Jouer avec les nuages (II)

Ce Noël, rien sous le sapin ! Rien qui ne rappelle, de près ou de loin, les traditionnelles boîtes de jeux vidéo qui venaient s’y empiler, d’une année sur l’autre. Entre temps, la dématérialisation de la filière des jeux vidéo continuait avec obstination à vider la hotte du Père Noël et les magasins spécialisés. Et ce n’est pas terminé. D’abord, parce que les consoles résistent en trouvant, génération après génération, de nouvelles ressources d’innovation justifiant encore leur attractivité : un équipement à domicile s’avère toujours indispensable pour jouer en 3D et ultra haut-débit sur écran géant, en faisant appel aux nouvelles ressources du web des émotions, prometteuses de sensations inédites. Si la console n’est pas (encore) morte, c’est aussi pour la simple raison que, pour les jeux, le processus de dématérialisation est autrement plus complexe que pour la musique, les films ou les livres. Il ne s’agit plus de simplement télécharger des fichiers mais de pouvoir jouer en ligne et en temps réel. Il est question ici de Gaming on Demand (GoD) ou de Cloud Gaming : grâce aux ressources du « cloud computing », toutes les opérations de calcul ne sont plus réalisées sur une machine à domicile mais sur de puissants serveurs distants. Cela concerne un chapitre de plus en plus important du catalogue de jeux, à la complexité accrue mais désormais compatibles avec les performances croissantes des réseaux à très haut-débit. Finie la course des foyers aux micro-ordinateurs survitaminés.

« Au moment où les chronologies des médias de la vidéo ou du livre sont mises à mal, une chronologie des jeux vidéo se met en place ! »

Les nouveaux nababs

Dans les coulisses de la 73e édition du Festival de Cannes, s’agitent dans l’ombre de nouveaux venus dans le monde, pourtant réputé très fermé, de la production culturelle : Orange, Telefonica, Verizon ou Vodafone. Bien sûr, les films en compétition et le ballet des stars sur le tapis rouge des marches mythiques attirent toujours autant les flashs et les projecteurs. Mais pour tenir leurs rangs et continuer à nous présenter leurs créations, les réalisateurs ont dû composer avec un monde de la production en pleine mutation. Aujourd’hui comme hier, faire un film, réaliser un programme de télévision, créer un jeu vidéo ou enregistrer une création musicale reste un parcours du combattant. La révolution numérique, en bouleversant les circuits de distribution des contenus, a également bousculé les sources habituelles de financement de la production : un effet domino qui
a touché, tour à tour, la musique, la presse, la vidéo, les jeux, l’édition et le cinéma. Les créateurs impuissants, au cœur d’un cyclone qui les malmène, ont dû retrouver les bons partenaires capables de financer leur travail. Dans cette vaste réorganisation, les opérateurs télécoms ont joué un rôle particulier, plus ou moins directement, plus ou moins contre leur gré. Si les plus puissants se sont directement impliqués dans le contrôle des plates-formes de distribution de contenus, en mettant en place leur propre système de diffusion de VOD, d’autres sont allés plus loin : Orange en prenant tour à tour le contrôle de Deezer pour la musique ou de Dailymotion pour la vidéo, ou AT&T en prenant le contrôle de Netflix aux Etats-Unis…

« Audiovisuel : les opérateurs télécoms ont joué un rôle particulier, plus ou moins directement, plus ou moins contre leur gré. »

Vidéo et mobile dynamisent la mesure d’audience

En fait. Le 15 décembre, Médiamétrie a publié la première mesure d’audience de la vidéo sur ordinateur. Et le 8 décembre, lors des 5e Assises de la convergence des médias, Laurent Battais, l’un de ses dirigeants, a confirmé la mensualisation de la mesure d’audience de l’Internet mobile avec WiFi.

