La « taxe GAFA » imposée par plusieurs pays, dont la France, pourrait coûter très cher aux annonceurs

Google va répercuter à partir du 1er mai en France des « coûts d’exploitation » de 2% pour compenser la taxe GAFA. En Espagne aussi. D’autres pays y ont déjà droit, jusqu’à 5%de hausse : Le Royaume-Uni, l’Autriche et la Turquie. L’OCDE espère un accord international d’ici mi-2021.

Google Ads commencera à facturer de nouveaux frais supplémentaires pour les annonces diffusées dans certains pays. « A compter du 1er mai 2021, des coûts d’exploitation liés à la réglementation de 2% seront ajoutés à votre facture ou relevé pour les annonces diffusées en France. Les coûts d’exploitation liés à la réglementation sont ajoutés pour couvrir une partie des coûts associés au respect de la réglementation concernant la taxe sur les services numériques en France », a prévenu Google début mars sur le support en ligne de Google Ads (1).

Un « protectionnisme-mendiant » (Google)
Et Google de préciser : « Les frais supplémentaires seront ajoutés à vos frais Google Ads à la fin de chaque mois, et le montant correspondant sera prélevé à la date de facturation suivante ». Cette répercussion de la « taxe GAFA » sur les acteurs de la publicité est aussi mise en place en Espagne, à la même date et avec le même taux d’augmentation tarifaire. Au Royaume-Uni, même punition : depuis le 1er novembre 2020, une taxe de 2 % sur les services numériques est facturée pour les annonces diffusées dans ce pays.
En Autriche, la facture est encore plus salée puisque, depuis le 1er novembre 2020, il s’agit d’une taxe de 5 % sur les services numériques ajoutée aux factures ou relevés pour les annonces diffusées en Autriche. La Turquie y a même droit : depuis le 1er novembre 2020, 5% sont ajoutés. « Ces frais supplémentaires découlent de la nouvelle taxe sur les services numériques dans ce pays », justifie à chaque fois Google. La TVA sera facturée en plus de ces nouveaux frais supplémentaires.
Pour l’Union des marques (ex-Union des annonceurs), dirigée par Jean-Luc Chetrit, qui regroupe en France 142 membres (2), la décision de Google est regrettable. L’organisation professionnelle des annonceurs a aussitôt organisé le 17 mars dernier « une session de “questions/réponses” avec les représentants de Google ». Et ce, « compte-tenu de l’importance de cette décision et de ses conséquences potentielles pour la communication des marques ». En France, la « taxe GAFA » a été instaurée pour la première fois en Europe par une loi promulguée en juillet 2019. Cette « taxe sur les services numériques » (3) vise les géants du Net dont le chiffre d’affaires mondial dépasse les 750 millions d’euros, le prélèvement est de 3% du chiffre d’affaires réalisé dans l’Hexagone s’il dépasse les 25 millions d’euros « au titre des services fournis en France ». Sur l’année 2019, cette taxe GAFA chère au ministre français de l’Economie et des finances, a rapporté 400 millions d’euros environ et sans doute davantage sur 2020 malgré les menaces de représailles de l’ancienne administration Trump (4).
Emboîtant le pas de son voisin, l’Espagne a adopté en octobre 2020 une même taxe de 3 %. Google plaide pour une « taxe internationale » qui soit négociée au niveau de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Karan Bhatia (photo), vice-président en charge des affaires gouvernementales et publiques de Google, avait encore plaidé dans ce sens le 25 février dernier sur un blog officiel du géant du Net : « Certains des pays qui imposent ces taxes ciblées affirment qu’elles contribuent à donner un élan à une réforme fiscale internationale plus vaste. Mais ces taxes sur les services numériques compliquent les efforts pour parvenir à un accord équilibré qui fonctionne pour tous les pays – elles ne font que revendiquer des revenus qui seraient autrement imposés aux Etats-Unis. Nous encourageons ces gouvernements à réduire ce qui est essentiellement des tarifs ou, au minimum, les suspendre pendant que les négociations se poursuivent », avait-t-il tenté de raisonner les pays instaurant une taxe GAFA (5). En vain.
Et Karan Bhatia d’enfoncer le clou : « Laissée sur la trajectoire actuelle, la discorde fiscale pourrait rapidement donner lieu à un protectionnisme “mendiant-ton-voisin” [beggar-thy-neighbor] qui affaiblirait la coopération sur de nombreuses questions ».

Les Etats-Unis renoncent au « safe harbour »
Autant l’administration Trump avait mis des battons dans les roues de l’OCDE dans le processus de réforme de la fiscalité des entreprises multinationales, provoquant à l’automne dernier l’échec des négociations, autant l’administration Biden semble disposée à trouver un accord d’ici le prochain « G20 Finance » réunissant du 9 et 10 juillet prochains les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales. La nouvelle secrétaire au Trésor américain, Janet Yellen, a assuré le 26 février dernier, lors d’un G20 Finance en visioconférence, que les Etats-Unis étaient prêts à négocier des droits d’imposition entre pays de production et pays de consommation (premier pilier) et un taux minimum au niveau mondial (deuxième pilier). Elle a annoncé que Washington renonçait au principe de « safe harbour » qui, s’il avait été maintenu, aurait permis aux géants du numérique d’accepter ou pas le nouveau régime fiscal. Ce verrou est levé.

