Malgré sa couverture médiatique et ses exclusivités avec Gaumont, Netflix devra encore convaincre

Défrayant la chronique depuis trois ans et fort de deux séries exclusives produites par le français Gaumont, en attendant sa propre série française – « Marseille » – prévue pour 2015, le numéro un mondial de la VOD par abonnement est attendu au tournant en France à partir du 15 septembre.

Par Charles de Laubier

Reed HastingsSelon nos informations, Netflix a reçu juste avant l’été en toute discrétion une petite poignée de journalistes de la presse française. Ce sont plus des hebdos que des quotidiens qui ont ainsi eu le privilège d’être invités au siège social à Los Gatos, en Californie. Ayant été soumis à un strict embargo fixé jusqu’à fin août, leurs premiers articles en avant-première commencent à être publiés (1).
Le 31 juillet dernier, plus nombreux ont été les journalistes français à recevoir un « Save the date. Bientôt sur vos écrans » afin de retenir la date du 15 septembre pour une « soirée à partir de 20 heures ». Et les invitations personnelles elles-mêmes, triées sur le volet, viennent de parvenir aux intéressés, conviés à festoyer sous le pont Alexandre III.
L’agence de communication MSL, filiale du groupe Publicis, a discrètement a été retenue par Netflix pour assurer en France les relations presse du numéro un mondial de la VOD par abonnement (SVOD). Et ce, sous la houlette de Joris Evers, fraîchement nommé en juillet vice-président de Netflix en charge de toute la communication en Europe.

Reed Hastings sera « sous le pont » le 15 septembre
Mais il nous est expliqué que « le 15 septembre n’était pas une soirée de lancement mais de célébration », quitte à entretenir encore un peu un secret de polichinelle sur
une disponibilité du service de SVOD prévue le même jour, si ce n’est la veille – le 14 septembre (2) étant un dimanche, cela pourrait laisser plus de temps aux Français pour le découvrir dans leur salon.
Quoi qu’il en soit, le cofondateur et directeur général de Netflix, Reed Hastings (photo), ancien prof de maths, sera présent physiquement ce jour-là. Il sera, nous dit-on, accompagné de Ted Sarandos, directeur des contenus, et de Neil Hunt, directeur produit. Ce dernier est le grand architecte depuis quinze ans du puissant portail audiovisuel donnant accès à plus de 2 milliards d’heures de programmes de télévision, dont un catalogue dépassant les 100.000 films et séries à multiples épisodes et saisons. « C’est plus que juste une boutique en ligne ou un catalogue. Nous poussons très fort les recommandations basées sur les évaluations des utilisateurs, afin d’aider les gens à trouver de grands films qui pourraient être plus intéressants pour eux que les seules nouveautés », se félicite Neil Hunt sur LinkedIn. Il ajoute en outre que « Netflix offre à de petits producteurs de films indépendants le canal de diffusion manquant ».

