Jérémie Manigne, groupe SFR : « Il faut sans doute réfléchir à une autorité de régulation unique »

Directeur général au sein du groupe SFR, en charge de l’innovation, des services et des contenus, Jérémie Manigne – également co-auteur du rapport « TV connectée » – explique à EM@ comment les règles du jeu devraient évoluer. Sa stratégie passe par la « coopétition » avec les acteurs du Web.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Vous êtes – avec Takis Candilis (Lagardère), Marc Tessier (VidéoFutur), Philippe Levrier (ex-CSA) et Martin Rogard (Dailymotion) – l’un des cinq co-auteurs du rapport « TV connectée » remis aux deux ministres Frédéric Mitterrand et Eric Besson : quelles sont les plus importantes propositions de la mission ?
Jérémie Manigne :
Le rapport met en lumière la nécessité d’adapter rapidement les règles, qui s’appliquent aux acteurs de l’audiovisuel français, à un contexte de plus en plus ouvert et mondialisé, où Internet s’impose peu à peu comme média de diffusion de contenus. Les mesures proposées visent, d’une part, à permettre le développement d’acteurs français et européens puissants capables de rivaliser avec leurs concurrents internationaux et, d’autre part, à pérenniser le soutien à la création audiovisuelle française en y faisant participer l’ensemble des acteurs de l’Internet.

Le PAF dénonce de plus en plus un « Internet non régulé »

Le 8 novembre, le cabinet d’études NPA Conseil a organisé la 14e édition de son colloque annuel, avec Le Figaro (EM@ était partenaire presse), sur le thème de « Univers tout numérique : année 0 ». Le PAF régulé s’inquiète face à la concurrence d’un Internet « non régulé » venu d’ailleurs.

Par Charles de Laubier

Le paysage audiovisuel français (PAF) se rebiffe de plus en plus : les chaînes de télévision et les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) dénoncent la « concurrence déloyale » que représentent le Web « non régulé » et ses acteurs du Net « venus de l’étranger ». Ils en appellent aux pouvoirs publics pour imposer aux nouveaux venus de la TV connectée et de la VOD, implantés hors de France, les mêmes obligations et taxes qui pèsent sur eux. Le temps presse : Jean-Marc Tassetto, DG de Google France, a précisé que Google TV sera lancé sur l’Hexagone « en 2012-2013 ». Fin octobre, aux Etats-Unis, a été présentée une nouvelle version qui ressemble plus à ce que Edition Multimédi@ appelle « GooTube ».

Le PAF dénonce de plus en plus un “Internet non régulé”

En fait. Le 8 novembre, le cabinet d’études NPA Conseil a organisé la 14e édition
de son colloque annuel, avec Le Figaro (EM@ était partenaire presse), sur le thème de « Univers tout numérique : année 0 ». Le PAF régulé s’inquiète face à la concurrence d’un Internet « non régulé » venu d’ailleurs.

En clair. Le paysage audiovisuel français (PAF) se rebiffe de plus en plus : les chaînes
de télévision et les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) dénoncent la « concurrence déloyale » que représentent le Web « non régulé » et ses acteurs du Net « venus de l’étranger ». Ils en appellent aux pouvoirs publics pour imposer aux nouveaux venus de la TV connectée et de la VOD, implantés hors de France, les mêmes obligations et taxes qui pèsent sur eux. Le temps presse : Jean-Marc Tassetto, DG de Google France, a précisé que Google TV sera lancé sur l’Hexagone « en 2012-2013 ». Fin octobre, aux Etats-Unis, a été présentée une nouvelle version qui ressemble plus à ce que Edition Multimédi@ appelle « GooTube » (lire ci-dessus). D’autres géants du Web comme Apple et Netflix représentent une « menace » à venir pour les grandes chaînes du PAF, dont le leadership est déjà disputé par 29 chaînes nationales sur la TNT – réparties entre 19 gratuites et
10 payantes (parmi lesquelles 5 en haute définition). Et ce n’est pas fini puisque le gouvernement a demandé au CSA de lancer mi-octobre un appel à candidatures – jusqu’au 10 janvier 2012 – pour 6 chaînes supplémentaires en haute définition. Ce qui portera à 35 le nombre de chaînes sur la TNT, au lieu de 6 dans l’ancien PAF analogique (1). S’il ne fait aucune doute que ces nouvelles venues sur la TNT seront soumises à la réglementation française (contribution au Cosip, quotas de diffusion, fiscalité, …), il n’en va pas de même pour les nouveaux venus de l’Internet. Nonce Paolini, PDG du groupe TF1, a mis en garde lors du colloque NPA-Le Figaro contre ces « acteurs mondiaux qui ont une puissance extrême et qui se développent dans un monde totalement dérégulé leur donnant des moyens considérables ».
Et de lancer : « Le mythe des nouveaux entrants est mort. (…) Les nouveaux qui ont
des idées fantastiques et les anciens qui sont des dinosaures, c’est un fantasme. Les historiques ont une carte à jouer face à Google et autre Netflix ». Quant à Nicolas de Tavernost, PDG de M6, il affirme que « il est totalement illusoire de penser que sept ou huit groupes audiovisuels peuvent opérer en France » et que « dans tous les pays qui nous entourent, il y deux ou trois groupes privés et un groupe public ». Pour Rémy Pflimlin, PDG de France Télévisions, «on ne s’en sortira que si nous avons des
marques fortes ». @

