Lutte contre piratage et lutte contre le terrorisme : Internet se retrouve entre le marteau et l’enclume

Internet est doublement dans la ligne de mire du gouvernement. Deux projets le concernant se télescopent : la lutte contre le piratage en ligne, et la lutte contre
le cyberterrorisme. Des acteurs du Net s’inquiètent de l’impact de mesures répressives sur les libertés fondamentales.

Il s’agit pour le gouvernement de Manuel Valls (photo), d’une part,
de renforcer la responsabilité de tous les intermédiaires de l’Internet pour qu’ils déréférencent ou « assèchent » les sites présumés pirates d’œuvres protégées par le droit d’auteur, et, d’autre part, d’accroître la surveillance et le blocage de sites web afin de lutter contre le terrorisme et son apologie (1). Après l’attentat dramatique qui a touché de plein fouet le journal satirique Charlie Hebdo, ces deux projets qui n’ont a priori rien à voir entre eux se retrouvent aujourd’hui dans les priorités du gouvernement. Pour le meilleurs et… pour le pire ?

Comment Patrick Drahi vole la vedette à Xavier Niel

En fait. Le 14 janvier dernier, Patrick Drahi – patron de Numericable SFR (Altice) et coactionnaire de Libération – et Marc Laufer ont annoncé la création, avec Bruno Ledoux, du groupe « Mag & News Co » regroupant le quotidien Libération, l’hebdo L’Express, le mensuel L’Expansion et la chaîne i24News.

En clair. Les marchés français des télécoms et des médias ont déjà dû apprendre à composer avec Xavier Niel, dirigeant fondateur de Free et de sa maison mère Iliad (dont la filiale Free Mobile a été lancée début 2012), ainsi que copropriétaire depuis novembre 2010 du quotidien Le Monde (avec Pierre Bergé et Matthieu Pigasse) et de l’hebdomadaire L’Obs (ex- Le Nouvel Observateur). Désormais, il faut compter avec Patrick Drahi qui a racheté l’an dernier SFR et Virgin Mobile (à respectivement Vivendi et Omea Telecom) pour créer le numéro deux des télécoms en France, et qui est devenu coactionnaire du journal Libération en le sauvant de la faillite (1), et maintenant coactionnaire du groupe « Mag & News Co » créé en pleine négociations du rachat du groupe Express-Expansion au belge Roularta.

Ce que disait Dominique Baudis il y a près de dix ans

En fait. Le 15 avril, ont eu lieu les obsèques de Dominique Baudis décédé le 3 avril. Ancien journaliste (débuts au Liban en 1971 pour l’ORTF) et présentateur du JT sur TF1 puis FR3, il fut – après 18 ans de politique – président du CSA. Alors aux Echos, l’auteur de ces lignes l’avait interviewé en 2005.

En clair. « C’est au législateur de préciser jusqu’où peut aller le CSA (1), notamment
dans le cas de la vidéo à la demande et des contenus sur Internet. Autant le site web d’une chaîne ou d’une radio est soumis aux mêmes obligations de contenu que sa ‘’maison mère’’, autant la capacité d’intervention du CSA n’est pas extensible à tous
les services interactifs ». Ainsi s’exprimait Dominique Baudis, alors président du CSA depuis janvier 2001, dans une interview accordée à Charles de Laubier pour La lettre des Télécommunications du groupe Les Echos parue en octobre 2005. « Entre une liberté totale sur le web (Etats-Unis) et le risque autoritaire de censure du web (Chine), je pense qu’il y a place en Europe pour une régulation mesurée des contenus ».

Le Monde et la presse française se préparent à un exercice 2014 à haut risque, sur fond de consolidation

Le premier quotidien national fête cette année ses 70 ans. Mais Le Monde, comme l’ensemble de la presse française, est remis en question par les géants de l’Internet et par une chute « violente » de ses recettes publicitaires. Son président, Louis Dreyfus, s’interroge sur son avenir papier-numérique.

Louis Dreyfus-bisL’année 2013 aura été une annus horribilis pour la presse française : recul des ventes de journaux, chute des recettes publicitaires, pertes financières, suppression d’emplois, grèves à répétition, monétisation difficile du numérique, …
Rien que la chute de 7,1 % des ventes de quotidiens nationaux en kiosque sur la majeure partie de l’année 2013 a jeté un froid avant un hiver glacial en diffusion et publicité (1).
« Depuis octobre, on voit sur l’ensemble du marché de la presse une baisse forte, brutale, des recettes publicitaires. Il y a un refroidissement très net de la tendance. C’est une baisse à un chiffre mais importante en moyenne », s’est inquiété mi-décembre Louis Dreyfus (photo), président du directoire du Monde, devant l’Association des journalistes médias (AJM).

La dévalorisation de la presse papier s’accélère face à un numérique tardant à prendre le relais

Valorisé plus de 1 milliard de dollars il y a quelques années, le Washington Post
est cédé à Jeff Bezos – patron d’Amazon – 250 millions de dollars. Ce rachat, annoncé le 5 août, illustre une nouvelle fois la chute interminable de la presse
que le numérique ne réussit pas à revaloriser.

Dans la torpeur de l’été, ce fut une annonce choc : la vente de l’emblématique Washington Post à Jeffrey P. Bezos, le milliardaire fondateur et patron d’Amazon, pour seulement quelques dizaines de millions de dollars. Deux jours auparavant, ce fut à un autre quotidien, le Boston Globe, né lui aussi il y a environ 150 ans aux Etats-Unis,
de passer dans les mains d’un autre milliardaire, John Henry, pour une bouchée de pain (70 millions de dollars).