Filtrage par Free de la e-pub de Google : coup d’éclat ou d’épée dans l’eau ?

A la demande du gouvernement français, Free a renoncé à la mise en place du filtrage par défaut des publicités sur Internet, celles de Google en tête. Mais l’option demeure. Cette affaire préfigure une évolution des rapports de force entre les différents acteurs de la société numérique.

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, et Thomas Boutan, stagiaire, Gide Loyrette Nouel

Nul ne sait précisément quelles sont les raisons intrinsèques ayant conduit le groupe Iliad au filtrage publicitaire par défaut. Coup de pub maîtrisé ? Volonté de faire pression sur le géant américain Google dans des négociations sur le peering ? Désir de prouver à qui veut bien l’entendre qu’un fournisseur d’accès à Internet (FAI) peut garder un tant soit peu de contrôle sur ses abonnés ?

La croissance française de l’e-pub sauvée par la vidéo

En fait. Le 15 janvier, le Syndicat des régies Internet (SRI) – qui réunit 26 membres en France – a publié pour la septième année son Observatoire de la publicité sur Internet, sur la base d’une étude de Capgemini Consulting et de l’Udecam (agences médias) : les mobiles déçoivent, la vidéo enchante.

En clair. Malgré un sérieux ralentissement du marché français de la publicité en ligne en 2012, en raison de la crise économique et les élections présidentielles, la croissance est une nouvelle fois au rendez-vous. Si le chiffre d’affaires global net (1) progresse de 5 % sur un an à 2,7 milliards d’euros, il fait néanmoins pâle figure par rapport aux 11 % enregistrés l’année précédente. Si la publicité sur mobile a déçue, avec seulement 48 millions d’euros de dépenses publicitaires investis l’an dernier (soit à peine 1,8 % du total), la publicité sur vidéo en ligne (2), elle, affiche un dynamisme sans précédent avec un bond de 50 % à 90 millions d’euros de recettes publicitaires (près de deux fois plus que la publicité sur mobile). Le dynamisme de la télévision de rattrapage (catch up TV) y est pour beaucoup, tout comme l’engouement des sites web pour la vidéo. Les démarrages simultanés en 2013 de la 4G – promettant la TV sur mobile – et de la TV connectée promettent encore une belle progression de l’e-pub vidéo. @
Source : Capgemini Consulting/SRI/Udecam

Les livres indisponibles ne seront en ligne qu’en 2014

En fait. Le 8 novembre, lors des Assises du livre numérique, a été esquissé le calendrier de mise en oeuvre de la gestion collective et de l’exploitation des œuvres indisponibles du XXe siècle. Les premiers ebooks seront disponibles
« au 1er trimestre 2014 » via une société commune à la CDC et au Cercle de la librairie.

En clair. A l’heure où une année Internet compte double, voire triple, la filière du livre français a décidé de prendre son temps en se donnant 10 ans pour numériser la totalité des 500.000 œuvres indisponibles du XXe siècle (publiées avant le 1er janvier 2001) – à raison de 50.000 numérisations par an effectuées par la Bibliothèque nationale de France (BnF). De quoi laisser le champ libre aux Google, Apple et Amazon dans la vente de livres numériques en France. D’autant que le premier a déjà signé en juin 2011 avec le Syndicat national de l’édition (SNE) un accord qui porte aussi sur les œuvres épuisés et non réédités (1).
La maîtrise d’ouvrage de la plate-forme numériques des livres indisponibles du XXe siècle – tels que prévus par la loi du 1er mars 2012 – et la publication de la base de données des titres (gérée par la BnF) seront confiées à une société d’exploitation qui devrait être créée « avant le 1er mars 2013 ». Et c’est la Caisse des dépôts et consignations (CDC), bras armé financier de l’Etat, et le Cercle de la librairie, syndicat historique des éditeurs et des libraires (2), qui en seront co-actionnaires. Cette future plate-forme de ebooks rémunérera les ayants droits – à 50/50 entre auteurs et éditeurs – via une société de gestion collective, pour laquelle la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (Sofia)
est candidate (gérant déjà les licences légales des bibliothèques et de la copie privée).
Ce projet sera financé par le Grand emprunt à hauteur de plusieurs millions d’euros. « Un budget de l’ordre de 50.000 euros est prévu pour la protection de ces livres numériques contre le piratage en ligne, avec par exemple le watermarking des fichiers », nous a indiqué Régis Habert, en charge du projet au Cercle de la librairie. Mais cette société d’exploitation commune n’aura pas vocation à vendre directement au grand public les ebooks, mais à les proposer aux plateformes de téléchargement ou de streaming de livres numériques comme Numilog (Hachette), Electre (Cercle de la librairie) ou le futur MO3T du consortium d’éditeurs du SNE avec Orange et SFR. Si la disponibilité des premiers fichiers (formats PDF ou EPUB) n’est pas prévue avant dix-huit mois, le programme va en revanche s’accélérer pour les maisons d’éditions et leurs auteurs qui disposeront de six mois pour s’opposer à la gestion collective de leurs œuvres indisponibles. @

Marissa Mayer, nouvelle PDG de Yahoo, prépare la renaissance du pionnier des moteurs devenu média

Alors que Yahoo France diffuse à partir de ce 17 septembre sa nouvelle « grille
de rentrée », Marissa Mayer – ex-Google et PDG de la maison mère depuis le
17 juillet – va annoncer en octobre sa nouvelle stratégie pour redonner vie au pionnier du Web, et… donner naissance à son premier bébé.

