Cuivre : garantir la qualité à 17 millions de foyers

En fait. Le 22 septembre, s’est tenue la conférence annuelle « Territoires connectés » de l’Arcep. Parmi les sujets de crispation : le maintien de la qualité du réseau de cuivre utilisé pour l’ADSL et le VDSL par plus de 17 millions d’abonnés en France – soit encore 53,7 % de toutes les connexions fixes à Internet.

En clair. Qui doit payer le maintien de la qualité de service du réseau de cuivre en France ? Selon les calculs de Edition Multimédi@, cela concerne encore plus de 17 millions de prises de cuivre encore opérationnelles en France, soit 53,7 % précisément de toutes les connexions fixes à Internet (1). La question à laquelle le régulateur et le gouvernement vont devoir répondre rapidement est de savoir comment garantir la qualité de service au plus de 11,1 millions d’abonnés ADSL dont la connexion haut débit passe par leur fameuse paire de cuivre. Et auxquels s’ajoutent plus de 5,9 millions d’abonnés VDSL bénéficiant d’un très haut débit par leur paire de cuivre éligible à cette technologie (VDSL2).
Selon le secrétaire général d’Orange, Nicolas Guérin, qui s’exprimait le 22 septembre lors de la conférence « Territoire connectés » de l’Arcep, l’opérateur historique supporte environ 500 millions d’euros de coût d’entretien par an pour que le réseau de cuivre fonctionne. Mais pas question pour lui financer seul le « surcoût » pour en garantir la « qualité de service ». Et ce, alors que les revenus d’Orange provenant de la location de cette « boucle locale » de cuivre aux opérateurs télécoms concurrents sont en recul en raison de la migration des abonnés vers la fibre optique (2). L’ex-France Télécom plaide donc pour une hausse des tarifs du « dégroupage » payés par les opérateurs alternatifs (SFR, Bouygues Telecom, Free, …). Sinon, prévient Orange, la qualité de service va continuer à se dégrader jusqu’à l’extinction complète du réseau de cuivre en 2030. A moins que l’Arcep n’accorde à Orange une augmentation du prix du dégroupage supporté par les autres fournisseurs d’accès à Internet, lesquels ne veulent pas payer plus pour une technologie en déclin. Les 17 millions d’abonnés ADSL et VDSL sont pris en otage. Le plan de fermeture du cuivre qu’Orange a présenté à l’Arcep en janvier 2022 a été enclenché dès 2020 par un « arrêt de commercialisation » de prises de cuivre. D’après son rapport annuel publié en mai, Orange fait état de 15 millions de prises de cuivre déjà non-commercialisées à mars 2022. «A partir de 2026, Orange ne commercialisera plus de nouveaux abonnements ADSL et la fermeture du réseau cuivre débutera à grande échelle. A l’horizon 2030, [l’extinction du cuivre] concernera la totalité du réseau », précise le groupe dirigé depuis début avril dernier par Christel Heydemann (3). @

Le FTTH et la 5G vont permettre aux opérateurs télécoms d’accroître leurs revenus fixe et mobile

La France est en train de tourner la page des télécoms par chères. Les opérateurs télécoms commencent à encaisser des revenus à la hausse, notamment sur les forfaits grâce aux abonnements à la fibre optique et à ceux de la 5G. Les consommateurs voient déjà leurs factures augmenter.

Cela fera vingt ans cette année que le concept de triple play débarquait en France (à l’initiative de Free avec le lancement de la « box » en novembre 2002) pour 29,99 euros par mois. Ce forfait – comprenant la téléphonie, l’accès à Internet et la réception de chaînes de télévision – a défié la concurrence qui s’est alignée sur cette offre avantageuse pour les abonnés. Six ans auparavant, c’était Bouygues Telecom qui inventait en France le premier forfait mobile dont le principe fut adopté par tous ses rivaux, avec parfois des offres agressives à 9,99 euros par mois voire à des prix bien en-dessous.

