Pub : de la vente d’espaces à la vente de contacts

En fait. Le 8 décembre, se sont tenues à l’Assemblée nationale les 5e Assises
de la convergence des médias – organisées par l’agence Aromates, à l’initiative du député Patrice Martin-Lalande. Thème cette année : « Quelle place pour la publicité dans l’économie des nouveaux services audiovisuels ? ».

En clair. « La télévision peut-elle perdre la bataille de la publicité ? ». Telle était la première préoccupation de ce colloque introduit par Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, et Michel Boyon, président du CSA. « On passe d’une logique de vente d’espaces à une logique de vente de contacts qualifiés », a expliqué Gilles Fontaine, directeur général adjoint de l’Idate (1). Or, si les chaînes de télévision ont mieux résisté à la baisse des prix du marché de la publicité télévisée, elles doivent faire face, selon lui, à une « réorganisation de la chaîne de valeur » dans un monde où délinéarisation (catch up TV, VOD, …) est synonyme de destruction de valeur. Mais passer à la vente de contacts nécessite un système d’information adapté.
« Les chaînes sauront-elles maîtriser cette technicité ? », se demande Gilles Fontaine. Bruno Patino, directeur général délégué à la stratégie et au numérique de France Télévisions (2), préfère parler de vente de « contexte d’utilisation, c’est-à-dire un mélange des deux » à l’heure de la Social TV (télévision et réseaux sociaux), tout
en prenant acte que  « [les chaînes] ne seront plus les maîtres et ne contrôleront plus
le système ». Mais pour l’heure, rassure Zysla Belliat, présidente de l’Irep (3), « la télévision reste encore cette puissance dans le foyer, cette lumière au fond de la caverne » (sic). La télé pèse en effet en 2010 plus de 3,4 milliards d’euros des recettes publicitaires en France (+ 11,2 % sur un an), soit 32,1 % de parts de marché.
Ce qui la place en seconde position derrière la presse et ses 3,7 milliards de recettes publicitaires (en recul de 1,6 %), pour 34,4 % de parts de marché. Internet, lui, génère seulement 540 millions d’euros (+ 12 %) en display (hors liens sponsorisés et e-commerce) : de quoi relativiser… pour l’instant.
Car le marché global français de la publicité – dont les recettes des médias dépassent, selon l’Irep, les 10,7 milliards d’euros en 2010 pour 30,7 milliards d’euros de dépenses de communication des annonceurs – n’est pas extensible. Entre TNT (19 chaînes gratuites, 10 payantes, 5 HD, 45 locales, bientôt 6 nouvelles), catch up TV, VOD, plates-formes vidéo (YouTube, Dailymotion et bientôt Netflix et Hulu) et TV connectée, la fragmentation de l’offre audiovisuelle entraîne une fragmentation de l’audience et, donc, de la publicité. @

Game over… pour l’industrie « off line » du jeu vidéo

En fait. Le 8 décembre, le Game Connection Europe a fermé ses portes après trois jours, à La Défense. C’est la première fois que Paris accueillait cet événement-phare de l’industrie du jeu vidéo qui, selon l’Idate, réalise 52,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires au niveau mondial cette année.

