Après avoir échoué à remplacer M6, et à racheter Editis et La Provence, Xavier Niel se concentre sur Iliad en Europe

En mars, Xavier Niel voit Vivendi choisir Daniel Kretinsky pour lui vendre Editis. En février, il prend acte du rejet de son projet de chaîne Six. En octobre, La Provence lui échappe au profit de Rodolphe Saadé. Et dans les télécoms, où il poursuit des ambitions européennes, le fondateur de Free se fâche avec l’Arcep.

Xavier Niel, le milliardaire magnat des télécoms et des médias, est tendu ces derniers temps. Cela se voit dans ses coups de gueule sur le marché français des télécoms. Pourtant, à 55 ans, tout semble lui sourire : sa fortune avait dépassé pour la première fois, en 2022, la barre des 10 milliards d’euros (1) ; sa vie privée se passe aux côtés de Delphine Arnault, fille de la plus grand fortune mondiale Bernard Arnault (2), PDG de LVMH (propriétaire du groupe Le Parisien-Les Echos) ; il a eu les honneurs de la République en étant fait le 31 décembre dernier chevalier de la Légion d’honneur par décret d’Emmanuel Macron (3) qu’il fréquente et apprécie depuis 2010 – l’Elysée préfèrerait même Iliad/Free à Orange (pourtant détenu à 22,9 % par l’Etat) pour ses ambitions européennes.
Or, depuis quelques mois, les déconvenues et les échecs se succèdent pour le « trublion » des télécoms et tycoon des médias français. Mise à part la chute de sa fortune de 43 % au 5 avril (4) par rapport à 2022, dernière contrariété en date : la décision de l’Arcep d’augmenter le tarif du dégroupage de la boucle locale d’Orange, autrement dit le prix de location mensuelle payé par Free, Bouygues Telecom ou SFR pour emprunter le réseau de cuivre historique hérité de France Télécom pour les accès ADSL et le triple play Internet-TV-téléphone. « C’est une formidable rente de situation pour Orange », a-t-il dénoncé le 22 mars dernier devant les sénateurs de la commission des affaires économiques qui l’auditionnaient.

Le « trublion » contrarié par l’Arcep et l’Arcom
Mais avant de ruer dans les brancards des télécoms en attaquant les décisions tarifaires du gendarme des télécoms – présidé par l’ex-députée et ex-France Télécom/Orange Laure de La Raudière dont il avait considéré la nomination à tête de l’Arcep il y a plus de deux ans comme « aberrant pour la concurrence » (5) –, Xavier Niel avait enchaîné les déconvenues dans les médias et l’édition.
Le rejet par l’Arcom de son projet de chaîne de télévision « Six ». C’est le 22 février 2023 que l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) recale son dossier de candidature pour son projet de chaînes « Six » dont l’ambition était de remplacer M6 sur le canal 6 de la TNT (télévision nationale diffusée par voie hertzienne terrestre en clair et en haute définition). Sans grand suspense, ce sont les autres « projets » qui sont « sélectionnés » par le régulateur de l’audiovisuel, à savoir TF1 (Télévision Française 1) et M6 (Métropole Télévision) dont les autorisations de continuer à émettre sur la TNT seront délivrées avant le 5 mai prochain.

