NRJ ne veut toujours pas voir ses chaînes sur Molotov

En fait. Le 29 janvier, Jean-David Blanc, le cofondateur avec Pierre Lescure de la plateforme de télévision Molotov, était l’invité de l’Association des journalistes médias (AJM). Les 4,1 millions d’inscrits peuvent y voir et revoir toutes les chaînes gratuites de la TNT sauf… NRJ 12 et Chérie 25.

En clair. « Nous avons toutes les chaînes gratuites de la TNT, sauf celles du groupe NRJ [NRJ 12 et Chérie 25, ndlr] qui pour le moment ne nous a pas rejoint. Mais on
les invite à le faire », a indiqué Jean-David Blanc, cofondateur de la plateforme de télévision Molotov, devant l’AJM. « D’autant que l’audience de Molotov est très proche de la cible du groupe NRJ. Nous sommes toujours en discussion avec eux », a-t-il poursuivi. Lancé en grandes pompes le 11 juillet 2016 (1), le bouquet de chaînes en ligne – cofondé par Jean-David Blanc (ex-Allociné), Pierre Lescure (ex-Canal+),
Jean-Marc Denoual (ex-TF1) et Kevin Kuipers (ex-Allociné) – ne désespère pas de convaincre le groupe de Jean-Paul Baudecroux.
Depuis le début, NRJ interdit à Molotov de reprendre le signal de ses deux chaînes, NRJ 12 et Chérie 25, ainsi que la chaîne musicale NRJ Hits diffusée sur le câble, le satellite et l’ADSL. Il y a bien eu, il y a près d’un an, une tentative de règlement de différend par le CSA qui avait auditionné les deux parties le 15 mars 2017. Mais, selon le régulateur de l’audiovisuel que nous avons contacté, l’arbitrage a échoué et le groupe NRJ a maintenu son refus d’être repris sur Molotov. A la question, posée à Jean-David Blanc par Edition Multimédi@, de savoir s’il n’y avait pas une obligation
de mettre à disposition le signal des chaînes de la TNT gratuite au nom du principe
de must offer, il a répondu : « C’est entre les mains du CSA ». Molotov peut toujours
saisir le tribunal de commerce dans le cas où le blocage s’éterniserait, à moins que NRJ ne revienne à de meilleurs sentiments… « Pour le moment, ils disent non et ils s’interrogent sur l’opportunité d’être sur Molotov. Sur les raisons de leur refus, il faut leur demander directement. Je pense qu’ils ont tort de ne pas y être ; ça leur apporterait un surplus d’audience. Autant avant de démarrer le 11 juillet 2016, nous avions aucun utilisateur. Aujourd’hui, nous en avons 4,1 millions (2), c’est différent. Nous pouvons apporter jusqu’à 5 % d’audience nationale », a expliqué Jean-David Blanc. Molotov propose quelque 115 chaînes, dont 35 gratuites et 80 payantes. Canal+, malgré Pierre Lescure comme « clin d’oeil » (dixit Jean-David Blanc), n’a toujours pas rejoint Molotov. Concernant le replay, que les chaînes monétisent elles-mêmes par la publicité, nombreuses sont celles qui refusent ou négocient encore. @

Les médias face à la concurrence des GAFA : « total video » pour les uns et « web first » pour les autres

Qu’ils soient groupes audiovisuels comme RTL ou groupes de presse comme Sud-Ouest, les acteurs des médias traditionnels sont passés à l’offensive pour résister aux rouleaux compresseurs des GAFA. Leur meilleure arme dans la
« glocalisation » est le total video pour les uns et le web first pour les autres.

« Notre métier de base, c’est la télévision. Mais il faut
que l’on sorte de ce schéma pour poursuivre dans ce
que nous appelons le “total video” qui couvre la diffusion multisupports, les contenus exploitables sur les plateformes des GAFA, et les investissements que
nous faisons dans des plateformes vidéo », a expliqué Guillaume de Posch (photo de gauche), co-directeur général de RTL Group, lors du 26e colloque de NPA-Le Figaro organisé le 7 novembre sur le thème de « Plus que jamais la glocalisation ! ».

