Timeline

15 novembre
• Stéphane Richard, PDG de France Télécom, au DigiWorld Summit (répondant à EM@) : « Nous avons réussi à ne pas étouffer les start-up Deezer et Dailymotion ».
• Jean-Ludovic Silicani, président de l’Arcep, au DigiWorld Summit : « La croissance du très haut débit [fixe] est ‘’faiblarde’’, avec 760.000 clients, dont 250.000 en FTTH ».
• Naguib Sawiris explique au « FT » vouloir racheter SFR.
• Netflix – Kelly Merryman, vice-présidente « Contenu » – au DigiWorld Summit (répondant à EM@) : « Pas de plan en France ; oui la chronologie des médias y est plus difficile ».
• Vevo lance son site de clips vidéo en France, Italie et Espagne.
• Viacom (MTV, Paramout, CBS, …) publie ses résultats annuels, clos 30-09-12 : 13,9 milliards de dollars de chiffre d’affaires (-7 %) et bénéfice net de 2,3 milliards (+9 %).

14 novembre
• La FFTélécoms a envoyé le 25 octobre à la commission « copie privée » une proposition de nouveaux barèmes pour pour les box, les tablettes et les téléphones, révèle « PC Inpact ».
• Pascal Cagni, ex-Apple, au DWS : « L’écosystème d’Apple est certes fermé mais il a permis des innovations technologiques ».

13 novembre
• Fevad, Secimavi, SFIB, Simavelec et SNSII – mais pas la FFTélécoms – démissionnent collectivement de la commission « copie privée », « excédés par [ses] dérives répétées ».
• Goolge Music est lancé en France (15 millions de titres).
• Marc Schwartz (cabinet Mazars) devrait être le médiateur entre Google et la presse française, selon Les Echos et l’AFP.
• L’Hadopi lance le nouveau site pur.fr : 74 plateformes labellisées, dont 31 « musi-
que », 18 « vidéo », 8 « livre », 7 « jeu vidéo », 3 « image », 3 « logiciel » et 4
« crowdfunding ».

12 novembre
• Google est condamné en tant qu’éditeur (et non hébergeur) pour diffamation en Australie.
• L’ACN, créée en mai (EM@59, p. 4) avec 16 membres : « Le principe fondateur de l’exception culturelle doit être réaffirmé et soutenu ».
• Amazon confirme être poursuivi par le fisc français, lui réclament 198 millions d’euros.
• Youboox propose 2.500 ebooks gratuits financés par la publicité.
• L’AFP et la Scam signent un accord sur les droits d’auteur des journalistes de l’agence de presse, pour une « seconde exploitation » (au-delà de 31 jours) à l’ère du numérique.

9 novembre
• Le gouvernement lance la mission « Très haut débit » (pour tous d’ici dix ans) pour préparer la « feuille de route » de février 2013 (confiée à Antoine Darodes de Tailly, Arcep).
• Spotify va lever 100 millions de dollars, révèle le «WSJ ».
• Innelec Multimédia sépare ses activités de distribution physique et digitale, sa filiale Xandrie lancera la plateforme numérique et multi-culturelle Allbrary fin mars 2013.

8 novembre
• Le Snep demande une part de la taxe TST/Cosip des opérateurs télécoms/FAI pour la musique.

7 novembre
• Google ferait l’objet d’un redressement fiscal en France pour 1,7 milliard d’euros, selon « Le Canard Enchaîné ».
• Le Geste regrette la « décision unilatérale » d’Apple d’augmenter les tarifs sur AppStore de 15 % à 20 % en Europe.
• Onde Numérique est sélectionné par le CSA pour son bouquet de RNT payante, au détriment de TDF/Mediamobile (lire EM@59, p. 5).
• BeIN Sport (Al-Jazeera) dépasse 1 million d’abonnés.
• Filmo TV (Wild Bunch) met sa SVOD sur les téléviseurs Philips.

6 novembre
• Le SFIB saisit le Conseil constitutionnel sur la loi « copie privée ».
• Google (Alexandra Laferrière, directrice des Affaires européennes) au colloque NPA : « Le siège à Dublin en Irlande n’est pas une boîte au lettres (2.000 collaborateurs) ».