TV, édition, presse : des mises en échec
Eliminé, Xavier Niel a noyé sa déception dans un même ironique posté sur Twitter le jour du verdict : « Comment te récupérer putain !? JAMAIS je pourrai la récupérer » (6). Un mois après, devant les sénateurs lors de son audition, le fondateur de Free et président du conseil d’administration de la maison mère Iliad, dont il est l’actionnaire principal, a regretté l’absence d’explication donnée par l’Arcom : « On ne nous a pas communiqué les raisons pour lesquelles nous n’avons pas été retenus. On l’a dit publiquement : on avait l’impression d’une procédure perdue d’avance. (…) Je ne sais si nous reviendrons sur ces sujets. Nous pensons que l’on ne peut exister dans le monde de la télévision que si on a un des six premiers canaux » (7).
Son exclusion de la course au rachat d’Editis à Vivendi. Le 14 mars, Vivendi – maison mère du deuxième groupe d’édition en France – a annoncé son entrée en négociation exclusives avec International Media Invest (IMI), filiale de Czech Media Invest (CMI) du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky. Objectif de Vivendi appartenant à Vincent Bolloré : céder au Tchèque 100 % du capital d’Editis – chiffre d’affaires 2022 en baisse de 8,1 % à 789 millions d’euros avec sa cinquantaine de maisons d’édition, dont La Découverte, Plon, Perrin, Robert Laffont, Presses de la Cité, Le Cherche Midi, Bordas, Le Robert, … – , afin d’obtenir d’ici juin prochain le feu vert de la Commission européenne pour s’emparer de la totalité du groupe Lagardère, maison mère du premier éditeur français Hachette. Xavier Niel, copropriétaire depuis novembre 2010, du groupe Le Monde (Le Monde, Télérama, L’Obs, …) au côté du même Daniel Kretinsky, lui aussi coactionnaire de la holding Le Monde Libre (8), se serait bien vu en plus à la tête du deuxième éditeur français. Mais le Tchèque, lui aussi magnat des médias via sa holding CMI (Marianne, Elle, Télé 7 jours, Femme actuelle, Franc-Tireur, …, sans oublier 5 % détenu dans TF1 et un prêt consenti à Libération), lui a coupé l’herbe sous le pied.
La candidature de Xavier Niel au rachat d’Editis avait été révélée le 25 novembre 2022 par La Lettre A, en lice face à deux autres prétendants : Reworld Media (9) et Mondadori. Editis est valorisé entre 500 et 675 millions d’euros, d’après le cabinet Sacafi Alpha. Avec un fonds d’investissement, qui pourrait être le new-yorkais KKR (Kohlberg Kravis Roberts) dont il est un administrateur depuis mars 2018, Xavier Niel aurait proposé un prix d’achat jugé insuffisant par Vivendi. • Son échec dans sa tentative de s’emparer du groupe La Provence. Le 30 septembre 2022, c’est le groupe maritime CMA CGM du nouveau milliardaire Rodolphe Saadé qui est confirmé pour reprendre les 89 % du groupe La Provence, comprenant aussi Corse-Matin. Xavier Niel, détenant les 11 % restant via sa holding personnelle NJJ, était pourtant considéré comme le « repreneur naturel » – y compris par feu son propriétaire Bernard Tapie (10) – du groupe La Provence, premier éditeur de presse de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA). Le patron de Free détient 11 % du capital depuis que le belge Nethys lui a vendu en 2019 sa participation (11). C’est aussi grâce à Nethys que Xavier Niel a pu faire tomber dans son escarcelle fin mars 2020 le groupe Nice-Matin (GNM), éditeur des quotidiens Nice-Matin, VarMatin et Monaco-Matin dans les Alpes-Maritimes et le Var (PACA toujours). Et ce, au détriment du favori – l’homme d’affaires Iskandar Safa (propriétaire de Valeurs Actuelles via Privinvest Médias) – qui a jeté l’éponge. Après Lagardère (1998-2007), Hersant (2007-2014) et une reprise par les salariés via une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) grâce à un crowdfunding sur Ulule et le soutien de Bernard Tapie, GNM est propriété de Xavier Niel depuis trois ans. Le milliardaire-investisseur est aussi propriétaire de France-Antilles depuis mars 2020, et de Paris-Turf depuis juillet 2020.
Cependant, en août 2020, il échoue avec Bernard Tapie à jeter son dévolu sur le quotidien historique La Marseillaise qui est alors repris par Maritima Médias. Mais c’est surtout l’échec de la tentative de Xavier Niel à prendre le contrôle du groupe La Provence, incluant Corse-Matin que GNM – dont il devenu propriétaire – avait acquis en 2014, qui sera cuisant. Dès le 24 février 2022, son offre de 20 millions d’euros est rejetée par les liquidateurs au profit de celle à 81 millions de Rodolphe Saadé (12). S’en suivra le 3 mars des échanges houleux entre Xavier Niel venu au journal marseillais et des salariés hostiles à sa visite. « Vous m’avez mis dehors », lancera-t-il au PDG du groupe La Provence, Jean-Christophe Serfati. Le tribunal de Bobigny, où est instruite l’affaire, confirmera CMA CGM sept mois après. Entre temps, il a investi dans L’Informé.

