Ce qui attend Isabelle de Silva, nouvelle présidente de l’Autorité de la concurrence

Fraîchement nommée à la tête de l’Autorité de la concurrence, par décret du président de la République daté du 14 octobre dernier, Isabelle de Silva (conseillère d’Etat) a prononcé le 8 novembre sa première décision (contre SFR). Mais le plus dure reste à venir, notamment dans l’audiovisuel et le numérique.

Sa toute première décision, rendue le 8 novembre, est une amende de 80 millions d’euros infligée à l’encontre du groupe Altice pour avoir brûlé les étapes – via sa filiale Numericable
à l’époque (1) – dans le rachat de SFR et de Virgin Mobile.
La successeure de Bruno Lasserre, Isabelle de Silva (photo),
a condamné le groupe de Patrick Drahi pour avoir accédé à
de nombreuses informations stratégiques sur ses deux cibles avant même d’avoir obtenu le feu vert de l’Autorité de la concurrence (2).

Walt Disney sous pression face à AT&T-Time Warner

En fait. Le 10 novembre, le géant américain Disney a présenté ses résultats annuels (clos le 1er octobre). Mais derrière ce nouvel exercice record (bénéfice net en hausse de 12 % à 9,39 milliards de dollars pour un chiffre d’affaires en progression de 6 % à 55,63 milliards), l’opération AT&T-Time Warner inquiète.

En clair. Le 22 octobre, le groupe Disney a appelé à « un examen réglementaire
serré » de l’opération – annoncée ce même jour – de rachat de son concurrent Time Warner par l’opérateur télécoms AT&T pour plus de 85 milliards de dollars (108 milliards avec la dette). Ce que ne manquera sans doute pas d’exiger à son tour le président des Etats-Unis nouvellement élu, Donald Trump, lequel avait déclaré durant sa campagne : « C’est trop de pouvoir concentré dans les mains de trop peu de gens ». Cette mégafusion pourrait échouer si l’administration Trump décidait d’empêcher cette intégration verticale, que d’aucuns voient comme une véritable menace pour la concurrence (1) et la neutralité du Net (2).
Avec la perspective d’un nouvel ensemble AT&T-Time Warner, The Walt Disney Company voit monter la pression sur un marché où l’entreprise presque centenaire devra accélérer l’adaptation de son offre aux nouveaux usages du numérique. Face à des plateformes de diffusion sur Internet, les offres de chaînes payantes traditionnelles par câble ou par satellite au Etats-Unis perdent des abonnés au profit des acteurs Over- The-Top (OTT). Selon la société d’étude américaine Leichtman Research Group, 665.000 personnes ont résilié au deuxième trimestre de cette année leur abonnement aux premières pour se rallier aux seconds. Depuis le début de l’année, l’action « DIS » cotée à la Bourse de New York a perdu plus de 15 % depuis le début de l’année. Début octobre à Boston, Robert Iger, le directeur général de Disney a implicitement reconnu que son groupe était mal préparé au numérique : « Notre principale tâche est de comprendre le rôle nouveau de la technologie dans la distribution des grands contenus que nous avons ». Mais le péril n’est-il pas plus grand pour la firme de Burbank (Californie) où elle a son siège social, à proximité d’Hollywood ? Ne sera-t-elle pas la prochaine cible dans ce mouvement de concentration sur fond de convergence tuyaux-contenus ? Contrairement à des géants contrôlés et protégés par des actionnaires familiaux tels que Twenty-First Century Fox (les Murdoch) ou Viacom/CBS (les Redstone), The Walt Disney Company semble plus vulnérable à une OPA. Son seul bouclier réside dans sa capitalisation boursière de plus de 155 milliards de dollars qui pourraient être indigeste pour les prétendants à son rachat. @

Dailymotion : fuite d’effectifs et… chute d’audience

En fait. Le 11 octobre, Giuseppe de Martino – promu début 2016 DG délégué de Dailymotion en même temps que Martin Rogard (photo) – a confirmé à EM@ que ce dernier a quitté le groupe Vivendi « le 1er août » (il est DG de We Are TV). Après la perte de la moitié de ses effectifs, Dailymotion voit son audience chuter.