5 novembre
• M6Web rachète les sites de jeux vidéo Tom’s Games à Bestofmedia.
• Les PUF annoncent les « Que sais-je ? » en version numérique.
• NRJ.fr devient le premier site radio de France devant RTL.fr.

2 novembre
• Forrester prévoit une hausse des contenus payants (musique, vidéo, jeux vidéo et actualité) en France de 74 % d’ici 2017, à 1,8 milliard d’euros, contre 1 milliard en 2012.

31 octobre
• M6est à nouveau débouté par la Cour de cassation dans son action contre les sites de TV de rattrapage Tv-replay.fr et Totalvod.com.
• Canal+ teste une offre triple play avec SFR, d’après Les Echos.
• Mail.ru, le portail russe, annonce avoir racheté le nom de domaine My.com pour se développer à l’international.

30 octobre
• Médiamétrie lance sa nouvelle mesure d’audience hybride.
• Fnac Music est abandonné (à partir du 1er janvier 2013) au profit d’iTunes d’Apple

29 octobre
• François Hollande, qui reçu Eric Schmidt, presse Google et la presse de s’entendre, sinon il y aura une loi.
• Microsoft lance Windows Phone 8, 120.000 applis étant proposées.

26 octobre
• François Hollande reçoit 8 organisations du cinéma français (dont le Bloc), inquiètes sur le sort à Bruxelles de la taxe sur les services de télévision (TST) des FAI.

L’Europe prévoit une recommandation en janvier 2013 pour “assouplir” la chronologie des médias

La Commission européenne émettra début 2013 une recommandation pour inciter les Etats membres à « plus de flexibilité dans la chronologie des médias » et encourager des expérimentations de sorties (quasi) simultanées de films en
salles et en VOD/DVD – sans que ce day and date soit obligatoire.

La pression monte dans le monde du cinéma en Europe. C’est en effet en janvier 2013 que les commissaires Androulla Vassiliou (Education et Culture) et Neelie Kroes (Agenda numérique) prévoient, selon nos informations, de présenter au Conseil de l’Union européenne une recommandation sur « le film européen à l’ère du numérique ». « Nous allons encourager les Etats membres à expérimenter des modèles plus flexibles de chronologie des médias », nous expliquent les cabinets des deux commissaires.

Expérimenter la (quasi) simultanéité
Cette recommandation à l’assouplissement et à l’harmonisation générale de la chronologie des médias en Europe va inciter fortement les Vingt-sept à mener des expérimentations de sortie des films simultanément ou quasi-simultanément en salles et en vidéo à la demande – « sans que cela soit imposé pour autant », nous précise-t-on. Objectif de la Commission européenne : faciliter l’accès aux digital films et la concurrence entre supports.
L’exécutif européen prépare ainsi les esprits à une « sortie unique le même jour » des films dans les cinémas, sur les plateformes de VOD, voire les chaînes de télévision. C’est en ces termes que la commissaire Androulla Vassiliou a déclaré le 23 octobre sa volonté d’« évaluer la diffusion simultanée » des films. « Quelques producteurs de films indépendants croient qu’il génèreront des revenus plus élevés s’ils rendent disponibles leurs films à travers tous les circuits de distribution possibles en même temps », a-t-elle souligné.
Pour commencer, 2 premiers millions d’euros – sur les 6 millions prévus pour trois ans afin de favoriser la « circulation des films européens à l’ère digitale » (1) – concernera environ 20 films de cinéma d’art et d’essai dans neuf pays européens dont la France (2). Trois projets de sorties simultanées ont été retenus : Speed Bunch (500.000 euros d’aide) du distributeur-coproducteur français Wild Bunch, Tide (800.000 euros) de l’ARP, société civile française des auteurs réalisateurs et producteurs ; et Edad (695.000 euros) du distributeur britannique Artificial Eye avec notamment le producteur français Rezo Films.
Ces trois initiatives, sélectionnées à la suite d’un appel à projets lancé en mars dernier dans le cadre du programme MEDIA (3), portent sur des films qui seront diffusés (quasi) simultanément à travers les différentes « fenêtres de diffusion » disponibles, de la salle de cinéma aux plates-formes de VOD. Contacté, le coproducteur Wild Bunch nous indique ses premiers films dès 2013 par exemple.
Androulla Vassiliou ne veut pas que l’Europe soit en retard : « L’industrie du film aux Etats-Unis est en train de s’adapter progressivement à de nouveaux modèles de distribution. Il est essentiel que l’Europe teste aussi toutes les possibilités (…) ». Après une table ronde sur le sujet au Mipcom (4), Androulla Vassiliou et Neelie Kroes ont déclaré ensemble le 9 octobre que « les participants au débat soutiennent les expériences qui ont eu lieu dans certains pays et consisté à sortir un film simultanément, ou quasi simultanément, au cinéma et en VOD ».
De quoi susciter la méfiance des inconditionnels de la sacro-sainte chronologie des médias et de ses fenêtres exclusives de diffusion des films (salles en tête), sans laquelle le cinéma pourrait, selon eux, difficilement se (pré-)financer. En France, la VOD à l’acte doit attendre quatre mois, à l’instar des DVD, avant de pouvoir proposer des nouveaux films. Et la VOD par abonnement trente-six mois ! La réunion interprofessionnelle de l’été dernier sur la chronologie des médias, qui s’est tenue au CNC (5), n’a pas fait évoluer les choses depuis l’accord de juillet 2009. Et ce, en raison de l’opposition du Bloc (Bureau de liaison des organisations du cinéma) qui réunit une quinzaine d’organisations du cinéma, majoritairement des producteurs : APC, SPI, SRF, …