En clair. L’industrie du jeu vidéo entre dans le « cloud gaming ». Les consoles de jeux connectées, les boutiques d’applications, les réseaux sociaux, les téléviseurs connectés, ainsi que les jeux dits massivement multi-joueurs (MMO) et les jeux virtuels sur de la réalité augmentée, sont en train de faire disparaître les jeux numériques sur supports physiques, tels que les CD ou les DVD. Le « cloud computing », qui permet aux utilisateurs de jouer à partir de n’importe quel terminal – ordinateur, smartphone, tablette, téléviseur, etc. – sans que le jeu n’ait à être enregistré préalablement sur leur propre disque dur ou sur un support de stockage local, pourrait leur donner le coup de grâce. L’un des pionniers du « cloud gaming » s’appelle OnLive, société américaine qui a lancé en juin 2010 son service de jeux à la demande – ce que l’on pourrait désigner par le GOD, comme il y a la VOD pour la vidéo à la demande. Seul un petit boîtier est nécessaire pour jouer sur le poste de télévision. Pas de disque optique, pas de téléchargement : rien que du streaming audiovisuel. Par exemple, l’utilisateur achète
un jeu à partir de son smartphone et obtient un unique compte utilisateur, qui lui donne le droit de joueur à ce jeu sur plusieurs de ses terminaux. C’est ce que Laurent Michaud, chef de projet et responsable du pôle « Loisirs numériques et électronique grand public » de l’Idate, appelle – notamment dans son rapport « Digital Home & Connectable Devices » de l’Idate (1) que Edition Multimédi@ s’est procuré – les « jeux vidéo ubiquitaires » (ou Ubiquitous Games).
En France, par exemple, la console de jeux connectée pourrait disputer à la box IPTV
des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) – détenant plus de 90 % de parts de marché
de l’accès au haut débit et du triple play – sa position de leader dans le salon connecté.
« Les consoles continuent par ailleurs d’abriter d’autres contenus (musique, vidéo, navigation Web, TV), plus enclins à intéresser le reste de la famille. (…) Celles de Sony
et de Microsoft assument leurs ambitions dans le foyer numérique et participent à sa conquête à côté des set-top-box, des boxes IPTV, des disques durs multimédias, des lecteurs-enregistreurs vidéo et des téléviseurs connectés », explique Laurent Michaud (2). Reste le risque de piratage que l’Hadopi considère comme moins élevé comparé à
la musique ou aux films. @

Taxe pour la copie privée : sans le piratage en ligne ?

En fait. Le 29 novembre, les députés ont voté en faveur du projet de loi sur la rémunération de la copie privée. Il établir un nouveau cadre législatif en excluant notamment des calculs de la commission « Hadas-Lebel » la copie privée des œuvres piratées. Cela lui impose de réaliser des études d’usages.

En clair. Il était temps ! Surtout que les sénateurs vont adopter à leur tour in extremis ce texte le 19 décembre… C’est en effet à partir du 22 décembre prochain que la commission « copie privée » et la plupart de ses barèmes de rémunération allaient devenir hors-la-loi. La taxe pour copie privée, qui rapporte environ 180 millions d’euros par an aux ayants droits (1), était ainsi remis en cause par le Conseil d’Etat le 17 juin dernier, à la suite
d’un arrêt du 21 octobre 2010 de la Cour de justice de l’Union européenne exemptant
les supports acquis pour un usage professionnel de la « taxe » copie privée (2). Ce n’est pas la première fois que le Conseil d’Etat porte un coup fatal à la commission baptisée
« Albis » (du nom de son ancien président jusqu’en octobre 2009), puis « Hadas-Lebel » (son successeur). En effet, la Haute juridiction administrative – saisie par le Simavelec
(3) – avait annulé le 11 juillet 2008 toutes les décisions de la commission qui dépend
de trois ministères (Culture, Industrie et Consommation). Car elle n’aurait pas dû établir ses barèmes sans exclure de ses calculs les musiques ou les films téléchargés illégalement sur Internet et les réseaux peer-to-peer. Résultat : le premier article du
projet de loi stipule que la rémunération pour copie privée ne concerne que les copies
« réalisées à partir d’une source licite ». Encore faut-il des « enquêtes » sur les usages
de chaque type de support. Le texte prévoit donc que non seulement « le montant de la rémunération [taxe mentionnée sur l’étiquette lors de l’achat, ndlr] est fonction du type de support et de la durée d’enregistrement qu’il permet », mais aussi – est-il rajouté à l’article 3 – que « ce montant est également fonction de l’usage de chaque type de support ».
« Cet usage est apprécié sur le fondement d’enquêtes ». Chaque support à taxer doit donc faire l’objet d’une étude d’usages soit préalable, soit dans certains cas « objectifs » dans un délai d’« un an à compter de cet assujettissement ». Par exemple, selon nos informations, la commission « Hadas-Lebel » a reçu en novembre une étude sur les disques durs multimédias, l’une des douze enquêtes confiées à l’institut de sondages CSA. Les smartphones, les tablettes, les enregistreurs vidéo de salon ou encore les
box des FAI auront chacun une étude d’usages. @

Culture digitale : dichotomie entre Europe et Etats

En fait. Le 19 novembre, Neelie Kroes – vice-présidente de la Commission européenne, en charge de l’Agenda numérique – s’est exprimée dans un débat
sur la propriété intellectuelle au Forum d’Avignon, qui réunissait en même temps
le Sommet culturel G8-G20 sur « la création à l’ère du numérique ».