martin-rogardEn clair. Selon les constatations de Edition Multimédi@, la plateforme vidéo Dailymotion – que Vivendi a racheté à Orange en juin 2015 – est en pleine hémorragie d’audience. C’est flagrant sur les smartphones, devenu le terminal le plus utilisé pour visionner des vidéos : le concurrent de YouTube (du moins en France) est en effet sorti en juillet des radars de l’Internet mobile ! La plateforme vidéo de Vivendi n’apparaît plus dans le classement en France. « Parce qu’ils sont sortis du Top 30 », nous confirme Médiamétrie.
Dailymotion est ainsi en chute libre : la plateforme vidéo a été reléguée à la 26e place avec à peine plus de 6 millions de mobinautes uniques au mois de juin (5,4 millions en mai, 5,3 millions en avril, 5,6 millions en mars), contre plus de 13,4 millions de mobinautes uniques en janvier 2016 où elle était encore en troisième position derrière Facebook et Samsung – soit une perte d’audience mobile de moitié, plus qu’inquiétante.

Malgré l’attentisme des joueurs, le jeu vidéo devrait atteindre 3,4 milliards d’euros cette année

Grâce aux nouvelles plateformes, à l’enrichissement des catalogues, et à l’avènement de la réalité virtuelle, le marché français du jeu vidéo – matériels et accessoires compris – devrait progresser cette année de 3 % par rapport à 2015,
à 3,4 milliards d’euros. Mais les joueurs font preuve d’attentisme.

« Le marché sera a minima en croissance de 3 % à fin 2016. Cette prévision est volontairement prudente car il est complexe d’évaluer l’engouement et les volumes de ventes que vont générer les casques et accessoires de réalité virtuelle »,a indiqué Jean-Claude Ghinozzi (photo), président du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell). Résultat : le jeu vidéo en France – marché physique et dématérialisé, mais sans compter les équipements et accessoires pour ordinateurs – affichera 3,4 milliards d’euros en 2016.

Deezer va-t-il réussir là où Dailymotion a échoué ?

En fait. Le 19 juillet, la plateforme française de musique en ligne Deezer a annoncé son lancement directement aux Etats-Unis, en plus de ses accords commerciaux avec Sonos, Bose et Cricket. Pendant ce tempslà, Dailymotion outre-Atlantique tourne au fiasco, avec le départ de son numéro deux Martin Rogard.

En clair. Pas facile pour une plateforme française de streaming (musique et/ou vidéo) de se lancer à l’assaut des Etats- Unis. Cela relève du pot de terre contre le pot de fer. Dailymotion, devenue il y a un an filiale de Vivendi après l’avoir été d’Orange, essuie les plâtre depuis 2012 face à un YouTube pas très partageur. Les quelques dizaines
de millions de visiteurs américains et de vidéos vues pour le français font pâle figure
au regard des centaines de millions de visiteurs et des milliards de vidéos vues pour l’américain. A cela s’ajoute une crise d’identité de Dailymotion depuis son passage sous la houlette de Maxime Saada, aussi directeur général de Canal+, lequel a en outre confié les rênes de la plateforme de partage vidéo à Virginie Courtieu (1), l’ancienne directrice des partenariats en France de… YouTube (passée entre les deux par la
« case » Webedia).
Bon nombre de salariés de Dailymotion auraient préféré tomber sous la coupe de Yahoo, lequel s’était heurté au printemps 2013 au gouvernement français opposé à son projet de rachat de la plateforme française, plutôt que de celle de Bolloré, patron de Vivendi, via Michel Sibony. Résultat : une centaine d’entre eux ont quitté Dailymotion, toujours déficitaire, et son numéro deux Martin Rogard – basé à New York depuis novembre 2012 – est aussi donné partant.
Chez Deezer, la musique adoucie les mœurs… pour l’instant. Le frenchy pionnier du streaming musical va devoir affronter une hydre à au moins six têtes : Spotify, Apple Music, YouTube, Tidal, SoundCloud et Rhapsody – en attendant que la marque à la pomme avale Tidal (2). Depuis 2014, Deezer a un bureau à New York que le cofondateur Daniel Marhely a renforcé l’année suivante. C’est aussi il y a deux ans
que Deezer a acquis Stitcher, une start-up américaine de flux radio et de podcast, de quoi rivaliser avec les radios en ligne d’Apple (Beat 1) et de Spotify (AM/PM et Secret Genius). Mais la plateforme musicale française a encore beaucoup à faire pour faire décoller son audience aux Etats-Unis, alors qu’elle revendique « 6 millions d’abonnés payants dans 180 pays ». Si elle avait maintenu son introduction en Bourse en octobre 2015, ce à quoi elle avait renoncé, sa notoriété internationale s’en se serait trouvée renforcée – surtout outre-Atlantique. Il faudra donc faire sans. @