Contenus : le streaming supplante le téléchargement

En fait. Le 18 juin, l’institut GfK a publié les résultats de son quatrième baromètre Reference e-content (Rec) sur le comportements des internautes français
– 1.000 d’entre eux ont été interrogés en ligne – par rapport à leur consommation
de contenus numériques (musique, vidéo, presse, livre, …). Conséquences.

En clair. Il ressort de ce baromètre GfK, portant sur la consommation de contenus numérique en France, que le streaming prend dépasse désormais le téléchargement. C’est notamment le cas pour la musique en ligne où ils sont maintenant plus de la moitié à visionner en streaming (51 %), plutôt qu’à télécharger (49 %). C’est encore plus vrai pour la vidéo : GfK indique à Edition Multimédi@ qu’ils sont 58 % à visionner de la vidéo en streaming, contre 42 % en téléchargement. Ceux qui ont même abandonné complètement le téléchargement au profit du streaming sont déjà 23 % pour la musique en ligne et 19 % pour la vidéo. Posséder et stocker sur son disque dur le fichier numérique de l’oeuvre est de moins en moins un besoin, et le développement du « cloud computing » (1) devrait accélérer cette tendance. Le streaming live (télé, radio, web, …) aussi (2). Selon le Snep, le streaming musical payant a progressé de 23 %
sur un an au premier trimestre 2011, à 3,1 millions d’euros. Le streaming concerne
en revanche peu la presse en ligne ou le livre numérique qui se prêtent plus à la consultation de sites web ou au téléchargement d’applications de lecture ou de PDF. Mais le recours accru de l’audiovisuel sur les sites de journaux online est aussi basé sur le streaming.
La désormais prédominance des flux continus audio ou vidéo dans la consommation numérique aura plusieurs conséquences. En matière de piratage sur Internet, des industries culturelles comme le cinéma souhaitent que l’Hadopi élargisse sa « réponse graduée » au streaming illégal (3). Aux Etats-Unis, le gouvernement entend alourdir
les peines en cas de piratage de flux continus. Le Congrès américain a indiqué qu’il pourrait changer la loi sur le Copyright pour sanctionner pénalement cette pratique. Autre évolution en vue : celle de la mesure d’audience sur Internet. Il a bien déjà la mesure du « streaming live » en radio mais les éditeurs de services en ligne – notamment du Geste – travaillent depuis janvier avec Médiamétrie à une mesure généralisée aux sites de streaming. Médiamétrie indique à Edition Multimédi@ que
les premières mesures porteront sur le streaming vidéo (VOD, catch up TV, web vidéo de type Dailymotion) et seront publiées en octobre, après des tests menés cet été. Enfin, si un accord est trouvé dans le prolongement de la mission Hoog, la gestion collective des droits devrait bénéficier aux webradios, rênes du streaming, le Geste
et l’Adami demandant à ce que ce régime soit étendu à tous le streaming (4). @

L’industrie de la musique va continuer à déchanter

En fait. Le 14 juin, le cabinet d’études PriceWaterhouseCooper (PwC) publie la
12e édition de son étude mondiale sur l’industrie des médias et des loisirs sur
la période 2011-2015. La croissance : + 5,7 % chaque année en moyenne. Publicité sur Internet (+ 13 %) et accès à Internet (+ 8,6 %) sont en tête.

En clair. L’industrie de la musique enregistrée a encore du souci à se faire : des treize marchés mondiaux analysés par PriceWaterhouseCooper (PwC) d’ici à 2015, elle arrive en treizième position en termes de « croissance moyenne » annuelle sur cinq ans des industries des médias et des loisirs. C’est même la seule qui affichera une décroissance de 1,1 % par an en moyenne jusqu’en 2015 (ligne d’horizon de l’étude). Le marché physique va ainsi continuer à décliner et ne sera pas compensé par la croissance de la musique numérique. D’autant que les Etats-Unis et le Japon sont deux pays où la vente de musique en ligne décline aussi ! « Les revenus du marché mondial de la musique enregistrée en 2010 ont été 29,6 % moins élevés que ceux de 2006 et ils ne sont prêts de croître à nouveau avant 2014 », prévoit PwC. L’édition (de livres) et la presse (quotidienne) sont aussi les lanternes rouges avec la plus faible croissance en moyenne d’ici à 2015 : +1,9 % chacune (voir ci-dessous). Globalement, les dépenses numériques vont atteindre pour la première fois cette année-là un tiers du marché total des médias et des loisirs : 33,9 % des 1.870,4 milliards de dollars en 2015, contre 27,9 % des 1.480,8 milliards d’euros. @

Pandora : au-delà des Etats-Unis et… de la musique

En fait. Le 15 juin, la smartradio américaine Pandora – qui permet à 90 millions d’inscrits de personnaliser des playlists en streaming – est entrée à la Bourse
de New York à 16 dollars l’action, avant de chuter en dessous de son cours d’introduction mais au-dessus des 7 à 9 dollars prévus initialement.

