Le CSA autorise TDF à expérimenter la diffusion multimédia mobile (B2M) sur la TNT

Selon nos informations, le CSA a autorisé TDF et ses partenaires du consortium B2M à expérimenter durant deux mois la diffusion audiovisuelle en DVB-T/T2 d’un bouquet de services multimédias (télévision, VOD, Catch up, presse, …) via un réseau de type broadcast, comme celui de la TNT.

ArchosC’est une révolution technologique à laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a donné son feu vert lors de sa séance plénière du 9 avril dernier.
Un an après avoir enterré la télévision mobile personnelle (TMP), en retirant les autorisations à seize éditeurs de chaînes de télévision délivrées en 2010 faute de modèle économique pour financer le réseau hertzien (1), le régulateur vient en effet d’autoriser TDF à expérimenter durant deux mois un projet encore plus ambitieux : B2M (Broadcast Mobile Multimedia).

Réception sur des tablettes Archos
Il s’agit de diffuser en mode « push VOD » ou en « filecasting » sur Paris, par voie hertzienne à partir de la Tour Eiffel et sur des fréquences UHF de la TNT, un bouquet de services multimédias en direction des terminaux mobiles (smartphones, tablettes, …).
Les émissions à la norme DVB-T/T2 (2) de ces flux « live » ou « on demand » débuteront avant l’été.
Une cinquantaine de mobinautes pourraient participer à cette phase exploratoire pour recevoir sur leur mobile – en l’occurrence une tablette du fabricant français Archos, partenaire du projet – plusieurs services : chaînes de télévision, vidéo à la demande (VOD), télévision et radio de rattrapage (catch up et podcast) ou encore une sorte de kiosque avec player pour lire la presse. Bref, tous les contenus multimédias qui peuvent être diffusés en mode broadcast vers des mobiles seront potentiellement concernés par ce système d’agrégation de contenus. Même des livres numériques pourraient être proposés à terme dans le bouquet B2M. TDF entend réussir là où la TMP avait échoué, comme l’explique Vincent Grivet, directeur à la direction de la stratégie et de l’innovation de TDF, à Edition Multimédi@ : « Contrairement à la TMP, où un seul service (la diffusion de chaînes de télévision linéaires) n’a pas permis de justifier l’utilisation d’un réseau broadcast, B2M permet de mutualiser les coûts de l’infrastructure sur un flux de contenus très large ». Toute la différence est là : diffuser sur mobile non seulement de la télévision linéaire mais aussi des services multimédias non linéaires. Cette expérimentation va permettre à TDF, et à sa filiale Cognacq-Jay Image, de faire connaître la plate-forme auprès de l’ensemble des acteurs qui pourraient être intéressés à utiliser cette solution
de distribution peu coûteuse. L’investissement pour couvrir par exemple 30 % de la population française (soit les plus grandes villes de France) serait, selon Vincent Grivet,
« bien inférieur à 50 millions d’euros ». L’autorisation du CSA s’inscrit dans un projet en gestation depuis 2011 et financé par le gouvernement – via les Investissements d’avenir (ex-Grand emprunt) et son Fonds national pour la société numérique (FSN) – à hauteur
de 30 % du budget total de 3 millions d’euros qui sont nécessaires à la mise au point de
ce prototype. Outre Archos qui a remplacé dans ses tablettes utilisées pour le test la réception 3G par la réception DVB-T/T2, sont partenaires du consortium B2M : l’Institut Télécom, Airweb (qui développe notamment le player), Parrot avec sa division Dibcom (qui fournit le circuit électronique du récepteur DVB), Expway (le middleware qui gère le mode « push »), et Immanens (pour l’édition électronique de contenus presse et la conception de kiosques numérique).
Quant aux opérateurs mobile, ils pourraient percevoir B2M et son réseau broadcast point-à-multipoint sur mobile comme un solution complémentaire à leurs réseaux 3G/4G mis à rude épreuve par la diffusion massive en mode point-à-point des contenus audiovisuels. TDF compte bien leur proposer de soulager leurs réseaux 3G/4G menacés de saturation face à l’explosion annoncée des flux de données. « Nous prônons la mise au point d’une technologie hybride entre le monde du broadcast traditionnel DVB (3) et le eMBMS (4)
qui arrive sur la 4G LTE. Une telle norme réunirait le meilleur des deux mondes : une intégration facile dans les terminaux grâce au LTE et une diffusion sur des zones plus grandes grâce aux atouts du broadcast traditionnel », nous précise Vincent Grivet. Son partenaire Expway a d’ailleurs présenté au Mobile World Congress de février dernier sa solution eMBMS qui permet aux opérateurs 4G d’alléger de 20 % le trafic de données sur leur réseau LTE.