Netflix courtise les cataloguistes de films
En France, des membres de l’Association des producteurs de cinéma (APC) ont par exemple été approchés. Netflix sollicite soit des distributeurs de films de cinéma, soit des producteurs de séries télé. Une source proche du dossier nous indique que Netflix leur propose « un achat de droits pour une exploitation sur douze mois pour environ 4.000 euros pour chaque film, ce montant pouvant aller jusqu’à 40.000 euros » mais qu’« après avoir recruté suffisamment d’abonnés dans un pays, ses investissements sont sérieusement réduits d’après un producteur danois ». Fin août, l’agence MSL a diffusé son premier communiqué « Netflix », lequel annonce produire sa propre série française, « Marseille », réalisée par Florent Emilio Siri (en ligne en 2015). Mais le plus gros partenaire en France de la plateforme américaine reste Gaumont (3), la major française du cinéma lui ayant produit en exclusivité « Hemlock Grove » : la première saison a déjà été diffusée en 2013 et la seconde l’est depuis juillet. Le groupe présidé par Nicolas Seydoux vient en outre de lancer pour la firme californienne la production d’une seconde série : « Narcos » (4).
Par ailleurs, Netflix a signé en juillet un accord avec la Sacem. Quant à la sacro-sainte chronologie des médias, elle devrait être respectée par ce nouveau géant du Net.
« Nous ne chercherons pas à contourner quoi que ce soit. Nous voulons investir en France, dans des contenus français. Nous pourrions faire de “House of Cards” un “House of Versailles” – c’est une plaisanterie entre nous ! – mais ce serait une grosse production et pas seulement pour le marché français, pour le monde entier » a déclaré Reed Hastings le 21 juillet. Ironie de l’histoire : Netflix ne pourra pas proposer en SVOD la fameuse série « House of Cards », qui fut pourtant la première à être produite pour lui (5), car le studio Media Rights Capital en a cédé l’exclusivité à Canal+ pour la France.
Netflix.com et ses déclinaisons, dont la plupart de la technologie tourne sur le cloud d’Amazon, diffusent ainsi à la demande – à l’aide de puissants algorithmes de recherche et de suggestions « sociales » – plus de 60 millions d’heures de programmes par jour à un peu plus de 50 millions d’abonnés dans le monde, dont 13,8 millions en dehors des Etats-Unis. C’est que la France n’est pas le premier pays de conquête internationale pour Netflix, loin s’en faut : après le Canada en septembre 2010, l’Amérique du Sud en septembre 2011, la Grande-Bretagne et l’Irlande en janvier 2012 les pays scandinaves (Finlande, Danemark, Suède, Norvège) en octobre 2012 et les Pays- Bas en septembre 2013, six autres pays européens accueilleront Netflix dès mi-septembre. Outre la France, il s’agit de l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Suisse
et le Luxembourg, d’où la plateforme de SVOD gère toutes ses opérations sur le Vieux Continent avec seulement une vingtaine de personnes (6). « Il n’y aura personne en France, ni même un bureau », nous est-il précisé.

En attendant le coup d’envoi mi-septembre dans ces six nouveaux pays, Netflix s’affiche timidement : « Profitez de films et séries TV où et quand vous le souhaitez. Abonnement mensuel très attractif », peut-on lire sur le site web accessible de France
– Netflix.fr renvoyant à un Netflix.com verrouillé géographiquement. Le champion américain de la SVOD se contente d’y afficher trois arguments censés faire mouche :
« Tous les contenus sont disponibles sur PS3, Wii, Xbox, PC, Mac, smartphone, tablette et bien plus [comprenez Smart TV, voire box, ndlr]… » ; « Tous les contenus sont instantanément diffusés en streaming » ; « Sans engagement, abonnement annulable en ligne à tout moment ». Mais cette toute première démarche avant-vente
– « Netflix bientôt disponible en France. Entrez votre adresse e-mail pour être averti
de sa disponibilité. » – apparaît bien maigre par rapport à l’effort marketing que devra fournir le champion de la VOD par abonnement s’il veut s’imposer dans l’Hexagone. Certes, grâce à la presse française et à ses journalistes (sic), Netflix a bénéficié depuis plus de trois ans d’une couverture médiatique gratuite qui n’a rien à envier à une vaste et coûteuse campagne de publicité. Plusieurs millions de dollars seront sans doute nécessaires pour convaincre les Français de s’abonner à ce service de SVOD venu d’ailleurs, même si les tarifs d’abonnement mensuel – 7,99 euros pour un écran sans HD, 8,99 euros pour deux écrans avec HD ou 11,99 euros pour quatre écrans avec HD – se veulent plus attractifs que les 39,90 euros de Canal+ ou que les offres de SVOD françaises déjà en place (CanalPlay, Videofutur, FilmoTV, Universciné, Jook Vidéo, …).