Fixe et mobile : factures en hausse
Cette période de deux décennies avec des forfaits fixe (à moins de 30 euros par mois) et mobile (à moins de 10 euros par mois) est en passe d’être révolue. Autrement dit, les télécoms commencent à peser plus lourd dans le budget des foyers français. Orange, SFR ou encore Bouygues Telecom font déjà des augmentations « par défaut » du prix de certains forfaits (mobile ou fixe), bien que cette pratique discrète soit controversée. La généralisation de la fibre et de la 5G vont contribuer à augmenter encore plus les factures mensuelles des consommateurs. C’est déjà le cas des 14,4 millions d’abonnés à un forfait de fibre optique de bout en bout dit FTTH (1), ainsi que des 3millions d’abonnés à une offre 5G (au 31 décembre 2021). Si la facture mensuelle moyenne par abonné avait tendance à être plus ou moins stable depuis plusieurs années, elle s’est installée au dernier trimestre 2021 dans la fourchette haute : à 33,5 euros par mois en moyenne pour les abonnements fixe et 14,9 euros par mois en moyenne pour les clients mobile (voir tableau ci-dessous). « Pour l’utilisation d’accès Internet à haut ou très haut débit et les services associés, un abonné dépense en moyenne 33,5 euros HT par mois, une facture qui augmente légèrement depuis le début de l’année 2020 (+ 30 centimes en un an ce trimestre) après deux années de recul continu », constate l’Arcep dans son observatoire du marché des télécoms publié le 7 avril. Et côté mobile : « La facture mensuelle moyenne par carte [SIM] augmente de 3,2 % en un an, et s’élève à 14,9 euros HT. Elle progresse de 50 centimes en un an, et atteint un niveau supérieur à celle observée avant la crise sanitaire ». Ces haussent des montants payés par les abonnés se traduisent par l’augmentation des revenus des opérateurs télécoms, lesquels souhaitent depuis des années une revalorisation de leurs forfaits fixe et mobile soumis depuis des années à une pression des prix (vers le bas) en raison de la bataille tarifaire – notamment entre les quatre principaux opérateurs fixe et mobile que sont Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free. Les deux premiers appellent d’ailleurs depuis des mois à un passage de quatre à trois opérateurs télécoms en France, « pour être plus forts » et « cesser la bataille tarifaire » (2).

Pour l’heure, en 2021, les opérateurs télécoms enregistrent – malgré la crise sanitaire – une hausse de leur chiffre d’affaires total au rythme de 2% à 4% sur un an chaque trimestre, pour atteindre 9,4 milliards d’euros au quatrième trimestre 2021 et totaliser 36,1 milliards en 2021. Selon les calculs de Edition Multimédi@ sur l’année calendaire, cela correspond à une hausse annuelle de 2,5 % entre 2020 (35,238 millions d’euros) et 2021 (36,118 millions d’euros). « Cette progression, qui contraste après plusieurs années (de 2011 à 2020) de recul, est tirée par à la fois les revenus des services mobile et ceux des services fixe », relève l’Arcep. En y regardant de plus près, ce sont les abonnements et forfaits mobile (donc hors cartes prépayées) qui rapportent le plus aux opérateurs télécoms depuis plusieurs années : 3,5 milliards d’euros au quatrième trimestre de 2021 pour un total de 13,5 milliards d’euros sur l’ensemble de l’année, soit une hausse de 5,1% sur un an. Le deuxième poste de recettes le plus élevé pour les opérateurs télécoms réside dans les abonnements d’accès haut et très haut débit à Internet et à la téléphonie (hors autres services Internet comme publicité en ligne ou commerce en ligne) : 2,6 milliards d’euros au quatrième trimestre de 2021 pour un total de 10,2 milliards d’euros sur l’ensemble de l’année, soit une hausse de 5,1 % sur un an. Le fait que ces deux premières sources de revenus des opérateurs télécoms (forfaits et abonnements mobile et fixe) affichent le même taux de croissance l’an dernier (5,1 %) n’est que pure coïncidence, mais cette hausse significative prouve que les consommateurs paient plus cher leurs accès télécoms. Il faut s’attendre à ce que ces hausses tarifaires pour le client final se poursuivent voire s’amplifient avec la généralisation de la fibre et de la 5G aux forfaits plus coûteux.

