Chronologie des médias : la France risque le statu quo

En fait. Le 25 août, Edition Multimédi@ s’est procuré les propositions « confidentielles », transmises aux professionnels du cinéma français, d’évolution de la chronologie des médias. Une réunion au CNC est fixée au 15 septembre pour adopter – ou pas – un nouvel accord afin de remplacer le précédent de 2009.

Frédérique Bredin, présidente du CNC

Frédérique Bredin, présidente du CNC

En clair. Les propositions « Chronologie des médias » faites aux professionnels du Septième Art (producteurs de films, exploitants de salles de cinéma, chaînes de télévision, plateformes de VOD/SVOD, etc) par le CNC (1) sous la houlette d’Aurélie Filippetti, alors ministre de la Culture et
de la Communication (2), sont a minima.
Elles s’apparentent plus à un statu quo qu’à une réforme
des fameuses « fenêtres de diffusion » pourtant appelée de leurs voeux par les rapports successifs Zelnik de 2010, Lescure de 2013 et, bien que moins disant, Bonnell de 2014. Ainsi, la VOD à l’acte resterait à quatre mois après la sortie des films en salles de cinéma.

Les salles obscures resteraient « sanctuarisées »
L’idée du passage à trois mois serait abandonnée, seules les dérogations – déjà prévues dans l’accord de 2009 sans être demandées car inopérantes – seront « élargies aux films ayant fait moins de 20.000 entrées cumulées [au lieu de 200 dans l’accord
de 2009, ndlr] sur les quatre premières et moins de 1.000 entrées sur la quatrième semaine ».
Autant dire que, selon un responsable d’une organisation de producteurs de cinéma, les dérogations resteront très limitées : « Les quatre mois de la salle sont sanctuarisés comme l’exigeait la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) ». Les acteurs
de la VOD, dont le chiffre d’affaires en France a chuté pour la première fois en 2013 de 3 % à 245 millions d’euros, prendront-ils acte sans broncher ? « L’absence d’évolution [de la chronologie des médias] depuis l’accord de 2009 n’est plus tenable », avait répondu Aurélie Filippetti au producteur et distributeur de films Jean Labadie qui l’avait interpellée le 6 août dans une tribune à Libération intitulée : « Madame Filippetti, la piraterie tue le cinéma ».

Invitée le 17 octobre dernier par l’Association des journalistes médias (AJM), Aurélie Filippetti avait mis en garde : « Une disposition législative pourrait intervenir » (lire EM@89 p. 7). Les salles et les producteurs de cinéma espèrent-ils échapper à la loi
en limitant aux seules SVOD et chaînes TV l’évolution des fenêtres de diffusion ? La SVOD est proposée à 24 mois au lieu des 32 mois actuels, alors que le rapport Lescure préconisait 18 mois. Et encore : ne pourront bénéficier de cet avancement que les services de SVOD « vertueux bénéficiant d’un “label CNC” », notamment contribuant
au financement de films français ou européens « à hauteur de 21 % et 17 % de leur CA, dont au moins 25 % en préfinancement, avec des MG (3) par abonné ». Quant à
la question de la simultanéité salles-VOD (4), elle n’est même pas évoquée. Le Day-and-Date reste tabou… @

Malgré sa couverture médiatique et ses exclusivités avec Gaumont, Netflix devra encore convaincre

Défrayant la chronique depuis trois ans et fort de deux séries exclusives produites par le français Gaumont, en attendant sa propre série française – « Marseille » – prévue pour 2015, le numéro un mondial de la VOD par abonnement est attendu au tournant en France à partir du 15 septembre.

Par Charles de Laubier

Reed HastingsSelon nos informations, Netflix a reçu juste avant l’été en toute discrétion une petite poignée de journalistes de la presse française. Ce sont plus des hebdos que des quotidiens qui ont ainsi eu le privilège d’être invités au siège social à Los Gatos, en Californie. Ayant été soumis à un strict embargo fixé jusqu’à fin août, leurs premiers articles en avant-première commencent à être publiés (1).
Le 31 juillet dernier, plus nombreux ont été les journalistes français à recevoir un « Save the date. Bientôt sur vos écrans » afin de retenir la date du 15 septembre pour une « soirée à partir de 20 heures ». Et les invitations personnelles elles-mêmes, triées sur le volet, viennent de parvenir aux intéressés, conviés à festoyer sous le pont Alexandre III.
L’agence de communication MSL, filiale du groupe Publicis, a discrètement a été retenue par Netflix pour assurer en France les relations presse du numéro un mondial de la VOD par abonnement (SVOD). Et ce, sous la houlette de Joris Evers, fraîchement nommé en juillet vice-président de Netflix en charge de toute la communication en Europe.