Réussir ses télécoms en Europe
Au-delà de ses démêlés en France avec l’Arcep, il reste encore au « trublion » des télécoms à faire d’Iliad un champion européen. La maison mère de Free est présente en Italie depuis 2018 et en Pologne depuis 2020. Après avoir échoué l’an dernier à s’emparer de la filiale italienne de Vodafone, le groupe de Xavier Niel s’est positionné pour tenter d’acquérir des actifs de TIM (Telecom Italia). En outre, depuis 2014, il contrôle personnellement via NJJ l’opérateur suisse Salt et détient une participation de l’opérateur irlandais Eir aux côtés de son groupe Iliad. En février, via sa holding Atlas Investissement (13), Xavier Niel a porté sa participation au capital de l’opérateur luxembourgeois Millicom à 19,6 %. Cette même holding est entrée en septembre 2022 à 2,5 % dans Vodafone. Déjà confronté à Orange en France, Iliad veut rivaliser avec Orange en Europe. @

La Provence, passée de Tapie à CMA CGM, se relance

En fait. Le 13 mars, Aurélien Viers prend ses fonctions de directeur de la rédaction du quotidien régional La Provence, dont le groupe est détenu depuis août 2022 par le milliardaire Rodolphe Saadé, PDG de l’armateur marseillais CMA CGM. Tandis que Laurent Guimier va diriger CMA CGM Médias présidée par le nouveau tycoon.

En clair. C’est le grand branle-bas de combat au sein du groupe La Provence, sous la houlette de son nouveau propriétaire milliardaire Rodolphe Saadé, PDG de l’armateur marseillais CMA CGM, 5e fortune française (1) et 31e mondiale (2). Face à un quotidien régional chroniquement déficitaire et endetté, la maison mère du groupe La Provence – à savoir la filiale CMA CGM Médias présidée par le nouveau tycoon français des médias et dirigée depuis peu (3) par Laurent Guimier (exdirecteur de l’information de France Télévisions) – renfloue et recrute. L’attention porte en priorité sur le numérique.
Ce lundi 13 mars, Aurélien Viers a pris ses fonctions de directeur de la rédaction de La Provence comme l’avait annoncé fin janvier Gabriel d’Harcourt, le directeur général et directeur de la publication du groupe « La Provence-Corse Matin » (4). Cette nomination intervient alors que ce dernier a fait appel à l’agence Upgrade Media pour conseiller le groupe sur son développement digital afin de retrouver un second souffle. « Notre accompagnement vise à mettre en place l’organisation numérique. Fort des premiers résultats, l’accompagnement a été reconduit », indique à Edition Multimédi@ son directeur fondateur, le consultant en stratégie numérique David Sallinen. La vidéo aura une place accrue pour booster l’audience en ligne de La Provence et de Corse-Matin, Aurélien Viers ayant été auparavant rédacteur en chef du pôle visuel (vidéo et photo print/web) au Parisien/Aujourd’hui en France (fonction qu’il a occupées à L’Obs). Du temps de Bernard Tapie qui était propriétaire du groupe La Provence, son fils aîné Stéphane Tapie – actionnaire chargé du numérique jusqu’en septembre 2022 – avant lancé en 2014 « La Provence TV », mais sans succès (5). Rodolphe Saadé devrait tirer parti de la plateforme vidéo Brut, dans laquelle viennent d’investir CMA CGM Médias et la holding de Xavier Niel, ce dernier étant actionnaire minoritaire (11 %) du groupe La Provence (CMA CGM Médias en détenant 89 %).
Selon La Lettre A, Stéphane Tapie est désormais consultant numérique de NJJ au quotidien France-Antilles repris par le fondateur de Free. Par ailleurs, CMA CGM Médias est monté au capital de M6 dont la filiale de l’armateur avait été candidate malheureuse à son rachat. Rodolphe Saadé devrait faire son entrée au conseil de surveillance de M6 le 25 avril lors de l’assemblée générale des actionnaires. @

Accord avec la presse : Microsoft traîne des pieds

En fait. Le 6 février, Marc Feuillée, directeur général du groupe Le Figaro, s’est exprimé dans Mind Media en reprochant notamment à Microsoft de ne toujours pas rémunérer les éditeurs au titre des droits de la presse – contrairement à Google et Facebook, et malgré ses engagements de février 2021.

