Cinéma et VOD : la nouvelle chronologie des médias fait l’impasse sur le day-and-date et le e-cinéma

Déjà, en juillet 2009, la chronologie des médias faisait comme si Internet et le piratage en ligne n’existaient pas. Il en va encore aujourd’hui, dix ans après, depuis le nouvel accord très conservateur signé en décembre 2018 au détriment de la VOD et de la SVOD. Pire : le cinéma français ignore la simultanéité salles-VOD (day-and-date) mais aussi sur la sortie directement en VOD (e-cinéma).

La nouvelle chronologie des médias du cinéma français fait l’impasse sur deux modes de diffusion encore tabous en France, malgré leur intérêt potentiel pour les producteurs de films qui le souhaiteraient. Pour le day-and-date (ou D&D), à savoir la sortie simultanée des nouveaux films en salles et en VOD, il n’en est plus question en France depuis les tentatives du producteur et distributeur Wild Bunch avec l’ARP en 2014 à travers les projets Tide et Spide, avec l’aide du programme Media (Creative Europe) de la Commission européenne. Car la puissante Fédération nationale des cinémas français (FNCF), qui réunit la plupart des exploitants de salles obscures sous la présidence inflexible de Richard Patry (photo), fait partie de ceux qui bloquent toute idée de simultanéité salles-VOD en France.
Or pour qu’il y ait des expérimentations D&D, cela supposerait un accord interprofessionnel plus qu’improbable – déjà que la filière du 7e Art français a déjà eu du mal à accoucher d’une nouvelle chronologie des médias. Pour autant, la Commission européenne continue de soutenir les initiatives de D&D malgré « des difficultés juridiques et des résistances » – comme l’avait confirmé à Edition Multimédi@ le cabinet de la commissaire européenne à l’Economie et à la Société numériques, Mariya Gabriel.

Fenêtres de diffusion des nouveaux films incitant au piratage
Netflix réclame en vain le droit de sortir ses films et séries à la fois en salles et en SVOD, lorsqu’il n’est pas tenté de court-circuiter les salles obscures – en faisant du e-cinéma – au risque d’être exclu de la sélection du Festival de Cannes. Le e-cinéma reste justement encore la voie quasi inexplorée du ecinéma, qui consiste à sortir un film directement en VOD payante sans passer par la salle. En 2015, Wild Bunch et TF1 avait diffusé directement en ligne les films « Les enquêtes du département V : Miséricorde » et « Son of a Gun ». Mais, selon une étude de Médiamétrie à l’époque, le e-cinéma était peu connu des internautes (23 % seulement en avaient entendu parler).
Ce déficit de notoriété perdure encore aujourd’hui, et la confusion règne toujours entre e-cinéma (sans salle auparavant) et la VOD (précédée de la salle). Wild Bunch a refait un pied de nez à la chronologie des médias l’année suivante, en sortant uniquement en VOD son film « 99 Homes » – Grand Prix du dernier Festival du film américain de Deauville. Si l’ARP a levé le pied sur la simultanéité salles-VOD, elle milite désormais auprès du CNC pour pour permettre aux films agréés ne réussissant pas à rencontrer leur public en salle d’avoir une seconde chance en sortant tout de suite en e-cinéma. Or, Continuer la lecture

Cinéma et VOD : la nouvelle chronologie des médias ne fait pas l’unanimité et s’avère déjà obsolète

La nouvelle chronologie des médias, entrée en vigueur le 21 décembre 2018,
n’a pas été signée par le Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande (SEVAD)
ni par le Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN). De plus, elle ignore les nouveaux usages numériques de la génération « Millennials ».

L’accord sur la chronologie des médias, entré en vigueur le 21 décembre 2018, n’a pas été signé
par les deux principaux syndicats de la VOD et de l’édition de DVD/ Blu-ray. Présidés respectivement par Marc Tessier (photo de gauche), administrateur de Videofutur, et par Dominique Masseran (photo de droite), directeur général de Fox Pathé Europa, le Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande (SEVAD) et le Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN) n’ont pas voulu cautionner une chronologie des médias déjà obsolète et favorisant le piratage.