Reed Hastings sera « sous le pont » le 15 septembre
Mais il nous est expliqué que « le 15 septembre n’était pas une soirée de lancement mais de célébration », quitte à entretenir encore un peu un secret de polichinelle sur
une disponibilité du service de SVOD prévue le même jour, si ce n’est la veille – le 14 septembre (2) étant un dimanche, cela pourrait laisser plus de temps aux Français pour le découvrir dans leur salon.
Quoi qu’il en soit, le cofondateur et directeur général de Netflix, Reed Hastings (photo), ancien prof de maths, sera présent physiquement ce jour-là. Il sera, nous dit-on, accompagné de Ted Sarandos, directeur des contenus, et de Neil Hunt, directeur produit. Ce dernier est le grand architecte depuis quinze ans du puissant portail audiovisuel donnant accès à plus de 2 milliards d’heures de programmes de télévision, dont un catalogue dépassant les 100.000 films et séries à multiples épisodes et saisons. « C’est plus que juste une boutique en ligne ou un catalogue. Nous poussons très fort les recommandations basées sur les évaluations des utilisateurs, afin d’aider les gens à trouver de grands films qui pourraient être plus intéressants pour eux que les seules nouveautés », se félicite Neil Hunt sur LinkedIn. Il ajoute en outre que « Netflix offre à de petits producteurs de films indépendants le canal de diffusion manquant ».

Netflix courtise les cataloguistes de films
En France, des membres de l’Association des producteurs de cinéma (APC) ont par exemple été approchés. Netflix sollicite soit des distributeurs de films de cinéma, soit des producteurs de séries télé. Une source proche du dossier nous indique que Netflix leur propose « un achat de droits pour une exploitation sur douze mois pour environ 4.000 euros pour chaque film, ce montant pouvant aller jusqu’à 40.000 euros » mais qu’« après avoir recruté suffisamment d’abonnés dans un pays, ses investissements sont sérieusement réduits d’après un producteur danois ». Fin août, l’agence MSL a diffusé son premier communiqué « Netflix », lequel annonce produire sa propre série française, « Marseille », réalisée par Florent Emilio Siri (en ligne en 2015). Mais le plus gros partenaire en France de la plateforme américaine reste Gaumont (3), la major française du cinéma lui ayant produit en exclusivité « Hemlock Grove » : la première saison a déjà été diffusée en 2013 et la seconde l’est depuis juillet. Le groupe présidé par Nicolas Seydoux vient en outre de lancer pour la firme californienne la production d’une seconde série : « Narcos » (4).
Par ailleurs, Netflix a signé en juillet un accord avec la Sacem. Quant à la sacro-sainte chronologie des médias, elle devrait être respectée par ce nouveau géant du Net.
« Nous ne chercherons pas à contourner quoi que ce soit. Nous voulons investir en France, dans des contenus français. Nous pourrions faire de “House of Cards” un “House of Versailles” – c’est une plaisanterie entre nous ! – mais ce serait une grosse production et pas seulement pour le marché français, pour le monde entier » a déclaré Reed Hastings le 21 juillet. Ironie de l’histoire : Netflix ne pourra pas proposer en SVOD la fameuse série « House of Cards », qui fut pourtant la première à être produite pour lui (5), car le studio Media Rights Capital en a cédé l’exclusivité à Canal+ pour la France.
Netflix.com et ses déclinaisons, dont la plupart de la technologie tourne sur le cloud d’Amazon, diffusent ainsi à la demande – à l’aide de puissants algorithmes de recherche et de suggestions « sociales » – plus de 60 millions d’heures de programmes par jour à un peu plus de 50 millions d’abonnés dans le monde, dont 13,8 millions en dehors des Etats-Unis. C’est que la France n’est pas le premier pays de conquête internationale pour Netflix, loin s’en faut : après le Canada en septembre 2010, l’Amérique du Sud en septembre 2011, la Grande-Bretagne et l’Irlande en janvier 2012 les pays scandinaves (Finlande, Danemark, Suède, Norvège) en octobre 2012 et les Pays- Bas en septembre 2013, six autres pays européens accueilleront Netflix dès mi-septembre. Outre la France, il s’agit de l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Suisse
et le Luxembourg, d’où la plateforme de SVOD gère toutes ses opérations sur le Vieux Continent avec seulement une vingtaine de personnes (6). « Il n’y aura personne en France, ni même un bureau », nous est-il précisé.

