Les « Spotify » ne financent pas (encore) le CNM

En fait. Le 26 novembre, le ministère de la Culture a officialisé la nomination de Jean-Philippe Thiellay comme président du Centre national de la musique (CNM) qui entrera en fonction le 1er janvier 2020. Spotify, Apple Music, YouTube ou Deezer ne sont pas taxés pour financer la création musicale. Pour l’instant…

En clair. « Il faudra mettre à contribution des grandes plateformes musicales », avait lancé la sénatrice Sonia de la Provôté (UC) le 16 octobre dernier, comme un baroud d’honneur lors des conclusions de la commission mixte paritaire au Parlement (rassemblant députés et sénateurs) et juste avant l’adoption définitive de la loi créant le Centre national de la musique (CNM). Cet établissement public à caractère industriel et commercial, rattaché au ministère de la Culture, sera – ou presque – à la musique ce que le CNC est au cinéma et à l’audiovisuel.
Mais contrairement au CNC, à qui les distributeurs de services de télévision comme les FAI (1), d’une part, et les plateformes de vidéo et de VOD, d’autre part, paient des taxes pour contribuer au financement du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia, les plateformes de streaming musical n’auront pas à payer leur écot au futur CNM. Pourtant, les Spotify, Apple Music, YouTube et autres Deezer profitent pleinement de la création musicale en France. « Ce serait bien si certaines plateformes de musique en ligne contribuaient, car ces opérateurs se servent de nos investissements pour créer du flux », avait déclaré Malika Seguineau, directrice générale du Prodiss, syndicat patronal du spectacle musical et de variété en France, en marge du MaMA Festival & Convention (2), qui se tenait le jour même de l’adoption définitive de la loi « CNM ». Cette «maison commune» de la musique fédèrera le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), lequel dispose d’un budget de 35 millions d’euros issu pour l’essentiel d’une taxe de 3,5 % sur les recettes des représentations de spectacles de variétés et de musiques actuelles, ainsi que d’autres organismes (FCM, Irma, Bureau export/Burex, Calif). En outre, le CNM gèrera les crédits d’impôt perçus par ailleurs par la musique, soit 30 millions d’euros. C’est microscopique comparé aux près de 700 millions d’euros du fonds de soutien du CNC…
Au total, avec cette agrégation d’entités existantes, le CNM bénéficiera d’un budget de plus de 50 millions d’euros, dont 7,5 millions apportées par l’Etat pour fonctionner sur l’année 2020. Ce budget de mise en route l’an prochain déçoit et inquiète la filière qui en attendait au minimum 20 millions d’euros. Prochaine étage : taxer Spotify, YouTube ou encore Apple Music ? @

Aux pouvoirs élargis à la distribution de la presse, l’« Arcep-dp » devient (trop ?) super-régulateur

La loi modernisant la distribution de la presse a été publiée au Journal Officiel le 19 octobre 2019 : 70 ans après la loi « Bichet », la diffusion de la presse française va s’ouvrir à la concurrence (en 2023) et prend en compte le numérique. L’« Arcep-dp » sera-t-elle à la hauteur et indépendante ?

Par Etienne Drouard et Anaïs Ligot, Avocats, K&L Gates

Comme de nombreux autres secteurs, celui de la distribution de la presse a été bouleversé par le numérique et l’évolution des pratiques des lecteurs. Dans le contexte de l’après-guerre, la loi dite « Bichet» (1) du 2 avril 1947 sur le statut de la presse a permis d’organiser les grands principes de la presse, parmi lesquels la pluralité de l’information, l’égalité des éditeurs et la solidarité coopérative entre les acteurs du secteur.

Libra (Facebook) et Gram (Telegram) : deux projets de cryptomonnaies mondiales dans le collimateur

Les deux projets de monnaies virtuelles mondiales les plus en vue – Libra de Facebook et Gram de Telegram – sont dans le collimateur des régulateurs, notamment des autorités américaines. Leur créateur, Mark Zuckerberg et Pavel Dourov, doivent clarifier leurs intentions et protéger les investisseurs.

L’Américain Mark Zuckerberg (photo de gauche) et le Russe Pavel Dourov (photo de droite), respectivement cofondateur du réseau social Facebook et de la messagerie cryptée Telegram, ont maille à partir avec les Etats-nations qui entendent préserver leur « souveraineté fiduciaire » (battre monnaie). Depuis que ces deux jeunes geeks milliardaires – 35 ans tous les deux – veulent lancer leur cryptomonnaie mondiale, à partir de l’an prochain pour le Libra de Facebook et dès cette année pour le Gram de Telegram, tout est fait pour leur mettre de bâtons dans les roues.