En clair. Pandora Media, fondé en 2000 par Tim Westergren (sous le nom de Savage Beast), est condamné à trouver des relais de croissance en dehors des Etats-Unis,
où les coûts de droits d’auteurs s’alourdissent et la concurrence augmente face à notamment Last.fm, Slacker Personal Radio, RDIO, Rhapsody, voire iTunes. Sans parler des contenus en streaming de Hulu, Vevo ou YouTube et de l’arrivée prochaine du suédois Spotify. Amazon, Facebook ou encore Google pourraient eux aussi accroître la pression sur le pionnier de la radio personnalisable en ligne. Pandora Media, qui est une société californienne basée à Oakland, a dû payer pour 2010 des royalties aux ayants droits de 69,4 millions de dollars (contre 32,9 millions l’année précédente) sur un chiffre d’affaires de 137,8 millions et une perte nette de 1,8 million de dollars (1). Et encore, cela ne lui donne des droits de diffusion que sur les Etats-Unis. Avec une cotation à la Bourse de New York (Nyse), la start-up entend non seulement se donner de la visibilité internationale mais surtout accélérer son développement sur deux axes. Le premier consistera à lancer Pandora sur d’autres marchés dans le monde, malgré les difficultés en perspective.
« Offrir notre service en dehors des Etats-Unis comporte de nombreux risques et défis. Le plus important est qu’il n’y pas de régimes de licence équivalents ailleurs [mais] notre objectif à long terme est de diffuser Pandora aux auditeurs au niveau mondial », affirme la direction dans son prospectus d’introduction en Bourse. Aux Etats-Unis,
le « Digital Performance Right in Sound Recordings Act » et le « Digital Millenium Copyright Act » prévoient en effet une licence pour l’écoute en streaming. Contactée par Edition Multimédi@, la vice-présidente de Pandora Media, Deborah Roth, nous a indiqué que la direction ne souhaitait pas s’exprimer pour le moment. Le deuxième axe va être de diversifier les formats de diffusion. « Beaucoup d’auditeurs radiophoniques sont attirés par la comédie, le sport, les débats, les actualités et d’autres contenus au-delà de la musique », constate Pandora, qui a commencé en mai 2011 à proposer
des radios d’humour (comedy stations) personnalisables selon les goûts de chaque auditeur. « Et à long terme, nous pensons qu’il y a une opportunité à offrir d’autres types de contenus en plus de la musique et de la comédie », est-il précisé. Selon Arbitron, un institut américain de mesure d’audience et d’études des médias, les contenus non musicaux représentent environ 20 % du total des contenus radio en 2009. @

Le CNM sera à la musique ce que le CNC est au cinéma

En fait. Le 21 juin, la mission Chamfort-Colling-Thonon-Selles-Riester de réflexion sur le « financement de la diversité musicale à l’ère numérique » devait rendre son rapport. Mais ce sera « a priori début juillet », nous dit-on. Il devrait proposer la création du Centre national de la musique (CNM).

