Les industriels attaquent la copie privée : saison 2

En fait. Le 1er janvier 2013 est entrée en vigueur la décision n°15 de la commission pour la rémunération de la copie privée fixant les nouvelles taxes à payer lors de l’achat de supports de stockage, mémoires et disques durs. Cette décision, datée du 14 décembre, est parue le 26 au Journal Officiel (1).

En clair. Rendez-vous devant le Conseil d’Etat ! Les industriels s’apprêtent en effet à saisir la Haute juridiction administrative (2) pour demander l’annulation cette décision instaurant – « de façon illégale », affirment-ils – de nouveaux barèmes de rémunération
de la copie privée pour remplacer ceux annulés par le Conseil d’Etat en juin 2011. Aucun support de stockage numérique, ou presque, n’échappe à ces nouvelles taxes que doivent payer les consommateurs lors de l’achat de supports de stockages. Et ce,
en contrepartie du droit de faire des copies à usage privée de musiques, de films ou d’œuvres audiovisuelles, écrites ou graphiques. A part le cloud computing qui n’y est pas encore soumis (3) et les disques durs internes des ordinateurs toujours curieusement épargnés, tout y passe : CD/DVD, décodeurs, « box », enregistreurs numériques, appareils de salon, clés USB, supports de stockage multimédias, disques durs externes, smartphones, tablettes, baladeurs, autoradios, navigateurs GPS, … Selon les organisations des ayants droits (auteurs, artistes-interprètes, producteurs et éditeurs réunis au sein de Copie France), les nouveaux tarifs sont « globalement inférieurs » aux précédents et promettent une « légère diminution des rémunérations perçues au cours
de l’année 2013 ». Mais en réalité, il en coûtera plus cher pour les tablettes, baladeurs
ou GPS. Cette décision n’est pas du goût des industriels d’appareils électroniques, dont les organisations (Simavelec, Sfib, Secimaci, Gitep Tics, SNSII) avaient le 15 novembre claqué la porte de cette commission présidée par Raphaël Hadas-Lebel et placée sous
la tutelle des ministères de la Culture, de l’Industrie et de la Consommation.
Cela n’a pas empêché l’adoption de la décision n°15 à une écrasante majorité : 15 voix pour (4) et 3 voix contre (Unaf, CLCV et Familles rurales). Deux membres se sont abstenus : l’Association droit électronique et communication (Adec) et de la Fédération française des télécoms (FFT). Cette dernière s’est pour la première fois désolidarisée
des industriels en ne votant pas contre « afin de marquer les avancées obtenues ces dernières semaines lors des négociations sur les nouvelles grilles [notamment sur les
« box », ndlr] » mais en s’abstenant « afin de signifier qu’elle n’adhère pas au dispositif actuel de gouvernance et d’élaboration des décisions ». @

Le numérique devient-il la vache à lait de la culture ?

En fait. Le 2 octobre, Aurélie Filippetti a présenté le budget 2013 du ministère de
la Culture et de la Communication – en baisse de 2 % par rapport à cette année,
à 7,4 milliards d’euros (dont 3,55 milliards d’euros pour la culture, la recherche
et les médias et 3.83 milliards pour l’audiovisuel public).

En clair. Bien que le numérique bouleverse de fond en comble les modèles économiques des industries culturelles, les budgets qui leur sont consacrés sont
« maintenus ». Il faudra attendre le printemps prochain pour savoir si le futur projet
de loi de Finances rectificatif 2013 prendra en compte les conclusions de la mission
de Pierre Lescure de l’ « Acte 2 de l’exception culturelle », lequel doit rendre son rapport final en mars prochain sur le financement de la création – cinéma, audiovisuel, musique, édition, presse, photo – à l’ère du numérique (1) et sur la Hadopi. Cette dernière voit son budget 2013 ramené à 8 millions d’euros (- 27 %), selon l’annexe
au projet de loi de Finances 2013. Pour le septième art, le gouvernement a décidé
de « préserver » le Compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels (Cosip). En particulier, il met fin à « l’écrêtement du produit de la taxe sur les services de télévision (TST) acquittée par les distributeurs [les FAI et les éditeurs de chaînes, ndlr] » (2). En 2013, elle représentera 537,2 millions d’euros (- 0,3 %), dont 247 millions prélevés sur les FAI. Cependant cette TST, réformée pour entrer en vigueur le 1er janvier 2013, est contestée par le Commission européenne qui y voit une taxation des opérateurs télécoms contraire à la directive Autorisation du Paquet télécom. En outre,
« afin de contribuer au redressement des finances publiques, le fonds de roulement du CNC (3) subira un prélèvement exceptionnel à hauteur de 150 millions d’euros », a confirmé la ministre, tout en précisant que cela impactera les investissements du CNC dans le numérique. La taxe VOD, elle, s’élèvera à 30,25 millions (-7 %).
« En définitive, les recettes fiscales affectées au CNC en 2013 devraient être stables », tente de rassurer Aurélie Filippetti. Pour la filière musicale, « les dispositifs existants
sont maintenus » – malgré l’inquiétude des producteurs de musique de voir le crédit d’impôt absent du PLF 2013.
La presse, elle, bénéficiera de 516 millions d’euros d’aides (- 3,24 % sur un an), dont
35,5 millions d’euros pour le Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) – comprenant notamment le Fonds d’aide au développement des services de presse en ligne. Quant au livre, qui bénéficie de 250 millions d’euros, il a déjà vu en juillet dernier le taux réduit de TVA à 5,5 % rétabli au lieu des 7 %. @

