Six mois après l’e-G8, un « c-G8 » prévu en novembre

En fait. Le 6 juin se termine une consultation que le ministère de la Culture
et de la Communication a lancée le 24 mai pour faire réaliser une étude sur
« la rémunération de la création à l’ère numérique ». Les résultats seront présentés lors du Sommet culturel organisé à Avignon, en novembre 2011.

En clair. Après l’e-G8 (« e » pour électronique) des 24 et 25 mai à Paris, voici qu’est programmé ce que l’on pourrait appeler le c-G8 (« c » pour culture) les 17 et 18 novembre prochains à Avignon. Point commun entre ces deux « mini » sommets des huit pays les plus riches de la Planète (1) : le numérique et les droits d’auteur. La Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) précise à Edition Multimédi@ que lors de ce « Sommet culturel au format G8 élargi » dix-sept pays seront représentés. « Il se déroulera en parallèle du début du Forum d’Avignon [du 17 au 19 novembre, ndlr]. Un dîner commun entre le Sommet et le Forum aura lieu le 17 novembre au soir, ensuite le sommet ministériel se tiendra séparément mais au même endroit, le Palais des Papes, jusqu’au lendemain midi », nous explique Caroline Rogard à la DGMIC. Le Forum d’Avignon – dirigé par d’anciens (2) de la DDM (devenue DGMIC) et lié au ministère de la Culture et de la Communication – organise en effet ses 4e Rencontres internationales de la culture, de l’économie et des médias (3). Il y sera question du financement des industries culturelles par les acteurs de l’Internet et les fabricants de terminaux interactifs. En janvier dernier, le président de la République avait demandé à Frédéric Mitterrand – lors de ses vœux au monde de la Culture – que se tienne « avant le G20 à Cannes [les 3 et 4 novembre 2011, ndlr]» un « un sommet des pays du G20 sur la question des droits d’auteur [sur Internet] pour que nous essayions d’avancer ensemble : pas les uns contre les autres, [mais] les uns avec
les autres ». Et Nicolas Sarkozy avait lancé, à propos de culture et de numérique : « Il y eu beaucoup de malentendus ». Son ministre de la Culture profite donc du Forum d’Avignon pour faire – finalement après – une sorte de c-G17 (à Avignon). Au Sommet de la culture, les discussions seront donc « économiques et industrielles », avec une
« réflexion sur la création, la culture et la valorisation de l’immatériel ». L’étude « à portée internationale sur la rémunération de la création à l’ère numérique », commanditée par la DGMIC, contribuera aux débats. Bilingue (anglais et français),
elle traitera de « tous les contenus de création dématérialisés qui relèvent du droit d’auteur » et « pour lesquels les réseaux numériques jouent le rôle de nouveau support de diffusion, ainsi que ceux pour lesquels le numérique sert d’outil de création » : musique, presse, livre, cinéma, télévision, animation, photographie, jeu vidéo, etc. @

e-G8 et e-Europe : Internet devient une affaire d’Etats

En fait. Les 24 et 25 mai, la France a organisé à Paris – la veille du G8 à Deauville
– le forum « e-G8 » consacré à Internet – pour lequel Nicolas Sarkozy veut
« des règles du droit » et « de la morale ». La Commission européenne, elle,
a lancé le 24 mai sa stratégie sur les droits d’auteur à l’heure du Net.

En clair. Quarante ans après l’invention d’Internet, selon une gouvernance sans but lucratif ni emprise des Etats, les huit pays les plus riches de la planète (1) réunis au sein du G8 et les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne – « associée » à ce G8 – lancent une OPA (hostile ?) sur le Net. Deux Français se sont fait les porte-parole de cette volonté politique de reprise en main du réseau des réseaux. L’un, Nicolas Sarkozy, président de la République française, est l’initiateur du e-G8 au cours duquel
il a mis en garde les Eric Schmidt (Google), Mark Zuckerberg (Facebook) et autres Jeffrey Bezos (Amazon) : « Il s’agissait aussi pour les États (…) de signifier que l’univers que vous représentez n’est pas un univers parallèle, affranchi des règles du droit, affranchi de la morale. (…) Ne laissez pas la révolution que vous avez lancée véhiculer le mal, sans entrave ni retenue (…) Personne ne doit pouvoir être impunément exproprié (…) de sa propriété intellectuelle ». L’autre, Michel Barnier, commissaire européen chargé du Marché intérieur, est l’initiateur de la proposition communautaire en matière de droits de propriété intellectuelle DPI) sur Internet : aux 320 millions d’internautes des Vingt-sept, il explique qu’« il est essentiel d’assurer le niveau approprié de protection des DPI dans le marché unique ». Si le premier, Nicolas Sarkozy, est à l’origine de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) créée en 2009, le second, Michel Barnier, est le maître d’oeuvre de l’Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage – créé en 2009 également (EM@ 35, p. 3) – qui est « renforcé » et rattaché à l’OHMI (2).
Le chef de l’Etat français est de son côté l’artisan de la « réponse graduée », qui conjugue « radars » sur le Net et développement de l’offre légale en ligne. Le membre de la Commission européenne va pour sa part proposer au printemps 2012 une révision de la directive sur le respect des DPI – avec notamment la « coopération » anti-piratage des FAI (lire p. 8 et 9) – après une consultation publique au second semestre 2011 sur la distribution en lignes des œuvres audiovisuelles. Pour l’un, il s’agit de « civiliser Internet » (EM@ 34, p. 5). Pour l’autre, il est question d’« établir un juste équilibre ». @

4G et fibre : dix ans après le dégroupage ADSL, les concurrents encore vivants s’inquiètent

Free, Bouygues Telecom et SFR, les trois principaux concurrents France Télécom, rêvent de reproduire, avec le très haut débit, le succès qu’ils rencontrent depuis dix ans dans le haut débit grâce au dégroupage ADSL.
Leur avenir dépend à nouveau du gouvernement et du régulateur.

