Free mise tout sur les « tuyaux » : et les contenus ?

En fait. Le 23 mars, le groupe Iliad a publié ses résultats pour 2009 : chiffre d’affaires en progression de 25 % à 1,95 milliard d’euros et bond du bénéfice
net de 75 %, à 175,9 millions d’euros. Il vise les 5 millions d’abonnés en 2011,
avec notamment la fibre optique. En attendant Free Mobile en 2012.

En clair. Le groupe contrôlé par le fondateur de Free, Xavier Niel, mise à fond dans
les « tuyaux ». Contrairement à Orange ou dans une moindre mesure SFR, le deuxième fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ne s’intéresse aux contenus que pour les distribuer. Le directeur général d’Iliad, Maxime Lombardini, réaffirmait devant l’Association des journalistes médias (AJM) en janvier dernier que son groupe
« n’av[ait] pas vocation à être producteur de contenus ». Alors que Orange coproduit des films (Studio 37) ou que SFR investit dans la musique (SFR Music), Free peut-il continuer à ne pas s’impliquer plus directement dans les contenus ? Peut-il se contenter d’une « alliance objective » (dixit un représentant du cinéma français) avec Canal+ dans la distribution du bouquet de télévision (offre promotionnelle Canal+ à
1 euros par mois) et de CanalSat par ADSL ? Comme l’a montré l’institut d’études économiques Coe-Rexecode, les marges les plus élevées sont désormais généré dans les services et contenus numérique mais pas dans les « tuyaux » (lire EM@9 p. 7). Faiblement endetté, Free pourrait se permettre de monter dans la chaîne de valeur.
Au lieu de cela, le « troublion des télécoms » mise à fond sur le déploiement d’infrastructures. L’année 2012 s’annonce d’ailleurs la plus délicate pour car
il lui faudra d’ici-là investir environ 1 milliard d’euros dans un réseau très haut débit mobile pour lancer Free Mobile et quelque 1 milliard d’euros supplémentaires pour déployer son réseau très haut débit en fibre optique, sans compter le prix de la quatrième licence UMTS de 240 millions d’euros. Or, investir aussi dans des contenus nécessiterait encore plus de cash, seul Orange étant capable de mener de front ces deux stratégies et de concurrencer Canal+. Xavier Niel n’a-t-il pas prédit qu’ « avant la fin de l’année, le prix du “triple play” (1) en France va augmenter (…) de l’ordre de cinq euros » ? Pour l’heure, Free compte plus de 3,778 millions d’abonnés. Avec Alice racheté en 2008 à Telecom Italia, le groupe Iliad en totalise 4,456 millions. Mais Alice
lui en a fait perdre 158.000 en un an, notamment au profit de SFR qui pourrait lui ravir la place de numéro deux derrière Orange. Mais Thomas Reynaud, le directeur financier du groupe contrôlé par le fondateur Xavier Niel, reste confiant pour l’année 2010 et vise les 5 millions d’abonnés en 2011. @

eEurope : – 4,5 millions d’« emplois » d’ici à 2015 ?

En fait. Le 17 mars, la Chambre internationale de commerce (ICC) a publié une étude intitulée « Promouvoir l’économie numérique ». Elle a calculé que les industries créatives en Europe pourraient perdre, rien que cette année, jusqu’à
17 milliards d’euros et 345.000 emplois à cause du piratage en ligne.

