Xavier Couture, Orange : « Remettre en cause nos exclusivités serait une très mauvaise nouvelle »

Nommé il y a un peu plus d’un an et demi à la tête de la direction des Contenus du groupe France Télécom, Xavier Couture dresse un premier bilan de son action et explique à Edition Multimédi@ la stratégie d’Orange dans ce domaine.

PROPOS RECUEILLIS PAR CHARLES DE LAUBIER

Edition Multimédi@ : Qu’avez-vous mis en place depuis 20 mois ? Quelle place représente maintenant la direction Contenus d’Orange chez France Télécom ?
Xavier Couture :
Depuis mai 2008, mon action a été de donner corps à la stratégie de contenus voulue par le président Didier Lombard, et initiée par mes prédécesseurs. Orange a gagné une véritable légitimité dans les contenus. L’année 2008 a été très riche pour notre activité, avec le lancement de la chaîne « Orange foot », devenue depuis « Orange sport », et du bouquet « Orange cinéma séries ». Cela nous a permis d’enrichir l’offre de la « TV d’Orange » et de poursuivre notre politique de différenciation par rapport aux autres opérateurs et fournisseurs d’accès à Internet (FAI). En 2009, nous avons consolidé la stratégie contenus : les chaînes sont montées en puissance et se sont enrichies en terme de fonctionnalités (par exemple, fonction redémarrage sur « Orange cinéma séries ») ; nous avons mené une politique active
de partenariats innovants avec les professionnels du monde des médias. Ainsi, nous proposons à nos abonnés les services de télévision de rattrapage de France Télévisions [accord sur trois ans devrant être renégocié mi-2010, ndlr] et M6, ou encore, nous avons signé un accord avec France Télévisions pour les intégrer à
2424 actu, notre service d’actualité multi supports.
La « TV mobile d’Orange » a également connu une belle progression – le phénomène iPhone y ayant sans doute contribué – avec aujourd’hui une moyenne de 1 million d’utilisateurs actifs par mois. Enfin, citons la signature – le 10 novembre 2009 – d’un accord historique avec la majorité des organisations professionnelles du cinéma français pour notre bouquet « Orange cinéma séries ». Désormais, nous sommes
un acteur avec lequel il faut compter ! En 2010 nous poursuivrons notre politique
de partenariats.

EM@ : Vous êtes un homme de médias. Jusqu’où pensez-vous que France Télécom puisse aller dans les contenus et leur financement ?
X. C. :
Je me suis efforcé de réconcilier les contenus et la technologie. Orange est avant tout une entreprise opérant des réseaux, et c’est sur ces réseaux que nous construisons les nouveaux modèles de divertissement. J’appelle cela une activité
« d’éditeur de réseaux ». Orange ne produit pas d’événements sportifs mais reste
un agrégateur de contenus sportifs et éditeurs de chaînes avec «Orange sport », «Orange sport info » et «Orange sport event ». Dans le cinéma, nous avons une
activité de coproduction via notre filiale Studio 37, mais pas de production déléguée. Nous soutenons également les auteurs et les producteurs travaillant sur les nouveaux formats trans médias, ce type d’œuvres devant connaître un formidable développement. Dans cet esprit, Orange a créé une bourse d’aide à l’écriture sur
les formats innovants avec la fondation SACDBeaumarchais et lancé deux appels
à projets : Transmedia Lab avec Orange Vallée [bouclé en novembre dernier] et les ateliers Orange de la création – dont le dépôt des candidatures est fixé jusqu’au 31 janvier 2010. Nous soutenons la création mais nous n’avons pas pour autant vocation
à produire les contenus diffusés sur nos plates-formes. Cela est également valable pour la musique comme pour les jeux. Nous allons continuer à nous développer, notamment à travers la co-édition de services et les partenariats.

