RNT : pendant que gouvernement, CSA et grands groupes doutent encore, 107 radios se préparent

Quatre mois avant son lancement sur Paris, Marseille et Nice, la RNT est une chance pour une centaine de radios. En cas de succès, elles ne le devront qu’à elles-mêmes car les grands réseaux boycottent, le gouvernement reste indifférent et le CSA doute encore.

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, et Louis de Carolis, Gide Loyrette Nouel

Après le succès de la migration de la télévision analogique vers le numérique et l’avènement du numérique sur toutes formes d’images et de sons, le lancement de la Radio numérique terrestre (RNT) – attendue depuis 1996 (1) –
est maintenant prévu pour la veille de la fête de la musique. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) n’était jusqu’alors pas encore parvenu à opérer la migration numérique pour la radio hertzienne, ce média si populaire
qui touche encore 43 millions de personnes par jour en France (2).

Radio des objets

« Good moooooorning Paris ! ». Les ondes vibrent encore de ce cri qui réveille la capitale depuis plus d’un mois. Un salut tonitruant poussé chaque matin par l’un des présentateurs vedette de la nouvelle station Word Radio 1. Une radio d’un nouveau genre : des programmes diffusés en mode tout IP de New York, Shanghai, Sao Paulo, Berlin, Londres et Lagos, pour une audience sans frontières affranchie des limites de la diffusion hertzienne. C’est bien le pari insensé d’une poignée de jeunes passionnés de musiques et de cultures du monde que d’avoir réussi à lancer une radio d’un nouveau ton, s’adressant à des auditeurs avides des nouvelles de la planète. Ils ont su tirer parti des atouts historiques de ce média, en amplifiant sa puissance par l’intégration des nouveaux outils : podcasts, vidéos, réseaux sociaux et métadonnées.

« Au-delà des mobiles et des autoradios, ce sont
nos ampoules, nos vêtements ou nos robots domestiques
qui mettent à volonté ces nouvelles radios à portée de
nos oreilles. »

Vidéo : les sites web de radio sont-ils des SMAd ?

En fait. Le 16 janvier, le Groupement des éditeurs de contenus et services en ligne (Geste) a été reçu à sa demande par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), pour lui faire part de l’opposition des radios à déclarer leur site web avec vidéo, comme services de médias audiovisuels à la demande (SMAd).

En clair. Dès que le CSA voit des vidéos en ligne, il est tenté d’assimiler tout ou partie
du site web qui les édite comme un service de médias audiovisuels à la demande (SMAd). Après les services de vidéo à la demande (VOD), les offres de télévision de rattrapage (catch up TV) et la partie vidéo professionnelle (programmes audiovisuels, chaînes originales, …) des platesformes de type YouTube et Dailymotion, le CSA s’intéresse maintenant aux sites web des radios et de la presse proposant des vidéos. Depuis l’été dernier, plusieurs éditeurs de radios ont déjà reçu de sa part une notification leur demandant de se déclarer en tant que SMAd.

TDF craint la dévalorisation de ses actifs en France

En fait. Les 7 et 16 août, Reuters révélé la vente de TDF en France pour un montant espéré de 4 milliards d’euros. Mais selon des sources proches du dossier, les offres de reprise n’atteignent pas ce montant pourtant nécessaire afin de « financer le remboursement de 3,8 milliards d’euros de dettes ».