Janet Yellen d’accord avec Bruno Le Maire
Les représailles envisagées par l’administration Trump à l’encontre de produits français, en leur appliquant des droits de douane supplémentaires, avaient été suspendues juste avant la fin du mandat de Donald Trump. Avant même sa prise de fonction en janvier, Janet Yellen avait admis que « [cette taxe] permettrait de percevoir une juste part des entreprises, tout en maintenant la compétitivité de nos entreprises et en diminuant les incitations (…) aux activités offshore». Le ministre français de l’Economie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire, s’est félicité de « l’engagement de la secrétaire d’Etat [au Trésor américain, Janet Yellen] en faveur d’une participation active des équipes américaines aux discussions sur la fiscalité au sein de l’OCDE, en vue d’un accord international d’ici la fin du semestre ». L’optimisme est de retour.
Ironie du calendrier : un premier Etat américain, le Maryland, a adopté le 12 février dernier une taxe sur la publicité en ligne où dominent Google et Facebook. Ce qui devrait lui rapporter 250 millions de dollars par an. Mais des voix se sont élevées aux Etats-Unis pour pointer le risque que cette taxe numérique soit répercutée sur les petites et moyennes entreprises faisant de la publicité sur Internet. Une action en justice a même été lancée conjointement par la chambre de commerce américaine (US Chamber of Commerce), l’organisation professionnelle NetChoice, ainsi que la Computer & Communications Industry Association (CCIA) et l’Internet Association (IA) (6).
Les négociations fiscales au sein de l’OCDE – auxquelles participent 137 pays dans le cadre de l’initiative BEPS (voir encadré ci-contre) visant à mettre un terme aux pratiques d’évasion fiscale des entreprises (7) – portent sur tous les secteurs d’activité, mais tous les regards se tournent vers les GAFAM. « Le numérique est la priorité des priorités, c’est pourquoi tous nos efforts porteront sur le fait de s’assurer que nous trouvions un accord sur le pilier un et deux. Notre but est d’avoir un projet d’accord global à la toute fin de juin, voire la première semaine de juillet, et que cet accord soit ensuite validé par le G20 », a déclaré début mars Pascal de Saint-Amans, directeur du centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE. Si les grands argentiers des vingt nations les plus riches du monde réussissaient à se mettre d’accord d’ici fin juin 2021 (alors que le G7, lui, se sera réuni du 11 au 13 juin), cela serait l’aboutissement de discussions engagées à partir de 2015. Ce serait aussi une victoire pour la France qui a été aux avant-postes de cette taxe GAFA. Mais si les négociations de l’OCDE échouaient, il n’est pas exclu que l’Union européenne (UE) mettre en place sa propre taxe GAFA. La Commission européenne prépare le terrain : elle mène une consultation publique jusqu’au 12 avril prochain sur la taxation numérique. « L’UE a besoin d’un cadre réglementaire et fiscal moderne et stable pour répondre de manière appropriée aux évolutions et aux défis de l’économie numérique. Le Conseil européen a chargé la Commission (européenne) de présenter des propositions relatives à des ressources propres supplémentaires. La taxe numérique est l’une d’entre elles » explique-t-on à Bruxelles (8).
Cette consultation publique alimentera les travaux en cours sur la proposition de taxe numérique attendue pour «mi- 2021 ». Selon la Commission européenne, « la nouvelle initiative contribuera à résoudre la question de la fiscalité équitable liée à la numérisation de l’économie et, dans le même temps, vise à ne pas interférer avec les travaux en cours au niveau du G20 et de l’OCDE sur une réforme du cadre international de l’impôt sur les sociétés ». Le risque de télescopage est grand.

Digital Services Tax (DST) en vue en Europe
Malgré le projet de Digital Services Tax (DST) à l’échelle de l’UE, plusieurs pays européens – France, Autriche, Italie, République tchèque, Espagne et, avant le Brexit, le Royaume-Uni – ont instauré des taxes unilatérales, lesquelles ont provoqué un patchwork européen et des tensions commerciales avec les Etats-Unis sous l’administration Trump. En 2019, le représentant au Commerce des Etats-Unis (USTR) avait dénoncé une « fiscalité discriminatoire » à l’égard des entreprises américaines. Le gouvernement français avait suspendu un temps la perception de sa « taxe GAFA » avant de reprendre son recouvrement. @