« Rapports de force avec les GAFA »
De son côté, Olivier Gerolami (photo de droite), président du groupe Sud-Ouest, se situe sur un autre registre : « Nous sommes engagés dans une digitalisation à marche forcée, avec le virage de l’ensemble de la rédaction vers le schéma “web first” où l’ensemble de la rédaction produit des contenus en mode continue pour le papier,
le site web et les applis mobiles ». Si les deux approches – « total video » et « web
first » – sont très différentes de l’activité média historique respective de chacun des deux groupes (télé pour l’un, presse pour l’autre), elles ont un souci commun : ne pas se laisser dépasser localement par les GAFA mondialisés.« La télévision doit devenir globale, plus que pan-européenne, car les effets d’échelle dans le nouveau mode de consommation de vidéos sont absolument colossaux et nous permettent d’amortir beaucoup plus rapidement les coûts de nos programmes. Ce qu’ont entrepris les GAFAN [«N» pour Netflix]issus du marché américain », a expliqué Guillaume de Posch. Et de regretter : « Un des problèmes de l’Europe est que nous n’avons pas été capables, comme industrie européenne, de développer l’équivalent des GAFAN.
(…) On ne parviendra pas à répliquer un Netflix au niveau européen. On aurait dû le faire il y a cinq ans, mais pas maintenant ».
La réponse de RTL Group, qui détient 48,2 % de M6 en France (1), est de faire du total video multi-local, voire des programmes de niche, « que ne sont pas capables de faire les géants globaux du Net ». Le groupe Sud-Ouest, deuxième plus grand éditeur de quotidiens régionaux (Sud-Ouest, Charente Libre, …) derrière Ouest-France, veut lui aussi établir « un rapport de force avec les GAFA » en faisant du web first côté éditorial et du traitement des données utilisées à des fins de ciblage publicitaire côté data. Cela ne l’empêche pas d’investir dans une DMP (Data Management Platform) en partenariat avec Google (Analytics), tout en étant actionnaire de l’alliance Gravity (2). Objectif : faire contrepoids aux GAFA autour de la publicité programmatique ciblée et de la data à monétiser. « La priorité est donnée au digital car le consommateur, le lecteur, demande un rafraîchissement des contenus d’information. Nous faisons aussi un journal presse de qualité, même si la diffusion s’érode lentement, de – 2 % à – 3 % par an. Il est donc impératif pour nous d’avoir des relais de croissance en monétisant nos contenus en ligne à travers nos sites web et applis mobiles freemium », explique Olivier Gerolami pour justifier le web first.
Pour RTL Group, le total video s’impose en raison de « l’explosion de la vidéo » sur Internet : « Il faut avoir une part de marché suffisante pour pouvoir monétiser son offre vidéo, face à de nouveaux acteurs tels que Netflix, Facebook, Amazon, Snapchat, YouTube ou Twitter », prévient Guillaume de Posch. Son groupe a investi dans BroadbandTV, DiviMov, StyleHaul ou encore Smartclip. Selon lui, la télévision linéaire garde cependant trois principaux atouts par rapport à « un monde en ligne trop fragmenté » : le live, la proximité et la gratuité (« Nothing beats free »). « Les GAFA sont désireux de nous piquer notre business…, car les recettes publicitaires de la télévision sont encore à près de 200 milliards de dollars au niveau mondial, alors que la publicité digitale est bien plus modeste », rassure-t-il. Dans la presse, Olivier Gerolami précise que Sud-Ouest a 20.000 abonnés payants dans le digital, à raison de 10 euros par mois – sur un total de 250.000 exemplaires quotidiens (papier encore pour l’essentiel). L’objectif est d’en avoir 50.000 d’ici à 2020. « On parle de crise de la presse mais si l’on additionne le lectorat papier, les internautes et les mobinautes, nous avons aujourd’hui beaucoup plus d’audience qu’à l’époque du seul papier ».

Montée en charge du digital
Outre le fait de résister aux GAFA(N), RTL Group et Sud-Ouest ont aussi en commun d’être sous contrôle familial (Mohn pour Bertelsmann et Lemoîne pour GSO) non cotés en Bourse contrairement à leurs grands rivaux américains du Net. Leur activité historique respective est en pleine transition numérique. « La publicité digitale dépasse les 15 % de la publicité totale, et se situera entre 20 % et 25 % d’ici deux ou trois ans », prévoit le patron de Sud-Ouest (3). Quant à RTL Group, il a dépassé l’an dernier les
10 % de chiffre d’affaires (4) dans le digital. @

Charles de Laubier

Fenêtres de diffusion des films à l’heure du Net : comment sortir de l’« anachronie des médias»

L’heure de vérité a sonné pour la chronologie des médias – anachronique à l’ère du numérique. Le gouvernement a donné six mois aux professionnels du cinéma français pour se mettre enfin d’accord, faute de quoi il faudra légiférer. Mission quasi impossible pour le médiateur Dominique D’Hinnin.

