Vivendi : la logique boursière devant la convergence

En fait. Le 16 juillet, Vivendi a annoncé le « succès de l’augmentation de capital réservée aux salariés » qui, cette année, atteint « un nombre record de 12,3 millions d’actions nouvelles ». Or moins de 10.000 salariés sur les 58.300 que compte le conglomérat ont souscrit à l’offre, soit environ 15 %.

En clair. Une majorité des salariés de Vivendi n’a pas participé à l’augmentation du capital de leur entreprise. Bien que présentés comme « 4e actionnaire du groupe »,
les salariés actionnaires représentent à peine 3,4 % du capital. « La mobilisation des salariés du groupe est une preuve de la confiance qu’ils témoignent à leur entreprise et à ses perspectives de croissance dans un contexte économique difficile », affirme tout de même le directoire de Vivendi, présidé par Jean-François Dubos, lequel a succédé le 29 juin à Jean-Bernard Lévy. Pourtant, la « confiance » et les « perspectives » du groupe n’ont jamais été aussi floues. Il faut remonter à il y a dix ans, lorsque Jean-Marie Messier a été évincé après avoir mis le groupe en faillite, pour retrouver une telle incertitude stratégique. Jean-Bernard Lévy est parti pour « divergence stratégique » avec Jean-René Fourtou, le président du conseil d’administration : le premier était pour accroître les synergies entre les activités médias et les réseaux. « Le monde des réseaux et du contenu sont en train de fusionner », avait déclaré Jean-Bernard Lévy dans le Wall Street Journal du 14 décembre 2010. « Nos investissements dans les réseaux, les plates-formes et les contenus s’accompagnent d’efforts soutenus pour développer les partages d’expertises et les projets communs entre nos métiers », avait-il insisté le 1er mars 2011 (1). La voie est maintenant libre au démantèlement du groupe. La raison ? Le cours de Bourse de Vivendi, qui, selon Jean-René Fourtou serait sous-évalué. « Faut-il vendre des activités ou séparer le groupe en deux, voire trois ? Cette question n’est pas taboue », avait-il écrit aux actionnaires fin mars. Le délestage pourrait commencer par la filiale Activision Blizzard, numéro un mondial des jeux vidéo (2). L’été sera chaud pour les 58.300 salariés du groupe Vivendi, dont les 16.000 des filiales françaises (3) qui ont reçu chacun en prime 50 actions gratuites. Est-ce pour acheter la paix sociale ? « La fin d’année 2012 et surtout l’année 2013 s’annoncent mouvementées sur le plan social. SFR tout d’abord, Canal+ ensuite, mais aussi la musique ou les jeux. L’ensemble de ces business de Vivendi pourrait être impacté socialement, en France et à l’étranger par les décisions qui vont être prises dans les prochaines semaines », craint par exemple le syndicat CFE-CGC. @

Comment Amazon s’impose comme « géant culturel »

Le 25 juin, Amazon a annoncé le lancement de sa troisième plate-forme logistique en France, sur 40.000 m2 à Chalon-sur-Saône (après Orléans et Montélimar). Mais au-delà du « brick and mortar », le groupe américain veut aussi se faire une méga place au sein des industries culturelles françaises.

