La lecture en ligne bouscule encore le prix unique

En fait. Le 29 juin, le Syndicat national de l’édition (SNE) a tenu son assemblée générale annuelle. Le chiffre d’affaires 2022 des éditeurs a reculé de 5,4 % sur un an, à 2,9 milliards d’euros, dont seulement 285,2 millions d’euros pour le livre numérique malgré une hausse de 4,4 %. Mais quid de la lecture en ligne ?

En clair. Contacté par Edition Multimédi@, le conseiller d’Etat Jean-Philippe Mochon, Médiateur du livre dont le mandat s’achèvera en octobre (renouvelable), nous indique que « le rapport sur la lecture en ligne et les jetons numériques devrait sortir à l’automne ». Il s’était autosaisi en avril 2022 sur « les nouveaux modèles économiques de la lecture en ligne de mangas, de webtoons et de bandes-dessinées » et sur « la conformité à la loi du 26 mai 2011 [sur le prix du livre numérique, ndlr] des modèles émergents de microtransactions via des systèmes de monétisation par jetons numériques ».
« Scroller » une BD, un webtoon voire un livre numérique sur smartphone prend de l’ampleur, surtout chez les « adolécrans » et jeunes adultes. Le leader mondial des webtoons est le sud-coréen Naver (1). Son modèle économique freemium a popularisé le paiement par des « coins ». Du coup, le Syndicat national de l’édition (SNE) s’interroge lui aussi sur la pratique au regard du prix unique du livre numérique et, d’après le rapport d’activité 2022 du SNE publié à l’occasion de son AG du 29 juin dernier, attend l’avis du Médiateur du livre. Dans son discours ce jour-là, le président du SNE Vincent Montagne – pourtant patron du groupe Média-Participations très présent sur ce marché des webtoons avec sa plateforme Izneo – n’a dit mot sur la lecture en ligne. Pas plus que sur le livre numérique d’ailleurs, à part un elliptique « maîtrise du numérique ». De plus, le syndicat des éditeurs vient de publier l’état de l’édition en France mais sans aucune donnée sur le marché des plateformes de lecture en ligne. « Malheureusement, le nombre insuffisant de réponses reçues ne permet pas de dresser une évaluation de ce marché », indique le rapport du SNE, en appelant les éditeurs à renseigner leurs données « webtoon » lors de la prochaine vague statistique de 2024.
Outre Izneo de Vincent Montagne et Webtoon de Naver, d’autres plateformes françaises surfent aussi sur les webtoons : Piccoma (Kakao), Verytoon (Delcourt), Webtoon Factory (Dupuis), ou encore Glénat Manga Max (Glénat Editions). Dans la lecture en ligne, sont aussi présents Nextory (ex-Youboox), YouScribe, Kindle Unlimited (Amazon), … Sur l’abonnement illimité et le prix unique, un avis du 9 février 2015, de la Médiatrice du livre Laurence Engel, avait établi que « le prix des livres numériques est fixé par les éditeurs » (2). @

Maisons d’édition : le livre audio risque de cannibaliser les livres numériques et imprimés

« En mai, écoute le livre qui me plait ! ». En France, mai 2022 est « le mois du livre audio ». Qu’ils soient sur support physique (CD) ou en ligne (en streaming ou en téléchargement), les livres audio sont de plus en plus écoutés. Mais il y a un risque de cannibalisation des ventes de livres à lire.

A pousser le livre audio comme jamais elles ne l’ont fait pour le livre numérique, les maisons d’édition ne sont-elles pas en train de se tirer une balle dans le pied ? Elles pourraient accélérer le déclin de leur industrie du livre. Non seulement éditer un livre audio ne relève plus de la planète Gutenberg, contrairement aux éditions imprimées et par extension numériques, mais, en plus, considérer l’écoute d’un livre audio comme de la lecture constitue un abus de langage dont les utilisateurs ne sont pas dupes. Ecouter n’est pas lire, et vice-versa. Le livre audio, c’est en quelque sorte de la lecture par procuration.