VOD et SVOD, grandes perdantes
« La majorité des membres du SEVN est déçue par le traitement réservé à la vidéo physique et digitale, explique Dominique Masseran à Edition Multimédi@. La fenêtre vidéo est non seulement largement réduite mais elle est aussi la seule à ne pas s’avancer, ou sous des conditions de dérogation sans intérêt pour notre secteur.
Pour le SEVN, ce texte tourne le dos aux nouveaux usages et attentes du public
ainsi qu’à la lutte contre la piraterie en empêchant l’accès légal aux films lorsque l’exploitation salle est terminée ».
Dès la première réunion de signatures du 6 septembre 2018, portant sur la dernière mouture de la nouvelle chronologie des médias (1), accord qui fut entériné le 21 décembre (2), les deux syndicats avaient fait connaître leur décision de ne pas signer cet accord. « Les secteurs de la vidéo et de la VOD sont les plus exposés aux nouvelles formes de piratage, comme à la concurrence de nouveaux acteurs. Le projet d’accord n’en tient pas compte et les empêche de s’adapter pour répondre aux attentes de leur public. Au contraire, ils seraient les seuls dont la fenêtre d’exploitation serait réduite, et le délai d’ouverture resterait inchangé, à quelques exceptions près, privant ainsi la production française de ressources nouvelles sur les nouveaux supports numériques », avaient déclaré ensemble le SEVAD et le SEVN. Les deux organisations, dont ne sont pas membres ni Netflix ni Amazon Prime Video, « ne peuvent pas souscrire à une réduction de leur place dans l’économie du cinéma,
à rebours des évolutions observées dans tous les autres territoires et sur tous les nouveaux modes de diffusion ». Le SEVAD représente notamment TF1, M6, France Télévisions, Videofutur, FilmoTV ou encore UniversCiné. Le SEVN compte parmi ses membres Disney, Universal Pictures Video, Warner Home Video, Sony Picture Home Entertainment, SND (M6), TF1 Vidéo, Paramount Home Entertainment, Gaumont Vidéo, Fox Pathé Europa, ou encore Pathé Distribution. L’accord du 6 septembre 2018, entériné et entré en vigueur le 21 décembre, laisse la vidéo à la demande vendue à l’acte (en vente ou en location) dans un quasi statu quo par rapport à la précédente chronologie des médias signée il y a près de dix ans (juillet 2009). La VOD reste ainsi reléguée à quatre mois après la sortie des films dans les salles de cinéma, lesquelles gardent leur monopole sur ces quatre mois. Seule la dérogation à trois mois est étendue aux films totalisant 100.000 entrées au plus « à l’issue » de leur quatrième semaine d’exploitation en salle de cinéma.
Mais face à cette très timide avancée, la fenêtre d’exclusivité de la VOD est réduite avec l’avancement de la fenêtre de diffusion de la télévision payante telle que Canal+
et OCS qui, elle, est avancée à huit mois après la sortie du film en salle, contre dix ou douze mois dans l’accord de juillet 2009, voire à six mois pour les films ayant bénéficié de la dérogation « VOD/DVD » à trois mois (c’est-à-dire ceux ayant réalisé 100.000 entrées au plus à l’issue de leur quatrième semaine d’exploitation en salle). Bref, la VOD est pénalisée au profit des salles de cinéma, d’un côté, et des chaînes payantes du cinéma, de l’autre. Autrement dit : les intérêts commerciaux des salles de cinéma défendues par leur Fédération nationale des cinémas français (FNCF), d’une part, et ceux de la chaîne cryptée Canal+ du groupe Vivendi/Bolloré, d’autre part, sont avantagés au détriment de la VOD. De plus, les chaînes payantes du cinéma se retrouvent aussi mieux loties que les plateformes de SVOD de type Netflix et Amazon Prime Video. Certes ces dernières avancent bien dans la chronologie des médias – de trente-six mois dans l’accord de juillet 2009 à dix-sept mois après la sortie du film en salle dans l’accord de décembre 2018.

Des fenêtres incitant au piratage
Mais cette fenêtre à dix-sept mois de la SVOD (voire quinze mois s’il y a un accord d’investissement avec le cinéma) reste largement moins avantageuse que la fenêtre de la télévision payante à huit (voire six mois), alors que ces deux services sont plus que jamais en concurrence frontale lorsqu’ils investissent tous les deux dans le cinéma. Ce deux poids-deux mesures égratigne la neutralité technologique (3). « Il semblait logique que dès la première fenêtre payante, il n’y ait plus de distinction entre un service linéaire et non linéaire, à même niveau de vertu [dans le financement des films, ndlr] », n’avaient pas manqué de relever la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et la société des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs (l’ARP). La nouvelle chronologie a minima signée après des années de tergiversations préserve un écosystème à bout de souffle – où la fréquentation en salle baisse pour la deuxième année (4) – et un financement du cinéma français d’un autre âge. Déjà en juillet 2009, l’accord faisait comme si Internet et le piratage en ligne n’existaient pas.