La SVOD est encore moins fraîche que la VOD
Mais il n’y aura pas de films récents sur Netflix, car la chronologie des médias l’interdit : un film ne peut sortir en SVOD que 36 mois après la salle de cinéma (contre 4 mois pourla VOD). Et ce n’est pas son passage envisagé à 24 mois, qui plus est à condition d’être « vertueux » (lire p. 3) – c’est-à-dire de participer au financement de la création (7) pour les plateformes de SVOD – que la fraîcheur sera au rendez-vous. A quand un Netflix de la VOD ? @

La TV connectée, qui n’en finit pas d’émerger en Europe, a-t-elle vraiment un avenir ?

Selon l’Observatoire européen de l’audiovisuel (OEA), l’offre de Smart TV laisse à désirer. Non seulement les consommateurs des Vingt-huit ne mettent pas la connexion à Internet en tête de leurs critères de choix lors de l’achat, mais en plus ils préfèrent utiliser les autres terminaux pour cela.

Susanne Nikoltchev

Susanne Nikoltchev, directrice de l’OEA.

« Les Smart TV sont-elles réellement smart ? C’est une question qui reste jusqu’à maintenant sans réponse, dans la mesure où les consommateurs ne recherchent pas en premier lieu la connectivité Internet, lorsqu’il décident d’acheter un nouveau téléviseur, les trois principaux critères de choix étant plutôt la taille de l’écran, le prix et la qualité de l’image », constate l’Observatoire européen de l’audiovisuel (OEA) dans son étude sur les marchés audiovisuels à la demande dans les Vingt-huit.
Et l’organisme de service public européen, composé de 40 Etats membres et de l’Union européenne, représentée par
la Commission européenne, d’ajouter : « Les consommateurs n’accèdent même pas aux contenus sur leur Smart TV, leur préférant leurs tablettes, leurs box Internet ou leurs ordinateurs comme principaux moyens de consulter en ligne ces contenus ».

2014 : point de basculement des ventes
La télévision connectée est-elle mort-née ? L’OEA, basé à Strasbourg au sein du Conseil de l’Europe, se le demande, tant les usages de la Smart TV sont très en deçà de l’offre de téléviseurs connectés. Selon Screen Digest (IHS), c’est justement au cours de cette année que devrait être atteint le point de basculement où les ventes mondiales de Smart TV dépasseront les autres téléviseurs (plus de 50 % des téléviseurs écoulés en 2014 sont connectables, contre 35 % en 2013, en attendant un taux de 65 % en 2016). Si la croissance de 15 % par an en moyenne est au rendez-vous, ce n’est pas
le cas pour les téléspectateurs connectés !
« Même si les clients consomment beaucoup de contenus à la demande, ces derniers sont surtout payés aux fournisseurs d’accès à Internet via leurs box, ou aux entreprises de matériels tels qu’Apple, Roku et Tivo (et bientôt Amazon, voire peut-être Intel) », souligne le rapport. Et si les cycles de remplacement sont maintenant de sept ans, au lieu de plus de huit ans auparavant, ce n’est pas grâce aux téléviseurs connectés mais plutôt au fait que les consommateurs changent leur vieux téléviseurs cathodiques pour des écrans plats ! La taille et la haute définition (HD) arrivent en tête des critères de choix, suivies du prix qui reste déterminant. Autant dire que les fabricants (Sony, Samsung, LG, Philips, Sharp, …) ne sont pas sur la même longueur d’ondes que les consommateurs : les premiers pensent que la connexion à Internet est un service premium sur lequel ils comptent pour accélérer le renouvellement des téléviseurs,
alors que les consommateurs ne voient pas ce plus comme aussi important. Ce peut d’engouement expliquerait qu’Apple hésite encore à fabriquer ses iTV, se contentant d’offrir le boîtier « Apple TV », et que Google ou Amazon s’en tiennent à des « dongle » (clé à brancher sur l’écran de télévision pour se connecter à Internet de son smartphone ou sa tablette), avec respectivement Chromecast et Fire TV. Orange prépare un tel « dongle » (1). Ce qui ne va pas sans créer une certaine confusion auprès des consommateurs sur les notions de téléviseurs connectés. S’agit-il d’une
« Connected TV » via une box, une console de jeux ou un « dongle » ? Ou est-ce
une Smart TV, c’est-à-dire intégrant dans sa conception la connexion Internet ?
Quoi qu’il en soit, ce que veulent les télénautes, c’est de pouvoir naviguer librement
sur le Web à partir de leur TV connectée pour trouver les contenus – principalement vidéo – correspondant à leurs goûts. Cela tombe bien car la tendance va dans le sens des Smart TV « contrôlées par les consommateurs », contrairement aux Smarts TV
« controlées par le fabricant ».