En clair. « Microsoft avait (…) annoncé publiquement en janvier et février 2021 vouloir discuter et rémunérer les éditeurs, et faire mieux que Facebook et Google, or je n’en vois pour l’instant pas le résultat », a déploré Marc Feuillée, directeur général du groupe Le Figaro (1), dans une interview accordée à Mind Media et publiée le 6 février. La firme de Redmond (Etats-Unis) s’était en effet engagée – il y a aura deux ans le 22 février prochain – à « travailler ensemble sur une solution pour faire en sorte que les éditeurs de presse européens soient payés pour l’utilisation de leur contenu par des gatekeepers [comme Microsoft avec son moteur de recherche Bing, son portail d’actualités MSN, ou son application Microsoft Start, ndlr] qui ont une puissance dominante sur le marché ».
Un communiqué (2) avait même été signé par Casper Klynge, alors vice-président de Microsoft en charge des affaires publiques européennes et basé en Belgique, et quatre organisations européennes d’éditeurs de presse : European Publishers Council, News Media Europe, Newspaper Publishers’ Association/ENPA et European Magazine Media Association/EMMA. Ensemble, ils appelaient en outre à « un mécanisme d’arbitrage de type australien en Europe pour garantir que les gatekeepers rémunèrent équitablement les éditeurs de presse pour l’utilisation du contenu ». Microsoft entendait ainsi se distinguer de Google et de Facebook qui, à l’époque, étaient très réticents à rémunérer les médias pour l’utilisateur de leurs contenus sur respectivement le moteur de recherche et le réseau social. Depuis, Google et Facebook ont finalement trouvé un accord avec la presse en Europe – notamment en France, soit à la suite d’un contentieux (Google), soit dans un rapport de force (Facebook).
Mais toujours rien à ce jour du côté de la firme dirigée par Tim Cook. Casper Klynge, qui a quitté Microsoft fin 2022, avait indiqué que l’application Microsoft News (ex-MSN News et Bing News) – rebaptisé depuis Microsoft Start alias MSN (3) – permettait à Microsoft de partager « une grande partie » des revenus avec les éditeurs de presse. Et que le paiement de droits voisins était « une prochaine étape logique ». Pas de résultat depuis. « Toutes les autres plateformes refusent de discuter sérieusement, a regretté Marc Feuillée. Ma conclusion c’est que la loi française n’est pas assez précise et doit être amendée par le législateur ». @

La veille informationnelle (panorama de presse, veille web, agrégateurs de flux, …) se démultiplie

Les contenus des médias sont de plus en plus utilisés par les entreprises et les organisations pour suivre l’actualité les concernant. Grâce au numérique, une multitude de prestataires de « panoramas de presse » leur offrent une veille informationnelle qui génèrent des revenus pour les éditeurs.

En 2022, le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) – seul organisme en France à être mandaté par le ministère de la Culture pour percevoir et répartir les redevances au titre du droit de reproduction de la presse et du livre – a reversé aux auteurs et éditeurs adhérents 54,5 millions d’euros, soit une hausse de 5 %. Environ 40 % de ce montant, soit près de 22 millions d’euros, proviennent des copies numériques professionnelles effectuées sous forme de panoramas de presse, de prestations de veille et de copies numériques ponctuelles.