Vous avez aimé Apple et iTunes Store, vous adorerez Amazon et Kindle Store. Le géant du e-commerce va lancer en France – cet été ou à la fin de l’année – sa tablette multimédia baptisée Kindle Fire. Cela fera d’ailleurs un an, en octobre prochain, que
le géant du e-commerce a lancé sur l’Hexagone sa liseuse Kindle dédiée aux livres numériques. En attendant un smartphone Amazon, que la rumeur prédit pour la fin
de l’année… Une chose est sûre, le patron fondateur Jeff Bezos entend s’imposer rapidement sur le marché français des industries culturelles. Dans la musique, AmazonMP3 défie la concurrence en proposant – à l’instar d’Apple – des nouveautés
à 6,99 euros, soit 30 % moins cher grâce à l’optimisation fiscale du Luxembourg. Son catalogue musical dépasse les 17 millions de titres (1). Dans la vidéo à la demande (VOD), Amazon a pris le contrôle en janvier 2011 de la plate-forme de streaming LoveFilm qui compte plus de 2 millions d’abonnés dans cinq pays européens (2).
La France serait le prochain. Mais c’est surtout le service par abonnement Amazon Prime Instant Video, riche de 17.000 séries et films, qui est attendu sur ordinateurs et consoles de jeux dans l’Hexagone. Si Amazon noue des partenariats avec des studios de cinéma américains (20th Century, NNC Universal, Warner Bros. Pictures, …), il entend aussi produire ses propres films via Amazon Studios : quelque 7.500 scripts
ont été à ce jour soumis sur Studios.amazon.com et près de 20 films sont en cours de développement. Ce qui inquiète en particulier Canal+, dont le DG Rodolphe Belmer craint la concurrence dans la télévision payante de ces nouveaux entrants (Amazon, Netflix, Google, …) non soumis aux mêmes règles (EM@59, p. 4). Dans le livre, Amazon a déjà posé des jalons en France. Sa liseuse Kindle donne maintenant accès
à plus d’un million d’ouvrages – dont plus de 54.000 en français. Flammarion et Albin Michel ont déjà signé avec le géant de Seattle. Amazon, qui serait à l’origine de l’enquête ouverte début décembre dernier par la Commission européenne à l’encontre de ces cinq éditeurs (dont Hachette Livre) et d’Apple sur une éventuelle entente sur les prix des ebooks (3), aimerait pratiquer des ristournes de – 50 % par rapport au livre papier comme il le fait aux Etats-Unis. Mais en France, il est limité à -5 %. Cela n’empêche pas Amazon de s’imposer dans l’exception culturelle française. @

Universal Music confirme être actionnaire de Spotify

En fait. Le 26 juin, en marge de l’Assemblée général de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) dont il est le président, Pascal Nègre
a confirmé à Edition Multimédi@ que la major Universal Music Group (filiale
de Vivendi) détient bien « un petit pourcentage » du capital de Spotify.

En clair. C’est la première fois qu’un dirigeant du numéro un mondial de la musique enregistrée – en l’occurrence le PDG de la filiale française de Universal Music, Pascal Nègre – confirme que son groupe détient bien « un petit pourcentage » du capital de Spotify, la première plateforme européenne de musique en ligne (plus de 10 millions d’utilisateurs actifs, dont 3 millions d’abonnés). Il n’en dira pas plus, ni sur le niveau
de ce lien capitalistique, ni sur son objectif, écartant l’idée d’un quelconque « droit de regard » sur la société suédoise. Or, selon le magazine informatique Computer Sweden à Stockholm, les quatre majors mondiales de la musique – Universal Music, Sony Music, Warner Music et EMI – détiennent chacune « entre 2 % et 6 % » du capital
de Spotify. Secret de polichinelle depuis des mois, cette participation ne fut jamais démentie ni confirmée. C’est désormais chose faite. Du moins par la plus grande
major. Valorisé jusqu’à 4 milliards de dollars, Spotify représenterait pour l’actionnaire minoritaire Universal Music un actif d’une valeur pouvant atteindre 240 millions de dollars. Depuis mai dernier, selon le New York Times, Spotify a confié le soin à Goldman Sachs le soin de lever jusqu’à 220 millions de dollars. Et si la Commission européenne donnait son feu vert à la fusion entre la filiale musicale de Vivendi (1) et l’autre major EMI, le nouvel ensemble en position dominante renforcée sur le marché mondial pourrait détenir environ 10 % de Spotify… Au-delà de ce bon placement, Universal Music a réussi à imposer à Spotify de limiter – depuis le 1er mai 2011 –
le nombre d’écoutes gratuites au profit des abonnements payants. Et Vivendi a fait d’une pierre deux coups en lançant l’an dernier Carré Spotify chez SFR (2).
Selon le quotidien économique suédois « Dagens Industri », le chiffre d’affaires de Spotify pourrait dépasser cette année les 6 milliards de couronnes suédoises (680 millions d’euros). Mais les pertes nettes, elles, seraient d’environ 50 millions d’euros. Reste à savoir si les majors du disque détiennent aussi des actions stratégiques chez le concurrent français, Deezer, édité par la société BlogMusik détenue à 11 % par France Télécom et en quête de capitaux. A l’automne dernier, Deezer a tenu tête à Universal Music (3) avec qui il a conclu un accord jusqu’à fin 2012 en vue de développer aussi les abonnements. Et après ? @

YouTube se dit « incontournable » pour les créateurs

Le 19 juin, Christophe Muller, directeur des partenariats de YouTube – pour les régions Europe du Sud et de l’Est, Moyen-Orient et Afrique de Google – est intervenu lors d’UbiQ au Palais Brongniart à Paris. Il était accompagné de Denis Ladegaillerie, fondateur de Believe Digital.