« La révision de la chronologie des médias est un chantier prioritaire. C’est la clé pour adapter notre modèle aux nouveaux usages et pour sécuriser l’avenir de notre système de préfinancement. Ma conviction est que ce sont les professionnels eux-mêmes qui sont les mieux placés, à travers la concertation, pour définir une solution. Mais les discussions sont bloquées depuis trop longtemps. Et pour sortir du blocage, je crois que nous devons changer de méthode », a déclaré Françoise Nyssen, ministre de la Culture, à l’occasion des 27e Rencontres cinématographiques de Dijon (RCD), le 13 octobre. Aussi a-t-elle confirmé la désignation de Dominique D’Hinnin (photo) comme médiateur pour conduire la concertation de la dernière chance « dans des délais stricts, avec l’appui du CNC (1) ».

Deux ans de perdus en tergiversations
Cet ancien inspecteur des finances et ancien cogérant du groupe Lagardère (2010-2016) vient de débuter ses travaux. « Il aura au maximum six mois pour trouver un nouvel accord. Faute de quoi, le gouvernement prendra ses responsabilités et proposera une solution législative ou réglementaire », a prévenu la ministre de la Culture. Le problème, c’est que le blocage dû au dialogue de sourds entre les différentes parties prenantes de la chronologie des médias – les exploitants de salles de cinéma arc-boutés sur leurs quatre mois d’exclusivité lors de la sortie des nouveaux films, les plateformes de VOD (et les éditeurs de DVD), les chaînes de télévision et les plateformes de SVOD – perdure. Ce statu quo est incompréhensible pour les cinéphiles et internautes, d’autant que ces règles anachroniques – où la chronologie des médias devient véritablement l’« anachronie des médias » – datent de 2009 et régissent depuis, sans changement, la diffusion des nouveaux films, malgré les premières préconisations des rapports Zelnik de 2010 et Lescure de 2013. Face à cet enlisement des négociations, le gouvernement tente l’ultimatum de six mois, espérant débloquer la situation. Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement menace de légiférer si les professionnels du Septième Art ne se mettent d’accord sur une nouvelle chronologie des médias. Il y a deux ans, par exemple, plusieurs parlementaires avaient déposé – dans le cadre de la loi « Création » (2) – des amendements qui proposaient une première avancée à laquelle le gouvernement s’était rallié.

Il s’agissait de prévoir « une durée de validité limitée » – en l’occurrence trois ans maximum – de l’accord sur la chronologie des médias, « en se réservant toutefois la possibilité d’étendre pour une durée moindre ». « La disposition prévoyant de limiter
à trois ans l’extension des accords relatifs à la chronologie des médias permettra de tourner la page du statu quo désespérant qui préside actuellement », s’était alors félicitée la Société civile des auteurs multimédias (Scam). Mais cette disposition n’a
pas été adoptée (3). Deux ans perdus après, le gouvernement a changé mais le statu quo perdure.
Et ce n’est pas faute pour le CNC et son directeur général délégué Christophe Tardieu d’avoir essayé de réconcilier les irréconciliables… Sa énième proposition datée du 24 avril – que Edition Multimédi@ s’était procurée au printemps dernier (4) – fut débattue lors de la réunion de négociations de la dernière chance le 28 avril. Mais l’espoir d’annoncer de nouvelles fenêtres de diffusion des nouveaux films en plein 70e Festival de Cannes s’était rapidement évanoui en raison des dissensions professionnelles persistantes (5). Pour ses 27e Rencontres cinématographiques de Dijon (RCD),
la société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs (ARP) – dont le président d’honneur est le réalisateur, producteur et scénariste Claude Lelouch – a tenté le tout pour le tout en proposant une « modernisation de la chronologie des médias ». D’une part, l’ARP préonise le « rattrapage numérique de l’exploitation du film en salle lorsque le public n’y a plus accès » par une « solution géolocalisée » qui consiste à prévoir
« une salle virtuelle » dans telle ou telle zone de diffusion sur le territoire dès lors que
le film n’est plus à l’affiche des salles de cinéma ayant pignon sur rue. Ce cinéma de rattrapage – sorte de « Catch up Ciné » comme il y a la Catch up TV – a le mérite de donner une seconde chance, mais en ligne, pour les films n’ayant pas trouvé leur public en salle et/ou étant victime du taux de rotation élevé des films dans la programmation des exploitants.