Vers un réseau mixte DVB-T/eMBMS
Mais le eMBMS seul suffira-t-il face à l’explosion des vidéos sur mobile ? Le mixte des normes DVB-T/eMBMS apparaît donc comme la solution pour du broadcast mobile en haute définition et sans temps de latence. Comme TDF (5), France Télécom (Orange Labs) croit à cette technologique hybride et participe pour cela au projet M3 (Mobile MultiMedia) lancé en 2010 avec l’Agence nationale de la recherche. Le CSA, lui, pousse dans ce sens (6). @

Charles de Laubier

Joseph Haddad, président de Netgem et de Videofutur : « La box des FAI ne doit plus être un bundle forcé Internet-TV »

Président fondateur de Netgem, Joseph Haddad nous explique pourquoi son entreprise a lancé sur Videofutur – dont il est aussi président du conseil d’administration – une OPA qui s’est achevée le 23 avril. En outre, pour lui,
l’offre liée Internet-TV des box n’est plus tenable à l’heure de la TV connectée.

Propos recueillis par charles de laubier

JH

Edition Multimédi@ : Vous avez créé il y a 17 ans Netgem pour « ouvrir la télévision à la puissance de l’Internet »,
en fabricant des box et décodeurs pour les FAI et leurs services gérés IPTV. Aujourd’hui, les OTT et la TV connectée remettent en cause ces walled gardens : Netgem est-il un fabricant de mondes fermés ou d’écosystèmes ouverts ? Joseph Haddad :
Netgem est un « facilitateur » de la nouvelle télévision, un « enabler », c’est-à-dire une entreprise innovante dont le métier est d’inventer les solutions technologiques et les services permettant
d’offrir aux consommateurs de nouvelles formes d’usage de la télé et de la vidéo. Ce qui contribue à offrir aux ayants droits de nouveaux outils de monétisation de leurs œuvres. On assiste aujourd’hui à une nouvelle étape de la révolution de la télévision avec l’Over-The-Top (OTT) et la télévision connectée. Nous nous inscrivons et nous reconnaissons entièrement dans ce nouveau modèle qui ouvre de nouvelles opportunités pour le groupe.

« La marque Videofutur sera maintenue, mais l’activité de Videofutur sera totalement intégrée au sein de l’activité France de Netgem. (…) Et nous comptons lancer dès cette année une nouvelle offre innovante de télé connectée »

EM@ : En devenant la maison mère de Videofutur (après l’avoir été de 2008 jusqu’en 2010), Netgem va intégrer le cloud développé par Videofutur dans
son offre internationale : Videofutur aura-t-il les reins assez solides, notamment
sur l’acquisition de droits de diffusion, pour concurrencer dans le monde Netflix, Amazon ou Hulu ?
J. H. :
Nos objectifs en France sont raisonnables et en fonction de nos moyens, et
nous avons un contrôle complet de notre destinée (technologie, contenus, distribution, financement). Au-delà, Netgem est et reste plus que jamais une entreprise internationale : l’expertise technologique et les produits que nous développons en France ont toujours
été la base de ce que nous avons exporté dans le monde entier : 100 % de nos ventes à l’exportation aujourd’hui sont la directe conséquence de notre expérience acquise lorsque nous avons accompagné le marché français du temps de la période Neufbox. Tandis qu’une part importante de ce que nous vendrons dans les prochaines années dans le monde sera directement issue de notre déploiement Videofutur qui commencera à être intégré dans nos offres internationales dès 2014.

EM@ : La société Videofutur Entertainment Group restera-t-elle une filiale de Netgem ? En outre, comptez-vous lancer une nouvelle offre Videofutur en France ? J. H. : La marque Videofutur sera maintenue, mais l’activité de Videofutur sera totalement intégrée au sein de l’activité France de Netgem. Le patron de Videofutur (Mathias Hautefort, directeur général, ndlr) devenant le patron de Netgem France. Et nous comptons lancer dès cette année une nouvelle offre innovante de télé connectée,
qui marie l’expertise de Netgem et les services de Videofutur.