Le CNC s’en remet à la mission Lescure
Ironie du sort : l’Association des producteurs de cinéma (APC) compte parmi ses membres Wild Bunch (projet Speed Bunch) et Rezo Films (projet Edad) partisans du simultané ou du quasi-simultané… « Nous sommes pour des expérimentations sur la chronologie des médias. Mais cela suppose de renégocier l’accord de juillet 2009 dans ce sens », nous assure Frédéric Goldsmith, délégué général de l’APC. Pour l’heure,
le CNC a renvoyé toute discussion à la mission Lescure (6), dont les propositions sont attendues en mars 2013. Au grand damne de l’ARP, de la SACD (7) et du SEVN (8).
Le fait qu’un film, Les paradis Artificiels, ait été déprogrammé le 31 octobre par douze salles de cinéma – en réaction à sa diffusion en avant première sur Dailymotion – en dit long sur la caractère sensible de cette nécessaire réforme. @

Charles de Laubier

Exaspération culturelle

Cette semaine, les médias bruissent de rumeurs concernant la restitution publique des conclusions d’un rapport consacré aux nouvelles orientations de la politique culturelle du pays. Le gouvernement en a fait la commande avec l’espoir, plus ou moins avoué et peut-être illusoire, d’enfin réconcilier promotion de la création nationale et mutation technologique. Cet énième rapport sera-t-il à son tour refermé à peine ouvert après avoir suscité d’âpres débats et fait monter au créneau les représentants des différentes parties prenantes ? Rejoindrat- il ces prédécesseurs, comme le célèbre rapport Lescure de 2013 qui devait déboucher sur une série d’ajustements limités de nombreux dispositifs en place ? Des réformes ambitieuses étaient pourtant attendues, les moins bien intentionnés parlèrent de « rustines » pour le dispositif Hadopi. Un rapport qui signa, quoi qu’il en soit, le passage à un « acte 2 de l’exception culturelle » à la française.

« Les Européens sont ainsi en train d’enrayer
la malédiction selon laquelle les cultures nationales fécondes et originales ne s’exporteraient pas. »

