Taxe « compensatoire » : musique, puis cinéma ?

En fait. Le 4 décembre, les auteurs, compositeurs, artistes-interprètes et éditeurs
de musique, réunis au sein de la Sacem et de l’Adami, ont réaffirmé aux médias leur souhait, déjà exprimé auprès de la mission Zelnik, de voir instaurer
« rapidement » une « contribution compensatoire » sur Internet.

En clair. Les deux sociétés de gestion collective, Sacem (1) et Adami (2), persistent
et signent avant que la mission confiée à Patrick Zelnik ne rende son rapport attendu
mi-décembre. Elles ont expliqué à nouveau leur proposition – transmise dès fin septembre – d’instaurer une contribution prélevée sur le chiffre d’affaires global des fournisseurs d’accès à Internet (FAI). « Cette contribution pourrait être modulable en fonction du volume global des échanges non autorisés. Elle sera par conséquent appelée à être ajustée (…). Il conviendrait également de prévoir qu’une part soit affectée au financement de la création et de la production d’œuvres originale », expliquent les deux organisations musicales. Si la filière musicale est la première concernée par cette taxe, qui pourrait représenter 1 euro par abonné et par mois pour les FAI, le président du directoire de la Sacem, Bernard Miyet, et le directeur général
de l’Adami, Bruno Boutleux, estiment qu’elle pourrait être étendue dans son principe
et dans un second temps à d’autres industries de contenus. « L’audiovisuel et le cinéma, s’ils bénéficient d’un mode de financement différent, sont ou seront tout aussi affectés par les mises à disposition illicites sur Internet », expliquent-ils. Selon eux,
les FAI et les opérateurs télécoms doivent la majorité – « sinon l’intégralité » – de leur croissance à la diffusion et au téléchargement de ces contenus, « notamment avec la généralisation de la tarification forfaitaire (type 29,90 euros par mois tout compris) qui constitue un véritable écosystème pour l’échange illicite d’œuvres protégées ». Selon
la Sacem, cette contribution « pourrait être indolore pour les consommateurs si le gouvernement acceptait d’appliquer aux FAI le taux réduit de TVA pour la distribution des œuvres sur Internet, comme c’est déjà le cas pour la distribution des programmes de télévision ». Pour l’Adami, cette contribution « ne s’accompagne d’aucune contrepartie particulière notamment pour les internautes, car elle n’a pas vocation à être répercutée sur le prix d’abonnement ». Pour l’Adami, « la collecte de cette rémunération devrait être assurée par une société de perception et de répartition des droits (SPRD) commune ». Et d’ajouter : « La nouvelle entité résultant de la possible fusion de Sorecop et Copie France (à l’étude actuellement) pourrait assumer cette mission ». @

Orange-cinéma : les films à petit budget exclus

En fait. Le 12 novembre, la Société des réalisateurs de films (SRF) annonce ne pas avoir signé l’accord conclu deux jours plus tôt entre Orange Cinéma Séries et la quasi-totalité des organisations du septième art français. SRF est pourtant membre du bloc signataire.

En clair. Le revirement de dernière minute de la SRF, qui a pourtant participé depuis plus d’un an aux négociations avec France Télécom s’étant conclues par un engagement minimum de 80 millions d’euros d’investissement sur trois ans dans le cinéma français et européen (EM@ n°1 p. 3), découle d’un constat « brutal » de « misère » du cinéma français. Selon cette association, cofondée notamment par Claude Berri et organisatrice depuis 40 ans de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes (1), presque la moitié (44,7 %) des 170 films d’initiative française produits en 2008 ont des budgets inférieurs à2,5 millions d’euros. Or l’effort d’Orange Cinéma Séries pour la « diversité du cinéma »se traduit dans l’accord du 10 novembre par un engagement à consacrer 25 % de son obligation d’acquisition de films d’expression originale française à des œuvres dont le budget est égal ou inférieur à 5,35 millions d’euros. Ce qui représente plutôt des films à« moyen budget » que des films à « petit budget ». La SRF dénonce une « inflation sur les gros budgets, les deux acteurs de télévision payante [Canal + et Orange, ndlr] se disputant les potentiels blockbusters à coup de millions d’euros, laissant des miettes toujours plus éparses aux autres films ». Et de constater que le film d’auteur, ou « cinéma de point de vue », est « mal aimé par les décideurs des groupes les plus puissants ». C’est sur cette répartition des 25 % de « diversité culturelle » que les négociations ont achoppé jusqu’à la dernière minute.
« Nous avions demandé, in extremis, à Orange de s’engager à consacrer sa clause
de diversité à 10 films à petit budget par an. Nous ne l’avons pas obtenu et donc nous n’avons pas signé », a expliqué Laure Tarnaud, déléguée générale de la SRF, qui restera néanmoins vigilante sur les investissements d’Orange Cinéma Séries. France Télécom, qui est le premier opérateur à signer un tel accord en France avec le cinéma français, préachète déjà des films français via cette filiale et en coproduit via l’autre filiale Studio 37. Le bloc, et donc SRF, demande en outre à la mission Zelnik (EM@1 p. 6) que les opérateurs télécoms préfinancent les films européens ou français via une contribution prélevée sur leur chiffre d’affaires pour alimenter le Cosip, Compte de soutien à l’industrie des programmes. @

Vers un marché unique du numérique européen

En fait. Depuis le 22 octobre, et jusqu’au mardi 5 janvier 2010, la Commission européenne consulte largement sur son projet de « cadre juridique » favorable
aux offres légales de « contenus créatifs en ligne » (musique, films, jeux vidéos, livres…).