Mais l’Observatoire européen de l’audiovisuel (OEA), qui recense plus de 3.000 services audiovisuels à la demande (SMAd) établis dans l’ensemble des Vingt-huit
(voir encadré ci-dessous), n’a pas trouvé de données récentes sur l’état du marché
de la Smart TV en Europe. « Les chiffres sont soit contradictoires, soit ne sont pas actualisés. (…) Trouver des chiffres sur la vidéo à la demande pour Smart TV fut impossible », pointe le rapport. Bref, entre les consommateurs qui restent quasi indifférents aux fonctionnalités Smart TV, la confusion sur ce qu’est le téléviseur connecté et l’absence de chiffres récents ou cohérents, ce marché émergent est mal parti. A cela se rajoute la fragmentation des plateformes de Smart TV qui, selon l’étude de l’OEA, constitue « un des obstacles majeurs encore à lever » malgré les initiatives des industriels de s’allier (2) pour promouvoir un standard de développement d’applications TV commun. @

FOCUS

La catch up TV domine les SMAd
Sur les 3.088 services de médias audiovisuels à la demande (SMAd) dans l’Union européenne, les services de télévision de rattrapage arrivent en tête (au nombre de
1 104), les chaînes diffusées Internet (711 répertoriées) et les services les services de VOD (409). Toutes catégories de SMAd confondues, le Royaume-Uni en compte 682, la France 434 et l’Allemagne 330. En outre, 223 services établis aux Etats-Unis ciblent un ou plusieurs pays européens. @

Frédérique Bredin se veut prudente sur la sortie simultanée de films en salles et en VOD

Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), en pleine réforme de la filière et de la chronologie des médias face au numérique, veut mieux aider la VOD en France. A l’occasion du 67e Festival de Cannes, sa présidente nous répond aussi sur la sortie simultanée salles-VOD. Et elle souhaite une taxe sur la publicité en ligne.

Propos recueillis par Charles de laubier

Frédérique BredinEM@ : Pensez-vous que les premières expérimentations
de simultanéité salles-VOD par les projets Speed Bunch de Wild Bunch, Edad d’Artificial Eye avec Rezo Films, et Tide de l’ARP – tous soutenus financièrement par la Commission européenne jusqu’en juin prochain – soient une bonne chose, alors que de nouveaux projets (dont Spide de l’ARP avec Wild Bunch) ont d’ores et déjà été retenus ?

Frédérique Bredin : Ces expérimentations, soutenues jusqu’ici par la Commission européenne dans le cadre d’une action préparatoire, doivent être examinées avec la plus grande attention. Il est notamment indispensable qu’elles se fassent dans le respect de la chronologie des médias de chaque Etat membre et avec l’accord des exploitants qui diffusent le film.
Il serait donc prudent, avant toute conclusion hâtive, de tirer rapidement un premier bilan rigoureux de ces premières expérimentations, afin d’en extraire tous les enseignements utiles. Et ce d’autant que cette initiative a été reconduite et que la Commission européenne souhaite la poursuivre en intégrant cette action préparatoire au sein même du volet MEDIA du programme Europe Creative.
La Commission européenne devrait d’ailleurs présenter les premiers résultats de ces expérimentations (1) à l’occasion du Festival de Cannes [le 16 mai, ndlr].