EM@ : Ayant transformé son modèle économique, en passant de l’activité de location de DVD à la SVOD pour la TV connectée, Videofutur est devenu un
OTT avec son offre passant outre les « box IPTV » des FAI. En vous emparant du
« Netflix » français, n’allez-vous pas vous-mêmes contourner les box et set-top-box que Netgem fournit à ces mêmes FAI ?
J. H. :
Comme vous le savez, Netgem n’est plus aujourd’hui un fournisseur actif sur le marché français (l’entreprise y a réalisé 28,1 millions de chiffre d’affaires en 2012, soit 34,6 % du total, et seulement 25,7 % au 1er trimestre 2013, ndlr). Il n’y a donc aucune
« concurrence » entre cette démarche et les opérateurs. De plus, le marché visé par
nos nouvelles offres vise très précisément les clients qui ne sont pas accessibles par
les offres des FAI, soit environ 35 % à 40 % des foyers en France ne sont pas éligibles par ces FAI. Ils sont beaucoup plus nombreux si l’on calcule en éligibilité HD et en éligibilité multi-écrans HD. La technologie de TV connectée, à la base des nouvelles
offres du groupe, permet d’étendre considérablement l’éligibilité audelà de la TV ADSL. C’est bien cela l’innovation !

EM@ : En France, Netgem fut, jusqu’en 2010, principal fournisseur de SFR – dont vous avez perdu le contrat en 2011 pour la Neufbox Evolution – et depuis juin 2011 de Virgin Mobile pour sa box, laquelle offre le Club Vidéo de SFR pour la VOD : comment va évoluer votre contrat avec Omea Telecom ? Allez-vous proposer d’intégrer Videofutur dans la Virgin box ?
J. H. :
Il est vrai que les opérateurs français ont fait le choix – unique au niveau mondial – de développer en interne leur box, alors que partout ailleurs dans le monde les FAI préfèrent mutualiser les investissements en ayant recours à des acteurs technologiques externes comme nous. Ce qui nous permet de multiplier par près de dix nos ventes internationales ces trois dernières années (à 53,1 millions d’euros de chiffre d’affaires
en 2012, soit 65,3 % du total, ndlr). Pour ce qui concerne les MVNO (opérateurs mobile virtuels), nous pensons qu’ils peuvent être les premiers bénéficiaires de nos nouvelles offres OTT, puisque ces offres leur permettent d’adresser des foyers qui ne sont pas complètement desservis par les opérateurs de réseau. Et nous pouvons leur apporter, grâce à notre rapprochement avec Videofutur, un service opéré de bout en bout, ne réclamant aucun investissement particulier de leur part.

EM@ : Videofutur n’a réalisé que 7,4 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012, avec 50.000 abonnés, plus de 10 ans (novembre 2002) après sa création sous le nom de Glowria Entertainment Group : êtesvous déçu et quels revenus visez-vous ? Quels freins à la SVOD souhaiteriez-vous voir levés en terme de réglementation : faut-il un « must offer » de la VOD ?
J. H. :
Durant ces 17 ans chez Netgem, j’ai souvent pensé que beaucoup de choses iraient plus vite, mais la force de l’entreprise est d’avoir su mûrir et se renforcer, sans perdre sa capacité d’innovation. Le débat qui m’intéresse aujourd’hui va un peu au-delà
du « must-offer ». Il est plutôt celui du « bundle forcé », c’est-à-dire de la « vente liée », pour ne pas dire « forcée » : pourquoi est-il impossible en France d’acheter un accès Internet sans se voir imposer une box TV ? Si Free a révolutionné le marché du mobile
en dissociant le forfait et le téléphone, qui osera offrir un accès Internet sans imposer sa box ? Ce découplage des offres ferait beaucoup plus pour les éditeurs de contenus que de tenter de réglementer une nouvelle fois les conditions d’un éventuel « must offer ». Offrir vraiment le choix au consommateur est au cœur de la promesse de la nouvelle télévision connectée ! EM@ : La chronologie des médias, qui relègue en France la SVOD à 36 mois après la salle, doit-elle être réformée ? Est-ce un frein pour Videofutur ? J. H. : Nous n’avons aucune prétention à demander à changer les règles du jeu. Nous souhaitons seulement qu’elles restent les mêmes pour tous. @