Les terminaux mobiles rapportent
Quant à la troisième source de revenu des opérateurs télécoms, elle correspond à location ou à la vente de terminaux mobiles tels que les smartphones (n’étant pas comptabilisée ici la vente de terminaux de téléphonie et Internet fixes plus marginale et en déclin) pour un total de 1,1 milliard d’euros au quatrième trimestre de 2021 et un total de 3,3 milliards d’euros sur l’ensemble de l’année, soit une hausse là aussi non négligeable de 7,1 % sur un an. Non seulement ce poste a franchi l’an dernier la barre du milliard d’euros de chiffre d’affaires, mais aussi affiche une hausse supérieure à celles des accès fixe ou mobile. Pour la hausse des ventes d’accès fixe à Internet, par exemple, l’Arcep souligne que « cet accroissement s’explique en partie par l’accélération de la transition du cuivre vers la fibre optique ». D’autant que, pour la première fois, le nombre d’abonnements FTTH (14,4 millions au 31 décembre 2021) dépasse celui des abonnements ADSL/VDSL (12,4 millions). Et le terrain est favorable à la poursuite voire à l’accélération des hausses tarifaires fixes, puisque la fibre est orientée à la hausse et le cuivre à la baisse. « Au total, au 31 décembre 2021, 58 % du nombre total d’abonnements à Internet sont à très haut débit, dont près de 80 % en fibre optique de bout en bout. Parallèlement, le nombre de locaux raccordables au réseau FTTH progresse également fortement chaque année : 29,7millions de locaux le sont ce trimestre, soit + 5,5 millions en un an », détaille l’Arcep.

Baisse du cuivre, hausse des prix
Mais un peu plus de la moitié de ces prises « optiques » raccordables ne font pas encore l’objet d’un abonnement (voir tableau ci-dessus), alors que le raccordement technique lui-même peut poser de sérieux problèmes (3). L’opérateur télécoms historique Orange a d’ailleurs commencé à basculer vers la fibre, avec l’extinction du réseau de cuivre « à partir de 2023 » et sa disparition totale d’ici à 2030 (4). Avec l’explosion de la vidéo en (ultra) haute définition, de la musique en qualité hi-fi (5), des visioconférences ou encore des métavers qui déferlent (lire p. 8 et 9), les usages dévoreurs de bande passante ne manqueront pas de tirer vers le haut les forfaits et abonnements. C’est notamment sensible sur les mobiles.
Rien que sur la 4G encore largement dominante en France, la consommation de données a progressé l’an dernier de 22 % sur un an, à 2,2 exaoctet (Eo) sur le quatrième trimestre de 2021 – soit 8,6 Eo sur l’année. Ce qui correspond à 12,3 gigaoctets (Go) et par abonné 4G sur le quatrième trimestre de 2021 – soit 47,3 Go sur l’ensemble de l’an dernier. La cinquième génération de mobiles, elle, promet de faire exploser ces volumes de données consommées. Il en coûtera plus cher aux consommateurs. @

Charles de Laubier

Légère hausse du tarif du dégroupage : l’Arcep ne voulait pas de « rente temporaire au profit d’Orange »

Pour tenter d’inciter les Français à basculer du réseau ADSL/VDSL2 (cuivre) vers le réseau FTTH (fibre), le régulateur propose d’augmenter le tarif du dégroupage total que facture Orange – soit 1,1 milliard d’euros en 2019 – aux autres opérateurs télécoms qui louent la boucle locale téléphonique. Mais pas trop…

La rente historique de l’ex-France Télécom ne va pas grossir. Non seulement en raison d’une hausse très modérée du tarif 2021-2023 proposée par l’Arcep, mais aussi et surtout parce que le nombre de ligne en dégroupage total en France ne cesse de décliner. C’est ce que montrent les chiffres du rapport financier 2019 d’Orange (publié en avril dernier) : sur les 29,2 millions de lignes téléphoniques fixes gérées par l’opérateur télécoms historique (en baisse de 5,6 % sur un an, passant sous la barre des 30 millions), 9,7 millions d’entre elles étaient en dégroupage total (en chute de 9,9 % en an, passant sous la barre des 10 millions). Selon les calculs de Edition Multimédi@, le dégroupage total du réseau de cuivre a donc rapporté à Orange l’an dernier un total hors taxe de 1,1 milliard d’euros en 2019 (à raison de 9,46 euros par mois et par ligne), contre 1,2 milliard d’euros en 2018 (à raison de 9,31 euros par mois et par ligne).