EM@ : Comment se traduit concrètement le soutien du CNC à la VOD et est-ce suffisant ?
F. B. :
Ce soutien se traduit par deux types d’aide : une aide destinée aux détenteurs
d’un catalogue de droits VOD pour la mise en ligne et l’enrichissement éditorial d’œuvres françaises et européennes ; une aide destinée aux éditeurs de services de VOD pour la mise en ligne et l’éditorialisation d’œuvres françaises et européennes sur leur service. Ainsi, 1,29 million d’euros ont été attribués en 2013 au titre de ce dispositif, ce dont ont notamment bénéficié 15 éditeurs de services de VOD. Sur un marché davantage mature, qui a considérablement crû depuis 2008, l’aide sélective, très contrainte par son régime juridique dit « de minimis » (1), n’est désormais plus suffisante pour jouer pleinement son rôle incitatif, face aux enjeux actuels.

EM@ : Comment comptez-vous alors améliorer ce dispositif d’aide à la VOD ?
F. B. :
Anticipant cette situation, le CNC a initié dès 2010 une démarche de notification
de ses aides aux éditeurs de VOD auprès de la Commission européenne, afin d’intensifier l’aide sélective actuelle, en la sortant du « de minimis ». Cette première notification, opérée à l’été 2010, a finalement dû être retirée par les autorités françaises en avril 2011 du fait de l’opposition de la Commission européenne. Le CNC a procédé fin 2012 à une nouvelle notification portant à la fois sur l’amélioration de l’aide sélective et sur la mise en place d’un soutien automatique « VOD », inexistant aujourd’hui, préconisé par le rapport sur
le sujet par Sylvie Hubac (2), remis au CNC en janvier 2011. A ce jour, la Commission européenne n’a toujours pas donné son accord pour la mise en place de ces deux dispositifs, pourtant essentiels au développement de l’offre légale européenne. Ces échanges semblent toutefois susceptibles d’aboutir en 2014, permettant la mise en place de ces deux dispositifs.

EM@ : Y a-t-il d’autres aides à la VOD ?
F. B. :
Parallèlement à ces aides à l’exploitation des œuvres françaises et européennes en VOD en cours d’amélioration, le CNC soutient également dans le cadre du RIAM (Réseau de recherche et d’innovation en audiovisuel et multimédia, ndlr), dispositif cogéré avec Bpifrance, les projets de R&D relatifs au développement de l’offre légale française. L’appel thématique spécifique du RIAM, lancé en mars 2013 en faveur du développement d’outils innovants sur le marché de la VOD, permet en effet d’accompagner de nombreux projets ambitieux pour une meilleure ergonomie des offres au bénéfice de l’expérience des consommateurs.

EM@ : Le CNC a fait du rapport Bonnell sa feuille de route : avec trois groupes
de travail (financement des films, transparence-partage, distribution-diffusion) et une négociation sur la chronologie des médias : combien d’accords professionnels espérez-vous d’ici cet été ? Adapteront-ils le cinéma à Internet ? S’il n’y a pas d’entente, le législateur prendra-t-il le relais ?
F.B. :
A ce stade, l’ensemble des soixante-dix propositions ont été évoquées et ont donné lieu à des discussions nourries dans un esprit constructif, signe du sens des responsabilités du secteur concernant son avenir, qu’il s’agit de souligner et que je tiens
à saluer. Des enjeux prioritaires se dégagent :
• La transparence de toute la filière, tant concernant les rapports entre distributeurs et producteurs qu’entre exploitants et distributeurs : il s’agit ici d’améliorer les rendus de compte, de développer les audits et de clarifier les remontées de recettes.
• La diffusion des films en salles : l’objectif est d’améliorer structurellement les conditions de diffusion, afin de pérenniser la diversité de l’offre de films en salles.