Charles de Laubier

ZOOM

BEPS, quésaco ?
Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) ou base d’imposition et le transfert de bénéfices. Il s’agit d’un programme de l’OCDE visant à mettre fin aux pratiques d’évasion fiscale des entreprises, dans tous les secteurs d’activité, y compris dans l’économie numérique. Les pouvoirs publics perdent de précieuses recettes, qui, selon des estimations livrées par l’OCDE, sont comprises entre 100 et 240 milliards de dollars par an, soit 4 % à 10 % du total des recettes de l’impôt sur les sociétés au niveau mondial. Cela ne peut plus durer. @

Le chinois Huawei face à l’hypocrisie « sécurité nationale » des Américains et des Européens

Alors que 2021 marque les dix ans de l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Huawei Technologies est plus que jamais décidé à contester les décisions prises, au nom d’une soi-disant « sécurité nationale », à son encontre aux Etats-Unis et en Europe principalement.

La Chine est membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis le 11 décembre 2001. Cela va faire dix ans cette année (1). Mais son fleuron technologique Huawei ira-t-il jusqu’à porter plainte contre les pays qui l’évincent de leur marché ? Sachant que les énormes avantages présumés dont bénéficie la firme de Shenzhen dans l’Empire du Milieu (fonciers, aides d’Etat à la R&D, crédit à l’exportation, prêts bancaires, …) pourraient aussi être contestés par ces mêmes pays.

Décisions de la FCC, « inconstitutionnelles » ?
Pour l’heure, le géant chinois des télécoms – troisième fabricant mondial de smartphones et numéro un mondial des réseaux 5G – est devant la justice américaine pour démontrer le caractère « inconstitutionnel » de la décision prise à son encontre fin 2020 par l’administration Trump qui l’a mis sur liste noire au nom de la « sécurité nationale ». La firme fondée par Ren Zhengfei (photo), il y a près de 35 ans (2), a plaidé dans ce sens le 8 février dernier devant une cour d’appel de la Nouvelle-Orléans, tout en dénonçant une mesure prise sans « preuves substantielles » par la Federal Communications Commission (FCC) le 10 décembre (3) et « préjudiciable à l’industrie américaine ». Surtout, cette décision n’a pas laissé le temps à l’entreprise chinoise sanctionnée de se défendre avant.
La procédure de Huawei en appel est enregistrée sous le numéro 21-60089 et la déposition d’une quinzaine de pages (4) est datée du 8 février. C’est la seconde fois que Huawei conteste devant ce même tribunal une décision de la FCC. Une précédente décision de la FCC, datée celle-ci du 22 novembre 2019, interdit aux entreprises américaines d’utiliser les subventions des contribuables pour financer les achats de la technologie 5G de Huawei. La firme de Shenzhen conteste depuis lors les allégations selon lesquelles elle entretient des liens avec le gouvernement chinois qui pourraient compromettre la sécurité des réseaux américains. Huawei dément aussi les affirmations d’experts qui l’accusent d’avoir mis en place des « backdoors » (portes dérobées) et autres « loopholes » (failles) susceptibles de permettre aux autorités chinoises de procéder à des écoutes illégales ou d’organiser des fuites de données personnelles. Ren Zhengfei s’inscrit en faux contre tout cela. Cette procédure est toujours en cours. Dans un e-mail adressé à l’agence Bloomberg, la FCC a déclaré qu’elle continuera à défendre sa décision de 2019 en se fondant sur « un ensemble substantiel de preuves » recueillies « par [ellemême] et par de nombreux organismes de sécurité nationale des Etats-Unis ». Le 9 février, soit le lendemain de la nouvelle déposition de « Huawei Technologies USA, Inc./Huawei Technologies Co., Ltd. » à la Nouvelle-Orléans, le fondateur Ren Zhengfei (76 ans) a assuré de Chine que « la capacité de survie de [son groupe] s’est accrue » malgré les attaques répétées de Washington, tout en espérant « une politique d’ouverture » de l’administration Biden. PDG de Huawei Technologies, ce Chinois détient seulement « un peu plus de 1 % des actions de Huawei Investment », le reste du capital appartenant à l’« Union of Huawei Investment & Holding Co., Ltd. » qui administre un plan d’actionnariat salarié dans lequel environ 104.500 sur les 194.000 employés du géant des télécoms y participent. Mais les sanctions américaines contre le fleuron chinois, sur fond de tensions commerciales entre Washington et Pékin, ont en fin d’année 2020 pesé sur les ventes de smartphones (chute à deux chiffres de ses ventes sur un an au quatrième trimestre 2020, d’après le cabinet d’études Canalys), bien que Huawei se soit tout de même maintenu en troisième position mondiale – derrière Samsung et Apple (5). Et ce, après avoir pu en 2018 et en 2019 détrôner la marque à la pomme de la seconde place (6).
Mais en raison des restrictions imposées par Donald Trump, Ren Zhengfei a été contraint de céder en novembre dernier sa marque de smartphones d’entrée de gamme, Honor, dont les ventes étaient jusqu’alors comptabilisées dans les performances de Huawei. Sur l’année 2020, il s’est vendu dans le monde 188,5 millions de smartphones Huawei (7), ce qui a correspondu à une baisse de 22 % sur un an (8).