Consultation publique jusqu’au 12 octobre prochain
Alors que l’ex-France Télécom, aujourd’hui dirigé par Stéphane Richard, réclamait une augmentation de deux à trois euros par ligne de cuivre louée, le régulateur des communications électroniques présidé par Sébastien Soriano (photo) ne lui a concédé un gain d’à peine une vingtaine de centimes d’euros : le tarif de chaque ligne téléphonique louée par les opérateurs alternatifs (SFR, Bouygues Telecom et Free principalement) à l’opérateur télécoms historique (aujourd’hui Orange) passera de 9,46 euros hors taxe par mois à 9,65 euros par mois pour la période 2021-2023 (après celle de 2018-2020 qui va s’achever). Toujours selon nos calculs, en tenant compte d’une probable baisse de 10 % du nombre de lignes en dégroupage total (à 8,7 millions de lignes), le chiffre d’affaires correspondant attendu pour l’an prochain serait de tout juste 1 milliard d’euros. Si l’Arcep n’a pas accédé à la demande du détenteur de la boucle locale de cuivre, c’est notamment parce qu’elle craignait « la création d’une rente temporaire au profit d’Orange » en cas Continuer la lecture

La Freebox, à bout de souffle et en fin de course

En fait. Le 18 avril, Iliad (Free) a annoncé avoir levé avec succès plus de 1,1 milliard d’euros sur le marché obligataire afin de « renforcer sa liquidité et allonger la maturité de sa dette », laquelle passe à 3,8 milliards de dollars. Pendant ce temps-là, et depuis quatre ans, la Freebox attend toujours sa « v7 ».

En clair. « Les charges d’amortissement ont diminué en 2017, en raison notamment de l’arrivée à maturité du cycle d’amortissement de la Freebox Révolution, initié en 2010 ». C’est ce que dit Iliad dans son document de référence publié le 12 avril. Lancée en 2010, cette version 6 de la box de Free n’a pas été renouvelée depuis près de huit ans. A l’heure du Net et des révolutions technologiques, c’est une éternité ! L’opérateur télécoms de Xavier Niel s’est-il endormi sur ses lauriers ? On se souvient que le milliardaire avait fait son show le 14 décembre 2010 pour dévoiler sa « Révolution » dessinée par le designer Philippe Starck. Depuis, pas de « v7 ». « Une baisse de
44 millions d’euros [en 2017] des investissements ADSL/VDSL et boxes, s’explique principalement par la bonne gestion du cycle des boxes », se félicite en outre le fournisseur d’accès à Internet aux 6,5 millions d’abonnés fixe (1). Mais il y a des signes d’essoufflement qui ne trompent pas : Free n’a recruté l’an dernier que 135.000 clients Freebox, soit une part de marché des recrutements nets de 21 % (contre 32 % en 2016). C’est le premier ralentissement de la conquête d’abonnés Freebox depuis 2010 justement. Ce qui déçoit les investisseurs. Résultat : le cours de Bourse d’Iliad a plongé jusqu’à un plancher de 160 euros le 4 avril dernier, signant ainsi une chute de l’action de 32 % depuis le pic à 235 euros du 15 mai 2017. Certes, le titre s’est légèrement ressaisi depuis le début du mois, mais cette contre-performance sonne comme un avertissement. De plus, l’ARPU fixe a reculé de 2,3 % à 33,90 euros par mois (2). Autrement dit, il serait temps que l’inventeur de la première « box » triple play en 2002 fasse sa deuxième « Révolution ». C’est ce que prépare Xavier Niel depuis… 2012, année où la « v7 » a été annoncée pour… fin 2014. A force de repousser sa sortie, la future box à l’« effet wow » (sic) est devenue une arlésienne.
« La prochaine Freebox sortira avant la fin de l’année ; la production des premiers éléments a commencé », a assuré le fondateur et principal actionnaire d’Iliad (3),
en marge de la présentation des résultats annuels du groupe le 13 mars. Elle se déclinera en deux modèles (entrée et très haut de gamme) et promet d’être giga-fibrée (10 Gbits/s ?), voire hybride (4G fixe?), d’aller « au-delà de la télé » (Apple TV et tuner TV ?), puissamment sonorisée (Devialet ?) et avec un Wifi amélioré. @

Très haut débit : l’Arcep va enfin autoriser « à l’automne » le VDSL2 sur la boucle locale de cuivre

Le président de l’Arcep, Jean-Ludovic Silicani, a indiqué à Edition Multimédi@ que le Comité d’experts pour les boucles locales cuivre et fibre optique va donner « à l’automne » son feu vert à l’introduction du VDSL2. Les lignes de cuivre vont pourvoir atteindre de 50 à 150 Mbits/s.