En clair. Depuis qu’elle a créé en 2005 une instance, baptisée BASCAP (Business Action to Stop Counterfeiting and Piracy) pour « appeler les gouvernements à s’engager plus dans l’application et la protection des droits de propriété intellectuelle », la Chambre internationale de commerce s’est fixée comme objectif de « rendre le public conscient de l’ampleur de la contrefaçon et du piratage et des dommages liés ». Selon son étude commandée au du cabinet de conseil parisien Tera Consultants et rendue publique à Bruxelles, « le piratage numérique, qui recouvre les diverses formes du piratage en ligne, dont l’échange de fichiers (peer to peer – P2P), est le responsable
de la majeure partie des pertes économiques des industries créatives ». Résultat : le manque à gagner total des industries créatives au sens large – musique, cinéma, télévision, édition, publicité, services en ligne de distribution de contenus ou encore logiciels – risque de s’élever à un total cumulé de 217 milliards d’euros de 2010 à 2015 dans l’Union européenne « si la politique actuelle ne change pas » (1). Et selon nos informations, cela provoquerait une perte totale et cumulée supérieure à 4,5 millions
de « pleins temps annuels » sur ces cinq ans, dont 1,2 million d’emplois en 2015. Car, si les médias n’ont retenu que ce dernier chiffre « cumulatif », l’impact social du piratage numérique pourrait être bien plus négatif.
« Le piratage numérique pourrait provoquer entre 2010 et 2015 la perte d’environ
4.5 millions de pleins temps annuels, si l’on prend cette unité de mesure et non pas
la notion d’emploi stricto sensu », indique à Edition Multimédi@ Patrice Geoffron,
directeur de l’étude et professeur à l’Université Paris-Dauphine. C’est beaucoup
au regard des quelque 14 millions d’emplois actuels en Europe dans les industries créatives. Cette hypothèse haute de destruction de valeur et d’emplois s’appuie sur
le scénario le plus sombre avancé par Tera Consultants, à savoir une croissance du piratage numérique sur Internet qui prend en compte non seulement les échanges
de fichiers via les réseaux P2P, mais aussi le streaming. Alors que dans le scénario
le moins sombre, où seuls les échanges de fichiers sont considérés (mais pas toutes communications effectuées via le protocole IP), les dégâts s’élèvent à 144 milliards entre 2010 et 2015, et un total d’un peu plus de 2,7 millions de pleins temps annuels. @

La fusion Comcast-NBC Universal pose la question des rapports « tuyaux/contenus »

L’intégration verticale entre le câblo-opérateur Comcast et le groupe audiovisuel NBC Universal, qui attend l’aval des autorités américaines, soulève des questions sur l’avenir de la télévision délinéarisée et sur le respect de la neutralité de l’Internet.

Par Winston Maxwell (photo), à Paris, et Daniel Brenner, à Washington DC, avocats associés de Hogan & Hartson

Au cours des dernières semaines, le Congrès a organisé des audiences pour examiner l’avenir de la télévision aux Etats- Unis, notamment en tenant compte de la fusion annoncée en décembre dernier du premier câblo-opérateur américain Comcast avec le fournisseur de programmes NBC Universal (1). Ces audiences ont mis en lumière l’ensemble des problématiques de la distribution de programmes audiovisuels face aux défis de l’Internet et de la concurrence naissante de l’IPTV (2), c’est-à-dire de toute forme de distribution télévisée sur Internet (en direct sur le Web, en vidéo à la demande ou encore en catch up TV).

Orange se met en quatre face à Bouygues Telecom

En fait. Le 1er mars, Stéphane Richard est devenu directeur général de France Télécom et a notamment annoncé qu’Orange allait lancer, « avant l’été », une offre couplée Internet-télévision-téléphonie fixemobile. Le 2 mars, Martin Bouygues confirmait le « succès » de son offre « quadruple play » Ideo.