En créant UbiQ Events, Gwenaël Flatres a sans doute l’ambition de faire de ce rendez-vous international du divertissement numérique le MipTV et le MipCom de l’Internet. Il fut d’ailleurs le directeur du développement de ces deux salons professionnels organisés par Reed Midem. UbiQ a l’ambition d’être la place de marché « B2B » des projets cross media et concerne aussi bien la télévision et la musique que le jeu vidéo ou les contenus de marque. « L’ambition d’UbiQ est de provoquer un vrai partage d’expériences entre les opérateurs des différentes industries du divertissement (TV, musique, jeux vidéo), pour faire face aux enjeux d’une industrie en pleine mutation », a expliqué Gwenaël Flatres. Parmi les quelque 70 conférenciers et plus de 200 sociétés réunies dans un salon (venues d’une trentaine de pays), Google a confirmé la présence de sa filiale YouTube, aux côté de Denis Ladegaillerie, président fondateur du producteur de musique Believe Digital (1). « Avec plus de 72 heures de vidéos mises en ligne chaque minute et plus de 4 milliards de vidéos vues chaque jour, YouTube est une plate-forme de diffusion et promotion incontournable pour les artistes, créateurs de contenus et annonceurs de toutes tailles. Nous sommes très heureux de (…) partager les retours d’expériences de nos partenaires, comme la formidable success story qu’est Believe Digital aujourd’hui », a déclaré Christophe Muller, directeur des partenariats de YouTube (2). UbiQ entend ainsi faciliter les partenariats entre créateurs de contenus et plates-formes de distribution numériques. Des artistes deviennent aussi des médias à part entière grâce à leurs communautés de millions de fans. « Les audiences se fragmentent et les annonceurs doivent suivre leurs audiences où qu’elles soient. Dès lors les medias et la publicité doivent se réinventer autour de la notion d’engagement et de complémentarité dans la sphère digitale », a estimé Gwenaël Flatres. Car après la musique, c’est au tour de la télévision de subir « un choc au moins équivalent avec l’arrivée de la télévision connectée, des nouvelles tablettes et de la VOD ». Quant au jeu vidéo, ajoute-t-il, il fait face à la distribution dématérialisée mais aperçoit de nouvelles opportunités de croissance à travers les réseaux sociaux et auprès des producteurs et diffuseurs de contenus TV, musique, mais aussi livre et presse magazine. @

Jérôme Roger, UPFI et SPPF : « Il est urgent d’aider maintenant la filière musicale, avec la création du CNM »

Le directeur général de l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI) et de la Société civile des producteurs de phonogrammes
en France (SPPF), Jérôme Roger, explique ce que la filière musicale – confrontée
au numérique – attend du nouveau gouvernement.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Le Centre national de la musique (CNM) est remis en cause par le nouveau gouvernement. Cela vous inquiète-t-il ?
Jérôme Roger :
Dans ses 60 propositions pour la France, François Hollande avait défendu l’idée de la création d’un CNM. Les législatives ont retardé ce dossier. Pourtant, il y a urgence car le tissu des PME et des TPE de la production musicale – devenues structurellement déficitaires, en particulier concernant les nouveaux talents – se trouve dans une situation très fragile. Or, les aides d’Etat et les subventions représentent à peine 2 % à 3 % de l’ensemble des revenus des producteurs de musique. C’est pourquoi, nous venons d’envoyer une lettre au président de la République, au Premier ministre et à la ministre de la Culture et de la Communication pour les alerter sur les difficultés de notre secteur. La question du financement du CNM doit être réglée dans le cadre de la loi de Finances 2013, ce qui nécessite des arbitrages avant fin juillet.