En attendant le coup d’envoi mi-septembre dans ces six nouveaux pays, Netflix s’affiche timidement : « Profitez de films et séries TV où et quand vous le souhaitez. Abonnement mensuel très attractif », peut-on lire sur le site web accessible de France
– Netflix.fr renvoyant à un Netflix.com verrouillé géographiquement. Le champion américain de la SVOD se contente d’y afficher trois arguments censés faire mouche :
« Tous les contenus sont disponibles sur PS3, Wii, Xbox, PC, Mac, smartphone, tablette et bien plus [comprenez Smart TV, voire box, ndlr]… » ; « Tous les contenus sont instantanément diffusés en streaming » ; « Sans engagement, abonnement annulable en ligne à tout moment ». Mais cette toute première démarche avant-vente
– « Netflix bientôt disponible en France. Entrez votre adresse e-mail pour être averti
de sa disponibilité. » – apparaît bien maigre par rapport à l’effort marketing que devra fournir le champion de la VOD par abonnement s’il veut s’imposer dans l’Hexagone. Certes, grâce à la presse française et à ses journalistes (sic), Netflix a bénéficié depuis plus de trois ans d’une couverture médiatique gratuite qui n’a rien à envier à une vaste et coûteuse campagne de publicité. Plusieurs millions de dollars seront sans doute nécessaires pour convaincre les Français de s’abonner à ce service de SVOD venu d’ailleurs, même si les tarifs d’abonnement mensuel – 7,99 euros pour un écran sans HD, 8,99 euros pour deux écrans avec HD ou 11,99 euros pour quatre écrans avec HD – se veulent plus attractifs que les 39,90 euros de Canal+ ou que les offres de SVOD françaises déjà en place (CanalPlay, Videofutur, FilmoTV, Universciné, Jook Vidéo, …).

La SVOD est encore moins fraîche que la VOD
Mais il n’y aura pas de films récents sur Netflix, car la chronologie des médias l’interdit : un film ne peut sortir en SVOD que 36 mois après la salle de cinéma (contre 4 mois pourla VOD). Et ce n’est pas son passage envisagé à 24 mois, qui plus est à condition d’être « vertueux » (lire p. 3) – c’est-à-dire de participer au financement de la création (7) pour les plateformes de SVOD – que la fraîcheur sera au rendez-vous. A quand un Netflix de la VOD ? @

Frédérique Bredin se veut prudente sur la sortie simultanée de films en salles et en VOD

Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), en pleine réforme de la filière et de la chronologie des médias face au numérique, veut mieux aider la VOD en France. A l’occasion du 67e Festival de Cannes, sa présidente nous répond aussi sur la sortie simultanée salles-VOD. Et elle souhaite une taxe sur la publicité en ligne.

Propos recueillis par Charles de laubier

Frédérique BredinEM@ : Pensez-vous que les premières expérimentations
de simultanéité salles-VOD par les projets Speed Bunch de Wild Bunch, Edad d’Artificial Eye avec Rezo Films, et Tide de l’ARP – tous soutenus financièrement par la Commission européenne jusqu’en juin prochain – soient une bonne chose, alors que de nouveaux projets (dont Spide de l’ARP avec Wild Bunch) ont d’ores et déjà été retenus ?