Quid du day-and-date et du e-cinéma ?
Encore aujourd’hui, en décembre 2018, l’accord ne prend pas suffisamment en compte l’usage de la VOD et de la SVOD. En les reléguant respectivement à quatre et à dixsept mois après la sortie des nouveaux films en salle, la chronologie des médias va continuer à générer de la frustration chez les internautes et les mobinautes. Condamner les « Millennials » à ne pas pouvoir regarder rapidement sur leur smartphone, leur ordinateur ou leur tablette le dernier film dont tout le monde parle, c’est pousser certains d’entre eux à aller le chercher tout de suite sur des sites de piratage.
En outre, cet accord fait l’impasse non seulement sur la simultanéité salles-VOD (day-and-date) mais aussi sur la sortie directement en VOD (e-cinéma), deux modes de diffusion encore tabous en France malgré leur intérêt potentiel pour les producteurs de films qui le souhaiteraient. Pour le day-and-date (ou D&D), à savoir la sortie simultanée des nouveaux films en salles et en VOD, il n’en est plus question en France depuis les tentatives du producteur et distributeur Wild Bunch avec l’ARP en 2014 à travers les projets Tide et Spide, avec l’aide du programme Media (Creative Europe) de la Commission européenne. Mais la puissante FNCF, qui réunit la plupart des exploitants de salles obscures, bloque toute idée de simultanéité salles- VOD en France (5).
Et pour qu’il y ait des expérimentations D&D, cela supposerait un accord interprofessionnel plus qu’improbable – déjà que la filière du 7e Art français a déjà eu du mal à accoucher d’une nouvelle chronologie des médias très conservatrice. Pour autant, la Commission européenne continue de soutenir les initiatives de D&D malgré
« des difficultés juridiques et des résistances » – comme l’avait confirmé à Edition Multimédi@ le cabinet de la commissaire européenne à l’Economie et à la Société numériques, Mariya Gabriel (6), dans le cadre de son action « Promotion des oeuvres européennes en ligne » (7). Les premières expérimentations en Europe avaient d’ailleurs fait l’objet d’un bilan encourageant mais insuffisant, dressé en 2015 par le chercheur Thomas Paris (8). Depuis, il n’y a que Netflix pour réclamer en vain le droit de sortir ses films et séries à la fois en salles et en SVOD, lorsqu’il n’est pas tenté de court-circuiter les salles obscures (en faisant du e-cinéma) au risque d’être exclu de la sélection du Festival de Cannes (9). Présidé par Pierre Lescure, Le Festival de Cannes a décidé de ne sélectionner pour la Palme d’or que des films sortant en salles. Le numéro un mondial de la VOD par abonnement n’a pas franchi le Rubicon sur l’Hexagone avec son tout dernier long métrage « Roma » : récompensé au Lion d’Or du Festival de Venise, il est sorti dans des salles de cinéma dans le monde, mais pas en France, ainsi que sur sa plateforme de SVOD depuis le 14 décembre dernier. Reste à savoir si Festival de Venise s’alignera en 2019 sur la position controversée du Festival de Cannes, alors que l’Italie prépare un décret « anti- Netflix » obligeant un film de sortir d’abord par la salle avant d’être proposé en ligne au bout de 105 jours (60 jours pour les films peu distribués et attirant peu de spectateurs). Ces contraintes chronologiques ne changent presque rien pour Netflix, qui continuera à diffuser sans délai et en exclusivité ses propres productions auprès de ses abonnés. « Les films doivent être montrés sur grand écran, en particulier “The Irishman” [du réalisateur américain Martin Scorsese, ndlr]. Mais la contradiction, c’est que l’argent que nous avons eu la chance de trouver vient d’un réseau [Netflix] », a fait remarquer l’acteur Robert de Niro lors du Festival de Marrakech début décembre.
En France, il reste encore la voie quasi inexplorée du ecinéma, qui consiste à sortir un film directement en VOD payante sans passer par la salle. En 2015, Wild Bunch et TF1 avait diffusé directement en ligne les films « Les enquêtes du département V : Miséricorde » et « Son of a Gun ». Mais, selon une étude de Médiamétrie à l’époque, le e-cinéma était peu connu des internautes (23 % seulement en avaient entendu parler). Ce déficit de notoriété perdure encore aujourd’hui, et la confusion règne toujours entre e-cinéma (sans salle auparavant) et la VOD (précédée de la salle). Wild Bunch a refait un pied de nez à la chronologie des médias l’année suivante, en sortant uniquement en VOD son film « 99 Homes » – Grand Prix du dernier Festival du film américain de Deauville (10).