La France est fermée à la Libra, mais pas tout le G7

En fait. Le 17 octobre se tenaient les 3es Assises des Technologies financières, à Paris, organisées par l’agence Aromates sur le thème de « Banque du futur : la construire ou la subir ? ». Le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, s’y est exprimé par vidéo pour réaffirmer son opposition à Libra.

En clair. Bien que ces Assises des Technologies financières soient placées depuis 2017 sous le parrainage du ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire n’a pu y intervenir physiquement cette année car il était à Washington où se réunissait ce 17 octobre les ministres des Finances du G7 (1) – en marge des réunions du FMI et de la Banque Mondiale. Avec ses homologues, il a tiré la sonnette d’alarme à propos de la cryptomonnaie Libra que Facebook va lancer en 2020 (lire p. 4). Le G7 estime qu’« une base juridique solide (…) est une condition préalable absolue ».
A Washington, Bruno Le Maire a annoncé que la France, l’Italie et l’Allemagne ont décidé d’interdire la Libra. Alors que le communiqué du G7 reste plus ouvert à condition que les problèmes posés soient réglés avant. Le ministre français des Finances dit non à la Libra : « Il faut faire attention à ce que cette innovation financière n’empiète pas sur la souveraineté des Etats. La blockchain, oui. Le développement des technologies financières, trois fois oui. Mais avoir des grandes entreprises privées qui cherchent à se doter d’un outil monétaire souverain comme les Etats, c’est le projet Libra, ça, je n’y suis pas favorable », a-t-il déclaré par vidéo aux Assises des Technologies financières. « Et donc cela suppose que nous soyons capables de répondre aux défis des transactions financières par d’autres moyens que par ces projets des grands géants du digital, a-t-il insisté. Comment réduire les coûts de transaction, comment accélérer ces transactions, pour que cela soit toujours mieux pour le consommateur, sans remettre en cause la souveraineté monétaire des Etats ». Mais des voix dissonantes se sont faites entendre, comme celle de Yannick Lostie de Kerhor, Chief Digital Officer de EY. Il rappelle que des monnaies locales sont déjà apparues nombreuses en France (2) pour servir une tendance sociétale vers le circuit court et l’amplification des échanges localisés. « Finalement, le token [jeton numérique constituant la monnaie virtuelle, ndlr] est la même chose : une monnaie adossée à un lieu d’échange. Sauf que là, ce n’est plus un territoire mais une plateforme numérique. C’est une question confiance. Les plateformes, qui ont la confiance de leurs utilisateurs, veulent battre monnaie. Je comprends la crainte de ministre des Finances. Mais si ce n’est pas Facebook, ce sera un autre ». @

Cédric O, porte-voix « French Tech » d’Emmanuel Macron, est secrétaire d’Etat chargé du Numérique depuis 6 mois

Cédric O fut le coorganisateur de la soirée « French Tech » à Las Vegas en 2016, événement qui donna le coup d’envoi de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron. Depuis plus de 6 mois maintenant, l’ancien trésorier d’En marche (devenu LREM) est au pouvoir et pousse les feux sur le numérique et surtout les start-up.

Six mois maintenant qu’il est à Bercy où il a remplacé Mounir Mahjoubi. Cédric O (photo) est l’un des plus jeunes (36 ans) membres du gouvernement, secrétaire d’Etat chargé du Numérique auprès du ministre de l’Economie et des Finances (Bruno Le Maire) et du ministre de l’Action et des Comptes publics (Gérald Darmanin). Ce portefeuille « par délégation », il l’a remporté à la faveur de l’élection présidentielle d’Emmanuel Macron, qui fut lui-même ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique (août 2014 à août 2016). Comme Mounir Mahjoubi, Cédric O a été désigné par le locataire de l’Elysée en raison de son engagement politique à ses côtés lorsque ce dernier était candidat aux plus hautes fonctions de l’Etat. Proche conseiller d’Emmanuel Macron, Cédric O a remplacé le 31 mars dernier Mounir Mahjoubi, lequel venait de quitter le gouvernement en vue de se porter candidat aux élections municipales à Paris en 2020 – la macronie ayant finalement préféré investir Benjamin Griveaux. Mais Mounir Mahjoubi avait entre temps retrouvé son siège de député de Paris (1) où il avait été élu en juin 2017, avec comme suppléante une certaine… Delphine O, la soeur cadette de Cédric O. Celle-ci est devenue députée au moment où Mounir Mahjoubi fut de mai 2017 à mars 2019 le « Monsieur numérique » du gouvernement.