Le CNM sera à la musique ce que le CNC est au cinéma

En fait. Le 21 juin, la mission Chamfort-Colling-Thonon-Selles-Riester de réflexion sur le « financement de la diversité musicale à l’ère numérique » devait rendre son rapport. Mais ce sera « a priori début juillet », nous dit-on. Il devrait proposer la création du Centre national de la musique (CNM).

En clair. Le Centre national de la musique (CNM) devrait voir le jour d’ici début 2012. Ce que devraient préciser cet été les propositions de la mission Chamfort (1)-Colling-Thonon (2)-Selles- Riester (3), dont le rapport d’étape était – selon nos informations – attendu pour la Fête de la musique, le 21 juin, mais finalement espéré pour « la première quinzaine de juillet ». Le CNM serait à l’industrie de la musique ce qu’est le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) à l’industrie du film. A savoir : un établissement public, rattaché au ministère de la Culture et de la Communication, chargé de percevoir les contributions de différents acteurs pour financer la production d’oeuvres – en l’occurrence de musiques. Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), déjà tenus de verser leur écot au Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) géré par le CNC, devraient être mis à contribution dès l’an prochain à une sorte de « Cosim » (compte de soutien à l’industrie de la musique). Un dispositif appelé
de ses vœux par la filière musique (4). Après la signature le 17 janvier 2011 des 13 engagements de la mission Hoog (5), les producteurs de musique se sont félicités
que les pouvoirs publics ouvrent la voie à un soutien de la filière en difficulté face au numérique. Pour l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI), « la mise en chantier d’un Centre national de la musique constitue, en effet, l’une [de nos] mesures prioritaires ». En ajoutant : « Cet organisme aurait vocation
à constituer à la fois le réceptacle de taxes fiscales en soutien du financement de la production musicale et un organe de régulation de notre secteur, à l’instar du CNC
pour le cinéma ». Le gouvernement s’était effet engagé à mener « une réflexion sur
la constitution d’un outil de soutien à la filière musicale dans toutes ses composantes, dans la perspective d’une mise en oeuvre dans le cadre de la loi de finances 2012 ». Reste la question du budget du futur CNM alimenté par la contribution des FAI. Alors que ces derniers et les opérateurs télécoms ont contribué en 2010 à hauteur de 180 millions d’euros au Cosip, l’enveloppe du « Cosim/CNM » pourrait atteindre entre 50
et 100 millions d’euros (« La Tribune » du 9 juin). Le gouvernement espérait pouvoir, sans attendre la loi de finances 2012, amorcer le fonds du CNM dès cette année via
le CNC en instaurant – malgré son rejet par les députés le 11 juin au soir – une nouvelle taxe sur les FAI dans le cadre du collectif budgétaire 2011 (voir ci-dessous). @

Spotify a dû négocier avec Universal Music et SFR

En fait. Le 7 juin, SFR a annoncé – lors de la présentation de nouveaux tarifs – le lancement le 5 juillet de trois offres musicales « Carré Spotify » (de 21 à 32 euros par mois). Spotify, leader européen du streaming musical, fut pris en tenaille entre Universal Music et SFR (filiales de Vivendi).