Une sorte de « catch up Ciné » ?
D’autant que plus de 80 % des entrées sont réalisées entre la sortie et la 4e semaine d’exploitation du film. Au pays de l’« exception culturelle française », de plus en plus
de films se retrouvent presque mort-nés : la moitié produits dans l’année font fait moins de 20.000 entrées en salle, et une cinquantaine sont vus par moins de 1.000 spectateurs (6). L’ARP demande donc « avec vigueur aux pouvoirs publics une expérimentation de cette solution [de salle virtuelle], dans les plus brefs délais ». D’autre part, l’ARP propose d’aligner la télévision payante telle que Canal+, OCS ou Ciné+ (actuellement  à 10 mois après la salle) et la SVOD de Netflix, Amazon Prime Video ou SFR Vidéo/Altice Studio (actuellement à 36 mois) dans une même fenêtre
des offres payantes par abonnement « si elles répondent aux conditions de vertu »,
à savoir : « diversité, respect du droit d’auteur, préfinancement, pérennité des engagements, exposition par la prescription et l’éditorialisation ». Et ce, « en fonction
du niveau d’investissement (valeur absolue+minimum garanti par abonné) ». Le ticket d’entrée est selon le niveau d’investissement, défini en valeur absolue et complétés par un minium garanti (MG) par abonné. Le principe est, selon l’ARP, qu’un un acteur qui pré-finance trois films par an n’a pas besoin d’une fenêtre d’exploitation aussi longue que celui qui en finance cent.

Les exigences de Canal+ et de la FNCF
De son côté, comme lors des RCD 2016, Canal+ a de nouveau réclamé le 25 octobre une fenêtre de diffusion à 6 mois au lieu de 10 mois (7) et exigé une révision de l’accord quinquennal de 2015 et ses MG (8).
« Nous voulons tous protéger la salle, mais lorsqu’un film n’est plus en salle, nous pensons qu’il est indispensable de lui donner une deuxième chance », a plaidé Radu Mihaileanu, président de l’ARP, lors d’un débat sur le thème interrogatif « Quelles fenêtres ? Quelles valeurs ? Quelle chronologie ? », le 13 octobre à Dijon. Etait notamment présent Richard Patry, président de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) qui a défendu bec et ongles le monopole des quatre mois dont bénéficient les salles : « Réduire la fenêtre des salles, c’est un suicide collectif pour l’ensemble de la filière », a-t-il… exagéré. Les recettes des salles en France dépassent chaque année 1,3 milliard d’euros, dont les entrées font l’objet d’une taxe de 10,7 % sur chaque billet qui est reversée au CNC pour soutenir la production des films français. Président intransigeant depuis janvier 2013 de la puissante fédération représentant les quelque 2.000 établissements exploitants en France plus de 5.700 écrans de cinéma, Richard Patry est lui-même exploitant des salles NOE Cinémas en Normandie, groupe qu’il a créé il y a trente ans. Il rempli depuis janvier 2017 son troisième mandat pour deux ans (jusqu’en janvier 2019) à la présidence de la FNCF. « Notre durée d’exclusivité à quatre mois est intangible », avait-il déjà prévenu Richard Patry lors du 72e congrès de sa fédération à Deauville fin septembre. « On ne peut pas rester immobile dans un monde qui a tellement bougé », lui avait alors répondu Frédérique Bredin, la présidente du CNC. Décidé à ne rien céder, Richard Patry (9) est à l’origine du statu quo controversé de la chronologie des médias. Autant dire que le médiateur Dominique D’Hinnin, fraîchement nommé, arrive sur un terrain miné. Diplômé de l’Ecole normal supérieure (ENS) et actuellement membre du conseil d’administration du groupe de médias espagnole Prisa (El País, Digital+, …) et par ailleurs désigné pour prendre en novembre la présidence du conseil d’administration d’Eutelsat (en remplacement de Michel de Rosen), où il est aujourd’hui représentant du Fonds stratégique de participations (FSP) de l’Etat en tant qu’administrateur, est-il l’homme de la situation ?

