Le chinois Huawei face à l’hypocrisie « sécurité nationale » des Américains et des Européens

Alors que 2021 marque les dix ans de l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Huawei Technologies est plus que jamais décidé à contester les décisions prises, au nom d’une soi-disant « sécurité nationale », à son encontre aux Etats-Unis et en Europe principalement.

La Chine est membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis le 11 décembre 2001. Cela va faire dix ans cette année (1). Mais son fleuron technologique Huawei ira-t-il jusqu’à porter plainte contre les pays qui l’évincent de leur marché ? Sachant que les énormes avantages présumés dont bénéficie la firme de Shenzhen dans l’Empire du Milieu (fonciers, aides d’Etat à la R&D, crédit à l’exportation, prêts bancaires, …) pourraient aussi être contestés par ces mêmes pays.

Décisions de la FCC, « inconstitutionnelles » ?
Pour l’heure, le géant chinois des télécoms – troisième fabricant mondial de smartphones et numéro un mondial des réseaux 5G – est devant la justice américaine pour démontrer le caractère « inconstitutionnel » de la décision prise à son encontre fin 2020 par l’administration Trump qui l’a mis sur liste noire au nom de la « sécurité nationale ». La firme fondée par Ren Zhengfei (photo), il y a près de 35 ans (2), a plaidé dans ce sens le 8 février dernier devant une cour d’appel de la Nouvelle-Orléans, tout en dénonçant une mesure prise sans « preuves substantielles » par la Federal Communications Commission (FCC) le 10 décembre (3) et « préjudiciable à l’industrie américaine ». Surtout, cette décision n’a pas laissé le temps à l’entreprise chinoise sanctionnée de se défendre avant.
La procédure de Huawei en appel est enregistrée sous le numéro 21-60089 et la déposition d’une quinzaine de pages (4) est datée du 8 février. C’est la seconde fois que Huawei conteste devant ce même tribunal une décision de la FCC. Une précédente décision de la FCC, datée celle-ci du 22 novembre 2019, interdit aux entreprises américaines d’utiliser les subventions des contribuables pour financer les achats de la technologie 5G de Huawei. La firme de Shenzhen conteste depuis lors les allégations selon lesquelles elle entretient des liens avec le gouvernement chinois qui pourraient compromettre la sécurité des réseaux américains. Huawei dément aussi les affirmations d’experts qui l’accusent d’avoir mis en place des « backdoors » (portes dérobées) et autres « loopholes » (failles) susceptibles de permettre aux autorités chinoises de procéder à des écoutes illégales ou d’organiser des fuites de données personnelles. Ren Zhengfei s’inscrit en faux contre tout cela. Cette procédure est toujours en cours. Dans un e-mail adressé à l’agence Bloomberg, la FCC a déclaré qu’elle continuera à défendre sa décision de 2019 en se fondant sur « un ensemble substantiel de preuves » recueillies « par [ellemême] et par de nombreux organismes de sécurité nationale des Etats-Unis ». Le 9 février, soit le lendemain de la nouvelle déposition de « Huawei Technologies USA, Inc./Huawei Technologies Co., Ltd. » à la Nouvelle-Orléans, le fondateur Ren Zhengfei (76 ans) a assuré de Chine que « la capacité de survie de [son groupe] s’est accrue » malgré les attaques répétées de Washington, tout en espérant « une politique d’ouverture » de l’administration Biden. PDG de Huawei Technologies, ce Chinois détient seulement « un peu plus de 1 % des actions de Huawei Investment », le reste du capital appartenant à l’« Union of Huawei Investment & Holding Co., Ltd. » qui administre un plan d’actionnariat salarié dans lequel environ 104.500 sur les 194.000 employés du géant des télécoms y participent. Mais les sanctions américaines contre le fleuron chinois, sur fond de tensions commerciales entre Washington et Pékin, ont en fin d’année 2020 pesé sur les ventes de smartphones (chute à deux chiffres de ses ventes sur un an au quatrième trimestre 2020, d’après le cabinet d’études Canalys), bien que Huawei se soit tout de même maintenu en troisième position mondiale – derrière Samsung et Apple (5). Et ce, après avoir pu en 2018 et en 2019 détrôner la marque à la pomme de la seconde place (6).
Mais en raison des restrictions imposées par Donald Trump, Ren Zhengfei a été contraint de céder en novembre dernier sa marque de smartphones d’entrée de gamme, Honor, dont les ventes étaient jusqu’alors comptabilisées dans les performances de Huawei. Sur l’année 2020, il s’est vendu dans le monde 188,5 millions de smartphones Huawei (7), ce qui a correspondu à une baisse de 22 % sur un an (8).

En France, toujours le « en même temps »
Pendant ce temps-là, au pays du « en même temps » où le président de la République assure qu’il n’y a pas discrimination envers les industriels chinois comme Huawei (9), le Conseil constitutionnel a validé le 5 février la loi « anti- Huawei » en France, pourtant contestée par SFR et Bouygues Telecom (10). Les sages du Palais-Royal ont repris le même refrain que l’ex-administration Trump : « risques d’espionnage, de piratage et de sabotage » et « préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale ». Huawei prévoit quand même d’installer dans l’Est de la France une usine… @

Charles de Laubier