Frédérique Bredin : Ces expérimentations, soutenues jusqu’ici par la Commission européenne dans le cadre d’une action préparatoire, doivent être examinées avec la plus grande attention. Il est notamment indispensable qu’elles se fassent dans le respect de la chronologie des médias de chaque Etat membre et avec l’accord des exploitants qui diffusent le film.
Il serait donc prudent, avant toute conclusion hâtive, de tirer rapidement un premier bilan rigoureux de ces premières expérimentations, afin d’en extraire tous les enseignements utiles. Et ce d’autant que cette initiative a été reconduite et que la Commission européenne souhaite la poursuivre en intégrant cette action préparatoire au sein même du volet MEDIA du programme Europe Creative.
La Commission européenne devrait d’ailleurs présenter les premiers résultats de ces expérimentations (1) à l’occasion du Festival de Cannes [le 16 mai, ndlr].

EM@ : Comment se traduit concrètement le soutien du CNC à la VOD et est-ce suffisant ?
F. B. :
Ce soutien se traduit par deux types d’aide : une aide destinée aux détenteurs
d’un catalogue de droits VOD pour la mise en ligne et l’enrichissement éditorial d’œuvres françaises et européennes ; une aide destinée aux éditeurs de services de VOD pour la mise en ligne et l’éditorialisation d’œuvres françaises et européennes sur leur service. Ainsi, 1,29 million d’euros ont été attribués en 2013 au titre de ce dispositif, ce dont ont notamment bénéficié 15 éditeurs de services de VOD. Sur un marché davantage mature, qui a considérablement crû depuis 2008, l’aide sélective, très contrainte par son régime juridique dit « de minimis » (1), n’est désormais plus suffisante pour jouer pleinement son rôle incitatif, face aux enjeux actuels.

EM@ : Comment comptez-vous alors améliorer ce dispositif d’aide à la VOD ?
F. B. :
Anticipant cette situation, le CNC a initié dès 2010 une démarche de notification
de ses aides aux éditeurs de VOD auprès de la Commission européenne, afin d’intensifier l’aide sélective actuelle, en la sortant du « de minimis ». Cette première notification, opérée à l’été 2010, a finalement dû être retirée par les autorités françaises en avril 2011 du fait de l’opposition de la Commission européenne. Le CNC a procédé fin 2012 à une nouvelle notification portant à la fois sur l’amélioration de l’aide sélective et sur la mise en place d’un soutien automatique « VOD », inexistant aujourd’hui, préconisé par le rapport sur
le sujet par Sylvie Hubac (2), remis au CNC en janvier 2011. A ce jour, la Commission européenne n’a toujours pas donné son accord pour la mise en place de ces deux dispositifs, pourtant essentiels au développement de l’offre légale européenne. Ces échanges semblent toutefois susceptibles d’aboutir en 2014, permettant la mise en place de ces deux dispositifs.

EM@ : Y a-t-il d’autres aides à la VOD ?
F. B. :
Parallèlement à ces aides à l’exploitation des œuvres françaises et européennes en VOD en cours d’amélioration, le CNC soutient également dans le cadre du RIAM (Réseau de recherche et d’innovation en audiovisuel et multimédia, ndlr), dispositif cogéré avec Bpifrance, les projets de R&D relatifs au développement de l’offre légale française. L’appel thématique spécifique du RIAM, lancé en mars 2013 en faveur du développement d’outils innovants sur le marché de la VOD, permet en effet d’accompagner de nombreux projets ambitieux pour une meilleure ergonomie des offres au bénéfice de l’expérience des consommateurs.

EM@ : Le CNC a fait du rapport Bonnell sa feuille de route : avec trois groupes
de travail (financement des films, transparence-partage, distribution-diffusion) et une négociation sur la chronologie des médias : combien d’accords professionnels espérez-vous d’ici cet été ? Adapteront-ils le cinéma à Internet ? S’il n’y a pas d’entente, le législateur prendra-t-il le relais ?
F.B. :
A ce stade, l’ensemble des soixante-dix propositions ont été évoquées et ont donné lieu à des discussions nourries dans un esprit constructif, signe du sens des responsabilités du secteur concernant son avenir, qu’il s’agit de souligner et que je tiens
à saluer. Des enjeux prioritaires se dégagent :
• La transparence de toute la filière, tant concernant les rapports entre distributeurs et producteurs qu’entre exploitants et distributeurs : il s’agit ici d’améliorer les rendus de compte, de développer les audits et de clarifier les remontées de recettes.
• La diffusion des films en salles : l’objectif est d’améliorer structurellement les conditions de diffusion, afin de pérenniser la diversité de l’offre de films en salles.