EM@ : Pensez-vous que les premières expérimentations de simultanéité salles-VOD par les projets Speed Bunch de Wild Bunch, Edad d’Artificial Eye avec
Rezo Films, et Tide de l’ARP – tous soutenus financièrement par la Commission européenne jusqu’en juin prochain – soient une bonne chose, alors que de nouveaux projets (dont Spide de l’ARP avec Wild Bunch) ont d’ores et déjà
été retenus ?
F.B. :
Ces expérimentations, soutenues jusqu’ici par la Commission européenne dans
le cadre d’une action préparatoire, doivent être examinées avec la plus grande attention.
Il est notamment indispensable qu’elles se fassent dans le respect de la chronologie des médias de chaque Etat membre et avec l’accord des exploitants qui diffusent le film. Il serait donc prudent, avant toute conclusion hâtive, de tirer rapidement un premier bilan rigoureux de ces premières expérimentations, afin d’en extraire tous les enseignements utiles. Et ce d’autant que cette initiative a été reconduite et que la Commission européenne souhaite la poursuivre en intégrant cette action préparatoire au sein même du volet MEDIA du programme Europe Creative. La Commission européenne devrait d’ailleurs présenter les premiers résultats de ces expérimentations [le 16 mai prochain, ndlr] à l’occasion du Festival de Cannes.

EM@ : Vous avez réuni le 3 avril le réseau des « CNC » européens, l’EFAD, qui déclare que « les géants de l’Internet ne contribuent pas » assez à l’audiovisuel :
en France, la loi de Finances rectificatif pour 2013 n’applique-t-elle pas déjà la taxe vidéo aux services de VOD disponibles en France mais basés à l’étranger ?
F.B. :
La réponse est oui, mais cette réforme fiscale qui étend la taxe vidéo aux services de VOD étrangers ciblant le marché français n’est pas encore validée par la Commission européenne. Il convient de noter que les Allemands ont prévu le même dispositif que nous, à savoir une taxe vidéo étendue aux entreprises de VOD établies hors d’Allemagne, dont l’offre cible le marché allemand. Mais cette réforme ne suffit pas. Nous souhaiterions, par exemple, pouvoir taxer les recettes publicitaires des hébergeurs, y compris lorsque ces entreprises ne sont pas établies en France. Cela les mettrait à égalité avec les chaînes
de télévision traditionnelles, dont on taxe les produits publicitaires, y compris sur la télé
de rattrapage. @

Catch up TV : Free veut faire payer toutes les chaînes

En fait. Le 10 mars, Xavier Niel, fondateur de Free, administrateur, directeur général délégué et actionnaire majoritaire d’Iliad, a indiqué – lors de la présentation des résultats annuels du groupe – que les chaînes de télévision devaient payer pour distribuer leurs services de rattrapage sur son réseau.

Xavier NielEn clair. « Sur la catch up TV, qui est grande consommatrice
de bande passante, nous estimons que, lorsque les flux sont asymétriques comme c’est le cas pour la télévision de rattrapage, nous devons être rémunérés. Certains nombre d’acteurs de la catch up TV nous rémunèrent, d’autres pas. Donc, on travaille dans ce sens. Cela peut pour certains leur sembler parfois agressif, d’autres pas », a expliqué Xavier Niel (photo), qui assure cependant que ses relations avec les chaînes de télévision sont « plutôt bonnes ».

Rémunérer l’utilisation de sa bande passante
Free propose ainsi une sélection de programmes de 33 chaînes sur son service Freebox Replay. Mais les éditeurs TF1, M6 et autres France Télévisions rechignent
à payer les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) pour un service de replay qu’elles proposent gratuitement aux télénautes durant sept jours suivant leur diffusion à l’antenne.
Les chaînes, qui financent leur replay en plein développement (1) avec de la publicité
en ligne, estiment que c’est plutôt au FAI de payer pour « reprendre » leur service de TV
de rattrapage – véritable produit d’appel pour les offres triple play.