« Nous soutenons la création mais nous n’avons pas pour autant vocation à produire les contenus diffusés sur nos platesformes. Cela est également valable pour la musique comme pour les jeux. Nous allons continuer à nous développer, notamment à travers la coédition de services et les partenariats. »

EM@ : Le rapport de Marie-Dominique Hagelsteen sur les exclusivités des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) n’est pas attendu avant début 2010. Comment voyez-vous évoluer votre stratégie à ce sujet ?
X. C. :
Le jugement du tribunal de commerce a été infirmé le 14 mai 2009 par la Cour d’appel de Paris à l’occasion d’une décision très bien motivée en faveur de l’exclusivité sur la chaîne « Orange sport ». Nous verrons si la Cour de cassation, devant laquelle se sont pourvus SFR et Free, estime devoir casser cette décision. Concernant la mission confiée à Mme Hagelsteen, nous attendons la remise du rapport pour nous prononcer.
Ce qui est acquis, c’est que l’Autorité de concurrence n’a pas jugé nécessaire une remise en cause immédiate de nos exclusivités. Dans son avis du 7 juillet 2009, elle a reconnu les bénéfices de l’arrivée d’un nouvel entrant sur le marché de la TV payante et a également estimé que le rétablissement de la concurrence dans ce secteur passe notamment par le dégroupage du marché de gros des chaînes TV. Dans tous les cas,
la remise en cause des exclusivités acquises par Orange serait une très mauvaise nouvelle pour les univers du sport et de la création.

EM@ : Les multiples services médias proposés par Orange entretiennent-ils un éclatement de l’audience ?
X. C. :
La diversité des services que l’on propose est à mettre en regard de la diversité des nouveaux usages de consommation. Voyez ce qui se passe sur les mobiles,
les réseaux sociaux, la vidéo sur Internet… En termes d’audience, cela représente au contraire une opportunité. On assiste à une disparition progressive des frontières entre
les écrans, TV, PC et mobile notamment. Les contenus devenant le plus souvent trans médias, on est désormais capable de suivre une audience d’un écran à l’autre. Il y a de nouveaux “business models” à trouver en la matière.

EM@ : L’Hadopi prend du retard. Les décrets d’application de la loi ne sont pas signés. Cela vous inquiète-t-il ?
X. C. :
Orange a toujours soutenu la lutte contre le téléchargement illégal et a fortement contribué à faire aboutir les accords de l’Elysée (dits Olivennes) signés en 2007.
Nous sommes notamment convaincus de la nécessité de faire de la pédagogie auprès des internautes. La priorité aujourd’hui pour lutter contre le piratage est en effet le développement de l’offre légale. Nous développons pour notre part de nombreuses offres payantes, sécurisées et innovantes, accessibles au plus grand nombre et rémunératrices pour les ayants droit. Ces offres répondent aux nouveaux usages de
la consommation de contenus. Ainsi, nous avons été les premiers en France à proposer de la VOD légale à l’acte sur PC en 2002, puis sur la TV en 2003. Aujourd’hui, les clients ont accès à un catalogue proposant jusqu’à 4.700 films et programmes audiovisuels. Autre exemple :
« Orange cinéma séries » lancé en 2008 est un bouquet payant multi-écrans, 100 % cinéma et séries, dont l’intégralité des programmes est accessible à la demande.
Le développement de cette offre légale passe par la fixation d’un cadre réglementaire favorable, tenant compte des modèles économiques existants et des accords professionnels.

EM@ : La plainte d’Orange contre Canal + a 1 an (novembre 2008-novembre 2009). Depuis la fusion TPSCanalSat et les 59 conditions « antitrusts », que reprochez-vous à la chaîne cryptée ?
X. C. :
Nous avons constaté des difficultés d’accès aux droits et des pratiques de verrouillage qui n’étaient pas acceptables. Nous avons remarqué que les 59 conditions n’avaient pas été toutes respectées. Il était donc normal que nous en fassions part aux autorités de la concurrence, dont nous attendons la décision. Cependant Canal+ reste avant tout un partenaire : nous mettons ses offres à la disposition de nos clients, lesquels sont une source de croissance importante également pour la chaîne cryptée. @