boucles locales cuivre et fibre optique] doit rendre un avis favorable à l’automne », a-t-il indiqué à Edition Multimédi@ en marge des 6es Assises du Très haut débit, organisées le 9 juillet par Aromates et l’Idate (2). « Ce Comité d’experts est indépendant de l’Arcep », nous précise Jean-Ludovic Silicani. Il n’en est pas moins placé sous l’autorité du régulateur, qui nomme ses membres, depuis qu’il a été créé en son sein il y aura dix ans le 19 septembre prochain (3). Il est présidé depuis lors par Catherine Mancini (notre photo). Aussitôt que cet avis favorable sera rendu, fin septembre au plus tôt,
le VDSL2 pourra sans autre formalité être introduit et déployé au niveau des sous-répartiteurs de France Télécom. Catherine Mancini nous le confirme : « Ce sont ces avis qui prononcent officiellement les autorisations d’emploi de telle ou telle technique, rien d’autre n’est nécessaire. Les déploiements de cette technique peuvent démarrer immédiatement après, à condition de respecter les modalités d’emploi préconisées ».

Neutralité technologique dans le très haut débit ?
Est-ce à dire que le VDSL2 pourra concurrencer le FTTH dans le très haut débit, selon le principe de neutralité technologique ? Lors de son audition par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 11 juillet, le président de l’Arcep a déjà prévenu : « Le VDSL2 sera déployé, mais pas partout, pour que la fibre puisse se développer sur tout le territoire ». En d’autres termes, priorité est donnée aux lourds investissements pour amener, d’ici à 2025, la fibre optique jusqu’au domicile des Français. Et ce, moyennant un coût très élevé de 25 milliards d’euros. Beaucoup moins coûteux, le VDSL2 pourrait contrarier cette volonté politique de déployer coûte que coûte le FTTH. Cela pourrait expliquer l’autorisation tardive de cette nouvelle technologie sur les lignes téléphoniques. D’autant que le coup d’envoi du VDSL2 devait être donné initialement « avant la fin 2011 » par le Comité d’experts (4), lequel a mis plus d’un an à faire des mois de tests de non-perturbation de l’ADSL en place.