Les discussions FAI-chaînes peuvent tourner au dialogue de sourds… Rémunérer l’utilisation de sa bande passante pour délivrer leurs services de télévision de rattrapage est d’autant plus difficile à accepter pour les chaînes que Free fait lui aussi payer de son côté ses abonnés qui souhaitent une meilleure qualité de service. En effet, depuis un an, Free a instauré un « pass prioritaire », proposé en option (non obligatoire donc), qui garantit l’accès au service – même et surtout aux heures les
plus demandées (entre 19 et 22 heures).
Ce pass est facturé 0.99 euro pour une soirée ou 3,99 euros pour un mois. Free, qui inciterait les internautes à y souscrire même en dehors des heures de points (2), trouve ainsi le moyen avec ce service premium d’accroître l’ARPU (3) de ses abonnés qui est parmi les plus élevés des FAI en France : 36 euros, voire 38 euros pour le modèle Freebox Revolution (plus de 50 % du parc abonnés).
Reste que le rapport de Laurent Vallet sur les obligations de financement de la production audiovisuelle, remis à Aurélie Filippetti en décembre, préconise aux pouvoirs publics de réaliser une étude « sur les effets, le coût, la valorisation et l’évolution des usages de la télévision de rattrapage ». @

Adapter le cinéma à Internet : le CNC se met en quatre

En fait. Le 6 mars, le CNC se met véritablement en quatre pour ouvrir les négociations professionnelles suite aux Assises du cinéma et au rapport Bonnell : trois groupes de travail pilotés (financement des films, transparence/partage, distribution/diffusion) et une négociation sur la chronologie des médias.

Frédérique BredinEn clair. Frédérique Bredin (photo), qui préside le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) depuis un peu plus de huit mois maintenant, entame sans doute la période la plus difficile de son mandat avec des discussions inter-professionnelles, qui devraient aboutir à des accords entre le prochain Festival de Cannes de mai et l’été prochain.
Il s’agit ni plus ni moins que d’adapter rapidement le cinéma
à Internet, à la lumière des 50 propositions du rapport Bonnell sur « le financement de la production et de la distribution cinématographiques à l’heure du numérique » (1) et à l’aune des Deuxièmes Assises du cinéma organisées par le CNC en janvier. Sans oublier de s’inspirer du rapport « Acte II
de l’exception culturelle » de Pierre Lescure, lequel sera président du Festival de Cannes…

Trois groupes de travail et une négociation cruciale
Les trois groupes de travail pilotés par Olivier Wotling, directeur du cinéma au sein de
cet établissement public dédié au Septième Art, se sont réunis pour la première fois le
6 mars : le premier porte sur le financement des films (aides, fonds de soutien, avances sur recettes, crédit d’impôt, préfinancement, Sofica, crowdfunding, …) ; le second traite
de la transparence et du partage (remontées des recettes, exploitants, coût des films, rémunérations, …) ; le troisième est consacré à la distribution et la diffusion (aides à la distribution, à la vidéo, à la VOD, à l’exploitation, à l’export, chronologie des médias, …).
Faisant partie des thèmes discutés dans ce troisième groupe de travail, la chronologie des médias fait aussi l’objet d’une négociation inter-professionnelle spécifique sous la houlette d’Audray Azoulay, la directrice générale déléguée du CNC.

L’objectif de l’ensemble de ces délicates et difficiles négociations est de parvenir
« rapidement » à des accords professionnels, c’est-à-dire « d’ici l’été ». Le compte-à-rebours a commencé. La réforme de la chronologie des médias, dont la « commission
des dérogations » chère à Pierre Lescure (2) devrait se mettre en place prochainement, vise à rapprocher de la salle la VOD à l’acte (de 4 mois à 3 mois, voire moins) et la VOD par abonnement (de 36 mois à 18 mois). Il y a urgence pour les plateformes de VOD (Videofutur, FilmoTV CanalPlay, Club Vidéo (SFR), MyTF1VOD, TV d’Orange, …) car le marché français de la VOD accuse pour la première fois un recul du chiffre d’affaires en 2013 de 2,8 % à 245 millions d’euros. @