Neutralité du Net : la transposition du Paquet télécom laisse un goût d’inachevé

Bien que la neutralité des réseaux ait été au cœur du Paquet télécom, son principe n’a finalement pas été gravé dans le marbre communautaire. Du coup,
si le processus législatif est terminé, le débat sur sa préservation est loin d’être clos.

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, Gide Loyrette Nouel.

La publication au Journal Officiel, le 26 août dernier, de l’ordonnance de transposition du Paquet télécom (1) met
un point final à un processus législatif débuté près de quatre ans plus tôt. C’est en effet le 13 novembre 2007
que fut engagée une vaste révision de ce Paquet télécom adopté une première fois en 2002. Fruit de deux ans de négociations, cette deuxième version fut finalement votée
fin 2009 à l’issue d’une procédure de conciliation entre le Conseil de l’Union et le Parlement européen.

TV payante et VOD : comment Canal+ a pénalisé les FAI

En fait. Le 21 septembre, l’Autorité de la concurrence « constate que le groupe Canal+ n’a pas respecté plusieurs engagements pris lors du rachat [en 2006] de TPS » et « retire la décision d’autorisation de l’opération » que Vivendi devra re-soumettre. Canal+ devra en outre payer 30 millions d’euros.

Par Charles de Laubier

En clair. Les abus de position dominante de Canal+ sur le marché français de la télévision payante vont coûter très cher à la maison mère Vivendi. La lettre du ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie datée 30 août 2006 (1), qui autorise l’opération de concentration sur le marché de la télévision payante au profit de Canal+ et de sa maison mère Vivendi, était pourtant claire. En substance, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) devaient pouvoir se développer en ayant « accès à un contenu attractif » et « se fournir en chaînes et droits attractifs ». Canal+ s’engageait ainsi à mettre à disposition ses sept chaînes et celles de TPS « à tous les distributeurs (satellite, ADSL, câble, TNT) dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires ». Or, comme le relève l’Autorité de la concurrence et le CSA (2), les chaînes en question ont été proposées sur le nouveau CanalSat – issu de la fusion de CanalSatellite et de TPS – avant même que les FAI (Orange, Free, SFR, …) aient pu les distribuer. Résultat : cette discrimination a favorisé la migration des abonnés au bouquet TPS vers CanalSat. Selon France Télécom, 90.000 abonnés sont ainsi passés de TPS vers CanalSat au cours du premier semestre 2007. Les sages de la rue de l’Echelle ont rejeté l’argument de Canal+ invoquant le développement des offres TV
des FAI. « [Cette progression]est principalement due, non à l’attractivité des offres de télévision comprises dans les forfaits de base des FAI, mais au couplage des offres
de télévision avec des offres d’accès à Internet haut débit (forfaits triple play) et au développement du dégroupage, et par conséquent à l’éligibilité croissante des foyers à l’ADSL (haut débit) », contredisent-ils. De son côté, l’Arcep (3) avait prévenu que « toute forme de discrimination entre les différents acteurs de la distribution de la télévision payante (notamment entre les FAI historiquement présents sur le DSL et câblo-opérateurs) est susceptible de perturber sensiblement le jeu de la concurrence sur
les marchés du haut et très haut débit ». Au moment où les opérateurs télécoms commencent à déployer la fibre optique jusqu’à l’abonné (FTTH), la sanction de l’Autorité de la concurrence tombe à point.