En clair. « Nous sommes en discussion avec Spotify depuis un an », a indiqué Frank Esser, PDG de SFR, en marge de la présentation – au Studio SFR de la rue Tronchet
à Paris – de l’annonce de la nouvelle politique tarifaire des offres mobiles « Carrée ». Autrement dit, les négociations avec Spotify, à la tête d’un catalogue musical de plus
de 13 millions de titres, ont démarré avant que France Télécom n’annonce, fin août 2010, son alliance marketing et capitalistique (11 % de participation) avec le leader français Deezer. La durée des pourparlers en dit long sur la difficulté qu’il y a eu à trouver un accord. Selon nos informations, Universal Music – l’une des filiales sœurs
de SFR dans le groupe Vivendi – n’y est pas étrangère. La major du disque est l’un
des principaux fournisseurs du catalogue de Spotify, qui ne peut s’en passer pour des questions de survie. Or Pascal Nègre, PDG d’Universal Music France (1), avait fait pression sur le site suédois pour qu’il limite son offre gratuite. C’est ce qui s’est passé : depuis le 1er mai, Spotify a restreint son service gratuit : l’écoute gratuite d’un même titre au maximum cinq fois et la durée totale d’écoute gratuite également limitée à 10 heures par mois. L’idée est d’accélérer la vente d’abonnements, proposés à 4,99 ou 9,99 euros par mois, qui représentent plus de 1 million de clients payants dans sept pays, mais seulement un utilisateur sur six de Spotify. Pris en étau entre Universal Music et SFR, le suédois s’est finalement rendu à la raison face à Vivendi. « Carré Spotify » sera disponible le 5 juillet prochain et donnera accès à presque deux fois
plus de titres que n’en offre Orange avec Deezer – lequel affiche 7 millions de titres musicaux. Deezer a d’ailleurs lui aussi annoncé début juin la limitation de l’écoute gratuite à 5 heures par mois.
Cet accord entre SFR et Spotify, leader européen du streaming musical, démontre
en outre que SFR est encore capable de trouver des partenariats d’envergure sur les contenus, malgré la fin de l’effet de levier que pouvait constituer son ex-actionnaire Vodafone, premier opérateur mobile mondial. Le groupe Vivendi a, en effet, racheté début avril les 44 % que le britannique détenait dans sa filiale télécom SFR pour 7,95 milliards d’euros. La maison mère dirigée par Jean-Bernard Lévy a d’ailleurs désormais les mains libres pour faire jouer plus de synergies – « déplacer les frontières de ses activités », comme il dit (2) – entre ses différentes filiales. @

L’Autorité de la concurrence enquête sur Apple

En fait. Le 1er juin, l’Autorité de la concurrence indique à EM@ qu’elle n’a
« aucun commentaire à faire » sur le fait qu’elle procède à des auditions sur
le risque d’abus de position dominante d’Apple – avec iTunes – sur le marché français de la musique en ligne. Elle pourrait s’autosaisir.

En clair. Alors que Steve Jobs lance le 6 juin son offre « iCloud Music Service », permettant d’accéder en streaming à de la musique et de la stocker en ligne sur le
« nuage » fabricant (à partir de n’importe quel de ses terminaux), Apple fait l’objet
en France d’une enquête de la part de l’Autorité de la concurrence. Cette dernière s’interroge sur la position dominante d’iTunes sur le marché français de la musique numérique.
Selon nos informations, les sages de la rue de l’Echelle pourraient s’auto-saisir, d’ici l’été, à l’issue des auditions qu’ils mènent depuis plusieurs semaines. Différents acteurs et organisations professionnelles concernés ont été entendus, comme par exemple le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) le 9 mai dernier (voir p. 7).
Dans la musique en ligne, iTunes est numéro un mondial avec plus de 100 millions
de comptes et plus de 10 milliards de titres vendus depuis son lancement en 2003.
En France, la part de marché dans les ventes numériques de musique a bondi, selon
le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), de 53,8 % à plus de 60 % en 2010. Le problème est qu’Apple se refuse à communiquer quoi que ce soit en termes de ventes nationales. Cette absence de transparence alimente le soupçon. Depuis
un an maintenant, aux Etats-Unis, le Department of Justice (DoJ) enquête (1) sur le marché de la musique, sur lequel Apple aurait abusé de sa position dominante en exerçant des pressions sur les maisons de disques pour qu’elles passent par iTunes Music Store plutôt que par les concurrents comme Amazon. En plus des iPod et des iPhone, le groupe de Steve Jobs est en train de renforcer son emprise musicale avec l’iPad. Après avoir racheté en décembre 2009 le site de streaming musical Lala, iTunes Music Store ne propose plus seulement du téléchargement. Dans la musique sur mobile, Nokia s’est résolu à fermer, début 2011, Ovi Music Unlimited – lancé deux ans plus tôt (ex-Comes with Music) –, faute de succès face à iTunes (2). Microsoft est à la peine avec Zune (3). L’ombre d’Apple plane aussi sur le marché français : Jiwa a été liquidé en juillet 2010 ; Deezer s’est adossé à Orange.
« Le poids d’iTunes montre qu’il manque une ou deux autres grosses plateformes.
La Fnac et Virgin ne sont peut-être pas assez présents. Les industriels n’ont pas suffisamment investi sur le marché, la fiscalité en France n’étant pas étrangère à cela », avait indiqué le Snep à Edition Multimédi@ l’an dernier (EM@ 20). @

L’industrie du disque veut un Cosip pour la musique

En fait. Le 17 mai, le Snep a présenté l’état du marché français de la musique enregistrée pour le premier trimestre 2011 (ventes en gros) : – 5,2 % sur un an,
à 121,8 millions d’euros, dont 26,3 millions de revenus numériques. Parmi les priorités : obtenir une aide à la production musicale.