Le premier acte a bien une date de naissance : 1993, lorsque le gouvernement français obtint que le secteur de l’audiovisuel soit exclu des accords du GATT – ancêtre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – entre les Nord-américains et les Européens. Un bras de fer remporté à la suite de cette première avancée que fut la directive européenne « Télévision sans Frontières », laquelle, en 1989, imposa aux télévisions des pays membres de l’Union européenne des règles de diffusion et de production d’œuvres européennes du cinéma et de l’audiovisuel. Si en réalité, cette exception est le résultat d’une volonté bien française de tenter de préserver un modèle séculaire, où l’Etat orientait et régissait la vie de la culture, elle s’est construite de
l’après-Seconde guerre mondiale aux années 1980. De nombreux dispositifs ont été progressivement mis en place afin de préserver les filières du livre, de la presse, du théâtre, de la musique, du cinéma ou encore de la télévision. Bref, des « industries culturelles ».
Mais cette ligne originale, qui visait à soutenir des professions au service de la création, tentait également de prolonger une époque où l’exception culturelle française était un fait, grâce aux voix universelles des grands siècles de la littérature, de la peinture, de la musique jusqu’aux petits derniers de la nouvelle vague au cinéma. Cette politique fut sans doute tenable avant qu’Internet n’entre en jeu. Les bouleversements entraînés par la numérisation et la mise en réseau des contenus ont peu à peu révélé les faiblesses et finalement les décalages de politiques qui ancraient des métiers dans le passé en les empêchant de les projeter vers l’avenir.
De nouvelles pistes sont aujourd’hui encouragées, structurées au sein de ce que le gouvernement revendique comme une « stratégie culturelle ». La ligne générale est moins, désormais, de créer des systèmes complexes de financement que de créer des écosystèmes favorisant l’effervescence des jeunes talents, mobilisant le financement des œuvres par le mécénat privé, s’appuyant sur les nouveaux business models naissant, voire en œuvrant à la création de grands groupes médias. Ces « champion européens » sont-ils compatibles avec l’« exception culturelle nationale » ?
Au sein de ce qu’il convient d’appeler la bataille des contenus, les Européens sont ainsi en train d’enrayer la malédiction selon laquelle les cultures nationales fécondes et originales ne s’exporteraient pas. A l’heure où les séries télévisées et/ou « webisées » se sont érigées en art majeur, où les dramas coréens, les telenovelas brésiliennes, les mousalsalets des pays arabes ou les scripted realities occidentaux s’ouvrent des audiences continentales au côté du flux américain, l’Europe arrive enfin à créer des séries attendues avec impatience aux quatre coins du monde. Finalement, l’« acte
3 de l’exception culturelle » à la française n’aura sans doute jamais lieu. Les systèmes d’aides complexes jouent, à l’heure d’Internet, la carte de la « désintermédiation ».
Et la création, effervescente, multiforme, de nouveau stimulante et subversive, se donne comme terrain de jeu l’Europe a minima. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : L’auto-édition
* Directeur général adjoint de l’IDATE.

Le CSA propose une « exception culturelle » à la neutralité du Net

Pour le CSA et l’Arcep, leur rapprochement – si ce n’est leur fusion – faciliterait
la régulation de tous les acteurs, dont les OTT (Over-The-Top). Le principe de
« fréquences contre obligations » ne s’appliquant pas à tous les opérateurs,
le CSA prône une régulation « culturelle » des réseaux.

Par Winston Maxwell, avocat associé Hogan Lovells LLP

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ont remis au gouvernement leurs recommandations quant à l’avenir de la régulation de l’audiovisuel et des communications électroniques. En filigrane,
est posée la question de leur éventuelle fusion. L’avis du CSA est
une occasion de rappeler l’incroyable complexité du dispositif réglementaire pour l’audiovisuel en France.

Régulation économique ou culturelle ?
Les objectifs que la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication – loi dite Léotard (1) – a confiés au CSA sont hétéroclites et très différents de ceux confiés par le législateur à l’Arcep. Tel un jongleur, le CSA doit manier une dizaine d’objectifs allant de la pluralité des opinions jusqu’à la protection de la presse régionale et du cinéma. L’Arcep, elle, poursuit d’autres objectifs : concurrence entre services et réseaux, investissement, aménagement du territoire, gestion efficace des numéros et du spectre des fréquences. Dans sa contribution, le CSA constate que les frontières traditionnelles entre contenu régulé et contenu non régulé, entre services linéaires et services non linéaires, entre audiovisuel et télécommunication, entre éditeur, distributeur et hébergeur, s’estompent.
Le CSA préconise par conséquent une évolution de la réglementation qui permettrait
son extension à de nouveaux acteurs qui jusqu’à présent y échappent, et notamment
une évolution dans le principe de la neutralité des réseaux.
Les contributions du CSA (2) et de l’Arcep (3) mettent en exergue deux types de régulation en apparence contradictoire : la régulation économique et la régulation fondée sur ce que l’Arcep appelle « l’exception culturelle française ». Les deux autorités sont d’accord sur le fait que la régulation économique et la régulation culturelle peuvent avoir des zones de frottement. C’est pour cela que le CSA met en garde contre une fusion complète de l’Arcep et du CSA. Une telle fusion pourrait conduire à privilégier une logique économique par rapport à une logique culturelle et sociétale de la régulation. En cas de fusion, le CSA préconiserait le maintien de deux collèges distincts : un collège traiterait
les questions liées au pluralisme des médias, au soutien à la création, à la protection de l’enfance, à la promotion de la langue et de la culture française. L’autre collège s’occuperait des problèmes économiques touchant aux conditions d’accès au spectre radioélectrique, à l’accès aux réseaux, à la tarification de services au sein d’un multiplex ou d’un bouquet de chaînes, aux litiges concernant la numérotation des programmes.
Le CSA et l’Arcep sont d’accord sur le rapprochement entre les deux autorités, qui permettrait une meilleure gestion du spectre radioélectrique – même si le CSA met en garde contre une logique purement économique de la gestion du spectre de radiodiffusion. Au moment où les besoins en fréquences des opérateurs mobiles sont en forte croissance, il serait utile qu’une seule autorité gère les questions délicates liées à l’utilisation du spectre audiovisuel pour d’autres services. Le CSA cite l’exemple d’une expérimentation « super Wifi » en Seine-Maritime. Autorisée par l’Arcep, après l’aval
du CSA (4), cette expérimentation emprunte du spectre réservé pour la TNT. De tels emprunts ont vocation à se développer, et un régulateur unique les faciliterait.