En clair. Ces 4e Rencontres internationales de la culture, de l’économie et des médias
– organisées par le Forum d’Avignon, dirigé par d’anciens de la DDM (devenue DGMIC) et lié au ministère de la Culture et de la Communication – ont montré l’obsolescence des frontières culturelles dans un monde numérisé. « L’espace sans frontières d’Internet ne se satisfait pas d’approches purement nationales qui, même convergentes, restent trop fragmentées, et se heurtent à des comportements de ‘’paradis numériques’’ non coopératifs », a expliqué Frédéric Mitterrand. Pourtant,
les débats à Avignon se sont souvent focalisés sur le renforcement des politiques nationales pour lutter contre le piratage.
Nicolas Sarkozy s’y est exprimé pour annoncer l’élargissement aux sites de streaming de la loi Hadopi (lire p. 1 et 2), laquelle n’intervient pour l’heure que sur les réseaux peer-to-peer. Pour cela, la France devrait promulguer une troisième loi Hadopi :
« Certains d’entre vous se sont inquiétés lorsque j’ai dit que j’étais prêt à Hadopi 3.
(…) Si la technologie nous permet une nouvelle évolution, et bien on adaptera la législation », a lancé le chef de l’Etat français. Ce qui n’est pas forcément du goût
de la Commission européenne qui doit présenter au printemps 2012 une révision de
la directive sur la propriété intellectuelle (1) avec gestion collective des doits sur le Net et licences multi-territoriales. Neelie Kroes, chargée de l’Agenda numérique, a constaté que « le débat tourne autour du renforcement du copyright », alors que « ce n’est pas toute l’histoire ». Et la vice-président de la Commission européenne d’interroger l’aréopage culturel réuni devant elle : « Est-ce que le système actuel de copyright est
le bon moyen, et le seul, pour atteindre nos objectifs ? Pas vraiment, je le crains.
Nous devons continuer à combattre le piratage, mais le renforcement législatif [legal enforceability] est devenu de plus en plus difficile ».
Et d’ajouter : « Nous avons besoin de flexibilité dans le système, pas d’une camisole
de force d’un modèle seul ». Elle encourage la création d’un « répertoire global » des œuvres et remarque que le Cloud computing remet en question de système des licences.
« Je vois comment certains en Europe voient avec horreur l’arrivée de Netflix ou l’expansion de iTunes. Mais nous ne devons pas être paralysés par la peur », a prévenu Neelie Kroes. @

Le Big Data Bang

Rien moins que le déluge ! Déluge numérique, déferlement de données, avalanche d’informations : les chiffres qui nous donnaient le tournis il y a à peine dix ans, nous semblent ridicules aujourd’hui. Pourtant, en 2010, on estimait que l’humanité – en produisant l’équivalent de 1.000 exabytes – faisait son entrée dans l’ère du zettabyte : un zettabyte équivalant à 1 milliard de terabytes. La croissance a été au rendez-vous, puisqu’en 2020 nous en sommes déjà à plus de 35 zettabytes ! Cette augmentation exponentielle est le résultat d’un emballement général. Les réseaux qui structurent le Web sont de plus en plus nombreux : après les données des institutions et des entreprises sur le Web de première génération, les données personnelles ont déferlé sur la Toile, amplifiées par la banalisation des réseaux sociaux diffusés sur tous les terminaux et les services mobile.
A cela, s’est ensuite ajouté le flux massifs d’informations libérées, comme les données publiques mises en ligne par les Etats ou les collectivités locales. Puis, ce fut au tour des milliards de « data » générés par l’Internet des objets. Nous apprenons à naviguer dans un espace numérique presque infini, composé de données hétérogènes : données non structurées, venues du monde entier, de plus en plus souvent produites en temps réel
et généralement taguées de mots-clés, de dates, de lieux, …

« Les algorithmes sont en mesure de faire émerger les motifs cachés des entrailles du Web : un Deep Web qui représente 90 % de l’ensemble du Net »