Le VDSL2 à l’étude depuis sept ans
En fait, cela fait plus de sept ans que sa présidente Catherine Mancini, par ailleurs directrice chez Alcatel- Lucent, étudie le VDSL2. Cette norme a en effet été adoptée par l’Union international des télécommunications (UIT) en février 2006. Elle a depuis été suivie en mai 2010 par la norme vectorielle « G.Vector » (5) numérotée G.993.5, appelée aussi « VDSL3 », qui permet d’atteindre les 150 Mbits/s sur cuivre ! En attendant les 500 Mbits/s grâce au bonding (6)… Aujourd’hui, déjà plus de 10 millions de lignes téléphoniques dans le monde offrent du très haut débit sur fils de cuivre et leur nombre progresse de 10 % à 15 % par an.
Mais au-delà du principe de précaution technologique dont fait preuve le Comité d’experts pour les boucles locales cuivre et fibre optique, d’aucuns se demandent si cette instance tenue au secret n’est pas le théâtre d’intérêts antagonistes. France Télécom, concerné au premier chef, est membre de ce Comité d’experts aux côtés
des opérateurs du dégroupage (SFR, Free, Bouygues Telecom, …) et des principaux équipementiers télécoms (Alcatel-Lucent, Ericsson, Huawei, …). Mais l’opérateur historique est réticent à laisser la concurrence bénéficier d’un dégroupage total en VDSL2 qui permettrait aux autres opérateurs télécoms de monter en débit avec leur propre équipements. Et ce, au moment où les pouvoirs publics demandent à Orange d’accélérer le coûteux déploiement du FTTH à la rentabilité incertaine. Pourtant, en Pologne via sa filiale TPSA, Orange propose déjà du VDSL2. En France, les 100.000 sous-répartiteurs de la boucle locale de cuivre historique offrent une capillarité et un potentiel de déploiement pour le VDSL2 bien plus importants que les 12.300 répartiteurs utilisés pour l’ADSL. Plus le noeud de raccordement d’abonné (NRA) sera près du domicile de l’abonné, plus le très haut débit sur cuivre n’aura rien à envier à la très chère fibre optique. SFR est dans les starting-blocks depuis l’an dernier pour du VDSL2 à 150 Mbits/s, grâce à une gestion dynamique de la paire de cuivre dite DSM – Dynamic Spectrum Management – que lui fournit la société américaine Assia dirigée par l’inventeur du DSL, John Cioffi (7) (*) (**). Les box de Free et de Bouygues Telecom sont également prêtes. En juin dernier, France Télécom a informé certains de ses clients du lancement d’ici septembre d’un test grandeur nature du VDSL2 à Paris et Marseille, ce qui annoncerait l’arrivée de la Livebox 3 compatible VDSL2 dans les prochains mois (8). C’est dire que le cuivre est encore loin d’être « déterré pour être vendu sur les places de marchés [sic] », contrairement à ce qu’a affirmé Viktor Arvidsson, directeur stratégie et marketing d’Ericsson France, lors des 6e Assises du Très haut débit. La France reste la championne du monde de l’ADSL avec 21,2 millions d’abonnés – en progression de 5 % sur un an – et un taux de pénétration de 75 % des foyers. Et la combinaison FTTB+VDSL2 pourrait augmenter l’espérance de vie de la paire de cuivre au détriment du FTTH. Chez Alcatel-Lucent, Marc Charrière, vice-président des affaires publiques, parle plus volontiers de « complémentarité des technologies », mais avec un « objectif final : la fibre ». Présenté par le régulateur et par le gouvernement comme « une étape intermédiaire vers le déploiement du FTTH » (9), le VDSL2 pourrait devenir un « provisoire qui dure » pour les Français qui ne se précipitent pas pour s’abonner à la fibre : sur les 1.580.000 foyers éligibles au FTTH au premier trimestre 2012, seulement 220.000 se sont abonnés. Et au niveau des Vingt-sept, l’Idate a recensé 4,6 millions d’abonnés FTTH sur les 27,8 millions de foyers raccordables. Les sénateurs Philippe Leroy, président de ces 6e Assises du Très haut débit, et Hervé Maurey, auteur en octobre 2010 d’un rapport sur le sujet, préparent pour l’automne une proposition d’aménagement numérique des territoires qui fixe une date butoir pour l’extinction du fil de cuivre. Objectif : obliger les opérateurs à faire basculer leurs abonnés vers la fibre. Autre solution radicale pour tuer dans l’oeuf le VDSL2 serait d’augmenter le tarif du dégroupage ADSL pour inciter les opérateurs télécoms à investir dans la fibre optique. « La hausse du prix du dégroupage pourrait être de 1 euro par an sur trois ans », a même avancé Jérôme Yomtov, directeur général délégué de Numericable. Cela remettrait en cause, selon lui, « la rente » dont bénéficierait France Télécom sur le cuivre et l’avantage tarifaire que cela procure aux SFR, Free et autres concurrents dissuadés d’investir dans la fibre.

Déshabiller Pierre pour habiller Paul ?
En s’apprêtant cependant à autoriser le VDSL2, l’Arcep démontre qu’elle croit encore en l’avenir du cuivre. « Le dégroupage est un marché très dynamique et qui va le rester. Nous poursuivons nos efforts pour faciliter l’accès aux très petits NRA », a assuré Jean-Ludovic Silicani, lors de son intervention aux 6e Assises. Mais la pression monte en Europe, la commissaire Neelie Kroes ayant indiqué le 12 juillet qu’elle allait d’ici la fin de l’année prendre « des mesures pour favoriser l’investissement dans la fibre optique ». Le bras de fer entre le cuivre et la fibre ne fait que commercer… @