En clair. Quad contre Ideo. La bataille du « quadruple play » est engagée. Internet-télévision-téléphonie fixe-mobile : cela semble constituer le quarté gagnant. Lorsque Bouygues Telecom lance le 25 mai 2009 son offre tout-enun, six mois après s’être engagé sur le marché de l’ADSL avec sa Bbox « triple play », le troisième opérateur mobile français la présente comme une « première mondiale » et une « innovation »
qui bouscule le marché français dominé par les Orange, SFR et autres Free. Bien que Bouygues Telecom ne communique pas sur le nombre d’abonnés « quadruple play », cette offre combinée télécom-audiovisuel- mobile a été présentée par Martin Bouygues – lors de la présentation des résultats annuels du 3 mars dernier (1) – comme un
« succès » qui lui a permis de faire un « très bon démarrage dans l’activité fixe ».
Au quatrième trimestre 2009, Bouygues Telecom a même plus recruté de clients ADSL qu’Orange et Free. Grâce à Ideo, la filiale télécoms du groupe de BTP et de communication se paie le luxe de franchir deux seuils : celui des 10 millions de clients mobile (10,352 millions clients mobile, dont 7,926 millions au forfait) et celui des 300.000 clients fixes avec la Bbox (précisément à 311 000 unités fin 2009). Au lieu de payer environ 60 euros s’ils avaient le triple play et le mobile séparé, les clients Ideo règlent 44,90 euros par mois. Bouygues Telecom, qui a noué une alliance avec Numericable, prépare en outre le lancement du très haut débit pour l’été prochain. Egalement partenaire en fibre optique de Numericable et en mobile de SFR, Auchan Télécom a lancé en février une offre « quintuple play » (téléphonie fixe, Internet mobile, Internet fixe, télévision et téléphonie fixe). France Télécom ne peut donc rester à l’écart de cette convergence fixe-mobile-audiovisuelle, que prépare lui aussi pour 2012 le groupe Iliad avec la Freebox et Free Mobile. Le Quad d’Orange ciblera, selon Stéphane Richard, « les familles et les communautés, et différents segments de clientèles, grâce à une formule attractive ». Après le succès de l’iPhone (1 million d’abonnés sur ses 26,3 millions de clients mobiles), l’opérateur historique – qui a enregistré en 2009 une baisse de sa rentabilité (2) – espère aussi mieux recuter dans l’ADSL (8,9 millions de clients haut débit). De son côté, SFR songe au quadruple play. @

Les abonnements font les choux gras de Vivendi

En fait. Le 1er mars, le groupe Vivendi – SFR, Canal+, Universal Music, Activision Blizzard,… – a publié un chiffre d’affaires pour 2009 de 27,1 milliards, en hausse de 6,9 %, mais un bénéfice net de 830 millions d’euros, en chute de 68,1 %, notamment en raison de son procès devant la justice américaine.

En clair. Si le groupe français de médias et de communication Vivendi affiche un
« résultat net ajusté » (1) de 2,6 milliards d’euros en 2009, c’est que sa stratégie dans
les réseaux et les contenus est essentiellement basée sur l’abonnement. « La priorité
est donnée aux investissements et à l’innovation pour satisfaire la demande des consommateurs pour le haut débit, la mobilité et les contenus numériques », a expliqué
le PDG du groupe, Jean-Bernard Lévy. Vivendi a ainsi résisté à la crise grâce à l’augmentation de son portefeuille d’abonnés, que ce soit sa filiale télécoms SFR
(12,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires, en hausse de 7,6 %), mais aussi sa chaîne
et son bouquet de télévision Canal+ (4,5 milliards, en progression de 1,6 %) ou encore
le numéro un mondial des jeux vidéos Activision Blizzard, détenu à 57,47 % (3 milliards, forte hausse de 45,3 %). Seule sa filiale Universal Music est en recul de 6,2 % à
4,3 milliards d’euros. Malgré ses accords avec Spotify, MusicStation ou récemment Youtube (Vevo), le numéro un mondial de la musique doit encore progresser dans l’abonnement. SFR, lui, a franchi l’an dernier la barre des 20 millions de clients mobiles (2), dont 72,6 % sont abonnés (les autres en prépayé) et 41,1 % sont en 3G. Même si le revenu moyen annuel par abonné – l’ARPU (3) – s’est érodé en 2009 de 4,8 %, il reste encore élevé à 532 euros. Reste que l’Internet mobile, avec l’accès à des contenus multimédias, se développe et contribue au chiffre d’affaires « data mobile » (autre que la voix). Quant aux abonnées fixes à la Neubox (Internet haut débit), ils atteignent presque le nombre de 4,5 millions. Et chez Activision Blizzard, le fameux jeux en ligne par abonnement World of Warcraft, dit « massivement multi-joueurs », reste le numéro un mondial avec près de 11,5 millions d’utilisateurs. La télévision à péage n’est pas en reste : plus de 10,829 millions de clients Canal+ et CanalSat en France (12,471 millions avec Canal+ Pologne et Vietnam), tandis que l’ARPU annuel est en légère augmentation de 2,2 % à 44,7 euros par abonnement. Vivendi, qui compte toujours monter dans le capital de Canal+ France (détenu à 20 % par Lagardère) et de SFR (détenu à 44 % par Vodafone), s’est dit prêt à des acquisitions dans les médias et les télécoms s’il y a « modèle d’abonnement ». @