L’ARP milite pour le e-cinéma
Si l’ARP a levé le pied sur le D&D, elle milite désormais auprès du CNC pour permettre aux films agréés ne réussissant pas à rencontrer leur public en salle d’avoir une seconde chance en sortant tout de suite en e-cinéma. Or, pour ne pas être en
« infraction » avec la chronologie des médias, ce film devrait néanmoins effectuer une
« sortie technique » d’un ou plusieurs jours en salles avant d’être proposé aussitôt en VOD – sans devoir attendre la fin des quatre mois d’exclusivité de la salle justement. Des réunions ont eu lieu à ce sujet au CNC. @

Charles de Laubier

Orange Studio critique la chronologie des médias

En fait. Le 14 novembre, David Kessler, DG d’Orange Studio et ancien conseiller
« culture et média » de François Hollande à l’Elysée, a critiqué « le facteur bloquant » qu’est la chronologie des médias au détriment de la VOD et de la SVOD. A Edition Multimédi@, il indique son intérêt pour le e-cinéma.

En clair. C’est en marge d’un dîner du Club audiovisuel de Paris (CAVP), dont il était l’invité d’honneur le 14 novembre, que le directeur général d’Orange Studio a indiqué à EM@ son intérêt pour le e-cinéma – qui consiste à diffuser un film directement en VOD sans passer par la salle de cinéma. « Après un premier film diffusé en e-cinéma [“Equals”, financé par Orange Studio et proposé en octobre directement sur toutes les plateformes de VOD, ndlr], nous allons le refaire. Car nous sommes condamnés à le faire pour des films dont nous savons qu’ils ne trouveront pas leur public en salle de cinéma », nous a expliqué David Kessler. « Equals », film de science-fiction, est en
effet proposé depuis le 20 octobre sur la VOD d’Orange, CanalPlay, SFR Vidéo, UniversCiné, MyTF1 VOD, ainsi que sur Google Play et iTunes d’Apple.
Orange n’est pas le premier à pratiquer en France le e-cinéma : le distributeur-producteur Wild Bunch – qui, selon nos informations, est à vendre – en a donné l’impulsion avec le film «Welcome to New York » en mai 2014 et « 99 Homes » en mars 2016 (1). En revanche, pas question de faire de la simultanéité salles-VOD sur le modèle du Day and Date (D&D) américain.

C’est interdit en France. Lors de son intervention devant le CAVP, David Kessler s’est en outre fait très critique sur la réglementation du cinéma. « Il y a un facteur bloquant en France, c’est la chronologie des médias. Aujourd’hui, nous avons une SVOD à 36 mois. Dans le contexte international, c’est un handicap majeur. Là, on a un vrai problème. Canal+ n’est pas le seul acteur à compliquer les choses et à être réticent.
Il y a toujours un acteur qui s’oppose majoritairement à la réduction : les exploitants
(de salles de cinéma) ne veulent surtout pas entend parler de réduction du délai de 4 mois pour la VOD », a-t-il déploré. Et le patron d’Orange Studio, qui est aussi conseiller de la direction générale de l’opérateur télécoms historique sur la stratégie médias et contenus, d’insister : « Tant que l’on aura la SVOD à 36 mois, ce sera compliqué d’avoir un service de SVOD dans notre pays. Et, en tant que vendeur de droits internationaux, je vois qu’une des difficultés pour les films français d’être vendus à Netflix réside dans la chronologie des médias. Netflix s’intéresse aux films frais ». Dans ces conditions, difficile de voir émerger en France un concurrent de Netflix. A moins que Vincent Bolloré (Vivendi) ne relance un jour son projet de « Netflix européen ». @

Wild Bunch refait son e-cinéma (exit les salles) : nouveau pied de nez à la chronologie des médias

La société de distribution et productrice de films Wild Bunch a sorti le 18 mars uniquement en VOD son nouveau film « 99 Homes » – Grand Prix du dernier Festival du film américain de Deauville. Il ne sera donc pas projeté dans les
salles obscures, n’en déplaise à la sacro-sainte chronologie des médias.

Ce n’est pas la première fois que Vincent Maraval (photo), cofondateur de la société française Wild Bunch, défie la
sacro-sainte chronologie des médias en France. En proposant uniquement en VOD et non pas en salles de cinéma le nouveau film « 99 Homes », dont il est le distributeur, il réitère une pratique « e-cinéma » qu’il a été le premier à adopter dans l’Hexagone en mai 2014 avec le film «Welcome to New York » (1), que Wild Bunch avait alors produit. Ce premier pied de nez
à la chronologie des médias, avait même été fait durant la grand-messe du Festival de Cannes, le film étant alors « hors compétition ».