En clair. Alors que la mission Chamfort-Colling-Thonon-Selles- Riester – chargée
depuis le 8 avril par Frédéric Mitterrand de réfléchir au « financement de la diversité musicale à l’ère numérique » – doit rendre ses conclusions mi-juin, le Snep (1) prône
une « intervention d’une politique d’aide à la création », afin de favoriser les productions
de nouveautés francophones. La musique souhaite que les pouvoirs publics s’inspirent des systèmes d’aides au cinéma. « Le Cosip est un modèle intéressant », a répondu David El Sayegh, le directeur général du Snep, à une question de Edition Multimédi@.
Le Compte de soutien à l’industrie des programmes cinématographiques et audiovisuels (Cosip), créé en 2007 par la loi « Télévision du futur », permet aux producteurs de films d’être aidés via le CNC (2). Les chaînes de télévision (Canal+ en tête), les opérateurs télécoms et les FAI y contribuent pour plus de 550 millions d’euros par an, au travers d’un prélèvement de 0,5 % à 4,5 % sur leur chiffre d’affaires. C’est la taxe sur les opérateurs télécoms qui, dans le dispositif du Cosip, intéresse le Snep et ses 48 membres – parmi lesquels les majors du disque (Universal Music, Sony Music, EMI ou encore Warner Music). La Sacem, elle, parle de « rémunération compensa-
toire ». Autre dispositif suggéré par le Snep : le principe du« droit de tirage » automatique comme dans l’industrie du cinéma, qui permettrait aux producteurs de musique de financer – sans attendre les éventuelles aides – des nouveautés musicales et/ou de nouveaux talents. « S’il n’y avait pas d’aide à la création, le nombre de nouveautés [musicales francophones] produites ne sera que de 383 en 2016, contre 632 en 2010 [et 1593 en 2002]. Avec une politique d’aide, ce nombre atteindrait 1050 nouveautés, la filière retrouvant un cercle vertueux », explique David El Sayegh.
Cette baisse se retrouve dans les coût fixes de la production de nouveautés en France : 183 millions d’euros en 2010, contre le double l’année précédente. L’aide à la filière musicale passe aussi, selon le Snep, par une meilleure monétisation des plateformes de musique en ligne – enregistrant pourtant des millions de visites – et un partage de
la valeur. « Les services exclusivement financés par la publicité ne relèvent pas d’un modèle pérenne pour la filière. L’avenir, c’est le payant. Pour le freemium [gratuit et payant, ndlr], il faut voir où l’on met le curseur », affirme le DG du Snep, qui se réjouit d’ailleurs de la baisse de la pratique du peer-to-peer (3) depuis les envois des e-mails de l’Hadopi. @

Droits d’auteur digitaux

Un auteur peut-il exister sans droit d’auteur ? La réponse nous semble évidente. Car ce droit, qui s’apparente à un droit de propriété, est entouré d’une aura quasi-naturelle, intemporelle et inaliénable. Pourtant, rien n’est plus inexact tant le droit d’auteur varie dans le temps et l’espace. Et c’est à la faveur
de la pression constante de la numérisation des œuvres qu’a resurgi un débat, en réalité très ancien. Il nous a fallu, pour
en prendre conscience, une longue période inachevée de remises en cause et de polémiques.
L’histoire passionnante d’un droit qui est tout sauf une évidence. Il fut même un temps
où la notion de droit d’auteur n’existait pas : un Adam de la Halle vivait, comme un Mozart cinq siècles plus tard, des représentations de ses œuvres et du bon vouloir de ses maîtres.

« De nombreuses sociétés nationales de gestion de droits d’auteur discutent de la constitution d’un catalogue universel des œuvres au niveau international. »