Veille classique versus veille web
Le CFC, que dirige Laura Boulet (photo) depuis novembre 2021, a signé à ce jour des contrats d’autorisation de veille avec 30 prestataires de veille informationnelle, que cela soit pour de la veille médias traditionnelle, audiovisuelle, documentaire, stratégique ou encore de la veille entièrement sur le Web.
« Ces contrats définissent les cadres de l’autorisation fournie, prévoient le versement de redevances destinées à rémunérer les titres de presse concernés ainsi que l’identification des publications utilisées et de leur volume. Ces autorisations permettent à ces acteurs de la veille de reproduire en toute légalité des contenus des publications de presse dont le CFC gère les droits, dans le cadre de leurs activités de veille et de sélection d’articles de presse à destination de leurs clients », explique l’organisme de gestion collective agréé par le ministère de la Culture depuis 1996.
Reste que les acteurs de cette veille informationnelle sont méconnus du grand public puisque leurs activités sont tournées vers les entreprises, les organisations et les administrations. Cette « veille BtoB » (1) est assurée par de nombreux prestataires, aussi divers que variés (voir graphique page suivante), dont certains sont en concurrence frontale comme les prestataires de veille média traditionnels versus les prestataires de la veille web – ces deux catégories d’acteurs ayant les mêmes clients : les directions de la communication et des relations presse des entreprises ou d’organisations.
• Pour la veille médias classique, les prestataires se nomment Onclusive (ex-Kantar Media), Cision (ex- L’Argus de la presse), Aday (ex-EDD), Explore (Explore Group), ou encore Synthèse & Médias. Ils fournissent à des entreprises clientes des copies d’articles le plus souvent au format PDF (mais aussi par e-mail, par un intranet ou un extranet) et notamment sous la forme de panoramas de presse.
• Pour la veille documentaire, les sociétés Factiva (filiale de l’américain Dow Jones) et LexisNexis (filiale de l’anglo-néerlandais Relx, anciennement Reed Elsevier) sont des acteurs historiques, aux côtés de Cision (Europresse) et Aday (ex-EDD). Ils mettent à disposition de leurs clients professionnels des contenus de presse agrégés dans leurs bases de données constituées le plus souvent sous le format XML (2).
• Pour la veille entièrement en ligne, il y a des acteurs tels que le norvégien Meltwater spécialisé dans la veille sociale (sur les réseaux sociaux), l’intelligence média (veille de la presse en ligne) et l’e-réputation (3), ou le britannique Access Intelligence (Isentia, Pulsar, ResponseSource, Vuelio), le new-yorkais Emplifi (ex- Astute-Socialbakers), ou encore l’indien Press Monitor. Ils fournissent des liens et des analyses pointant vers les articles de presse, notamment pour que les entreprises clientes puissent connaître les retombées médiatiques de leurs communiqués de presse.
• Pour la veille par les agrégateurs de flux RSS que sont ces formats de syndication simplifié (4), les éditeurs d’applications de visualisation de ces flux sont le français Netvibes (racheté par Dassault Systèmes en 2012), le suédois Feeder, le bulgare Inoreader et les américains Flipboard et Feedly. Ils proposent de consulter les flux à partir d’une application, d’un logiciel ou d’un module intégré à une messagerie, qui permettent de n’importe quel terminal connecté d’afficher et de consulter les flux d’actualité.

L’intelligence artificielle à la rescousse
• Pour la veille dite stratégique
, lorsqu’il s’agit de veille marketing et concurrentielle, les principaux fournisseurs de services sont les français Digimind (racheté en juillet 2012 par Onclusive/ex-Kantar Media), KB Crawl, Launchmetrics et Sindup (Netprestation).
Ils collectent toutes les informations tous azimut (presse en ligne, réseaux sociaux, bases de données, …). Ils « crawlent » le Web pour proposer à des directions d’entreprises (marketing, stratégie, R&D, …) du « market intelligence » basés sur l’intelligence artificielle (IA).
• Pour la veille « sociale », sur les réseaux sociaux, les prestataires de « social listening » s’appellent Linkluence (une société française intégrée au groupe Meltwater depuis 2021), Meltwater en tant que tel, et le luxembourgeois Talkwalker. Les réseaux sociaux sont leur principal terrain de jeu, mais ils s’intéressent de plus en plus à la presse en ligne.