En France, toujours le « en même temps »
Pendant ce temps-là, au pays du « en même temps » où le président de la République assure qu’il n’y a pas discrimination envers les industriels chinois comme Huawei (9), le Conseil constitutionnel a validé le 5 février la loi « anti- Huawei » en France, pourtant contestée par SFR et Bouygues Telecom (10). Les sages du Palais-Royal ont repris le même refrain que l’ex-administration Trump : « risques d’espionnage, de piratage et de sabotage » et « préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale ». Huawei prévoit quand même d’installer dans l’Est de la France une usine… @

Charles de Laubier

Les GAFA abusent de leur position dominante : le verdict américain aboutira-t-il au démantèlement ?

Auditionnés par le Congrès américain le 29 juillet, les quatre patrons des GAFA – Sundar Pichai (Google), Jeff Bezos (Amazon), Mark Zuckerberg (Facebook) et Tim Cook (Apple) – auront les conclusions « antitrust » d’ici fin septembre. Si leur position dominante est avérée, leur démantèlement reste incertain.

Le groupe spécial antitrust de la Chambre des représentants des Etats-Unis, qui a auditionné le 29 juillet dernier Sundar Pichai (Alphabet/Google), Jeff Bezos (Amazon), Mark Zuckerberg (Facebook) et Tim Cook (Apple) sur des soupçons d’abus de position dominante, a prévu de rendre ses conclusions dans un rapport attendu avant fin septembre. L’objectif est de pouvoir faire sans tarder des propositions législatives dès l’actuelle session parlementaire. C’est du moins ce qu’a expliqué dans une interview accordée à l’agence Bloomberg le 22 août dernier le démocrate David Cicilline (photo), le président de la sous-commission antitrust (1) du Congrès américain chargée d’enquêter sur les GAFA.

Vers la refonte des lois antitrust
Les quatre patrons des GAFA étaient entendus, en visioconférence (covid-19 oblige) organisée de Washington, à la fin de l’enquête menée depuis juin 2019 sur les pratiques concurrentielles des Big Four du Net. Ils devaient initialement être auditionnés le 27 juillet par cette souscommission aux affaires antitrust, qui dépend de la commission judiciaire (House Judiciary Committee) de la Chambre des représentants des Etats-Unis, mais le rendezvous tant attendu avait dû être reporté au 29 juillet – car le 27 juillet tombait le jour des funérailles à Washington de John Lewis, membre du Congrès décédé peu avant. Selon David Cicilline, les conclusions de l’enquête confirment que « Google, Apple, Amazon et Facebook abusent de leur position dominante pour écraser leurs concurrents » et que « le Congrès américain doit agir d’urgence les freiner afin de protéger les consommateurs ».
Le verdict de la sous-commission antitrust sera accompagné de recommandations pour contrecarrer cette puissance des géants numériques, ce qui pourrait conduire à la refonte des lois antitrust américaines. Le rapport d’enquête du Congrès abordera quatre grands domaines : les modifications à apporter aux lois antitrust existantes adoptées il y a plus d’un siècle ; les réformes visant spécifiquement le secteur technologique ; le renforcement de l’accès aux litiges antitrust privés par les plaignants ; le contrôle par les autorités antitrust (chiens de garde ou watchdogs) de la commission fédérale du commerce (FTC) et du département de la Justice (DoJ) disposent de ressources nécessaires pour faire leur travail et soient dotées d’agents d’exécution agressifs. L’enquête, qui s’appuie sur plus de 1 million de documents, démontre dans son rapport que toutes ces Big Tech américaines ont adopté un comportement anticoncurrentiel « troublant ». Le Congrès américain est appelé à agir vite. « Le point commun [entre les GAFA, ndlr] est l’abus de leur pouvoir sur le marché pour maintenir leur domination sur le marché, écraser leurs concurrents, exclure les gens de leur plateforme et gagner des loyers monopolistiques », a fustigé David Cicilline, d’après ses propos rapportés par l’agence Bloomberg. Le représentant démocrate (député de Rhode Island) ne mâche pas ses mots et compte bien trouver des terrains d’entente avec les Républicains pour mettre au pas les GAFA. La commission judiciaire du Congrès américain, instance bipartisane (Démocrates et Républicains), s’interroge ainsi sur « la domination d’un petit nombre de plateformes numériques et sur le caractère adéquat des lois antitrust et de leur application ». Une des pistes avancées est de s’inspirer de la loi américaine dite « Glass-Steagall Act », adoptée en 1933 dans le cadre du « Banking Act », qui séparait les banques de dépôt et les banques d’investissement (séparation des pouvoirs finalement abrogée sous l’administration Clinton en 1999). « Pour les entreprises de technologie, il s’agirait de leur interdire d’exploiter une plateforme et de leur faire concurrence en même temps », a expliqué David Cicilline. Le géant du e-commerce Amazon est cité exemple en tant que place de marché qui fait concurrence aux marchants tiers avec ses propres produits. David Cicilline s’est d’ailleurs dit surpris que le PDG d’Amazon, Jeff Bezos, n’ait pas été en mesure de répondre à la question de savoir si sa société avait utilisé les données de ses concurrents – qui vendent des marchandises sur la marketplace d’Amazon – pour faire profiter de ces informations dans le développement de ses propres produits. « Ils ont en quelque sorte reconnu un ensemble de pratiques commerciales anticoncurrentielles, profondément perturbantes, et soit ils ont éludé complètement la question, soit ils n’avaient pas vraiment d’explication sur leur conduite », a pointé David Cicilline.