On le saura en avril 2018, à l’échéance des six mois que lui a imparti le gouvernement dans cette mission périlleuse. Il pourra toujours s’inspirer du rapport le plus récent consacré à la chronologie des médias, celui de la commission de la Culture, de l’Education et de la Communication du Sénat où son auteure – la sénatrice (Union centriste) Catherine Morin-Desailly – préconise de réduire la fenêtre des salles de cinéma à trois mois au profit de la VOD à l’acte ou à la location (10), tout en ramenant
à six mois au lieu de dix la télévision payante comme le souhaite Canal+. En toile de fond, la lutte contre le piratage passe par cette modernisation indispensable des fenêtres de diffusion. « La chronologie actuelle fait que les spectateurs peuvent très rapidement ne plus disposer d’aucun mode d’accès légal à un film », a déploré Xavier Rigault, producteur (2.4.7. Films) et co-président de l’Union des producteurs de cinéma (UPC) dans une tribune parue le 21 juillet dernier dans Télérama, également présent lors du débat aux RCD. Encore six mois d’incertitudes. @

Charles de Laubier

Le CSA accélère le déploiement de la RNT, mais l’arrêt de la FM en France n’est pas pour demain

Alors que la Norvège a commencé à couper avec succès la FM au profit de la RNT, la France n’y songe pas. Mais le CSA propose d’« accélérer le déploiement » dès 2018. Après la RNT diffusée à Paris, Marseille et Nice depuis 2014, c’est au tour de Lille, Lyon et Strasbourg de se préparer.

« Les appels à candidatures pour la radio numérique terrestre (RNT) sur Bordeaux et Toulouse seront lancés avant la fin de l’année », a indiqué Nicolas Curien (photo), membre du CSA et président du groupe « radio », à Edition Multimédi@. Tandis que Rouen et Nantes font actuellement l’objet d’un appel à candidatures lancé fin juillet : les dossiers peuvent être déposés jusqu’au 17 octobre. Quant à celui lancé il y a un an sur Lille, Lyon et Strasbourg, il vient d’aboutir à la sélection des éditeurs de radio.

Accélération de 2018 à 2020
« A Lille, les autorisations ont été délivrées en mai et publiées au Journal Officiel en juin, tandis que les dossiers des opérateurs de multiplex sont actuellement examinés, pour un début des émissions prévu en mars. Lyon et Strasbourg suivront avec un petit décalage », nous précise Nicolas Curien (1). Ainsi, en France, le déploiement de la RNT par le CSA poursuit son petit bonhomme de chemin – depuis le 20 juin 2014, date à laquelle les premières émissions en technologique DAB+ ont pu commencer à Paris, Marseille et Nice (2). Et encore : avant d’en arriver là, il aura fallu patienter le temps de trois rapports consacrés à la radio numérique (rapport Kessler de mars 2011, rapport Tessier de novembre 2009 et rapport Hamelin d’octobre 2009), sans oublier une consultation de la DGMIC (ministère de la Culture et de la Communication) en octobre 2012 sur la norme technique à utiliser, et le rapport du CSA de 2015 intitulé « Evolution des modes de diffusion de la radio : quel rôle pour la radio numérique terrestre ? ».