Edition Multimédi@ : Videofutur n’a réalisé que 7,4 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012, avec 50.000 abonnés, plus de 10 ans après sa création : êtes-vous déçu et quels revenus visez-vous ? Faut-il un « must offer » de la VOD ?
Joseph Haddad :
Durant ces 17 ans chez Netgem, j’ai souvent pensé que beaucoup de choses iraient plus vite, mais la force de l’entreprise est d’avoir su mûrir et se renforcer, sans perdre sa capacité d’innovation. Le débat qui m’intéresse aujourd’hui va un peu audelà du « must-offer ». Il est plutôt celui du « bundle forcé », c’est-à-dire de la « vente liée », pour ne pas dire « forcée » : pourquoi est-il impossible en France d’acheter un accès Internet sans se voir imposer une box TV ?
Si Free a révolutionné le marché du mobile en dissociant le forfait et le téléphone, qui osera offrir un accès Internet sans imposer sa box ? Ce découplage des offres ferait beaucoup plus pour les éditeurs de contenus que de tenter de réglementer une nouvelle fois les conditions d’un éventuel « must offer ». Offrir vraiment le choix au consommateur est au coeur de la promesse de la nouvelle télévision connectée !

Terminaux OTT, post-smartphones

Je plonge ma main dans la poche intérieure de ma veste pour m’assurer dans un geste machinal que mon assistant est bien à sa place. Un geste tellement anodin, pour un terminal qui peut paraître presque banal. Pas de révolution technologique époustouflante, si ce n’est son autonomie étonnante, presque illimitée, grâce à un dispositif ingénieux, intégré dans les poches de mes vestes, qui transforme
mes mouvements en énergie. Pour le reste, il est tellement simple, réduit au design minimaliste d’un écran translucide de quelques millimètres d’épaisseur, qu’il est difficile de deviner d’où lui vient cette si grande puissance, d’où lui vient cette capacité à porter autant de fonctions aussi diverses. A tel point qu’on a fini par laisser tomber le terme de téléphone pour le désigner, ainsi que tous les autres dérivés comme mobile phone ou autre feature phone.

« Avec leurs propres terminaux full-OTT,
les acteurs du Net ont bousculé la chaîne de valeur
en court-circuitant les opérateurs de réseaux. »

Il est aujourd’hui clair que nous sommes entrés dans une ère post-smartphone. Près de 80 % du temps passé sur notre terminal mobile préféré est en effet consacré à d’autres activités que la communication : jouer, lire, regarder la télé, se soigner, acheter, gérer, …
à tel point que peu d’actes de notre vie quotidienne lui échappe. Ce phénomène est encore amplifié par l’existence d’un écosystème de terminaux connectés, apprenant à vivre ensemble de manière cohérente. En 2010, un terminal vendu sur deux déjà était connectable à Internet, correspondant à près de 600 millions d’équipements vendus cette même année. On en compte aujourd’hui plus de 2,5 milliards, dont 60 % sont encore des smartphones, lorsque ce ne sont pas des tablettes, des lecteurs Blu-ray, des disques durs multimédias, des consoles de jeux vidéo, des téléviseurs et des décodeurs d’IPTV. Une grande partie de leur puissance vient de leur capacité à jongler avec les deux modèles de diffusion des services qui s’affrontent depuis une dizaine d’année : services managés, ou Managed Services (MS), contre services Over-the-top (OTT). Ces derniers ont en effet peu à peu envahi le monde des terminaux, poussés par les acteurs de l’Internet qui bousculaient ainsi la chaîne de valeur en court-circuitant les opérateurs
de réseaux et en leur faisant supporter un trafic en expansion permanente – sans que
ces derniers puissent en tirer des revenus additionnels. Mais il fut rapidement clair que l’enjeu dépasserait la confrontation initiale entres les opérateurs télécoms et les géants
de l’Internet, pour déborder sur un affrontement généralisé entre l’ensemble des acteurs en mesure de prétendre aux premières places.
Cela n’est pas sans rappeler la guerre des premiers âges de l’Internet fixe pour le contrôle de la page d’accueil des ordinateurs. Après la guerre des portails du tout début, et celle
du search remportée par Google, Facebook était en passe de gagner celle des réseaux sociaux utilisés à partir d’un ordinateur. Mais pour éviter de perdre cette position lors de son utilisation sur les terminaux mobiles et être relégué au rang d’une simple application, le roi des social networks lança début 2013 le logiciel Home pour prendre le contrôle de l’interface d’un smartphone Android. Cette page d’accueil, qui présente pour Facebook les messages et les changements de statut des « amis » du mobinaute, devient stratégique pour les acteurs. La même année, Google lança son mystérieux « X Phone », fort de l’expertise de sa filiale Motorola acquise en mai 2012. Cela lui permit de mettre en place
ce fameux écosystème de terminaux connectés qui me rappelle toujours, dans un frisson de réminiscence délicieusement régressif, les équipements de Batman : un Google phone, une Google tab, une Google TV, des Google glasses, une Google car, une Google watch, … Le tout exposé dans des Google Shops ! Ce n’était pas encore un terminal full-OTT
tel que nous en avons aujourd’hui, loin s’en faut, mais une première étape qui contribua à accélérer le basculement vers des services « externes » – comme Facebook Messenger et les services associés de voix ou de vidéo – au détriment de ceux des opérateurs télécoms,. Il a suffi d’ajouter une gestion full-Cloud à nos terminaux pour que l’écosystème de nos applications, accessibles en tout lieu et n’importe quand, donnent toute sa puissance à ce petit écran qui tient dans ma poche. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Animaux… connectés
* Directeur général adjoint de l’IDATE.

