World War Web

Si certains rêvent toujours de retrouver la liberté en ligne des premiers âges, l’Internet est encore régulièrement secoué par des guerres entre puissants qui prétendent à son contrôle. Comme ces cités antiques ou places fortes médiévales qui verrouillaient les voies de communication stratégiques, les géants actuels du Net tentent de verrouiller les portes d’accès du Web. La première bataille de cette histoire des conquêtes du Net a été celle des
« portails » que remporta Yahoo, l’un des premiers champions à imposer un modèle pour accéder aux pages web. Microsoft, lui, gagna contre Netscape celle des navigateurs avec son ultra dominant Internet Explorer.
Tandis que Google mit tout le monde d’accord, ou presque, avec son moteur de recherche. C’est ensuite l’outsider Facebook qui imposa le réseau social comme une nouvelle voie d’accès aux contenus, et c’est de nouveau Google qui prit le contrôle de l’Internet mobile en imposant Android comme l’OS (Operating System) de référence.
La décennie suivante, la nôtre, a été celle de la guerre des plateformes.

Comme ces cités antiques ou places fortes médiévales,
les géants du Net tentent de verrouiller les portes
d’accès du Web.

Homo-Sapiens contre Homo-Technicus

Pour me lever le matin, plus besoin de réveil : une petite impulsion envoyée par ma puce cérébrale s’en charge. Pour mieux entendre une musique, je ne monte plus le
son d’un appareil : mon oreille s’occupe directement du réglage. Pour voir un détail lointain qui m’intrigue : une simple requête mentale adapte la vision de mes lentilles connectées. D’autres gestes simples et quotidiens sont
en passe d’être à leur tour contaminés par cette fièvre technologique. Ils sont les symptômes d’une confrontation majeure qui se joue au XXIe siècle entre Homo-Sapiens et Homo-Technicus, comme
un rappel d’un très lointain passé qui vit s’affronter deux types d’humanité – Néandertal finissant par se fondre dans Cro-magnon. Un surhomme semble en passe de devenir le nouvel horizon de l’humanité. Très tôt annoncé par les auteurs de fiction, en littérature (BD comprise) ou au cinéma, l’Homme augmenté a été théorisée dès 1960 par Manfred Clynes, musicien et scientifique, qui créa le terme composite à succès de « cyborg » (pour cybernetic organism). Mais une nouvelle étape s’ouvre en 2002 avec la publication du rapport « Technologies convergentes pour l’amélioration de la performance humaine » de la National Science Foundation (NSF), laquelle nous a familiarisé avec l’acronyme NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives). Ce cocktail technologique change tout et n’arrête pas de produire de surprenantes évolutions qui nous émerveillent toujours autant qu’elles nous inquiètent. Le champ d’applications semble sans limite.

« Le transhumanisme annonce une post-humanité
aux capacités physiques et psychiques illimitées. »

Google Search : la fausse bonne idée du « dégroupage »

En fait. Les 9 et 10 septembre se sont tenues deux conférences, à Berlin et à Bruxelles, sur le thème « Internet and Neutral Search », organisées par l’Open Internet Project (OIP) et les associations européennes des éditeurs de quotidiens (ENPA) et magazines (EMMA). Mais Google est-il un « France Télécom » ?

En clair. L’Open Internet Project (OIP), association européenne créée en mai dernier
à l’initiative franco-allemande d’Axel Springer, de Lagardère et de CCM Benchmark (1), entend dissuader la Commission européenne de clore son enquête sur Google soupçonné d’abus de position dominante avec son moteur de recherche. L’un de
ses membres fondateurs, Lagardère Active via sa filiale LeGuide.com (comparateur
de prix), avance une solution radicale : le dégroupage de Google ! C’est un ancien dirigeant de France Télécom – ancien PDG de Wanadoo, artisan du triple play et de
la Livebox – qui milite dans ce sens. Et en connaissance de cause : Olivier Sichel, aujourd’hui PDG de LeGuide.com, n’y va pas par quatre chemins : «Si l’Europe se décidait à mettre en oeuvre le dégroupage de Google en donnant accès – dans des conditions acceptables – à cette nouvelle boucle locale qu’est le moteur de recherche général, beaucoup d’entreprises européennes relèveraient le challenge, offrant aux Européens le luxe du choix », écrit-il dans une tribune passée presque inaperçue cet été (2).