592 éditeurs concernés en France
• Pour la veille issue des data brokers
, ces courtiers de données exploitant le Big Data, dont les sources sont à la fois privées et publiques. Le norvégien Opoint et l’israélien Webz.io prospèrent dans ce domaine. Leur clientèle se trouve aussi bien dans les entreprises que chez des prestataires de veille.
• Pour la veille de référencement naturel, ou SEO (Search Engine Optimization), les trois principaux acteurs sont le français Botify, l’américain Semrush et l’allemand Sistrix. Leur spécialité : proposer en général en mode SaaS la recherche de mots-clés et de données d’analyse (classement, volume, coût, …).
Tous ces prestataires présents en France sont tenus de fournir au CFC le nombre d’articles de presse, de programmes audiovisuels et d’émissions radiophoniques, ainsi que des liens diffusées ou stockés pour la veille web). Et ce : par publication, par chaîne, par radio et par client. « Ces déclarations permettent d’établir la facturation. Pour la veille média traditionnelle, elle est également fonction de la redevance par article définie par l’éditeur pour chacune de ses publications sur la grille tarifaire du CFC. Pour les autres types de veille, il s’agit d’une somme forfaitaire, par client et par prestation dans le cas de la veille web », indique le CFC sans dévoiler les grilles tarifaires.
Ils sont 592 éditeurs en France à bénéficier des versements de redevances destinées à rémunérer les titres de presse concernés en fonction de l’identification de leur(s) publication(s) sur un total atteignant aujourd’hui 2.793 titres de presse et programmes audiovisuels. Rien que pour la répartition des droits pour les copies numériques professionnelle, le CFC indique que « 63 % des titres concernés par cette répartition sont des publications françaises » et « ces dernières représentent 98 % du montant total des redevances réparties ». Les sommes sont reversées aux éditeurs et aux auteurs en deux temps chaque année : en avril pour les redevances perçues au cours du second semestre de l’année précédente, et en décembre pour celles collectées au cours du premier semestre de l’année en cours. Ainsi, au premier semestre 2022 par exemple pour lequel plus de 8 millions d’euros ont été distribués par le CFC au titre des copies numériques, 15 éditeurs ont reçu chacun plus de 100.000 euros, 115 éditeurs ont reçu entre 10.000 et 100.000 euros et 342 plus de 1.000 euros. Mais il reste beaucoup à faire pour que tous les contenus de presse utilisés dans la veille soient monétisés au profit des éditeurs. Par exemple, les robots de crawling qui aspirent les contenus se bousculent au portillon des sites web sans forcément payer leur écot.

Du crawling à la rediffusion de podcasts
Aussi, le CFC a commencé à déployer un « outil de régulation des robots de crawling » (ORRC), dont la seconde version a été déployées en 2022 sur une quinzaine de sites de presse en ligne (dont Le Monde, Le Figaro ou encore Challenges). Ce qui permet à 17 « crawlers » en France de respecter le droit d’auteur dans le cadre d’une licence. La veille s’étend en outre aux podcasts qui rencontrent un large succès sur les plateformes Spotify, Deezer, Apple Podcast, Google Podcast, Acast ou encore Auscha. Le CFC propose désormais aux éditeurs de presse un nouveau mandat pour englober les rediffusions de podcasts. @ Charles de Laubier

Radio France tourne la page de la redevance et se mue en média social, mais conserve sa PDG

Sibyle Veil avait pris ses fonctions de présidente directrice générale de Radio France le 16 avril 2018. Elle a été reconduite pour cinq autres années à compter du 16 avril 2023. La « Maison ronde » devrait poursuive sa mue en média social mais sans compter sur la redevance audiovisuelle.

Rendez-vous compte : il y aura 90 ans cette année que la redevance a été créée en France par une loi budgétaire datée du 31 mai 1933, laquelle instaurait une redevance destinée à financer la radiodiffusion et assise sur les postes de radio. Elle fut ensuite étendue à la télévision en 1948, qui fut depuis lors le poste de référence. L’année 2023 marque une rupture historique puisque les médias publics, dont Radio France, ne peuvent plus compter sur la manne de cette « contribution à l’audiovisuel public » jusqu’alors payée par près de 23 millions de foyers.