Accord de libre-échange transatlantique : pas sans la protection des données personnelles

Les Etats-Unis et l’Europe ont annoncé la négociation d’un nouvel accord transatlantique, dont l’objectif est de réduire les obstacles à l’investissement
et au libre-échange de biens et de services entre les deux continents. La protection des données personnelles pèsera sur cette négociation.

Par Winston Maxwell, avocat associé Hogan Lovells LLP

Actuellement, la directive européenne de 1995 sur la protection des données personnelles (1) interdit le transfert de données personnelles vers les Etats-Unis, car les Etats-Unis n’ont pas, selon la Commission européenne, un niveau de protection adéquat. Cette interdiction de principe est contournée en pratique par différents moyens, notamment par l’utilisation de clauses contractuelles types approuvées par la Commission européenne, par la mise en oeuvre de codes de conduite internes dits BCRs (Binding Corporate Rules) ou bien si l’entreprise américaine a souscrit aux engagements Safe Harbor mis en oeuvre par le gouvernement américain.

Intrusions de la police et des entreprises
Néanmoins, le principe de départ est bien l’interdiction pure et simple de tout transfert,
ce qui constitue un obstacle considérable au libre-échange de biens et de services entre les deux continents. De plus, l’utilisation par les entreprises américaines de la procédure Safe Harbor est contestée par certaines autorités en Europe, lesquelles estiment que la procédure d’auto-certification ne présente pas de garanties suffisantes. L’utilisation du Safe Harbor pourrait donc être remise en cause dans le cadre de la future régulation européenne en matière de données personnelles.
Du point de vue américain, inclure les données personnelles dans l’accord de commerce avec l’Europe serait souhaitable afin d’accroître la fluidité des échanges. Du point de vue européen, les avis seront plus mitigés. Les ministères de la Justice et les autorités de protection des données personnelles pourraient dire que les données personnelles ne peuvent pas être incluses dans un accord commercial, car des données personnelles sont un droit fondamental et non un objet de commerce. Les ministères de l’Economie auront peut-être un point de vue différent, estimant que l’ouverture des échanges de données personnelles entre les Etats-Unis et l’Europe contribuera à l’innovation et
à la croissance en Europe. Les Etats-Unis reconnaissent le principe de la protection de
la vie privée au sein de leur Constitution, mais cette protection constitutionnelle concerne uniquement les intrusions par l’Etat et non par les entreprises privées. Le quatrième amendement de la Constitution américaine pose le principe d’une protection de la vie privée de l’individu face à l’Etat. Destiné à l’origine à protéger le domicile de chacun contre les intrusions de la police, le quatrième amendement est régulièrement étendu par les tribunaux et s’applique maintenant à différentes formes de surveillance mises en oeuvre par la police. En 1974, les Etats-Unis ont adopté une loi générale sur la protection des données personnelles collectées par l’Etat. Dans cette loi, on retrouve les principes de protection adoptés par l’OCDE en 1980 et ensuite par l’Union européenne (UE) dans
sa directive de 1995. Le régime de protection des données personnelles à l’égard du gouvernement américain est donc comparable au niveau de protection en Europe.
Pour la protection des données personnelles dans le secteur privé, les Etats-Unis disposent d’un patchwork de lois spécifiques. La loi dite HIPAA (2) protège les données de santé, la loi « Gramm-Leach-Bliley Act » (3) protège des données du secteur financier, la loi COPPA (4) protège l’ensemble des données des enfants collectées sur Internet, la loi « Fair Credit Reporting Act » (5) encadre le traitement des données personnelles pour la création de profils de solvabilité, des lois spécifiques en télécommunication protègent l’utilisation de données de trafic ou des données concernant les programmes audiovisuels. Au niveau de chacun des 50 Etats, il existe des lois protégeant des
données personnelles dans le secteur privé, et notamment des lois strictes sur les
pertes de données.