« On constate un succès de la régulation sur le marché du fixe en France. Cette régulation a commencé avec l’émergence du dégroupage il y presque dix ans, grâce
à des décisions courageuses du président Jean-Michel Hubert [ancien président de l’Arcep, à l’époque l’ART, ndlr] qui ont permis d’ouvrir réellement ce marché et de faire naître une concurrence réelle sur le haut débit et l’émergence d’innovations. Cela a permis l’émergence du triple play et d’offres marketing différentes fortes au bénéfice du consommateur », s’est félicité Xavier Niel, vice-président et directeur général délégué
à la stratégie d’Iliad-Free, lors du colloque de l’Arcep le 4 mai (1). Dix ans après la décision du dégroupage ADSL (2), le fondateur de Free en appelle aux pouvoirs publics : « Nous pensons qu’il faut faire de nouveau ce choix de la concurrence et de l’innovation dans les réseaux fixe et mobile pour la prochaine décennie au bénéfice des consommateurs ». C’est en effet fin mai que l’appel à candidature pour l’attribution des fréquences de quatrième génération de mobile (4G) sera lancé par le gouvernement, tandis que le régulateur met en place les règles du jeu pour le déploiement des réseaux
de fibre optique.

Comment l’Hadopi va devenir « multiculturelle »

En fait. Le 10 mai, à la suite d’une visite de 45 minutes dans ses locaux de l’Hadopi, le ministre de la Culture et de la Communication a réaffirmé sa « totale confiance » et son « total appui » à l’Hadopi. Mais il faudra attendre son rapport annuel mi-juillet pour avoir des résultats chiffrés.

En clair. A défaut de chiffres pour juger de l’efficacité de son action, il faudra attendre
le premier rapport annuel de l’Hadopi « mi-juillet » et se contenter pour l’heure des résultats de sa seconde enquête effectuée auprès de 1.500 internautes (1) : 50% de ceux qui ont reçu ses e-mails d’avertissement déclarent « arrêter » de pirater (2). A ce stade, aucun dossier litigieux n’a été transmis à la Justice. « L’idée est de pas envoyer des internautes au tribunal », a assuré Frédéric Mitterrand. L’absence de résultats ou de procès pourrait laisser perplexe les ayants droits non seulement de la musique et du cinéma, mais surtout des autres industries culturelles. La présidente de l’Hadopi, Marie-Françoise Marais, nous a répondu le 10 mai sur cette ouverture à d’autres secteurs :
« Nous avons des contacts avec aussi bien avec le [secteur du] jeu vidéo que pour le [secteur du] livre pour savoir s’ils vont rejoindre ou pas [l’Hadopi]. Certains nous ont fait savoir qu’il envisageaient de rejoindre assez rapidement le système mis en place ».
Les jeux vidéo et les livres numériques devraient ainsi faire l’objet d’une surveillance sur Internet. Reste à savoir si le Syndicat national de l’édition (SNE) et le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisir (SELL), qui vont demander leur autorisation à la Cnil, retiendront ou pas le même prestataire très discret qu’est la société nantaise Trident Media Guard (TMG). En attendant d’élargir son champ d’action à d’autres contenus, l’Hadopi a commencé à labelliser des offres légales de téléchargement. « Je suis particulièrement satisfait de la diversité de cette première vague [de labellisation]: diversité de contenu d’abord, avec dix offres de musique, cinq de vidéo à la demande, trois de jeux vidéos et logiciels, et une de photos », s’est félicité Frédéric Mitterrand. Dix-neuf dossiers de demande du label « Hadopi offre légale » sont sur le point d’être acceptées sur un total d’une trentaine de déposés. Le Code de la propriété intellectuelle prévoie aussi que l’Hadopi « veille à la mise en place (…) d’un portail de référencement de ces mêmes offres ». « Nous ne pensons pas avoir une version bêta cohérente du meta-portail avant la fin de l’année, même s’il y aura des étapes intermédiaires. La campagne de communication mi-juin s’accompagnera en effet d’un site Internet [Offreslegales.fr ?, ndlr]. Ce meta-portail sera multiculturel, avec à la fois des offres de musiques, de films, de livre ou encore de jeux », a expliqué Eric Walter, le secrétaire général de l’Hadopi. @

La licence globale s’invite parmi les thèmes de la campagne présidentielle 2012

A droite comme à gauche, certains politiques appellent à l’instauration d’une licence globale, qui permettrait, selon eux, de rendre accessibles les oeuvres culturelles à tous les internautes en échange d’une rémunération forfaitaire pour les auteurs. Un débat ancien.

« L’accessibilité aux œuvres culturelles partout sur le territoire à l’heure d’Internet passe par la licence globale, en échange évidemment d’une juste rémunération pour les auteurs. Hadopi et le cadre de DAVDSI seront conservés pour lutter contre les abus ». Le propos est d’autant plus surprenant qu’il vient de Dominique de Villepin, candidat à l’élection présidentielle de 2012, dans son projet présenté le 14 avril dernier.