En clair. Le Centre national de la musique (CNM) devrait voir le jour d’ici début 2012. Ce que devraient préciser cet été les propositions de la mission Chamfort (1)-Colling-Thonon (2)-Selles- Riester (3), dont le rapport d’étape était – selon nos informations – attendu pour la Fête de la musique, le 21 juin, mais finalement espéré pour « la première quinzaine de juillet ». Le CNM serait à l’industrie de la musique ce qu’est le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) à l’industrie du film. A savoir : un établissement public, rattaché au ministère de la Culture et de la Communication, chargé de percevoir les contributions de différents acteurs pour financer la production d’oeuvres – en l’occurrence de musiques. Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), déjà tenus de verser leur écot au Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) géré par le CNC, devraient être mis à contribution dès l’an prochain à une sorte de « Cosim » (compte de soutien à l’industrie de la musique). Un dispositif appelé
de ses vœux par la filière musique (4). Après la signature le 17 janvier 2011 des 13 engagements de la mission Hoog (5), les producteurs de musique se sont félicités
que les pouvoirs publics ouvrent la voie à un soutien de la filière en difficulté face au numérique. Pour l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI), « la mise en chantier d’un Centre national de la musique constitue, en effet, l’une [de nos] mesures prioritaires ». En ajoutant : « Cet organisme aurait vocation
à constituer à la fois le réceptacle de taxes fiscales en soutien du financement de la production musicale et un organe de régulation de notre secteur, à l’instar du CNC
pour le cinéma ». Le gouvernement s’était effet engagé à mener « une réflexion sur
la constitution d’un outil de soutien à la filière musicale dans toutes ses composantes, dans la perspective d’une mise en oeuvre dans le cadre de la loi de finances 2012 ». Reste la question du budget du futur CNM alimenté par la contribution des FAI. Alors que ces derniers et les opérateurs télécoms ont contribué en 2010 à hauteur de 180 millions d’euros au Cosip, l’enveloppe du « Cosim/CNM » pourrait atteindre entre 50
et 100 millions d’euros (« La Tribune » du 9 juin). Le gouvernement espérait pouvoir, sans attendre la loi de finances 2012, amorcer le fonds du CNM dès cette année via
le CNC en instaurant – malgré son rejet par les députés le 11 juin au soir – une nouvelle taxe sur les FAI dans le cadre du collectif budgétaire 2011 (voir ci-dessous). @

Spotify a dû négocier avec Universal Music et SFR

En fait. Le 7 juin, SFR a annoncé – lors de la présentation de nouveaux tarifs – le lancement le 5 juillet de trois offres musicales « Carré Spotify » (de 21 à 32 euros par mois). Spotify, leader européen du streaming musical, fut pris en tenaille entre Universal Music et SFR (filiales de Vivendi).

En clair. « Nous sommes en discussion avec Spotify depuis un an », a indiqué Frank Esser, PDG de SFR, en marge de la présentation – au Studio SFR de la rue Tronchet
à Paris – de l’annonce de la nouvelle politique tarifaire des offres mobiles « Carrée ». Autrement dit, les négociations avec Spotify, à la tête d’un catalogue musical de plus
de 13 millions de titres, ont démarré avant que France Télécom n’annonce, fin août 2010, son alliance marketing et capitalistique (11 % de participation) avec le leader français Deezer. La durée des pourparlers en dit long sur la difficulté qu’il y a eu à trouver un accord. Selon nos informations, Universal Music – l’une des filiales sœurs
de SFR dans le groupe Vivendi – n’y est pas étrangère. La major du disque est l’un
des principaux fournisseurs du catalogue de Spotify, qui ne peut s’en passer pour des questions de survie. Or Pascal Nègre, PDG d’Universal Music France (1), avait fait pression sur le site suédois pour qu’il limite son offre gratuite. C’est ce qui s’est passé : depuis le 1er mai, Spotify a restreint son service gratuit : l’écoute gratuite d’un même titre au maximum cinq fois et la durée totale d’écoute gratuite également limitée à 10 heures par mois. L’idée est d’accélérer la vente d’abonnements, proposés à 4,99 ou 9,99 euros par mois, qui représentent plus de 1 million de clients payants dans sept pays, mais seulement un utilisateur sur six de Spotify. Pris en étau entre Universal Music et SFR, le suédois s’est finalement rendu à la raison face à Vivendi. « Carré Spotify » sera disponible le 5 juillet prochain et donnera accès à presque deux fois
plus de titres que n’en offre Orange avec Deezer – lequel affiche 7 millions de titres musicaux. Deezer a d’ailleurs lui aussi annoncé début juin la limitation de l’écoute gratuite à 5 heures par mois.
Cet accord entre SFR et Spotify, leader européen du streaming musical, démontre
en outre que SFR est encore capable de trouver des partenariats d’envergure sur les contenus, malgré la fin de l’effet de levier que pouvait constituer son ex-actionnaire Vodafone, premier opérateur mobile mondial. Le groupe Vivendi a, en effet, racheté début avril les 44 % que le britannique détenait dans sa filiale télécom SFR pour 7,95 milliards d’euros. La maison mère dirigée par Jean-Bernard Lévy a d’ailleurs désormais les mains libres pour faire jouer plus de synergies – « déplacer les frontières de ses activités », comme il dit (2) – entre ses différentes filiales. @