Pourquoi la ministre Fleur Pellerin s’en prend à Free

En fait. Le 25 septembre, s’est tenu le colloque « Territoires numériques » de l’Arcep. Si la fibre optique était au cœur des débats, la ministre déléguée en charge de l’Economie numérique a en a profité pour défendre les industries culturelles et le financement du cinéma français face aux réseaux.

En clair. C’est un coup de gueule qu’a poussé Fleur Pellerin en ouvrant le colloque de l’Arcep sur les territoires numériques. Pourtant, rien dans le programme de cette journée n’était vraiment prévu sur les industries culturelles. Verbatim : « Vous le savez, il y a cette discussion difficile avec la Commission européenne à propos de la TST, la taxe sur les distributeurs de services de télévisions, que paient, parmi d’autres, les opérateurs télécoms pour financer le CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée.
Cette taxe est menacée parce qu’on ne peut pas empêcher un opérateur télécom [en l’occurrence Free, tout juste rejoint par SFR, ndlr] de proposer un prix très faible pour
les seuls services audiovisuels (par exemple 1,99 euros TTC pour ne pas le citer) dans
le cadre d’une offre triple play ou quadruple play. Or, la taxe porte uniquement sur le chiffre d’affaires audiovisuel des opérateurs télécoms, et le droit communautaire interdit de l’élargir à l’ensemble du chiffre d’affaires des opérateurs télécoms. Aujourd’hui, seul un opérateur profite [depuis le 29 décembre 2010, ndlr] de cette faille de la législation. C’est pour le moment un problème d’équité entre opérateurs télécoms. Certains paient plus que d’autres. C’est un premier problème. Mais surtout, demain, rien n’empêchera les autres opérateurs de s’aligner [c’est justement le cas depuis le 25 septembre de SFR qui facture désormais séparément 3 euros TTC son offre TV, ndlr]. Alors, ce sont les ressources du CNC (1) et sa mission d’exception culturelle qui seront en danger. Je le dis devant vous, je ne serai pas la ministre de l’Economie numérique qui laissera ce dispositif de financement du cinéma français se déliter » (2).
Aussi, pour y remédier, Fleur Pellerin annonce qu’elle ira dès ce lundi 1er octobre défendre à Bruxelles une « TST 2 ». Celleci consistera en une taxe forfaitaire assise
non pas sur le chiffre d’affaires du fournisseurs d’accès à Internet (FAI) – pour écarter toute critique de la Commission européenne – mais sur chaque abonnement. Cette TST
2 « présenterait le triple avantage de garantir un rendement satisfaisant [équivalent au
190 millions d’euros prélevés en 2011, ndlr], de rétablir l’équité entre les opérateurs et
de respecter le cadre communautaire », a assuré la ministre. @

La « séparation structurelle » entre le CSA, l’Arcep, l’Hadopi et l’ANFR est remise en question

La question du rapprochement entre le CSA et l’Arcep se pose depuis… 1999.
Mais les offres triple/quadruple play, VOD, catch up TV ou encore TV connectée font voler en éclats la frontière entre Internet et audiovisuel. « Fusionner »
la régulation des contenants avec celle des contenus semble souhaitable.

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, et Héloïse Miereanu, stagiaire, Gide Loyrette Nouel

A l’occasion de sa première audition devant la Commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale le 18 juillet dernier, la ministre de l’Economie numérique, Fleur Pellerin, avait dévoilé un peu vite les ambitions du gouvernement : envisager le rapprochement Arcep/CSA. Accidentelle (1), cette communication politique n’avait pas toutes les apparences d’une coïncidence. Et pour cause ! Depuis le communiqué du Premier ministre du 21 août, le rapprochement entre régulateurs a pris des allures
de « chantier officiel ».

Vivendi hésite à séparer « réseaux » et « contenus » : faut-il le faire pour Orange ?

Près de trois ans après le spin-off entre Time Warner et AOL, suite à l’échec de la méga fusion historique de 2001, voilà que Vivendi doute sur l’idée de scinder ses activités télécoms et médias. Tandis que le spectre de la séparation structurelle plane toujours sur France Télécom.

Conglomérat n’est plus synonyme de convergence. L’heure semble être au démantèlement plutôt qu’à l’intégration des grands groupes de médias et de communication. En annonçant, ce 20 août, la création d’un poste de « directeur général des activités télécoms » (Jean-Yves Charlier) et d’une mission de « réflexion pour le développement des médias et des contenus » (Bertrand Méheut), Vivendi ferait-il un pas de plus vers la scission ou le spin-off entre ses activités réseaux (SFR fixe et mobile, Maroc Télécom, GVT) et celles des contenus (Canal+, Universal Music, Activision Blizzard) ?