L’audiobook grignote d’abord l’ebook
A trop vouloir « mettre les livres sur écoute », en se diversifiant parfois eux-mêmes dans l’audiovisuel – comme Hachette Livre et Albin Michel qui détiennent respectivement 60 % et 40 % de la société Audiolib –, les maisons d’édition prennent-elles le risque de cannibaliser leur propre coeur de métier historique ? Lizzie du groupe Editis (Vivendi). Gallimard Audio/Ecoutez Lire du groupe Madrigall, Actes Sud Audio, … Nombreux sont les membres du Syndicat national de l’édition (SNE), représentant notamment les majors françaises de l’industrie du livre, qui ont décidé de donner de la voix à leur catalogue en faisant lire des oeuvres par des acteurs et comédiens plus ou moins célèbres. « Je ne pense pas qu’on puisse parler de “cannibalisation”, qui suppose qu’une pratique remplace l’autre. En tous cas, pas pour le livre imprimé qui a des usages très larges. En revanche, que le livre audio apporte d’autres adeptes à la lecture, ou intensifie la lecture, et qu’il progresse plus vite que le livre numérique – voire le dépasse en nombre –, c’est tout à fait possible. Une fois que l’offre sera élargie, la pratique de lecture audio s’installera durablement pour les générations les plus jeunes – ce sont déjà les trentenaires et moins qui l’adoptent », nous a répondu Valérie Lévy-Soussan (photo), PDG d’Audiolib chez Hachette Livre (groupe Lagardère) depuis près de dix ans (1) et présidente depuis mars 2019 de la commission « livre audio » du SNE (2).
Selon l’institut Médiamétrie pour le 12e baromètre sur les usages du livre numérique et audio, publié fin avril lors du 1er Festival du Livre de Paris par le SNE avec les sociétés d’auteurs Sofia et SGDL, sur 48,1 millions de lecteurs en France en 2021 (3), 47,7millions sont « lecteurs » de livres imprimés, 13,5 millions de livres numériques, et 9,9 millions sont « auditeurs » de livres audio. Où l’on voit que les audiobooks sont en passe de se hisser au même niveau que les ebooks, en termes d’utilisateurs. « Seuls 52 % des auditeurs de livres audio physiques [sur support CD, ndlr] en ont écouté un il y a moins d’un an, ce qui traduit vraisemblablement le début d’un véritable basculement du livre audio physique au profit du livre audio numérique », souligne ce baromètre. L’an dernier, le nombre d’auditeurs de livres audio physiques a reculé d’un point à 7,9 millions pendant que celui des livres audio numériques a progressé d’un point à 6,6 millions. Sans parler de la notoriété des audiobooks qui gagne du terrain par rapport aux ebooks. Si cannibalisation il y a de la part de l’écoute au détriment de la lecture, elle se fait par grignotement qui touche en premier lieu le livre numérique. Le livre broché (imprimé) semble moins impacté (4). C’est une aubaine pour les éditeurs puisque le livre audio numérique est, en vente à l’acte, à peu près au même prix que celui de son équivalent papier.
Une quinzaine de membres du SNE composent la commission « livre audio » du SNE, soit seulement 2 % de l’ensemble des 720 maisons d’édition que représente le syndicat. C’est justement cette commission qui a décrété le mois de mai 2022 « Mois du livre audio », une première. « Dans notre monde hyperconnecté, c’est de sens, plus encore que de silence, dont nous avons besoin », assure Valérie Lévy-Soussan, à l’heure où la lecture a été déclarée par le président de la République « grande cause nationale » jusqu’à l’été prochain. Après un Festival du Livre de Paris qui a privilégié le papier, le libre audio s’est fait entendre jusqu’au 11 mai au Festival du Livre audio organisé à Strasbourg par l’association La plume de Paon (5), laquelle assure la promotion du livre audio (6).

Des festivals du livre audio à gogo
La plume de Paon a organisé dans la foulée pour les professionnels, les 13 et 14 mai, toujours à Strasbourg, les Rencontres francophones du livre audio (7). Puis, à Paris cette fois et le 22 mai, le Festival Vox – « du livre audio et de la lecture à voix haute » – organise un marathon de lecture à la Maison de la poésie (8). Quant à la commission « livre audio » du SNE, elle a prévu le lancement d’ici fin mai d’un nouveau site Internet entièrement consacré au livre audio. Baptisé « Lire ça s’écoute ! », il sera doté de ressources professionnelles et d’un catalogue exhaustif de titres des éditeurs membres. @

Charles de Laubier

Youboox fête ses 10 ans de lecture en streaming et envisage une nouvelle levée de fonds en fin d’année

Cofondée le 22 juillet 2011 par Hélène Mérillon, la société Youboox – éditrice de la plateforme de lecture en streaming par abonnement lancée en mars 2012 – se développe en révolutionnant le monde du livre. Le « Netflix de l’écrit », mais aussi du livre audio, affirme être rentable et envisage une troisième levée de fonds.

« Notre modèle économique n’a pas changé depuis la création de la société, mais nous avons développé nos offres via plusieurs canaux de distribution : d’abord en nous appuyant sur de grand partenaires B2B comme les opérateurs télécoms SFR et Free [ainsi qu’Orange Belgique et Orange Tunisie, ndlr], les groupes hôteliers comme Accor, ou des compagnies aériennes comme Air France, puis en accélérant nos investissements marketing digitaux en B2C », indique à Edition Multimédi@ Hélène Mérillon (photo), présidente de Youboox. Aujourd’hui, avec un catalogue disponible en streaming illimité de 400.000 contenus provenant de 1.500 éditeurs (ebooks, livres audios, bandes dessinées, quotidiens, magazines, guides de voyages, guides pratiques, …), Youboox revendique 2,5 millions d’utilisateurs francophones partout dans le monde. Avec une gratuité sur les trente premiers jours (1), les deux offres d’abonnement mensuel (l’une classique à 7,99 euros mais restreinte aux ebooks et aux BD, et l’autre à 11,99 euros avec livres audio et presse compris) ont séduit à ce jour plus d’un demi-million d’abonnés payants. Pour le prix d’un livre de poche, le lecteur peut s’offrir « un buffet littéraire à volonté » (dixit Orange Belgique) et un kiosque à journaux illimité.