Et dire que la RNT avait été promise – du moins sur les trois premières agglomérations prévues Paris, Marseille et Nice – « pour fin 2008 » par Nicolas Sarkozy, alors président de la République, puis par Michel Boyon, alors président du CSA (3), « pour Noël 2009 »… Mais cette fois, le CSA dit vouloir mettre les bouchées doubles. « Afin de réussir le déploiement du DAB+ en France (4), le CSA propose d’accélérer le déploiement sur la période 2018-2020 et envisage diverses modalités d’organisation d’un appel aux candidatures métropolitain. Il souhaite recueillir les observations des acteurs sur ces deux voies », a justifié le régulateur de l’audiovisuel au moment de lancer la consultation publique fin juillet et jusqu’au 4 octobre prochain (5). En fait, il est prévu
« un double déploiement, à l’échelle locale et à l’échelle métropolitaine ». Il s’agit notamment, selon Nicolas Curien, d’éviter « les multiplex incomplets ou non constitués » qui aboutirait à « un réseau RNT en forme de gruyère à trous » et d’« un échec assuré ». En complément des allotissements étendus (métropoles régionales) pour
le déploiement de la RNT sur l’Hexagone, il est donc prévu aussi des allotissements locaux. Par exemple, aux trois allotissements étendus de Lille, Lyon, et Strasbourg et aux 13 allotissements locaux associés prévus, ont été ajouté en plus un allotissement dans chacune de ces métropoles régionales et deux allotissements locaux (l’un en Alsace, l’autre dans le Rhône).
Alors que les autorisations sur ces trois agglomérations sont sur le point d’être délivrées, force est de constater que – comme pour Paris, Marseille et Nice – les
quatre groupes privés nationaux des radios NRJ, Europe 1, RTL et RMC (entre autres stations) n’ont pas répondu à l’appel aux candidatures. Le gouvernement, lui, a demandé au CSA en novembre 2016 à préempter des fréquences pour Radio France (FIP à Lille et Lyon, Mouv’ à Strasbourg) et pour France Médias Monde (RFI à Lille, Lyon et Strasbourg). «Le CSA a réservé une suite favorable à ces demandes et a délivré l’autorisation à RFI et FIP à Lille, le 24 mai 2017. Pour les autres zones (Lyon, Strasbourg), les autorisations seront actées en même temps que celles des radios privées. A ce jour, il n’y a pas d’autres demandes de préemption en RNT pour le service public », nous indique François-Xavier Meslon, directeur au CSA des médias radio. Pour l’heure, le régulateur constate qu’« à l’exception d’un émetteur RNT dans l’Est parisien de couverture limitée, les antennes du service public les plus écoutées demeurent pour l’instant absentes de la RNT, notamment France Bleu, alors que la couche des allotissements étendus est la seule qui puisse répondre à ses besoins
de desserte de la population ». Qu’à cela ne tienne : les trente plus grandes agglomérations devraient être couvertes à la fin de 2020.

Limite de l’obligation de couverture
Pour justifier l’accélération du déploiement de la RNT à l’aide d’appels à candidatures au niveau plus local, axes autoroutiers compris, le CSA explique qu’il ne pouvait pas uniquement tabler sur le renforcement des obligations de couverture des éditeurs de radios. Ces obligations de couverture sont par exemple pour Lille, Lyon, Strasbourg, Rouen et Nantes de 40 % de la population au démarrage des émissions, 60 % de la population deux ans après ce démarrage, 80 % de la population quatre ans après ce démarrage. Pour Paris, Marseille et Nice, c’est seulement 20 %, 40 % trois ans après
le démarrage, et 80 % cinq ans après. « Si l’accélération de la montée en charge des obligations de couverture est un moyen nécessaire pour favoriser l’apparition d’un cercle vertueux de développement de la RNT, il n’est pas suffisant. En effet, il ne peut compenser la faible attractivité pour les éditeurs, à ce stade du développement de la RNT, de certains allotissements locaux dans les zones à faible densité de population », explique le CSA dans le texte de sa consultation publique. C’est la raison pour laquelle le régulateur de l’audiovisuel voudrait « tenir compte de cette faible attractivité » en prévoyant que « les prochains appels aux candidatures pourraient ne porter que sur
les principaux “bassins de vie” (6) de la France métropolitaine où, jusqu’à présent, le nombre de candidatures a excédé la capacité des multiplex mis en appel ».

Bassins de vie et axes autoroutiers
Partant de ce constat, le CSA envisage donc dès 2018 que les prochains appels à candidatures locaux portent « exclusivement » sur les allotissements locaux constitués par 30 bassins de vie les plus peuplés non encore concernés par un appel aux candidatures déjà lancé (hors Bordeaux et Toulouse dont les appels sont prévus d’ici
la fin de l’année, en même temps qu’une deuxième vague sur Paris, Marseille et Nice) et sur les allotissements étendus les contenant. Cela va du bassin de vie de Toulon et ses 577.264 habitants à celui de La Rochelle et ses 174.933 habitants. Mieux : le déploiement de la radio numérique hertzienne dans l’Hexagone va ainsi être accéléré : « Afin de favoriser l’apparition d’un cercle vertueux de développement de la RNT, le CSA envisage d’avoir lancé tous les appels locaux portant sur les principaux bassins
de vie d’ici fin 2020, alors que le calendrier adopté en décembre 2015 prévoyait de
finir cette étape du déploiement de la RNT en 2023 ». Le régulateur de l’audiovisuel envisage l’hypothèse de mener deux appels à candidatures par an, de 2018 à 2020,
un appel portant en moyenne sur les allotissements associés à cinq bassins de vie principaux. Les réponses à la consultation publique diront s’il faut ou pas viser une cadence plus élevée. En outre, il est prévu de mettre en appel plus d’un allotissement local dans certains bassins de vie : « Si un bassin de vie compte, par exemple, plus de 400 000 habitants, le Conseil pourrait examiner la faisabilité technique de dégager un second multiplex local ».