Abus de position dominante
Faut-il pour autant envisager le démantèlement (2) des GAFA ? « C’est une grande idée, une idée vraiment intéressante, a déclaré le président du sous-commission antitrust.Ce serait une façon d’essayer de distinguer ce qui constitue une relation plaine de conflits qui, à mon avis, favorise une domination énorme sur le marché et un comportement d’intimidation de la part d’Amazon, par exemple ». Les trois autres GAFA en prennent également pour leur grade. David Cicilline et Jerrold Nadler (Démocrate également) avaient cosigné le 13 septembre 2019 avec deux autres membres (Républicains) quatre lettres adressées à chacun des quatre patrons – Alphabet/Google (3), Amazon (4), Facebook (5) et Apple (6) – pour obtenir des informations sur leurs activités et filiales. Le rapport de l’enquête va dire où il y a abus de position dominante : dans la gestion des magasins d’applications, des places de marché de e-commerce, des données personnelles, de la publicité ciblées ou encore des règles d’utilisation.

La FTC reconnaît ses erreurs
Le Congrès américain, qui garde à l’esprit que Google et Facebook sont un quasi-duopole sur le marché mondial de la publicité en ligne grâce à l’exploitation des données personnelles de leurs milliards d’utilisateurs, n’est pas le seul à analyser les marchés sous domination des Big Four du Net. La FTC (7) et le DoJ (8) mènent de leur côté des investigations, notamment sur les acquisitions passées. Pour autant, David Cicilline est très critique à l’égard du bilan du DoJ et de la FTC en matière d’application de la loi antitrust. Ces deux institutions américaines n’en ont pas fait assez, selon lui, pour limiter le pouvoir des entreprises dominantes. « La FTC, en particulier, n’aurait pas dû approuver l’acquisition de WhatsApp par Facebook », a dit le président de la sous-commission antitrust. Il s’est en outre dit frappé par « la façon décontractée dont le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, a reconnu qu’il avait acquis le service de messagerie WhatsApp en 2014 parce qu’il était un concurrent en pleine croissance ». Le numéro un mondial des réseaux sociaux, créé il y a plus de 15 ans maintenant, avait acquis la messagerie instantanée WhatsApp en pour 19 milliards de dollars !
La même année, il s’était emparé d’Oculus pour 2 milliards de dollars. Deux ans auparavant, en 2012, il avait déjà jeté son dévolu sur le service de partage de photos Instagram pour 1 milliard de dollars. La FTC avait à l’époque donné son feu vert aux acquisitions WhatsApp et Instagram. « Nous avons fait une erreur », avait admis Joseph Simons, l’actuelle président de la FTC, dans une interview à l’agence Bloomberg en le 13 août 2019, tout en indiquant qu’il n’était pas opposé à un démantèlement des géants du numérique (9). Le site web d’information Politico a révélé le 21 août dernier que Mark Zuckerberg, le cofondateur de Facebook, venait d’être interrogé par la FTC qui cherche, en coopération avec le DoJ, à identifier les abus de position dominante, les violations au droit de la concurrence et/ou l’atteinte à la protection des données personnelles. Le syndrome « Cambridge Analytica », scandale qui a valu à Facebook 5 milliards de dollars d’amende infligés en juillet 2019 par la FTC (10), reste présent. Sans attendre que le Congrès ne légifère plus largement sur les GAFA, la commission fédérale du commerce pourrait décider d’interdire à Facebook de renforcer les liens entre ses quatre plateformes (Facebook, WhatsApp, Instagram, Messenger) qui totalisent 3 milliards d’utilisateurs à travers le monde. La firme de « Zuck » est la plus gloutonne des GAFA, mais pas la seule vorace. Google s’est emparé en 2013 de l’application de navigation Waze pour près de 1milliard de dollars. La plateforme de partage vidéo YouTube était tombée dans son escarcelle en 2006 pour 1,65 milliard de dollars, suivie par la régie publicitaire DoubleClick en 2007 pour 3,1 milliards de dollars. De son côté, Amazon a racheté la plateforme de jeux vidéo Twitch en 2014 pour 970 millions de dollars. Si tous les GAFA n’ont pas forcément à être démantelés, certains pourraient l’être par annulation d’autorisation de fusion, comme celle entre Facebook et WhatsApp soupçonnée d’enfreindre les lois antitrust.
La décision aller dans la scission de mastodontes du numérique est éminemment politique, surtout à quelques semaines des élections américaines et au moment où Donald Trump accuse les gérants de la Silicon Valley pro- Démocrates de saper la campagne des Républicains. Pour l’heure, les GAFA pèsent à eux seuls 5.478 milliards de dollars en Bourse (au 10-09-20) : dont 2.006 milliards pour Apple (11), 1.637 milliards pour Amazon (12), 1.056 milliards pour Google (13), et 779 milliards pour Facebook (14). Leur patron respectif – Tim Cook, Jeff Bezos, Sundar Pichai et Mark Zuckerberg – ont bien sûr plaidé implicitement « non coupable » lors de leur audition parlementaire, laquelle avait des airs de tribunal. Comme pour amadouer une administration Trump arc-boutée sur son « America First », ils ont exprimé la fierté américaine de leur entreprise, leurs valeurs de liberté d’expression, de démocratie et d’inclusion, ainsi que leurs efforts d’investissements, d’innovations et de création d’emplois. Accusés d’abus de position dominante, les Big Four se sont inscrits en faux en essayant de démontrer qu’en face d’eux la concurrence est vive. Rien n’est acquis, selon eux. Leurs rivaux s’appellent Twitter, Pinterest, Snapchat, Huawei, TikTok, Alibaba, etc.