Par Charles de Laubier

Catherine Mancini, présidente du Comité d’experts de l’Arcep

Dernière ligne droite avant le lancement en France du VDSL2 (1), qui va offrir 50 à 100 Mbits/s sur la paire de cuivre téléphonique, soit des débits descendants bien plus élevés que les 20 Mbits/s au maximum de l’actuel ADSL2+. Sauf imprévu – ce que le président de l’Arcep, Jean-Ludovic Silicani, estime « peu probable » – « le Comité d’experts [pour les boucles locales cuivre et fibre optique] doit rendre un avis favorable à l’automne », a-t-il indiqué à Edition Multimédi@ en marge des 6es Assises du Très haut débit, organisées le 9 juillet par Aromates et l’Idate (2). « Ce Comité d’experts est indépendant de l’Arcep », nous précise Jean-Ludovic Silicani. Il n’en est pas moins placé sous l’autorité du régulateur, qui nomme ses membres, depuis qu’il a été créé en son sein il y aura dix ans le 19 septembre prochain (3). Il est présidé depuis lors par Catherine Mancini (notre photo). Aussitôt que cet avis favorable sera rendu, fin septembre au plus tôt,
le VDSL2 pourra sans autre formalité être introduit et déployé au niveau des sous-répartiteurs de France Télécom. Catherine Mancini nous le confirme : « Ce sont ces avis qui prononcent officiellement les autorisations d’emploi de telle ou telle technique, rien d’autre n’est nécessaire. Les déploiements de cette technique peuvent démarrer immédiatement après, à condition de respecter les modalités d’emploi préconisées ».

Neutralité technologique dans le très haut débit ?
Est-ce à dire que le VDSL2 pourra concurrencer le FTTH dans le très haut débit, selon le principe de neutralité technologique ? Lors de son audition par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 11 juillet, le président de l’Arcep a déjà prévenu : « Le VDSL2 sera déployé, mais pas partout, pour que la fibre puisse se développer sur tout le territoire ». En d’autres termes, priorité est donnée aux lourds investissements pour amener, d’ici à 2025, la fibre optique jusqu’au domicile des Français. Et ce, moyennant un coût très élevé de 25 milliards d’euros. Beaucoup moins coûteux, le VDSL2 pourrait contrarier cette volonté politique de déployer coûte que coûte le FTTH. Cela pourrait expliquer l’autorisation tardive de cette nouvelle technologie sur les lignes téléphoniques. D’autant que le coup d’envoi du VDSL2 devait être donné initialement « avant la fin 2011 » par le Comité d’experts (4), lequel a mis plus d’un an à faire des mois de tests de non-perturbation de l’ADSL en place.