Au niveau national, cette fois, le CSA propose de lancer un appel aux candidatures métropolitain qui aurait pour but de délivrer une ou plusieurs autorisations permettant
à des radios d’être entendues par voie hertzienne terrestre en mode numérique sur l’ensemble du territoire métropolitain dans le cadre d’une procédure unique d’appels aux candidatures. Et de plaider dans ce sens : « Ce déploiement de la RNT à l’échelle métropolitaine pourrait notamment s’inscrire dans une logique de couverture des principaux axes routiers afin d’assurer la continuité géographique de réception des services à vocation nationale. Un tel déploiement pourrait s’inscrire en complément
du déploiement des réseaux mobiles dont il n’est pas exclu qu’à terme ils puissent également offrir une telle continuité ». Le régulateur de l’audiovisuel indique d’ailleurs que des obligations d’intégration de la RNT dans les récepteurs radio sont en vigueur depuis le franchissement du seuil de 20 % de la population française auprès de laquelle sont diffusées les radios en RNT (7). Fixer l’obligation de couverture entre 50 % et 60 % de la population métropolitaine semblerait approprié aux yeux du CSA, sachant qu’une autorisation « RNT » est délivrée pour dix ans. Le coût de diffusion d’un multiplex reviendrait alors entre 11 et 14 millions d’euros par an. L’appel aux candidatures au niveau national serait destiné soit aux éditeurs de radios eux-mêmes, soit aux distributeurs. Pour ces derniers, cela peut-être un acteur proposant un bouquet de services tout ou partie payante sous forme d’abonnement, ou bien un opérateur de multiplex composant lui-même le bouquet de radios numériques reçues librement.
« Un troisième modèle consiste à inclure dans le prix de vente des récepteurs RNT
ou de certains d’entre eux les coûts de diffusion et à préserver la faculté de librement recevoir les services du bouquet une fois que l’auditeur est équipé ». L’appel métropolitain ne devra pas oublier les autres services que la radio tels que la diffusion de données liées au trafic routier, à la norme TPEG (8) par exemple. @

Charles de Laubier

ZOOM

Presque toute l’Europe se met à la RNT
Plusieurs pays européens – Allemagne, Danemark, Italie Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suisse – ont lancé la RNT en optant pour la norme DAB ou DAB+ (9). La Norvège a choisi d’amener les radios à abandonner progressivement la FM pour basculer en RNT, région après région, à commencer par le comté de Nordland où la
FM a cessé.
La région d’Oslo, la plus peuplée du pays, devrait arrêter la FM ce mois-ci. Seules des radios associatives dans des zones norvégiennes peu peuplées devraient pouvoir rester sur la FM. La présence d’un récepteur RNT dans presque toutes les voitures neuves et le développement du marché des kits d’adaptation des autoradios non incompatibles favorisent ce « switch-off » de la FM. Le Danemark pourrait être le prochain pays à basculer de la FM au DAB+.
En Suisse, plus du quart du volume d’écoute de la radio bénéficie à la RNT. Au Royaume-Uni, c’est un tiers du volume d’écoute de la radio. En Allemagne, un cinquième des véhicules neufs est équipé d’un récepteur RNT et 11 millions des foyers sont équipés. Aux Pays-Bas, une campagne TV vante les mérites de la RNT. @

Oath, la nouvelle filiale média et publicité en ligne de Verizon, veut séduire le monde et l’Europe

Face aux géants Google et Facebook qui s’arrogent plus de la moitié du marché mondial de la publicité digitale, Verizon a prêté « serment » en créant Oath, un nouveau géant global de média numérique. Mais pour se faire une place à côté des GAFA, encore faut-il convaincre jusqu’en Europe.

Oath ! Quésaco ? Oath est la nouvelle société créée au sein du groupe Verizon pour regrouper une cinquantaine de médias numériques dont Yahoo, AOL, HuffPost, Tumblr, Makers, Build Studios, les portails Sport, Finance et Mail de Yahoo (1). Cette nouvelle filiale du géant des télécoms américain Verizon vient de faire officiellement ses premiers pas en Europe en étant présent à la Dmexco de Cologne en Allemagne, le salon international dédié au marketing digital et à l’industrie des médias qui s’est tenu les
13 et 14 septembre derniers.