Si le Congrès n’agit pas, Trump le fera
Donald Trump compte sur le Congrès pour prendre des mesures contre des GAFA, sinon… « Si le Congrès n’instaure pas l’équité au sein de la Big Tech, ce qu’il aurait dû faire depuis des années, je le ferai moi-même par des décrets. A Washington, cela n’a été depuis des années QUE DES PAROLES mais AUCUNE ACTION et les habitants de notre pays en ont assez ! », a lancé le 45e président des Etats-Unis dans un tweet daté du 29 juillet (15), jour de l’audition. @

Charles de Laubier

La fibre optique pour tous, initialement prévue à fin 2022, pourrait ne pas être réalité fin 2025

La fibre optique pour tous à domicile n’est pas pour demain. Initialement promis sur tout le territoire d’ici fin 2020, le fameux FTTH « à 100 % » aura du mal à tenir son nouvel objectif fixé à fin 2025. La crise sanitaire a freiné les déploiements de prises. De plus, les Français ne se précipitent pas pour s’abonner.

« Nous accélérerons en particulier tous les projets sur les réseaux qui permettent de structurer et de développer nos territoires [comme le] déploiement du très haut débit », a promis Jean Castex (photo), le nouveau Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale le 15 juillet dernier. Mais la France s’en donnera-t-elle les moyens financiers ? « Pour passer du Plan France Très haut débit 2022 à la généralisation du FTTH, 5,4 milliards d’euros seraient nécessaires pour généraliser la fibre partout en France d’ici 2025, sans oublier de fournir du très haut débit d’ici là aux personnes connectées tardivement », a chiffré Etienne Dugas, président d’Infranum, lors des 14èmes Assises du Très haut débit, organisées par l’agence Aromates le 2 juillet dernier.

Le FTTH pèse la moitié des 11 Mds€ demandés
Fédération des entreprises partenaires des territoires connectés, Infranum fut créée fin 2012 sous le nom de Fédération des industriels des réseaux d’initiative publique (Firip) pour accompagner le « Plan France THD ». Elle regroupe plus de 200 entreprises – bureaux d’études, opérateurs, intégrateurs, équipementiers, fournisseurs de services, etc. – représentatives de la filière des infrastructures numériques. Ensemble, avec un total de 13.000 entreprises actives en France, ces acteurs des réseaux représentent un poids économique de 52 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 280.000 emplois. « La crise actuelle, d’une ampleur sans précédent, a impacté toute la filière des infrastructures numériques, en particulier le déploiement de la fibre », a expliqué Etienne Dugas. Les 5,4 milliards d’euros nécessaires, selon Infranum, pour mener à bien le déploiement de la fibre optique partout sur le territoire français d’ici cinq ans représentent à eux seuls près de la moitié des 11,2 milliards d’euros estimés indispensables par la filière comme « plan de relance », dont 7 milliards à prendre en charge par les pouvoirs publics.
Et encore : sur ces 5,4 milliards d’euros pour la généralisation du FTTH, 150 millions d’euros seront tout de même alloués à des technologies alternatives pour atteindre les objectifs du très haut débit pour tous à fin 2022. D’après les chiffrages effectués par les cabinets EY (Ernst & Young) et Tactis pour Infranum, quelque 3 milliards d’euros devraient à la charge de la filière et les 2,4 milliards restants – soit plus de 60 % – financés par les pouvoirs publics que sont l’Etat, les collectivités et le financement européen dans le cadre du plan européen de relance (voir tableau ci-dessous ). Pour accélérer le mouvement et rattraper ainsi le retard accumulé durant les mois de confinement, la filière suggère de « mettre en place des actions “coup de poing” dès cet été pour reconstituer l’outil de production nécessaire à la poursuite du déploiement de la fibre et au raccordement ». Le FTTH a été rattrapé par le covid-19. Après « une activité fortement réduite durant le confinement », en particulier dans les territoires des réseaux d’initiative publique (« zones RIP »), mais sans qu’il n’y ait pas eu d’arrêt d’activité, les déploiements ont repris de façon « significative » depuis le 11 mai, premier jour de déconfinement progressif. Pour autant, prévient la fédération de la filière des infrastructures numériques, « un retour est prévu à seulement 90 % d’activité nominale dès septembre à cause du maintien des mesures de protection indispensables » – contre seulement 40 % à 50 % d’activité durant le confirment et 75 % lors de la reprise actuelle. Quoi qu’il en soit, selon Infranum, « le déploiement du très haut débit à fin 2022 pourrait ne pas être achevé à temps avec le mix technologique initialement prévu ». Et comme « le plan actuel laisserait environ 3 millions de foyers et entreprises qui ne disposeraient pas du FTTH, un plan de généralisation s’avère indispensable ».