FTC : Facebook, Google, Twitter et MySpace
Enfin, il existe une loi fédérale – l’article 5 du « Federal Trade Commission Act » (FTCA) – qui interdit toute pratique déloyale en matière de commerce. Cet article 5 du FTCA donne des pouvoirs très étendus à la Federal Trade Commission (FTC) pour sanctionner des pratiques déloyales en matière de données personnelles par des acteurs du secteur privé. La FTC, avec l’appui des tribunaux, a pu étendre le concept de « pratiques déloyales »
à différentes formes de traitement de données personnelles qui seraient contraires aux attentes légitimes des consommateurs. La FTC dispose de pouvoirs de sanction considérables, de telle sorte que lorsqu’une entreprise est dans le viseur de la FTC, celle-ci est souvent obligée de négocier un accord transactionnel avec cette agence américaine puissante. Ainsi, les plus grandes entreprises de l’Internet, notamment Facebook, Google, Twitter et MySpace ont dû conclure des accords transactionnels de 20 ans avec la FTC, les obligeant à mettre en place un programme de protection de données personnelles au sein de leur groupe, se soumettre à des audits externes réguliers et à un contrôle suivi
par la FTC.

Absence de loi « chapeau » aux Etats-Unis
Ces accords, qui prévoient notamment la mise en place de programmes de formation interne pour les salariés du groupe, ressemblent aux « Binding Corporate Rules » (BCR) que la Cnil (6) en France et certaines de ses homologues en Europe (7) souhaitent généraliser pour les groupes internationaux. Les sanctions de la FTC en matière de données personnelles sont bien plus sévères que les sanctions en Europe.
Avec autant de dispositifs en place au niveau fédéral et au niveau de chaque Etat, pourquoi les Etats-Unis ne peuvent-ils pas être « adéquats » aux yeux des autorités européennes ? Selon les européens, les Etats-Unis ne pourront pas accéder au statut
de pays « adéquat » tant qu’ils n’auront pas une loi « chapeau » énonçant le principe de
la protection des données personnelles dans tous les secteurs aux Etats-Unis. Une telle loi chapeau existe depuis 1974, pour le traitement des données personnelles par l’Etat américain. En revanche, il n’existe pas de loi chapeau au niveau fédéral pour le traitement des données personnelles dans le secteur privé. Il existe des lois spécifiques pour certaines données et secteurs sensibles, et il existe une loi très générale sur les pratiques déloyales qui est utilisée avec beaucoup d’efficacité et de zèle par la FTC pour couvrir les données personnelles. Mais pour l’Europe, cela ne suffit pas. L’administration Obama a suggéré l’adoption d’une loi reconnaissant les grands principes de la protection des données personnelles. Mais le parti républicain souhaite minimiser l’intervention du pouvoir fédéral dans des affaires qui relèvent selon eux du pouvoir de chaque Etat
fédéré (8).
Certains Européens critiquent également les Etats- Unis pour leur loi en matière d’espionnage et de police. Le « Patriot Act » (9), adopté après le 11 septembre 2001,
et FISA (10) de 1978 permettent aux autorités américaines d’accéder à des données
en matière de terrorisme et d’espionnage. Mais ils constituent, selon certains, un obstacle à ce que les Etats-Unis deviennent un jour « adéquats » aux yeux des Européens.
Cette critique n’est pas entièrement fondée. Les Etats européens disposent eux-mêmes de moyens exceptionnels de surveillance en matière d’espionnage. Or, les critiques du système américain ont tendance à comparer les dispositions américaines en matière d’espionnage aux dispositions judiciaires normales en Europe, alors que la comparaison plus juste serait de comparer les dispositions exceptionnelles américaines en matière d’espionnage et les dispositions exceptionnelles européennes en matière d’espionnage.
En résumé, la négociation d’un accord commercial entre l’Europe et les Etats-Unis ne permettra pas d’effacer le problème de fond, qui est l’absence aux Etats-Unis d’une loi chapeau en matière de protection des données personnelles dans le secteur privé. Par conséquent, il semble peu probable que la Commission européenne accorde un statut de « protection adéquate » aux Etats-Unis tant qu’une telle loi chapeau n’est pas adoptée. En revanche, l’existence de lois très fortes dans certains secteurs de l’industrie (11) pourrait permettre à la Commission de reconnaître que les Etats-Unis disposent d’une protection adéquate dans ces secteurs. De plus, les agences américaines, avec l’appui de la Maison Blanche, poussent maintenant pour la négociation d’accords sectoriels pour la protection des données personnelles.
Promu sous le nom de « multistakeholder process », la négociation de ces accords sectoriels pourrait ouvrir la voie à une « interopérabilité » entre les régimes européens
et américains. Les accords sectoriels engageraient leurs signataires, et la FTC aurait compétence pour appliquer des sanctions sévères en cas de violation.