Une audience de 1 milliard de personnes
Oath y a notamment dépêché John DeVine, le bras droit de Tim(othy) Armstrong (photo), lequel est devenu directeur général d’Oath en tant qu’ancien patron d’AOL
où il avait été recruté en 2009 alors qu’il était chez Google. Chief Revenue Officer d’Oath, John DeVine était accompagné de Tim Mahlman qui dirige les plateformes programmatiques Ad Tech de la nouvelle filiale issue de Yahoo et d’AOL, ainsi que de l’Australien David Shing auto-proclamé « Digital Prophet » depuis son entrée chez AOL il y a dix ans. John DeVine est notamment intervenu lors du débat intitulé « Diriger une marque dans un monde d’individus », où il était question de la publicité des marques dans un monde jusqu’alors dominé par les spots de télévision aux prix élevés pour atteindre des millions de personnes.
Mais les temps changent au moment où les consommateurs sont plus individuels, hyperconnectés et surchargés ; ces derniers cherchent des connexions plus pertinentes et ayant plus de sens pour leurs vies. Le marketing des marques suppose donc maintenant une approche culturelle mais aussi technologique, avec une bonne connaissance des outils et plateformes numériques désormais utilisés ainsi qu’une compréhension des smart data conjugués à la créativité pour finalement réussir à obtenir « l’engagement » de l’utilisateur. C’est dans cet objectif que Oath veut s’imposer comme plateforme médiatique et publicitaire en Europe comme dans le reste du monde. Avec son offre publicitaire, la force de frappe se veut mondiale, avec des solutions technologiques et programmatiques proposées par les sociétés One by AOL (lancée en 2015) et BrightRoll (acquise par Yahoo en 2014), aussi bien en mobile, vidéo ou search qu’en native advertising (contenu en ligne sponsorisé d’apparence éditoriale). Au total, la filiale de contenus et de publicités revendique pas moins de 1 milliard de visiteurs sur l’ensemble du globe. « Nous construisons l’avenir de marques qui utilisent la puissance technologique, du contenu éprouvé et la différenciation par la data. Nous avons des marques grand public qui dominent dans l’information, le sport, la finance, la technologie, le divertissement et le style de vie, couplées avec nos plateformes technologiques publicitaires leaders du marché », s’était félicité Tim Armstrong le 13 juin dernier. Oath, filiale que le groupe Verizon a en effet officialisée juste avant l’été, s’appuie sur les actifs d’AOL et de Yahoo, mais pas seulement. Oath comprend aussi Tumblr, la plateforme de mini-blogs acquis par Yahoo plus de 1 milliard de dollars en 2013 mais dépréciée depuis, ainsi que les médias en ligne HuffPost (2), TechCrunch et Engadget acquis par cette fois AOL entre 2009 et 2015.
Rappelons que Verizon a racheté Yahoo il y a un an pour 5 milliards de dollars, après s’être emparé d’AOL un an auparavant pour 4,4 milliards de dollars (3) (*) (**). « Nous sommes à une étape décisive dans la croissance mondiale nécessaire pour notre groupe de médias numériques. Les actifs combinés de Verizon et de Oath – de la réalité virtuelle à l’intelligence artificielle, de la 5G à l’Internet des objets, des contenus issus de partenariat à des productions originales – vont créer de nouvelles façons de capter des audiences à travers le globe », a expliqué Marni Walden, vice-présidente
« Media and Telematics » de Verizon, dont dépend désormais Oath. La nouvelle filiale intègre en outre Verizon Digital Media Services, qui propose une plateforme média de bout en bout pour concevoir, diffuser et monétiser les contenus en ligne (sites web, services streaming vidéo en OTT, applications mobile, …) partout dans le monde, grâce à une centaine de points de présence sur cinq continents.

Un futur GAFA en puissance ?
« Take The Oath » signifie en anglais : « Prêter serment ». Le 3 avril 2017, Tim Armstrong avait confirmé le nouveau nom de la filiale dans un tweet quelque peu télégraphique : « Billion+ Consumers, 20+ Brands, Unstoppable Team. #TakeTheOath. Summer 2017 ». Le serment d’Oath consiste à s’attacher la confiance des annonceurs du monde entier en promettant la transparence publicitaire pour que son activité puisse prospérer. Puis, qui sait, un jour peut-être, le « O » de Oath pourra être accolé aux quatre autres lettres de GAFA… @

Charles de Laubier