Exclusivités du Net : élargir les pouvoirs du CSA

En fait. Le 11 janvier, le Premier ministre a reçu le rapport de Marie-Dominique Hagelsteen sur « les exclusivités de distribution et de transport dans le secteur de la télévision payante ». François Fillon « décidera dans les prochaines semaines des suites à donner aux recommandations ».

En clair. Orange a du souci à se faire sur les exclusivités mises en place pour ses deux bouquets de télévision payants Orange Sport et Orange Cinéma Séries (1), dont la distribution est réservée à ses seuls abonnés « triple play » (Internet, téléphone et télévision). L’opérateur historique a ainsi choisi de ne pas commercialiser ses chaînes
via d’autres fournisseurs d’accès à Internet (FAI). En pratiquant une double exclusivité
(celle de la distribution et celle d’accès), voire une triple exclusivité (avec l’édition),
France Télécom a pris un double risque, voire un triple risque : être accusé de pratique (anti)concurrentielle, limiter son audience télévisée à quelques abonnés (pas plus de 350.000 à fin 2009), et se voir reprocher d’inciter les abonnés des FAI concurrents à visionner illégalement en streaming ses programmes. « La stratégie d’Orange comporte nombre d’inconvénients [appauvrir l’éventail de choix des consommateurs] qui ne rendent pas son maintien souhaitable. (…) Elle est aussi susceptible d’induire des distorsions de concurrence », estime le rapport Hagelsteen. En cela, il rejoint l’avis
de l’Autorité de la concurrence du 7 juillet 2009 (voir EM@ n° 2, pages 8 et 9) jugeant
« qu’une plus grande ouverture du marché de gros de la télévision payante était souhaitable, mais que l’exclusivité (…) que pratique Orange ne constituait pas la réponse adéquate à cette situation ». Mais, contrairement aux sages de la rue de l’Echelle qui souhaitaient voir le législateur fixer rapidement « des règles du jeu
claires » (2), la commission Hagelsteen est réticente à ce qu’une loi encadre l’exclusivité de transport. Motif : « très faible adhésion [des acteurs concernés] ».
Elle lui préfère « une législation de nature procédurale consistant à mettre sous surveillance ces pratiques d’exclusivités de transport là où elles se déploient ».
En revanche, est partagée la nécessité « de mettre en place une véritable régulation
ex ante du marché de gros de la télévision payante » (notamment dans le sport et le cinéma). Bien que Canal+ y soit farouchement opposé, le rapport Hagelsteen propose de doter le CSA d’un pouvoir d’injonction d’offrir (« must offer ») qui pourrait porter sur toute chaîne éditée par un acteur puissant sur le marché de gros (avec encadrement
du prix), ainsi que sur les services de médias audiovisuels à la demande correspondants. @

Chronologie des médias : aller plus loin dans la réforme ?

La chronologie des médias a été réaménagée par l’accord du 6 juillet 2009,
afin notamment de favoriser l’offre légale. Face aux modifications des modes
de consommations des films, la question est de savoir s’il faut poursuivre
– et jusqu’où – sa réforme.

Par Christophe Clarenc (photo) et Renaud Christol, avocats, cabinet Latham & Watkins

L’apparition de la télévision, divertissement concurrent
mais également nouveau vecteur de diffusion du cinéma,
a été perçue comme une ombre sur la prospérité des
salles obscures (1). La menace s’est renforcée avec
le développement des cassettes VHS.
Les pouvoirs publics français et communautaires ont alors décidé d’intervenir en prévoyant des délais obligatoires entre la délivrance du visa d’exploitation d’un film (visa qui permet sa sortie en salle) et sa diffusion en vidéo ou à la télévision. La chronologie des médias était née.

Cinéma, télévision, ordinateur et mobile : la création se plie en quatre

Les créateurs et producteurs d’œuvres audiovisuelles et de films adaptés aux différents écrans n’ont pas attendu la réforme du Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip), pour aller chercher des financements privés et publics.

La création audiovisuelle et cinématographique est en pleine effervescence. Les auteurs et les réalisateurs ne raisonnent plus « mono diffusion » mais désormais
« plurimédia », « transmédia » ou encore « multi supports ». En attendant que la réforme du Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) aboutisse au
début de l’année prochaine, les producteurs d’œuvres multimédias voient les aides financières se multiplier. Signe que leurs productions répond à la demande d’un public de plus en plus connecté. Entre juillet et septembre, France Télécom a reçu quelque
72 créations mêlant la télévision, le Web, le mobile, le cinéma ou encore les jeux vidéo dans le cadre son premier appel à projets transmédias.