En clair. La vidéo visionnée sur ordinateur est enfin mesurée en France, grâce à Médiametrie//NetRatings – la société commune de Médiamétrie et de Nielsen. Les premiers résultats portent sur le mois de septembre et comportent deux classements :
l’un par « player » (lecteur vidéo d’un diffuseur) et l’autre par « site-support » (pages avec vidéo sur un même site). Ces résultats mensuels de la mesure de la vidéo sur ordinateur (visiteurs uniques, vidéos vues et temps passé) prennent en compte le streaming vidéo vidéo sur sites web, plates-formes de partage vidéo (Dailymotion, YouTube, …), TV de rattrapage (1). C’est la première fois que la catch up TV, pratiquée par 14,5 millions d’adeptes sur ordinateur (19 %), est prise en compte. Cependant, selon nos informations, il faudra attendre 2012 pour qu’elle soit par ailleurs intégrée dans le différé sur 7 jours de
la mesure d’audience des chaînes (2) La vidéo à la demande (VOD), elle, n’est pas concernée par cette nouvelle mesure vidéo « hybride » (panel d’internautes et résultats des sites web ou site-centric). « Les éditeurs de sites vidéos peuvent désormais encore mieux intégrer la vidéo à leur offres publicitaires et les agences aux plans médias des annonceurs », explique Estelle Duval, directrice de Médiametrie//NetRatings. Pour les vidéos vues à partir de smartphones, elles sont incluses dans une autre mesure, celle
de l’Internet mobile lancée il y a un an (fin octobre 2010) par Médiametrie//NetRatings
et l’Association française du multimédia mobile (AFMM). « Cependant, à l’inverse de la nouvelle mesure mise en place sur le fixe, elle n’intègre pas la durée de consultation
en streaming ni la mesure du contenu consommé », précise Laurent Battais, directeur exécutif « Performance et Cross Média » de Médiamétrie, à Edition Multimédi@.
Et à partir de décembre, la périodicité de la mesure Internet mobile passe de trimestrielle à mensuelle, tout en intégrant les connexions via le WiFi (résultats publiés fin janvier 2012). « Les éditeurs et les publicitaires vont pouvoir comparer l’audience du web fixe avec celle des mobiles. L’Internet mobile est en outre déjà intégré dans l’étude annuelle Cross Média, dont la prochaine édition sera publiée en juin 2012 », indique Laurent Battais. Les tablettes, iPad d’abord, auront aussi leur mesure, disponible également en janvier 2012. @

Terminal ouvre-toi !

Aujourd’hui comme hier, un même rêve reste encore inaccessible : quel que soit le terminal utilisé (smartphones, tablettes, télévisions, …), quels que soient les applications
et services concernés (musique, vidéo, vie pratique, …),
je passe des uns aux autres sans plus me soucier de compatibilité ou de disponibilité. Autant de contraintes dépassées. Autant d’obstacles levés. Seuls comptent les contenus et les services délivrés, toujours accessibles.
Les terminaux – simples écrans de taille différentes selon
les lieux et les usages, avec leurs cortèges d’applications – sont devenus des commodités, certes indispensables, mais qui savent se faire oublier. Il me suffit de demander à haute voix ce dont j’ai besoin, et quelque part un écran s’allume pour me satisfaire, dans ma poche, sur mon bureau ou dans mon salon. Les progrès vers l’interopérabilité des systèmes d’exploitation (OS), Graal des développeurs et des utilisateurs, n’est cependant pas pour tout de suite. Les magasins d’équipements sont encore bien remplis d’un bric-à-brac complexe. Il faut se souvenir que l’univers numérique fut à l’origine une addition de mondes clos, les téléphones mobiles ayant été conçus dès le début comme des terminaux fermés : chaque constructeur en maîtrisait autant le hard que le soft. Cet ensemble d’univers parallèles, forgés au cœur des télécoms, a été anéanti par le big bang de l’Internet. Une course de vitesse a alors été lancée : quels seraient les rares élus à se partager le contrôle du terrain hautement stratégique des OS ? Les équipementiers historiques se sont lancés dans la bataille mais n’ont pu que regarder, impuissants, l’arrivée de nouveaux entrants.

« Les terminaux sont devenus des commodités. Mais le progrès vers l’interopérabilité des systèmes d’exploitation (OS) n’est pas pour tout de suite. »

France : la chronologie des médias pénalise la VOD

En fait. Le 31 octobre est la date limite jusqu’à laquelle les professionnels des services de médias audiovisuels à la demande (SMAd) et du cinéma peuvent faire part au CSA de leurs « réactions et commentaires » sur l’étude économique réalisée par l’Idate sur les services de VOD et de TV de rattrapage.

En clair. Si le délai de quatre mois après la sortie d’un film en salle de cinéma imposé aux services de VOD à l’acte (1) est considéré par certains (comme Marc Tessier) comme un frein au décollage de ce marché du cinéma à la demande, le délai de 36 mois appliqué à la VOD par abonnement – VàDA en français ou SVOD en anglais – apparaît comme un véritable obstacle. En attendant les offres forfaitaires de Canal+ ou d’Allociné, l’offre est embryonnaire (Free Home Vidéo, TV d’Orange, SFR Neufbox TV, Pass Séries M6 VOD, Vodeo.tv, Pass Duo de Videofutur …), tout comme les recettes. Alors qu’aux Etats-Unis, la SVOD représente 11,5 % des ventes totales de VOD (vente et location), voire 16 % de la location en ligne seule (chiffres 2009). Et le lancement de l’offre de streaming illimité de Netflix en novembre 2010 devrait accroître cette part.
« Un service de VàDA comme celui de Netflix serait bien entendu impossible à opérer en France où la chronologie des médias fixe à 36 mois à compter de la date de sortie en salles », affirment les auteurs de l’étude de l’Idate, Sophie Girieud et Gilles Fontaine (2). Depuis que la chronologie des médias a été modifiée par la loi Hadopi du 12 juin 2009, avec alignement de la fenêtre de la VOD à l’acte sur celle du DVD, le dispositif reste insatisfaisant.