EM@ : Pensez-vous que les premières expérimentations de simultanéité salles-VOD par les projets Speed Bunch de Wild Bunch, Edad d’Artificial Eye avec
Rezo Films, et Tide de l’ARP – tous soutenus financièrement par la Commission européenne jusqu’en juin prochain – soient une bonne chose, alors que de nouveaux projets (dont Spide de l’ARP avec Wild Bunch) ont d’ores et déjà
été retenus ?
F.B. :
Ces expérimentations, soutenues jusqu’ici par la Commission européenne dans
le cadre d’une action préparatoire, doivent être examinées avec la plus grande attention.
Il est notamment indispensable qu’elles se fassent dans le respect de la chronologie des médias de chaque Etat membre et avec l’accord des exploitants qui diffusent le film. Il serait donc prudent, avant toute conclusion hâtive, de tirer rapidement un premier bilan rigoureux de ces premières expérimentations, afin d’en extraire tous les enseignements utiles. Et ce d’autant que cette initiative a été reconduite et que la Commission européenne souhaite la poursuivre en intégrant cette action préparatoire au sein même du volet MEDIA du programme Europe Creative. La Commission européenne devrait d’ailleurs présenter les premiers résultats de ces expérimentations [le 16 mai prochain, ndlr] à l’occasion du Festival de Cannes.

EM@ : Vous avez réuni le 3 avril le réseau des « CNC » européens, l’EFAD, qui déclare que « les géants de l’Internet ne contribuent pas » assez à l’audiovisuel :
en France, la loi de Finances rectificatif pour 2013 n’applique-t-elle pas déjà la taxe vidéo aux services de VOD disponibles en France mais basés à l’étranger ?
F.B. :
La réponse est oui, mais cette réforme fiscale qui étend la taxe vidéo aux services de VOD étrangers ciblant le marché français n’est pas encore validée par la Commission européenne. Il convient de noter que les Allemands ont prévu le même dispositif que nous, à savoir une taxe vidéo étendue aux entreprises de VOD établies hors d’Allemagne, dont l’offre cible le marché allemand. Mais cette réforme ne suffit pas. Nous souhaiterions, par exemple, pouvoir taxer les recettes publicitaires des hébergeurs, y compris lorsque ces entreprises ne sont pas établies en France. Cela les mettrait à égalité avec les chaînes
de télévision traditionnelles, dont on taxe les produits publicitaires, y compris sur la télé
de rattrapage. @

René Bonnell : « Canal+ va devoir fractionner son offre »

En fait. Le 26 mars, le producteur René Bonnell (Octave Films) – ancien cofondateur de Canal+ et de Studio Canal – était l’invité du Club audiovisuel de Paris sur le thème : « Quels financements pour le cinéma à l’ère du numérique ? »
– en référence à son rapport remis en janvier et sur lequel travaille le CNC.

René BonnellEn clair. L’homme qui chuchotait en 1983 à l’oreille d’André Rousselet, alors président d’Havas, en vue du lancement de Canal+ l’année suivante, n’est autre que René Bonnell (photo). Cofondateur de Canal+, il le fut également de Studio Canal (1)
à la fin des années 1990 avec… Pierre Lescure.
C’est dire qu’il connaît bien Canal+, aujourd’hui en position dominante dans la télévision payante et premier pourvoyeur
de fonds du cinéma français (2).