Livres numériques piratés : LeakID et Rivendell surveillent le Net

En fait. Le 24 juin, à l’occasion de son assemblée générale, le Syndicat national de l’édition (SNE) a publié son rapport d’activité 2020 assortis de chiffres du marché français. L’édition numérique peine à décoller : 263,6 millions d’euros de chiffre d’affaires (+13,5 %). Les éditeurs se protège contre piratage avec LeakID.

En clair. La frilosité des maisons d’édition perdure vis-à-vis de l’édition numérique qui, avec 263,6 millions d’euros de chiffre d’affaires, ne dépasse toujours pas les 10 % du marché global du secteur en France, alors que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou le Japon sont à des taux d’ »ebookisation » deux à trois fois plus élevés. Cet attentisme français qui se le dispute à la crainte est entretenu par les chiffres présentés comme alarmistes sur le piratage de livres en ligne. Selon le Syndicat national de l’édition (SNE), présidé par Vincent Montagne (photo), et la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (Sofia), qui recensent plus de 17.000 œuvres éditoriales protégées par le droit d’auteur, « plus de 430.000 liens de téléchargement ont été notifiés, dont 85 % ont été fermés » et « plus de 2,2 millions de liens pirates déréférencés auprès de Google couvrant plus de 8.000 sites de phishing et 700 sites (web) pirates ».

L’exploitation numérique des livres, pas très claire

En fait. Le 9 mars, la Société civile des auteurs multimédia (Scam) – en partenariat avec la Société des gens de lettres (SGDL) et en présence du Syndicat national de l’édition (SNE) – a publié son 8e baromètre des relations entre auteurs et éditeurs dans l’industrie du livre. Mécontentement des auteurs, notamment sur les ebooks.

En clair. Réalisé tous les trois ans par la Société civile des auteurs multimédia (Scam) et la Société des gens de lettres (SGDL), ce baromètre des relations auteurs/éditeurs est intitulé pour sa 8e édition : « Le relâchement ». Cette dégradation des relations entre auteurs et les éditeurs s’observe par l’augmentation du taux des auteurs qui estiment avoir des relations non-satisfaisantes, voire conflictuelles avec tous leurs éditeurs (31 % contre 24 % en 2018). Cette grogne qui monte dans l’industrie du livre n’est pas seulement dû, loin s’en faut, au faible taux de rémunération moyen de 8,2 % (du prix public hors taxe de l’ouvrage) pour l’exploitation papier et 11,4 % pour l’exploitation numérique. C’est le contrat lui-même qui laisse encore à désirer, notamment sur le volet numérique pourtant censé avoir été balisé il y a huit ans maintenant par l’accordcadre du 21 mars 2013 intervenu entre le Syndicat national de l’édition (SNE) et le Conseil permanent des écrivains (CPE), puis codifié l’année suivante (1). « Pour [encore] un quart des auteurs et autrices, le dernier contrat signé ne distingue pas clairement l’exploitation papier de l’exploitation numérique », relève ce 8e baromètre. Ils sont 38 % des auteurs à trouver les contrats numériques « encore peu ou pas clairs ». Ils sont même encore 17 % à avoir appris fortuitement l’exploitation numérique de leurs œuvres… A noter que les contrats pour une exploitation uniquement numérique sont assez rares : 10 % uniquement en 2021 comme en 2018. « Dans leur très grande majorité (97 %), les auteurs n’ont pas demandé à bénéficier de la clause de réexamen des conditions économiques de la cession des droits d’exploitation numérique, prévue par les nouveaux contrats depuis le 1er janvier 2015 », pointe le baromètre.
Pour le taux de rémunération lié au livre numérique, il est « bien plus souvent inférieur à 5 % ». Mais il grimpe aussi « plus souvent » au-dessus de 15 % que pour l’exploitation papier. « Par exemple, 25 % des auteurs de littérature générale indiquent que leur dernier contrat prévoit un taux de rémunération de 20 % ou plus pour l’exploitation numérique de leurs œuvres », indique-t-on. In fine, le taux de rémunération moyen pour l’exploitation numérique est de 11,4 % avec une médiane à 10 %. Enfin, seulement 31 % des auteurs ont perçu des droits pour la copie privée numérique. @