Le VDSL2 à l’étude depuis sept ans
En fait, cela fait plus de sept ans que sa présidente Catherine Mancini, par ailleurs directrice chez Alcatel- Lucent, étudie le VDSL2. Cette norme a en effet été adoptée par l’Union international des télécommunications (UIT) en février 2006. Elle a depuis été suivie en mai 2010 par la norme vectorielle « G.Vector » (5) numérotée G.993.5, appelée aussi « VDSL3 », qui permet d’atteindre les 150 Mbits/s sur cuivre ! En attendant les 500 Mbits/s grâce au bonding (6)… Aujourd’hui, déjà plus de 10 millions de lignes téléphoniques dans le monde offrent du très haut débit sur fils de cuivre et leur nombre progresse de 10 % à 15 % par an.
Mais au-delà du principe de précaution technologique dont fait preuve le Comité d’experts pour les boucles locales cuivre et fibre optique, d’aucuns se demandent si cette instance tenue au secret n’est pas le théâtre d’intérêts antagonistes. France Télécom, concerné au premier chef, est membre de ce Comité d’experts aux côtés
des opérateurs du dégroupage (SFR, Free, Bouygues Telecom, …) et des principaux équipementiers télécoms (Alcatel-Lucent, Ericsson, Huawei, …). Mais l’opérateur historique est réticent à laisser la concurrence bénéficier d’un dégroupage total en VDSL2 qui permettrait aux autres opérateurs télécoms de monter en débit avec leur propre équipements. Et ce, au moment où les pouvoirs publics demandent à Orange d’accélérer le coûteux déploiement du FTTH à la rentabilité incertaine. Pourtant, en Pologne via sa filiale TPSA, Orange propose déjà du VDSL2. En France, les 100.000 sous-répartiteurs de la boucle locale de cuivre historique offrent une capillarité et un potentiel de déploiement pour le VDSL2 bien plus importants que les 12.300 répartiteurs utilisés pour l’ADSL. Plus le noeud de raccordement d’abonné (NRA) sera près du domicile de l’abonné, plus le très haut débit sur cuivre n’aura rien à envier à la très chère fibre optique. SFR est dans les starting-blocks depuis l’an dernier pour du VDSL2 à 150 Mbits/s, grâce à une gestion dynamique de la paire de cuivre dite DSM – Dynamic Spectrum Management – que lui fournit la société américaine Assia dirigée par l’inventeur du DSL, John Cioffi (7) (*) (**). Les box de Free et de Bouygues Telecom sont également prêtes. En juin dernier, France Télécom a informé certains de ses clients du lancement d’ici septembre d’un test grandeur nature du VDSL2 à Paris et Marseille, ce qui annoncerait l’arrivée de la Livebox 3 compatible VDSL2 dans les prochains mois (8). C’est dire que le cuivre est encore loin d’être « déterré pour être vendu sur les places de marchés [sic] », contrairement à ce qu’a affirmé Viktor Arvidsson, directeur stratégie et marketing d’Ericsson France, lors des 6e Assises du Très haut débit. La France reste la championne du monde de l’ADSL avec 21,2 millions d’abonnés – en progression de 5 % sur un an – et un taux de pénétration de 75 % des foyers. Et la combinaison FTTB+VDSL2 pourrait augmenter l’espérance de vie de la paire de cuivre au détriment du FTTH. Chez Alcatel-Lucent, Marc Charrière, vice-président des affaires publiques, parle plus volontiers de « complémentarité des technologies », mais avec un « objectif final : la fibre ». Présenté par le régulateur et par le gouvernement comme « une étape intermédiaire vers le déploiement du FTTH » (9), le VDSL2 pourrait devenir un « provisoire qui dure » pour les Français qui ne se précipitent pas pour s’abonner à la fibre : sur les 1.580.000 foyers éligibles au FTTH au premier trimestre 2012, seulement 220.000 se sont abonnés. Et au niveau des Vingt-sept, l’Idate a recensé 4,6 millions d’abonnés FTTH sur les 27,8 millions de foyers raccordables. Les sénateurs Philippe Leroy, président de ces 6e Assises du Très haut débit, et Hervé Maurey, auteur en octobre 2010 d’un rapport sur le sujet, préparent pour l’automne une proposition d’aménagement numérique des territoires qui fixe une date butoir pour l’extinction du fil de cuivre. Objectif : obliger les opérateurs à faire basculer leurs abonnés vers la fibre. Autre solution radicale pour tuer dans l’oeuf le VDSL2 serait d’augmenter le tarif du dégroupage ADSL pour inciter les opérateurs télécoms à investir dans la fibre optique. « La hausse du prix du dégroupage pourrait être de 1 euro par an sur trois ans », a même avancé Jérôme Yomtov, directeur général délégué de Numericable. Cela remettrait en cause, selon lui, « la rente » dont bénéficierait France Télécom sur le cuivre et l’avantage tarifaire que cela procure aux SFR, Free et autres concurrents dissuadés d’investir dans la fibre.

Déshabiller Pierre pour habiller Paul ?
En s’apprêtant cependant à autoriser le VDSL2, l’Arcep démontre qu’elle croit encore en l’avenir du cuivre. « Le dégroupage est un marché très dynamique et qui va le rester. Nous poursuivons nos efforts pour faciliter l’accès aux très petits NRA », a assuré Jean-Ludovic Silicani, lors de son intervention aux 6e Assises. Mais la pression monte en Europe, la commissaire Neelie Kroes ayant indiqué le 12 juillet qu’elle allait d’ici la fin de l’année prendre « des mesures pour favoriser l’investissement dans la fibre optique ». Le bras de fer entre le cuivre et la fibre ne fait que commercer… @