La chaîne cryptée perd des abonnés
Mais avec la concurrence du qatari BeIn et l’arrivée en septembre de l’américain Netflix
(7 euros/mois ?), la chaîne cryptée (39,90 euros/mois) est remise en question.
« Alors que Canal+ a une remarquable politique de diversification, le système lui-même perd des abonnés. (…) Du fait de la fragmentation des audiences, de l’individualisation du choix des programmes et du numérique, Canal+ va sans doute être obligé de fractionner son offre entre l’OPay-TV [Online Pay TV] – l’offre active de contenus – et une chaîne plus généraliste en faisant baisser les prix », a déclaré René Bonnell devant le Club audiovisuel de Paris le 26 mars. Avec 6,1 millions abonnés en France, le groupe Canal+
a en effet indiqué le 11 mars dernier devant le tribunal de commerce de Nanterre qu’il avait perdu 187.000 abonnements depuis le lancement en juillet 2012 de BeIn Sports (qu’il accuse de concurrence déloyale). Quant au taux de déperdition d’abonnés (churn), il est en hausse en hausse de 13,8 % à 14,9 %. Résultat : le chiffre d’affaires de Canal+ en France affiche l’an dernier un recul de 1 % à 3,544 milliards d’euros. Cependant, René Bonnell se dit, lui, confiant pour la chaîne cryptée qui fête ses 30 ans cette année :
« Canal+ a trois atouts maître : le nombre de ses abonnés, CanalPlay Infinity (SVOD) qui se développe bien, CanalPlay (VOD) pas mal placé, et une politique très astucieuse de chaînes sur YouTube. (…) Canal+, qui va être le premier gêné [par Netflix], a des armes dans cette guerre de mouvements dont il sortira en bonne situation ». Mais interpellé par Gérard Carreyrou, ancien dirigeant de TF1, qui le trouve « extrêmement optimiste » sur l’avenir de Canal+ et le soupçonne de « patriotisme de chaîne », René Bonnell lui répond : « Vous avez parfaitement raison de souligner que Canal+ va avoir un problème de prix,
un problème avec le sport, un problème de concurrence (BeIn, Orange, …). C’est pas un hasard que cela soit sur CanalSatellite que Canal+ perd le plus d’abonnés ». @

 

Financement de films, TVA ADSL et taxe Cosip

En fait. Le 3 janvier, l’Association des producteurs de cinéma (APC) a critiqué l’annonce de Free qui veut dissocier la distribution de chaînes de télévision en faisant une option facturée 1,99 euro par mois – au lieu de la moitié de la facture triple play. Ce serait moins de financement pour les films.

En clair.. La polémique sur les conséquences de la hausse de la TVA à 19,6 % sur
les offres triple play (téléphone-Internet-télévision), au lieu de 5,5 % sur la moitié de la facture liée aux chaînes de télévision, continue de faire des vagues dans le monde du septième art. Comme le calcul de la taxe dite Cosip (1) – destinée à établir le niveau
de contribution obligatoire des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) au financement de films français et européens – est effectué sur la moitié de la facture triple play, l’initiative de Free réduirait à la portion congrue l’assiette de calcul. « Il semble que Free tente ainsi de faire une économie sur le dos de la création cinématographique et audiovisuelle, en ayant pour objectif de réduire drastiquement l’assiette de la taxe destinée à cette dernière, qui est perçue par le CNC (2), tout en continuant plus que jamais à faire des œuvres un “produit d’appel“ », estime Frédéric Goldsmith, délégué général de l’APC. L’association, qui représente près de la moitié des budgets du cinéma français, « conteste ce qui représenterait selon elle un contournement artificiel des dispositions de la loi de finances pour 2011 et des engagements du Président de la République ». Nicolas Sarkozy avait annoncé aux organisations du cinéma français – reçues le soir du 6 septembre 2010 – que le gouvernement garantirait le financement des films via le fonds Cosip à l’occasion du projet de loi de Finances 2011. Ce qui fut fait le 15 décembre dernier avec l’adoption du texte qui prévoit le maintien de la contribution des FAI calculée sur 45 % de leur chiffre d’affaires triple play. Rappelons que c’est la Commission européenne qui a estimé illégale l’application par la France
de la TVA réduite sur la moitié du triple play, cette mesure ayant été instaurée par la loi du 5 mars 2007 « en contrepartie » de la taxe Cosip (lire EM@19, p. 7). Jusqu’alors, les FAI versaient aux sociétés d’auteurs 3,75 % sur la moitié des recettes triple play soumise à la TVA réduite de 5,5 %. Ils paieront désormais autant sur
la totalité de la facture triple play passée à la TVA à 19,6% mais bénéficieront d’un abattement de 55 %. En ramenant à 6,2 % la part « télévision » dans son offre triple play, Free fait donc grincer des dents les ayants droits. Le directeur général de la SACD (3), Pascal Rogard, estime que « les créateurs (…) seraient fondés à exercer [leur droit d’autoriser ou d’interdire la retransmission des programmes, ndlr] pour éviter d’être dépouillés par cette carabistouille »… @