OTT et financement de la création
Les deux autorités estiment en outre qu’un rapprochement faciliterait la prise en compte des prestataires de l’Internet, dits OTT (Over-The-Top), qui échappent actuellement à la régulation. Les deux autorités souhaiteraient pouvoir appliquer une régulation à ces acteurs de l’Internet, mais pour des raisons différentes. L’Arcep souhaiterait associer ces nouveaux acteurs au soutien de la création ou au financement des réseaux de nouvelle génération. Le CSA souhaiterait, lui, associer ces nouveaux acteurs au financement des programmes français. Le CSA plaide pour une neutralité des réseaux qui tiendrait compte de certains objectifs culturels, et notamment le financement de la création audiovisuelle et cinématographique.

Exception culturelle à la neutralité du Net
Cette proposition audacieuse du CSA signifierait que les fournisseurs d’accès à l’Internet (FAI) en France seraient encouragés à donner des accès prioritaires aux acteurs de l’audiovisuel qui contribueraient à la création en France. Pour le régulateur audiovisuel, une discrimination positive par les opérateurs de réseau permettrait de compenser le fardeau supplémentaire supporté par les éditeurs de programmes qui jouent le jeu de la régulation française. Ces éditeurs seraient favorisés. Cette exception culturelle à la neutralité des réseaux soulèverait de nombreux problèmes, notamment juridiques. En application de la directive européenne sur les services médias audiovisuels (5), il ne serait pas possible de discriminer un éditeur de programmes dûment autorisé dans un autre pays membres de l’Union Européenne, même si cet autre pays appliquait une régulation
« allégée ».
Le vrai défi de la régulation audiovisuelle française est qu’elle est plus développée que celle de certains autres pays européens. Jusqu’à présent, la France a pu se permettre d’appliquer une régulation « alourdie » car les diffuseurs terrestres devaient demander une licence d’utilisation de fréquence pour émettre. En contrepartie de ce « privilège » d’utiliser le spectre radioélectrique, le diffuseur audiovisuel accepte une convention détaillée dans laquelle le CSA traduit les objectifs du législateur en obligations concrètes. Certains des objectifs poursuivis par le CSA sont d’une importance capitale pour la démocratie, comme par exemple la pluralité des opinions. D’autres règles visent à protéger des intérêts plus ciblés : c’est le cas de l’interdiction de diffuser un film le mercredi soir, en vue de protéger des exploitants de salles de cinéma. Grâce au monopole de l’Etat sur le spectre radioélectrique, le législateur et le CSA peuvent se permettre d’imposer une régulation audiovisuelle contraignante par rapport à celle de certains autres pays européens.
Mais que se passerait-il si la diffusion hertzienne terrestre disparaissait ? La diffusion terrestre reste importante en France, mais elle va décroître en importance pour laisser place à d’autres formes d’accès : ADSL/VDSL, fibre, satellite, demain « super Wifi », … Cette évolution sera relativement lente, mais la disparition de la diffusion terrestre peut arriver. Dans le nouveau monde de la télévision connectée, sans diffusion terrestre ni convention avec le CSA, le travail de régulation sera plus difficile – car les grands éditeurs de programmes seront tentés de s’établir dans d’autres pays membres de l’Union européenne. Déjà, les grandes chaînes nationales doivent appliquer de nouveaux modèles économiques en tentant de monétiser d’autres formes de publicité – telle que la publicité sur les tablettes et autres « deuxièmes écrans » (second screen). Les acteurs audiovisuels français sont en concurrence avec de nouveaux acteurs, lesquels viennent du monde non régulé de l’Internet.
Les contributions de l’Arcep et du CSA confirment qu’une grande réforme de la régulation audiovisuelle est nécessaire, mais aucune des deux autorités ne se permet de donner des pistes précises, hormis l’idée du CSA d’appliquer une exception culturelle à la neutralité des réseaux. L’Arcep constate que la régulation audiovisuelle n’est pas la seule voie pour poursuivre les objectifs de « l’exception culturelle française ».
Le législateur dispose d’autres voies. Une simplification de la régulation audiovisuelle ne signifie pas nécessairement un abandon de ces objectifs. Et faute de simplification, la tentation sera forte pour certains acteurs du PAF (6) de se délocaliser. La France applique un niveau de réglementation élevé par rapport au Royaume-Uni ou au Luxembourg, pays dans lesquels il suffirait donc à un diffuseur de s’y établir pour bénéficier d’un régime plus favorable.

