Pas de « domaine commun » dans le projet de loi « République numérique », mais… une mission

Malgré la volonté initiale de la secrétaire d’Etat au Numérique, Axelle Lemaire, l’instauration d’un « domaine commun » (échappant aux droits d’auteur) a été supprimée du projet de loi numérique. Mais le Premier ministre Manuel Valls a promis « une mission ».

« Relèvent du domaine commun informationnel :
1° Les informations, faits, idées, principes, méthodes, découvertes, dès lors qu’ils ont fait l’objet d’une divulgation publique licite, notamment dans le respect du secret industriel et commercial et du droit à la protection de la
vie privée, et qu’ils ne sont pas protégés par un droit spécifique, tel qu’un droit de propriété ou une obligation contractuelle ou extra-contractuelle ; 2° Les œuvres, dessins, modèles, inventions, bases de données, protégés par le code de la propriété intellectuelle, dont la durée de protection légale, à l’exception du droit moral des auteurs, a expiré ».

« Est-ce que l’Arcep sert encore à quelque chose ? », s’interroge Sébastien Soriano, son président

C’est la question la plus pertinente que le président de l’Arcep, Sébastien Soriano, a lancée lors de son show des conclusions de sa « revue stratégique », le 19 janvier, dans le grand amphithéâtre de La Sorbonne, avec la participation
de Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique.

« Nous devons nous poser la question
de notre valeur ajoutée : est-ce qu’on
sert encore à quelque chose ? », s’est interrogé Sébastien Soriano (photo de gauche), président depuis un an maintenant de l’Autorité de régulation
des communications électroniques et
des postes (Arcep). « Je pense que oui. Mais comment ? », a-t-il ajouté. Alors que cette autorité administrative indépendante (AAI), créée en 1997, va fêter dans un an ses 20 ans,
elle a tenté dans le cadre de sa « revue stratégique » de résoudre son problème existentielle, à savoir quelles seront ses nouvelles missions maintenant que le cycle d’ouverture à la concurrence des télécoms s’est achevé. Tout ce qui faisait la vocation de l’Arcep tend à disparaître : ses compétences historiques étaient d’édicter des règles dites ex ante, c’està- dire établies « au préalable » (a priori) et applicables aux seuls opérateurs télécoms en position dominante sur le marché – Orange (ex-monopole public France Télécom) et dans une moindre mesure SFR. Cette régulation qualifiée d’« asymétrique » consiste à imposer des obligations spécifiques à l’opérateur
« puissant » sur un marché, dans le but de supprimer ou de réduire les « barrières
à l’entrée » et permettre ainsi aux opérateurs concurrents – alternatifs – de s’installer
et de prospérer – surtout lorsqu’il existe une infrastructure essentielle comme c’est le cas de la boucle locale téléphonique encore très largement utilisée pour l’accès à Internet haut débit dans les offres triple play (1).

La concentration des médias s’est accélérée en 2015 ; l’année 2016 garantira-t-elle leur indépendance ?

Le numérique accélère la concentration des médias en France entre les mains
– ce qui est unique au monde – d’industriels et de milliardaires. Cela n’émeut pas vraiment le gouvernement, pourtant garant de l’indépendance et du pluralisme des médias. La question de légiférer ou de réglementer se pose.

Vincent Bolloré, Patrick Drahi, Bernard Arnault, Serge Dassault, Pierre Berger, Xavier Niel, Matthieu Pigasse, Arnaud Lagardère, François-Henri Pinault, Bernard Tapie, … Le point commun entre tous ces milliardaires et industriels français réside dans leur mainmise sur la majeure partie des grands médias français.

Dernière ligne droite pour le projet de loi « République numérique » avant le Parlement

Alors que le règlement et la directive européens « Protection des données »
ont fait l’objet d’un compromis le 16 décembre en vue d’être adoptés en 2016,
le projet de loi français « République numérique » prend, lui, les devants avec
le contrôle et portabilité des données, et la « loyauté des plateformes ».

Dernière ligne droite pour Axelle Lemaire (photo), secrétaire d’État au Numérique, pour peaufiner le projet
de loi numérique (« loi pour une république numérique »), qui a fait l’objet d’une consultation publique à l’automne dernier. Le texte, dont certaines dispositions de l’avant-projet de loi ont été notifiées dès novembre à la Commission européenne, a été présenté en conseil des ministres le 10 décembre (1), puis examiné le 15 décembre à l’Assemblée nationale par les commissions des affaires culturelles et européennes, puis le sera par les commissions des affaires économiques et affaires sociales le 12 janvier 2016, puis par la commission des lois le 13 janvier.

Rapport « Numérique et Libertés » de l’Assemblée nationale : l’Etat est appelé à garder l’équilibre

La Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique avance – dans son rapport du 8 octobre 2015 – l’idée d’« infrastructures de données essentielles » et en appelle aussi à préserver « à tout prix » la liberté d’expression sur Internet, tout en s’opposant au changement de statut des hébergeurs.

Par Winston Maxwell, avocat associé, Hogan Lovells

La Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, à l’Assemblée nationale*, a rendu son rapport le 8 octobre 2015. Ce rapport (1) a pour ambition
de poser quelques principes qui doivent guider la réflexion des parlementaires lorsqu’ils examinent différents projets de lois touchant au numérique. Plusieurs points forts ressortent de
ce rapport « Numérique et Libertés ».

* La Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, à l’Assemblée nationale, a été présidée par Christiane Féral-Shuhl, avocate et ancienne bâtonnière de Paris, et par Christian Paul, député de la Nièvre. En plus des deux co-présidents, cette commission a rassemblé 13 parlementaires issus de différents groupes politiques, ainsi que 13 personnalités qualifiées, dont l’auteur de cet article.