En clair. Internet et l’économie numérique ne peuvent plus se contenter d’un patchwork de marchés nationaux. La commissaire européenne en charge de la Société de l’information et des Médias, Viviane Reding, et son homologue chargé du Marché intérieur, Charlie McCreevy, veulent mettre en place « un cadre juridique favorable au consommateur qui permette aux contenus numériques de franchir les frontières internes de l’Union européenne, tout en garantissant une protection solide des droits d’auteur et une juste rémunération aux créateurs ». Il s’agit aussi de lutter contre le téléchargement illégal. La Commission européenne s’attellera à la mise en place d’un « cadre juridique » et d’« offres transnationales légales » pour développer les offres légales de contenus en ligne : les livres, la musique, les films, les jeux vidéos… Par exemple, Bruxelles avance dans son « document de réflexion » l’hypothèse d’une « législation européenne sur le copyright » et des « formes alternatives de rémunération » des auteurs comme une taxe sur l’accès Internet. Ces propositions font donc l’objet d’une consultation publique jusqu’au 5 janvier 2010. La précédente consultation publique sur « les contenus créatifs en ligne », qui remonte à 2006, n’avait pas été vraiment été suivie d’effets – hormis l’abandon des systèmes de gestion des droits ou DRM (1). Viviane Reding estime que « ce marché [culturel et créatif de 650 milliards d’euros par an en Europe] pourrait être quadruplé ». Mardi 20 octobre, un premier accord signé – sous l’égide de la commissaire européenne chargée de la Concurrence, Neelie Kroes – a été conclu dans la musique en ligne avec les majors EMI et Universal Music, les distributeurs en ligne Amazon et Apple (iTunes), ainsi que le Beuc (2) et la Sacem (3). Ils se sont engagés à développer des « plateformes de licences », avec plusieurs sociétés de gestion des droits d’auteurs, afin d’accorder des « licences multi territoriales » pour un répertoire de musiques le plus large possible. La Sacem veut construire avec ses homologues européens un « guichet unique ». Et le 19 octobre, l’exécutif européen avait appelé les éditeurs de livres, bibliothèques et sociétés de gestion des droits à « mettre sur pied un système paneuropéen de registres de droits d’auteurs de livres (…) qui permettra l’octroi transfrontalier de licences ». @

La vie en 3D

Hier soir, je me suis demandé comment étaient les films, les jeux, les vidéos et la plupart des images qui nous entourent aujourd’hui, avant la généralisation de la 3D. J’imagine que c’était un peu comme à la fin du vingtième siècle, quand nos parents, baignés d’images en couleur, visionnaient avec nostalgie les hésitations d’Ingrid Bergman prisonnière d’un Casablanca en noir et blanc. La 3D fait partie de ces inventions qui nous ont fait rêver si longtemps. Contrairement à l’Internet qui est apparu presque d’un seul coup au tournant des années 1990, la 3D nous vient du fond du 19e siècle, dès 1838, avec la naissance de la stéréoscopie, et nous accompagne depuis lors, puisque ce sont 250 films et émissions de télévision qui ont été produits en 3D tout au long du 20e siècle. Mais durant toutes ces années, ces films ont été relégués, au mieux au rang de curiosités comme La maison de cire (1953) d’André de Toth, et généralement aux archives de leurs maisons de production, comme ce fut la cas pour la version 3D du Crime était presque parfait (1954) d’Alfred Hitchcock.

« Depuis peu, la 3D est même
accessible sur des téléviseurs à prix
raisonnables et raccordés à des
réseaux très haut débits. »

Les producteurs de films demandent plus à Canal+

En fait. Dans un courrier adressé le 7 octobre 2009 au PDG du groupe Canal+, quatre organisations du cinéma refusent un « réaménagement à la baisse des obligations » de la chaîne cryptée dans le financement des films européens et français.

En clair. Les accords sur le préfinancement des films européens et français par le groupe Canal+, principal bailleur de fonds de l’industrie cinématographique en France à hauteur de près de 200 millions d’euros chaque année, arrivent à échéance en fin d’année. Quatre organisations du cinéma (1) et la chaîne cryptée doivent se retrouver à la table des négociations pour que les obligations de Canal+ soient renouvelées pour trois ans (2010 2012). Problème : la filiale de télévision du groupe Vivendi souhaite « moduler » ses obligations de financement – déclaration de Bertrand Méheut, le PDG de Canal +, au Figaro, le 26 septembre –, afin de prendre en compte la nouvelle concurrence audiovisuelle (TNT, VOD, Orange…). Il a profité d’une réunion « bilan d’étape » le 23 septembre avec les professionnels du cinéma pour « préparer le cinéma à des temps plus difficiles ». Il s’agirait de revoir à la baisse les 12 % du chiffre d’affaires que Canal+ doit verser au cinéma européen et les 9 % aux films français, ainsi que le « minimum garanti » par abonné chaque mois de 3,12 euros et la « prime au succès ». Mais les producteurs de cinéma ne l’entendent pas de cette oreille.