Budget 2023 : 623,4 millions d’euros
Les 138 euros en métropole et les 88 euros en outremer ont rapporté – et pour la dernière fois en 2022 (1) – 3,2 milliards d’euros l’an dernier. Comme pour ses homologues de l’audiovisuel public, la PDG de Radio France, Sibyle Veil (photo), devra faire cette année – et les suivantes – sans la redevance mais avec un budget issu d’une partie de la TVA. Ainsi en avait décidé la loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 (2).
L’an dernier, Radio France avait bénéficié de plus de 591,4 millions d’euros d’« avances » de la part de l’Etat. Pour cette année, comme le prévoit la loi de finances 2023, Radio France touchera plus de 623,4 millions d’euros. Cela représente une hausse budgétaire de 5,4 %. Cette même loi de finances 2023 liste des objectifs aux acteurs de l’audiovisuel public : pour Radio France, il s’agit notamment de : « proposer une offre radiophonique de service public, axée sur la culture, dans un univers de média global » ; « s’adresser au public le plus large dans un environnement numérique » ; « assurer la maîtrise de la masse salariale, optimiser la gestion et être une entreprise de média exemplaire » (3). C’est dans ce contexte financier et stratégique que Sibyle Veil achève son premier mandat de cinq ans à la tête de Radio France, avant d’entamer un second « quinquennat » à compter du 16 avril prochain. Cette reconduction a été décidée le 19 décembre par l’Arcom (4) qui « a fait le choix de la poursuite des transformations engagées ces dernières années, dont les résultats en termes d’audience, de développements numériques et d’accès à la culture témoignent de la capacité d’adaptation de [Radio France] à son environnement et aux attentes des publics ». Dans sa décision publiée au Journal Officiel le 21 décembre dernier (5), le régulateur souligne les «mutations profondes du média radio », notamment dans « l’audio numérique ». Sibyle Veil a su convaincre les membres de la Tour Mirabeau lors de son audition le 19 décembre, aussitôt suivie d’une séance plénière du collège la nommant pour un nouveau mandat au détriment des deux autres candidats : Maïa Wirgin (6) et Florent Chatain (7). « A compter de 2023, il nous faudra définir une nouvelle feuille de route pour Radio France dans le cadre qui sera donné par le prochain contrat d’objectifs et de moyens pour les années 2024 à 2028, avait expliqué la PDG candidate à sa succession. […] D’ici 2028, de nouveaux acteurs, de nouvelles technologies que nous ne connaissons pas auront émergé. L’intelligence artificielle va certainement s’accélérer, créer de nouvelles opportunités, mais aussi demander une plus grande capacité d’adaptation. L’Internet des objets va gagner notre quotidien et amplifier le mouvement vers une connexion permanente ».
Radio France est en outre confronté à la baisse continue de la consommation des médias traditionnels qui n’épargne ni la radio, ni la télévision, ni la presse. La consommation média est de plus en plus fragmentée. Mais la radio publique a, selon Sibyle Veil, un rôle à jouer par rapport à Internet : « Les algorithmes et les réseaux sociaux créent un effet de gravitation autour de silos d’informations cloisonnés entre eux, attirant des personnes partageant des points de vue similaires. […] Cette évolution va rendre à l’avenir encore plus indispensable l’objectif d’universalité qui a sous-tendu la création du service public […] sans avoir à viser des cibles commerciales », assure-t-elle dans son projet stratégique d’une quarantaine de pages remis à l’Arcom dès octobre (8). Radio France entend aussi inspirer confiance face à la défiance envers les médias sur fond d’« infobésité ». FM, DAB+, IP : hybridation audio Pour autant, Radio France va devoir « se préparer à une accélération de la délinéarisation de la radio dans les prochaines années », même si l’écoute en direct pourrait rester majoritaire pour ce média. « Le “temps 2” de notre transformation est à engager pour devenir pleinement un média audio hybridant le flux et le stock, le direct et le temps long en donnant plusieurs vies à nos créations. […] Cette dualité va peser pendant les prochaines années sur notre entreprise », a prévenu la PDG de la « Maison de la radio et de la musique ». Et ce dans un contexte d’hyper concurrence de l’audio : podcasts, livres audio, fictions audio, documentaires sonores, … @

Charles de Laubier