Fonds Google pour la presse IPG : 40 projets en un an

En fait. Le 12 septembre était la date limite de dépôt des dossiers pour la 3e session 2014 de l’appel à projets du Fonds pour l’innovation numérique de la presse (FINP). Ce fonds, lancé par Google et l’AIPG (Association de la presse d’information politique générale), aura un an le 19 septembre.

En clair. A l’issue de sa première année de fonctionnement, le fonds « Google » d’aide financière à une certaine partie de la presse – celle dite IPG, d’information politique générale – a retenu un total de 40 dossiers sur un peu plus d’une soixantaine de déposés (1). « Ce qui frappe, c’est la diversité des projets d’innovation numérique de
la presse que nous avons financés – alors que certains craignaient plus un soutien en faveur des médias puissants au détriment des plus petites structures ou des pure players sur Internet », assure Ludovic Blecher, directeur du Fonds pour l’innovation numérique de la presse (FINP), à Edition Multimédi@.

Avec VP9, Google voudrait imposer sa norme ultra-HD

En fait. Le 3 juillet s’est achevée la période de souscription d’actions de la société française Ateme dans le cadre de son introduction en Bourse à Paris (Euronext). L’entreprise a développé un nouveau standard de compression
vidéo ultra-HD (à la norme HEVC). Fera-t-elle le poids face au VP9 de Google ?

En clair. L’avènement de l’ultra haute définition, notamment de la diffusion en 4K (1), risque de se transformer en bataille rangée entre deux nouvelles normes de compression vidéo : HEVC et VP9. La première est en cours de développement depuis dix ans au sein de l’UIT (2) et du MPEG (Moving Picture Experts Group) et approuvée depuis janvier 2013 sous l’appellation H.265. La seconde est une technologie propriétaire mise au point depuis 2011 par Google, lequel avait acheté en février 2010 la société On2. Après une démonstration du VP9 au CES de Las Vegas en janvier, YouTube devrait diffuser les premières vidéo 4K dès cette année.
Les deux technologies de compression permettent de diviser par deux, par rapport à
la norme Mpeg-4, le débit de données nécessaires à la transmission de vidéo – sans pertes visibles. C’est sur ce terrain-là que la société française Ateme – où l’on retrouve notamment au capital Xavier Niel (à hauteur de 8,1 %) – compte se développer, en espérant lever jusqu’à 14,5 millions d’euros en Bourse. La première cotation est prévue le 10 juillet. Mais le petit poucet, qui a réalisé 20,6 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013 et qui compte parmi ses clients Orange, France Télévisions, DirecTV ou encore Huawei, fera-t-il le poids face à l’ogre du Net ? « Aujourd’hui, Google propose VP9 (anciennement NGOV pour Next Gen Open Video) comme solution alternative à HEVC. La licence de VP9 sera gratuite pour l’Internet et l’objectif de Google est qu’il dispose d’une meilleure capacité de compression que HEVC », préviennent au niveau des risques de marché les cofondateurs d’Ateme, Michel Artières et Dominique Edelin, dans leur document d’introduction en Bourse. Mais ils estiment qu’ils ont une carte à jouer face à la firme de Mountain View. « En dépit des ressources très importantes à
la disposition de certains acteurs tel que Google, il est peu probable qu’une solution propriétaire puisse présenter une avance en terme de capacité de compression dans
la mesure ou les comités de normalisation regroupent de nombreuses sociétés et disposent donc de ressources encore plus importantes ». Ils tablent sur le fait que
le marché a toujours privilégié les standards ouverts, de type HEVC.
Le marché mondial du renouvellement du Mpeg-2 et du Mpeg-4 par le nouveau format de compression HEVC devrait peser environ 500 millions d’euros en 2018. @