Des films, « chair à canon » pour les salles
Cette fois, avec « 99 Homes », Wild Bunch entend banaliser la pratique du e-cinéma qui est à ne pas confondre avec la simultanéité salles-VOD – toujours interdite en France (voir encadré ci-dessous). Le e-cinéma, lui, fait l’impasse sur la salle et échappe ainsi à la réglementation stricte de la chronologie des médias. Le film est ainsi disponible sur la majorité des services de VOD (à l’acte) et SVOD (par abonnement). Bien sûr, il est également disponible sur Filmo TV, la propre plateforme vidéo de Wild Bunch. « 99 Homes » est proposé en e-cinéma pour 6,99 euros ou moitié moins cher pour les abonnés. Ce prix peut paraître cher pour certains. « Si vous regardez le film tout seul, oui. Mais si vous le regardez à quatre, c’est moins cher ! », leur répond Vincent Maraval (2). Pour la première fois en France, un grand média – France Inter
en l’occurrence – est partenaire d’un film en e-cinéma. C’est justement sur cette radio publique que, le 21 mars, Vincent Maraval a justifié ce boycott des salles. « Dans l’économie actuelle de la distribution indépendante de cinéma, ce film n’avait pas vraiment ses chances en salles. Aujourd’hui, il y a une espèce de zone de films indépendants qui sont destinés à faire entre zéro et 400.000 entrées et qui n’ont plus d’économie en salles – de par les frais de sortie, la chronologie des médias, ou encore les contraintes techniques. L’ayant droit n’a plus la libre jouissance de ses droits. Et la vie moyenne d’un film en salle est de dix jours ! », a-t-il expliqué, tout en critiquant sévèrement le fonctionnement des salles. « Il faut un taux de rotation dans ces salles : ces films sont de la chair à canon [CQFD] pour vendre des bonbons dans les salles…
Il faut attirer des spectateurs tout le temps avec des nouveaux films, dont la vie économique est accessoire. Ce qui compte, c’est le taux de remplissage moyen de la salle ! Le Web permet au contraire aux films de durer ». De quoi faire grincer les dents du réalisateur et producteur Claude Lelouche qui avait déclaré quelques jours auparavant qu’il fallait « tout mettre en oeuvre pour combattre ces saloperies d’écrans en tout genre [sic] pour que le public continue d’aller en salles ». Ce à quoi Vincent Maraval a répondu sur France Inter que Claude Lelouche « a son âge… » (78 ans), alors que la consommation de films pour la nouvelle génération se fait sur tous types
de terminaux. « On ne peut pas nier l’évolution de la société. C’est bien le problème de notre législation, qui est la même sur ses principes qu’avant l’existence d’Internet – je ne dis pas sur la durée des fenêtres de la chronologie des médias », a-t-il poursuivi. Et d’ajouter : « On a été élevé dans cette espèce de sacralisation de la salle. Aujourd’hui, vous avez des équipement télé à la maison qui sont d’excellente qualité (3). Et le prix de la salle est plus liée à l’exclusivité qu’aux conditions dans lesquelles on voit le film ». @

Charles de Laubier

ZOOM

Simultanéité salles-VOD : « Le rêve absolu » pour Vincent Maraval
« Le rêve absolu serait de pouvoir sortir en même temps en salles et sur Internet – car nous ne sommes pas contre la salle au contraire. On est contraint par la loi de choisir, mais on aimerait ne pas choisir. Nous demandons juste que les ayants droit récupèrent l’usage de leurs droits », a plaidé Vincent Maraval, cofondateur de Wild Bunch sur France Inter le 21 mars. Il souhaite pouvoir adapter la carrière d’un film en fonction de son potentiel, en le sortant en salles dans les grandes villes et en même temps sur Internet.
« C’est ce qui a sauvé le cinéma d’art et d’essai aux Etats-Unis où 80 % du cinéma indépendant sort en VOD day and date, c’est-à-dire en salles et en vidéo », ajoute-t-il. Outre-Atlantique, la chronologie des médias existe non pas légalement mais de fait de par la négociation. « C’est un rapport de force sur lequel on va avoir une négociation. Mais au moins nous aurons le contrôle de la vie du film que nous finançons. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Et il n’y a qu’en France que cela existe… », constate encore Vincent Maraval. @