C’est un mois d’octobre décisif qui s’annonce pour le challenger de Google et pour sa nouvelle PDG Marissa
Mayer (notre photo). A part le fait qu’elle donnera naissance
à son premier enfant, cette future jeune maman (37 ans)
– fraîchement débauchée de chez Google, dont elle a été durant treize ans ingénieure, dirigeante en géolocalisation-cartographie et porte-parole – a la lourde tâche de redonner
un second souffle à Yahoo en perte de vitesse. Au deuxième trimestre, les résultats – publiés le jour même de son entrée en fonction – font état d’une baisse du bénéfice net et d’un chiffre d’affaires en stagnation. Déjà, en 2011, les résultats du groupe étaient en berne avec un bénéfice net et un chiffre d’affaires en chute de respectivement 15 % à 1,05 milliard de dollars
et 21% à 4,98 milliards de dollars. Un plan de restructuration a été annoncé en avril dernier : 2.000 emplois supprimés (soit près de 15 % des effectifs), lesquels se sont ajoutés aux 3.000 précédentes suppressions effectuées de 2008 à 2011. Cette fragilité de Yahoo aiguise les appétits : Google n’a-t-il pas étudié l’an dernier son rachat avec deux fonds d’investissement ? AOL n’a-t-il pas exclu il y a deux ans (1) de fusionner avec ? News Corp et Microsoft ne seraient-ils toujours pas intéressés ?

L’e-pub plus chère avec eStat’Cible de Médiamétrie

En fait. Le 28 juin, l’entreprise de mesure d’audience Médiamétrie a présenté un nouvel outil permettant de calculer, au jour le jour, le profil des internautes sur chaque page web (ou URL) et flux streaming (audio ou vidéo). eStat’Cible va concurrencer, dès le 1er septembre, Digital Analytix de ComScore.

En clair. La publicité sur Internet pourra être commercialisée plus chère par les éditeurs de sites web, à partir du moment où ces derniers seront capables de proposer à leurs annonceurs ou aux agences les profils des internautes de chaque partie éditoriale visitée ou de chaque flux consulté. La nouvelle mesure de Médiamétrie, eStat’Cible, calcule à l’aide d’un algorithme neuf cibles d’analyses pour chaque contenu considéré : homme ou femme pour le sexe, quatre tranches d’âge (- de 25 ans, 25 à 34 ans, 35
à 49 ans, + de 50 ans), trois niveaux d’activité (CSP+, CSP-, Inactifs). « Il s’agit d’un produit à très forte valeur ajoutée qui permet non seulement de piloter quotidiennement les contenus web, audio ou vidéo avec le profit en plus, mais aussi de mieux monétiser les publicités en ligne du site en les vendant plus cher au regard d’un taux de clic plus élevé », explique Franck Si- Hassen, directeur délégué de Médiamétrie-eStat. Connaître le profil des internautes au moment où ils consultent le Web devrait permettre aux éditeurs d’accroître leur chiffre d’affaires dans la epub, laquelle est encore loin de compenser les pertes de la publicité sur papier (pour ceux qui en ont).
A partir du 1er septembre, eStat’Cible sera vendu aux éditeurs de services en ligne entre 400 et 4.000 euros par mois, en fonction de la fréquentation du (ou des) site(s) mesuré(s). Plusieurs clients éditeurs sur un potentiel de 500, comme Pages Jaunes
et France 2, testent gratuitement du 1er juillet jusqu’à fin août la version bêta de eStat’Cible. C’est la concrétisation de la mesure hybride de l’audience sur Internet (site-centric+user-centric) sur laquelle Médiamétrie travaille depuis deux ans (1). Prochaine étape : proposer en 2012 une offre aux agences dites « serveurs de publicité » (Ad Server) de type de « profilage » des internautes. « C’est la première fois qu’une mesure d’audience permet de cibler le profil des internautes, grâce au rapprochement de la mesure de fréquentation du site web et du panel des utilisateurs », se félicite Benoît Cassaigne, directeur exécutif de Médiamétrie. A ceci près que la société américaine ComScore propose depuis mars dernier, au niveau mondial, son outil hybride Digital Analytix, issu du rachat en septembre 2010 (pour 36,7 millions de dollars) du fournisseur de solutions d’analyse en ligne Nedstat. Parmi les premiers clients de sa mesure dite « unifiée numérique », ComScore compte GDF Suez, Eurosport ou encore le PMU. De son côté, Google Analytics est uniquement «web-centric » et ne dispose donc pas de panel. @