Trop de fibres raccordables sans abonnés
L’étude EY-Tactis estime en outre que la production du déploiement d’une prise de fibre optique a accusé un surcoût de 17 % à 23 % en période confinement, de 11 % à 17 % dans la période en cours de reprise, et 4 % à 8 % à partir de septembre lors de la période de « postreprise » durant laquelle les mesures de distanciation sont maintenues. « Ces surcoûts sont des moyennes et peuvent présenter des variations locales importantes », est-il précisé. Où en est-on précisément dans les déploiements de la fibre optique ? Lors des 14èmes Assises du Très haut débit, Julien Denormandie, alors encore ministre de la Ville et du Logement, s’est voulu confiant : « Un chiffre m’interpelle beaucoup : à mi-2017, il y trois ans, 9 millions de Français étaient raccordables à la fibre. Selon les projections de l’Association des villes et collectivités multimédias (Avicca) à fin 2022, ce seront 31 millions de Français qui seront raccordables en FTTH. En cinq ans, on aura donc multiplié par trois ce nombre ». Pour l’heure, d’après les derniers chiffres disponibles de l’Arcep au 31 mars 2020, le nombre de prises FTTH « raccordables » s’élève à 19,5 millions en France. D’ici fin 2022, il reste donc encore 11,5 millions de prises de fibre raccordables à déployer en deux ans et demi (une trentaine de mois seulement). « L’année 2019 a été une année de tous les records, avec le déploiement de 4,8 millions de prises FTTH raccordables [contre 3,2 millions en 2018 et 2,6 millions en 2017, ndlr] », s’est félicité le ministre (voir tableau ci-dessous). Tout en assurant : « D’aucune manière que ce soit, les objectifs ne sont remis en cause : du bon débit pour tous fin 2020 [8 Mbits/s, ndlr] et du très haut débit pour tous fin 2022. Il s’agit de retrouver le rythme de la dynamique qui était le nôtre juste avant le covid-19, même si 2020 ne sera pas aussi bon que 2019 ».
Julien Denormandie n’a cependant pas mentionné l’ultime objectif fixé par Emmanuel Macron en juillet 2017, à savoir « la fibre pour tous à fin 2025 »… Quoi qu’il en soit, après fin 2022, il restera du pain sur la planche de la filière puisque le parc de logements et/ou locaux à raccorder en France ne cesse d’évoluer – zones très denses, zones dites AMII (à manifestation d’intention d’investissement) et zones dites RIP (réseaux d’initiative publique) confondues : de 39,7 millions de logements/locaux en 2019, ce parc total atteindra 41,1 millions de logements/locaux en 2022, puis 42,4 millions en 2025. Pour autant, la prise raccordable ne fait pas l’abonné. Au 31 mars 2020, l’Arcep compte 7,6 millions d’abonnés FTTH sur le total de 19,5 millions prises raccordables. Ce ne fait qu’un taux de 39 % de fibres raccordables vraiment utilisées. « On ne parle pas suffisamment du taux de pénétration, la différence entre le raccordable et le raccordé (…). Cela doit être un de nos chantiers dans les prochains mois », a prévenu le ministre. Généraliser la fibre en France aura coûté – investissements publics et privés conjugués – de 30 à 35 milliards d’euros. Il reste à convaincre tous les Français de son utilité. @

Charles de Laubier

Orphelin de la grande réforme audiovisuelle, le Sénat n’a pas dit son dernier mot sur « France Médias »

Le Sénat, qui fut moteur dans le projet de réforme de l’audiovisuel (notamment depuis le rapport « Leleux-Gattolin » de 2015), se retrouve dépossédé d’un texte qui, dépecé, devait être une priorité du quinquennat « Macron ». La chambre haute se concentre sur le vaste plan de relance de la France.