Vers une co-régulation US-UE des données
Cette approche de co-régulation est également promue en Europe, notamment
par certains Etats membres tels que l’Allemagne, pour la protection des données personnelles. On pourrait imaginer une concertation entre régulateurs américains
et européens, afin que les accords sectoriels qui émergent du « multistakeholder
process » soient reconnus des deux côtés de l’Atlantique. @

Lesechos.fr ne sont pas rentables avec la pub seule

En fait. Le 8 avril, l’OJD – l’Office de justification de la diffusion, qui fête ses 50 ans cette année – a publié sa treizième newsletter professionnelle avec une interview de Francis Morel, PDG du groupe Les Echos, lequel est entré au comité de direction de l’OJD en remplacement de Nicolas Beytout.

En clair. « Les journaux doivent apprendre à dépendre moins de la publicité et plus de la diffusion payante. La crise actuelle aura au moins cette vertu de le rappeler. Ce qui a une valeur se paie et c’est dans cet esprit que nous avons développé le paywall [partie à péage lancée sur lesechos.fr en novembre 2012] et augmenté le prix de vente [de l’édition papier passé de 1,70 à 1,90 euro en janvier 2013] », explique Francis Morel,
à la tête des Echos depuis octobre 2011. Mais pour le successeur de Nicolas Beytout,
« le vrai prix des Echos devrait être 2 euros » et n’exclut pas une nouvelle hausse tarifaire à partir de 2014. Les Echos sont déjà le quotidien le plus cher de la presse française, ce que justifie Francis Morel par le fait que ce n’est pas un quotidien généraliste. Celui qui est par ailleurs vice-président de l’Association IPG (information
de politique générale), signataire de l’accord avec Google, confirme ainsi implicitement la fin des velléités du journal à devenir un quotidien d’information politique général. Comme avait tenté de le transformer Nicolas Beytout, lequel lancera « mi-mai » son quotidien bimédia web-papier d’« actualité politique, économique et internationale » : L’Opinion (1). « Partout dans le monde, les quotidiens économiques et financiers sont vendus plus cher que les quotidiens généralistes », souligne Francis Morel.
En mettant un terme au presque tout-gratuit sur lesechos.fr (2), le quotidien du groupe LVMH est passé au presque tout-payant en novembre dernier. Avec le risque de voir la presse à péage faire baisser son audience. « Nous avions quelques interrogations sur les conséquences du paywall sur l’audience. Finalement, l’audience globale du site a continué à progresser et les abonnement payants sont en hausse », affirme Francis Morel. Paywall rime d’ailleurs avec freemium : au-delà de quinze articles par mois,
voire cinq supplémentaires après enregistrement, Lesechos.fr deviennent payants moyennant 20 euros par mois (soit 240 euros par an). « Le poids du numérique est actuellement de l’ordre de 13 %. Le plan stratégique prévoit de dépasser les 20-25 % dans trois ans », précise-t-il. Mais le développement des abonnements présente un
« handicap » : celui de la TVA à 19,6 %, contre 2,10 % pour l’édition papier. « C’est une telle absurdité que le dossier évoluera sûrement. Quand, je l’ignore ». @