OFNI contre OFPI

Vous êtes déjà en 2020, PAR JEAN-DOMINIQUE SéVAL*

Le domaine de la lutte plus ou moins larvée que se livrent depuis plus de vingt ans les opérateurs télécoms et les géants de l’Internet n’en finit pas de s’étendre. Tout a commencé par une guerre des portails et des nouveaux services de communication : messageries instantanées,
e-mail, voix sur IP fixe ou mobile, réseaux sociaux, …
Les opérateurs tentent encore de trouver des domaines réservés et des services avancés. Les géants du Net,
eux, cherchent à capter une nouvelle part de la valeur en descendant vers les infrastructures : même de manière limitée, comme ce fut le cas pour Google avec ses projets restreints dans la fibre et le spectre, ou de façon plus structurelle, comme l’investissement de tous dans des réseaux planétaires de data centers. Mais l’engagement se joue sur tous les fronts. C’est, par exemple, le cas dans les brevets comme en 2012 : British Telecom attaque Google pour des violations de droits d’auteurs. Mais l’un des plus intéressants combats se déroula entre 2011 et 2015, lorsque les pays européens, sous la pression de la crise de leurs dettes publiques, souhaitèrent réviser la contribution fiscale des acteurs de cette nouvelle économie numérique.

« Les opérateurs télécoms se plaignent d’être des OFPI, ‘’objets fiscaux particulièrement identifiables’’, les GAFA étant de véritables OFNI, ‘’objets fiscaux non identifiés’’ ».

Les opérateurs télécoms furent les premiers à être dans le collimateur du collecteur d’impôt. En tant que fournisseurs d’accès à Internet (FAI), ils focalisèrent l’attention
de ceux pour qui ils profitèrent d’une économie du téléchargement en partie illégal. Cela fut fait en France dès 2010, en portant la TVA du taux réduit de 5,5 % au taux commun de 19,6 %. On demanda ensuite aux FAI de contribuer au financement du cinéma via la taxe sur les services de télévision (TST), laquelle rapporta quelque 200 millions par an payés par les fournisseurs d’accès à Internet sur un total de près de 600 millions d’euros, Ce premier succès donna des idées aux autres industries culturelles, la musique, la presse ou le livre, qui élaborèrent des plans pour obtenir la mise en place de mécanismes équivalant. Mais dans un contexte de crise et de concurrence renforcée, les opérateurs se plaignent d’être des OFPI, « objets fiscaux particulièrement identifiables ». C’est bien là en effet une clé de cet affrontement planétaire.

Alors que les « telcos » sont nationaux d’origine, les géants du Net sont par nature des entreprises globales, assurant la promotion de services déployés en un clic sur toute la surface du monde par des marques reconnues. Véritables OFNI, « objets fiscaux non identifiés », ils jouent à la fois sur la nouveauté de leur business models et sur leur présence multinationale. Ce qui leur a permis d’échapper au signal radar des administrations fiscales nationales. Mais avec la maturité des e-marchés, une normalisation fiscale a bien eu lieu. D’abord dans leur pays d’origine comme le prouvent les mesures prises par différents Etats dès 2012 pour soumettre les ventes d’Amazon à de nouvelles taxes. Comme d’autres sites marchands, ce géant bénéficiait d’une décision de la Cour Suprême l’exemptant de charges là où il n’avait pas de présence physique. De même, Apple économisa des milliards de dollars via une de ses filiales basée au Nevada à la fiscalité nulle. L’Europe, elle, a lancé une véritable chasse au GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et à leurs optimisations fiscales facilitées par l’implantation des sièges européens en Irlande ou au Luxembourg. Le législateur eut la tâche complexe de mieux faire contribuer les géants du Net en taxant leurs recettes publicitaires et les ventes en ligne, sans pour autant freiner le développement de tout un écosystème de pure players encore fragiles et de commerçants mariant boutique et ventes en ligne. Cette bataille fiscale est aujourd’hui apaisée. La Commission européenne a finalement révisé le cadre réglementaire pesant sur les opérateurs télécoms, tandis que le monde de l’Internet arrivant à maturité a rejoint un régime fiscal commun. D’autres luttes se sont engagées, rendant plus floue la frontière entre opérateurs de réseau et géants du Net. Ce matin, nous apprenons que Google lance une opération d’achat sur Verizon ! @

* Directeur général adjoint de l’IDATE.
Sur le même thème, l’institut publie tous les six mois son rapport « Le Marché mondial des services Internet 2012-2016 », par Soichi Nakajima.
Prochaine chronique « 2020 » : Le Q.I. de nos villes