Depuis une dizaine d’années, la chambre haute a été une force de propositions pour faire évoluer le cadre législatif de l’audiovisuel français qui en aurait bien besoin. Tout le PAF (1) n’attend que cela et depuis bien avant les grandes promesses d’Emmanuel Macron visant à réformer la loi de 1986 sur « la liberté de communication » devenue archaïque à l’heure du numérique et des GAFAN. Présidé par Gérard Larcher depuis 2008 (excepté d’octobre 2011 à septembre 2014), le Sénat se retrouve fort dépourvu.

5 ans de projet « France Médias » pour rien
Le projet de loi consacré « à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle » (2), sur lequel le gouvernement avait engagé la procédure accélérée, devait être examiné par l’Assemblée nationale entre fin mars et début avril. Mais les séances publiques avaient été annulées pour cause de coronavirus. Deux réunions impliquant l’Elysée, Matignon, la rue de Valois et Bercy, les 8 et 17 juin, ont définitivement enterré la grande réforme audiovisuelle pour donner la priorité au vaste plan de relance face à l’urgence économique (3). « Cette réforme de la loi de 1986 – attendue depuis de nombreuses années, réclamée par les professionnels du secteur, nécessaire pour réduire les asymétries législatives et règlementaires entre les opérateurs linéaires traditionnels et les plateformes de SVOD – a connu tous les déboires, les reports, les manques de courage, les atermoiements imaginables et nous voilà encore devant un “refus de saut” dans ce dépeçage où l’on ne pourra traiter que les urgences (transposition des directives “SMA”, “Droit d’auteur”, “CabSat”, …) », explique Jean-Pierre Leleux (photo), sénateur, à Edition Multimédi@. Rapporteur de la commission « culture », dont il est vice-président aux côtés de la présidente Catherine Morin- Desailly, il est notamment l’auteur avec son collègue André Gattolin du rapport de 2015 sur le financement de l’audiovisuel public. C’est ce rapport (4) qui propose pour la première fois de « regrouper l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public au sein d’une nouvelle entité qui pourrait être dénommée “France Médias” » (proposition n°12). Bien d’autres recommandations sont avancées, comme le passage de la redevance audiovisuelle à une « contribution forfaitaire universelle » (indépendamment de la possession d’un téléviseur). Si cette dernière n’a pas encore été arbitrée, bien d’autres mesures (holding, gouvernance, désignation des dirigeants, …) avaient été introduites dans la grande réforme audiovisuelle voulue par le chef de l’Etat (5). Par ailleurs, en tant que membre de la commission de affaires européennes du Sénat, Jean-Pierre Leleux avait contribué dès 2016 à faire adopter une résolution européenne (6) sur les services de médias audiovisuels (SMA) instaurant des obligations aux plateformes vidéo telles que Netflix ou Disney+ (exposition des œuvres européennes et contribution à leur financement). Finalement, pour que ces dispositions entrent en vigueur en France à partir du 1er janvier 2021, le ministre de la Culture, Franck Riester, auditionné le 1er juillet par la commission « culture » (7), a confirmé que la transposition « SMA » se fera par « un amendement du gouvernement » examiné en juillet (dans un projet de loi d’adaptations européennes via ordonnance). Pour autant, le sénateur des Alpes-Maritimes (8) regrette la grande réforme : « Je déplore que ce secteur ne soit plus considéré aujourd’hui comme prioritaire – l’a-t-il été un jour ? – et que les réformes de fond soient encore différées, fragilisant encore ainsi nos opérateurs nationaux confrontés aux mutations technologiques, à la concurrence des puissants opérateurs américains et à la révolution des usages ». Par ailleurs, la chambre haute a pris la crise à bras-lecorps : sa commission des affaires économique, présidée par la sénatrice Sophie Primas, a publié le 17 juin pas moins de sept propositions de plans de relance sectoriels, dont l’un portant sur le numérique, les télécoms et les postes (9). Le Sénat y préconise d’accélérer la couverture numérique des territoires, d’accompagner massivement entreprises et concitoyens dans la transition numérique, de soutenir les technologies numériques-clés, de faire émerger des champions numériques et de promouvoir une société numérique de la confiance, et enfin d’approfondir la régulation des plateformes structurantes.

Inclure l’audiovisuel dans le plan de relance
La commission « culture » du Sénat, elle, s’est penchée sur l’audiovisuel « qui ne peut pas être le “grand oublié” des plans de relance ». Ce groupe de travail, présidé par Jean-Pierre Leleux, a présenté le 10 juin dix propositions (10), à commencer par « redonner à la politique publique en faveur du secteur audiovisuel un caractère prioritaire ». La chambre haute compte bien relancer le projet « France Médias ». @

Charles de Laubier