Spectre (« carotte ») et obligations (« bâton »)
Dans un monde sans diffusion hertzienne terrestre, le diffuseur n’a plus besoin d’avoir accès aux fréquences de radiodiffusion (la « carotte »). Dans ce cas, il n’y a plus de conventionnement obligatoire (le « bâton ») et le diffuseur peut facilement se délocaliser (7). Si on ne peut plus utiliser le spectre comme un outil de régulation culturelle, la tendance sera de combler ce vide par une régulation « culturelle » des autres réseaux.
La proposition du CSA plaide pour un principe de neutralité des réseaux qui tient compte d’objectifs culturels. C’est un premier pas vers « l’audiovisualisation » de la régulation des télécommunications (8). @

Les opérateurs télécoms financent-ils trop la culture ?

En fait. Le 31 octobre, la FTTélécoms a présenté sa deuxième étude annuelle réalisée par Arthur D. Little. Ses président et vice-président, Pierre Louette (Orange) et Geoffroy Roux de Bézieux (Virgin Mobile), ont à nouveau fustigé
la « sur-fiscalité » des opérateurs, dont celles en faveur du cinéma et la VOD.

En clair. « Nous ne sommes pas opposés au principe du financement de la culture par les opérateurs télécoms, mais à condition que cela se fasse de façon proportionnée.
Les revenus du Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) explosent ! »,
a lancé Pierre Louette, président de la Fédération française des télécoms (FTTélécoms), par ailleurs directeur général adjoint et secrétaire général du groupe France Télécom. Il met en garde contre notamment l’augmentation de cette taxe sur les services de télévision (TST) qui alimente le Cosip géré par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Pour les opérateurs membres de la FTTélécoms (dont ne font pas partie Free et Numericable), cette taxe – à acquitter car ils distribuent via leurs box IPTV les chaînes de télévision, mais que la Commission européenne souhaite modifier (1) – a augmenté de 7,9 % cette année à 150 millions d’euros. Tandis que les taxes pour la copie privée et sur la vidéo à la demande (VOD), elles ont bondi de 32,2 % à un total cumulé de 41 millions sur un an (voir tableau ci-dessous). Lors du colloque NPA le 6 novembre, le même Pierre Louette a mis en garde : « Le principe de proportionnalité doit être respecté, c’est-à-dire en proportion des usages fixes et mobiles, sinon ces taxes seront contestées ». Quant à la taxe dite Copé ou « taxe télécoms », instaurée pour compenser la fin de la publicité sur France Télévisions, elle est quasi stable à 235 millions d’euros mais elle devrait annulée en 2013 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Le gouvernement a provisionné 1,3 milliard d’euros pour rembourser les opérateurs télécoms. @

Source : Edition Multimédi@, d’après la FFTélécoms/Arthur D. Little.