En clair. Les actionnaires de TDF (ex-Télédiffusion de France) – que sont le fonds américain TPG (ex-Texas Pacific Group) à 42 % du capital, le FSI (Fonds stratégique d’investissement) à 24 %, Axa Private Equity à 18 % et le fonds britannique Charterhouse Capital Partners à 14 % – veulent vendre les actifs français tant qu’il en est encore temps. L’opération de cession a été confiée cette année aux banques Goldman Sachs et Rothschild. Car le vent tourne pour le numéro un en France de la diffusion audiovisuelle, encore endetté à hauteur de près de 4 milliards d’euros.
C’est aussi le montant qu’espèrent obtenir les actionnaires pour la vente de TDF France qui pèse pour 53 % des 1,42 milliard d’euros de chiffre d’affaires générés l’an dernier – à fin mars 2012, derniers chiffres connus (1). Mais, d’après Reuters, les propositions de reprise de TDF France faites par des fonds d’investissement (PSP, OTPP, Borealis, AMP Capital, …) ou des opérateurs américains (Crown Castle et American Tower) ne sont pas à la hauteur de leurs attentes. La plus élevée des offres lors de enchères ne dépassant pas 3,7 milliards. Or le temps presse : l’échéance de 2016 pour rembourser l’essentiel de la dette approche. Déjà malmené par le passé avec la télévision mobile personnelle (TMP) qui n’a finalement pas vu le jour en France ou la perte de revenu provoqué par l’extinction plus rapide que prévu de la télévision analogique (en novembre 2011), TDF craint de voir son avenir s’assombrir à nouveau. Après avoir vu son chiffre d’affaires reculer au cours des trois années passées, TDF a encore du souci à se faire avec la télévision qui génère 33 % des revenus : le 9 juillet dernier, TDF et trois autres opérateurs de la TNT (TowerCast, Itas Tim et OneCast) ont alerté le gouvernement « contre le risque d’une dévalorisation du réseau de diffusion de la télévision numérique hertzienne terrestre » par le transfert de la bande des 700 Mhz de l’audiovisuel aux télécoms. Du côté des télécoms cette fois, qui représentent 26 % des revenus de TDF, les négociations exclusives engagées cet été entre Bouygues Telecom et SFR en vue de mutualiser leurs réseaux mobiles n’est pas de bon augure à l’heure de la 4G. Quant à la radio (20 % de son chiffre d’affaires), le retard de la France dans la RNT ne va pas non plus dans le sens des affaires de TDF en France. @

Musique : Google devance le lancement d’iTunes Radio

En fait. Le 8 août, Google France a annoncé le lancement d’un service d’« accès illimité à la musique » sur Google Play pour le marché français. Proposé par abonnement, il permet l’écoute de musiques en streaming et de profiter de smart radios personnalisées et sans publicité. « Des millions de titres » sont proposés.

En clair. Google se lance en Europe à l’assaut du français Deezer et du suédois Spotify qui jouent déjà sur les deux usages en pleine croissance que sont l’écoute en streaming et la radio personnalisable par abonnement. Le géant du Web prend également de court son rival Apple lequel prévoit de lancer à l’automne iTunes Radio, un service d’écoute musicale personnalisé par playlists et radios. La marque à la pomme, qui a lancé iTunes Store il y a dix ans, entend conforter son leadership mondial dans la musique en ligne, avec ses 26 millions de titres disponibles. Mais contrairement au futur service d’Apple, gratuit et financé par la publicité (1), le nouveau service de Google – baptisé « Accès Illimité » – offre par abonnement « des millions de titres des plus grandes maisons de disques, labels indépendants et artistes nationaux ». Lancé aux Etats-Unis en mai dernier sous le nom de Google Play Music All Access, le géant du Web avait signé des accords de droits avec Universal Music, Sony Music et Warner Music.
Avec Android sur tablette et smartphone, Google vise un parc plus large de terminaux (sans parler de l’accès web par play.google.com) que les iOS d’Apple. Outre-Atlantique, Google Play Music All Access doit aussi concurrence l’américain Pandora, pionnier de
la smart radio. « Accès illimité vous permet de profiter de radios interactives et sans publicité, personnalisées en fonction de vos chansons ou de vos artistes préférés. Libre
à vous de passer des titres, d’en supprimer et de réorganiser la file de lecture selon vos envies. Vous pouvez aussi accéder aux recommandations de notre équipe d’experts musicaux ou trier les titres par genre. La fonctionnalité “A écouter” affiche dans votre bibliothèque des suggestions d’artistes ou de radios susceptibles de vous plaire et accessibles en un clic. Et si d’aventure, vous ne trouviez pas votre bonheur dans notre éventail de plusieurs millions de titres, vous avez la possibilité de stocker en ligne gratuitement jusqu’à 20 000 titres de votre bibliothèque musicale personnelle », explique en détail le blog officiel de Google France.
Google Play Musique Accès illimité est gratuit pendant un mois, avant d’être payant :
7,99 euros par mois avant le 15 septembre, puis 9,99 euros par mois. A l’instar de Spotify et de Deezer, le géant du Net tourne un peu plus le dos au téléchargement. @