Le Geste se met en ordre de bataille pour 2010

En fait. Le 24 novembre s’est tenue la 24e assemblée générale du Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste), qui regroupe 111 membres issus des médias (presse, radio et télévision), ainsi que de l’Internet (sites web) et des mobiles. Le conseil d’administration a été renouvelé.

En clair. Philippe Jannet, PDG du Monde Interactif (filiale du « Monde » à 67 % et
du groupe Lagardère à 34 % éditant Lemonde.fr) a été reconduit à la présidence du nouveau conseil d’administration qui a été partiellement renouvelé. Cela fera donc
10 ans l’an prochain qu’il préside – depuis septembre 2000 précisément – le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste), association professionnelle créée en 1987 en pleine heure de gloire du Minitel et bien avant l’arrivée de l’Internet. Deux nouveaux membres font leur entrée comme administrateurs, sur les huit postes qui étaient à pourvoir sur les quinze au total : Bertrand Gié, directeur délégué des nouveaux médias au sein du groupe Figaro (Lefigaro.fr, Sport24.com, Evene.fr, Lejournaldesfinances.com, Leparticulier.fr, …), et Eric Scherer, directeur du département stratégie et relations extérieures à l’AFP (aussi fondateur de l’Observatoire mondial des médias). Six autres administrateurs, sur les huit sortants, ont été réélus : Christophe Agnus (Elteg), Franck Cheneau (Telefun/Skyrock), Julien Jacob (groupe 01/NextradioTV), Julien Kouchner (Capa), Marie-Christine Méry (SFR) et Xavier Spender (L’Equipe 24/24). Le nouveau conseil d’administration du Geste a ensuite désigné son bureau et reconduit Philippe Jannet comme président. Emmanuel Parody devient secrétaire général. « 2009 restera bien sûr comme l’année de l’éditeur de presse en ligne, en tout cas de son statut et de reconnaissance en tant que tel »,
a notamment déclaré le président du Geste lors de l’assemblée générale qui s’est
tenu le 24 novembre dans les locaux du groupe « Le Monde ». Et d’ajouter :
« Regrettons toutefois le maintien d’un taux de TVA discriminatoire entre nos contenus [en ligne] et les contenus du papier… D’autant plus que désormais, toujours grâce à la partie positive de la loi Hadopi, le statut des journalistes est devenu multimédia, réglant au passage l’épineux dossier des droits d’auteur ». Parmi les dossiers de l’an prochain, le Geste prépare le lancement du marché des jeux d’argent et de hasard en ligne (dont le projet de loi devrait passer au Sénat fin janvier).
Autre projet : « Créer une plateforme commune » aux éditeurs pour « distribuer [leurs] contenus directement [à leurs] clients, sur divers terminaux, via le CFC (1), via des opérateurs mobiles ou Internet, et surtout via [leurs] propres sites… ». L’année 2010 sera aussi marquée par la tenue de la 25e assemblée générale. @

Exclusivités sur les réseaux : un sujet embarrassant pour tout le monde

Les conflits sur les exclusivités se sont accumulés ces derniers mois. L’exclusivité iPhone- Orange a été suspendue, tandis que le modèle de double exclusivité Orange-France Télévisions et Orange Sport a été autorisé. La mission Hagelsteen prémunira-t-elle contre d’autres litiges ?

Par Katia Duhamel, avocate, cabinet Bird & Bird

Bâtis sur le sacro-saint principe de l’interopérabilité et de la neutralité, les télécommunications étaient jusqu’à présent ouvertes vis-à-vis des contenus. A l’inverse les médias – soutenues par une réglementation qui cloisonne l’exploitation des œuvres dans le temps et selon leur support de diffusion (chronologie des médias) – ont construit un modèle d’accès discriminant permettant de financer la création des œuvres et dont la valeur réside largement dans des exclusivités de distribution. Ces pratiques se heurtent aujourd’hui à l’évolution des technologies qui permet une personnalisation et une nomadisation croissantes des modes de consommation, de plus en plus indépendants des terminaux et des plateformes (catch-up TV; vidéo à la demande; télévision mobile, etc.). Par ailleurs, la banalisation des flux de communication contraint les opérateurs télécoms à se différencier par les contenus offerts sur leurs réseaux, comme ils le font déjà en offrant des terminaux mobiles subventionnés, packagés dans leurs offres.