Francfort : ebooks pour plus de la moitié des exposants

En fait. Le 14 octobre, la 64e édition du salon du livre de Francfort – le Frankfurt Book Fair, organisé par l’association allemande des éditeurs et des libraires – a fermé ses portes et… ses livres. Les ebooks prennent leur envol et les droits d’auteurs deviennent « crossmedia » (films, jeux vidéo, web, …).

En clair. C’est la première année que la Foire international du livre à Francfort – dont les organisateurs déclarent être « la plus grande place de marché pour l’édition et les médias » – compte plus de la moitié d’exposants ayant une offre digitale. L’an dernier, le taux était de 47 % sur les quelque 7.400 exposants (nombre resté stable cette année). Ce basculement vers le livre numérique est historique pour cet événement qui fut créé en 1949 et qui accueille aujourd’hui plus de 280.000 visiteurs venant de 129 pays, dont plus de la moitié de professionnels (1). Et environ la moitié des exposants également déclarent que le digital est en train de « changer leur métier », d’après le sondage effectué par les organisateurs lors de la précédente édition (2).
Quant aux pure players du numérique, à l’instar de Google qui faisait encore il y a
peu figure de « loup dans la bergerie », ils n’étaient que 7 % il y a un an. Ils devraient dépasser les 10 % pour cette 64e édition. Certains brillent par leur absence, comme Amazon. D’autres veulent s’imposer : Nintendo et Sony y présentent respectivement
la console de jeu Wii U pour le premier et le livre augmenté Wonderbook destiné à la PlayStation 3 pour le second. L’espace « StoryDrive » est devenu incontournable pour les professionnels du cinéma, des jeux vidéo, de la musique et des médias en quête
de développements crossmedias ou transmedias.
Les relations avec les acteurs du Web semblent s’apaiser, à l’image de l’« accord à l’amiable » du 4 octobre dernier entre Google et les éditeurs américains de l’AAP (Association of american publishers). Ce qui, selon les deux parties, « met fin à sept
ans de litige ». Les éditeurs McGraw-Hill, Pearson (Education et Penguin), John Wiley
& Sons, et Simon & Schuster (groupe CBS) avaient déposé plainte devant la justice aux Etats-Unis le 19 octobre 2005. En enterrant la hache de guerre, Google Books va pouvoir proposer les livres numérisés des maisons d’éditions l’y auront autorisé. Mais chaque éditeur peut émettre son veto à la mise en ligne. Google Play permet déjà d’acquérir sous forme d’ebooks 20 % des livres numérisés dans le cadre du Library Project de la firme de Mountain View. Cependant, le géant du Net n’est pas totalement tiré d’affaire car une autre plainte, des auteurs via la Authors Guild celle-là, est toujours en cours d’instruction outre-Atlantique… @

Déverrouiller les bibliothèques en ligne et baisser les prix des livres numériques

Si l’industrie du livre ne veut pas être victime du numérique, comme ce fut le
cas pour la musique, elle devra non seulement déverrouiller les plateformes et
les enrichir, mais aussi accepter de vendre jusqu’à 30 % moins cher les livres numériques par rapport aux livres imprimés.

Contrairement aux industries de la musique et du cinéma, les maisons d’édition ne voient pas les réseaux peer-to-peer (P2P) de type eDonkey ou Torrent comme une menace. Dans le premier baromètre des usages du livre numérique publié au Salon du livre par le SNE (1), la Sofia (2) et la SGDL (3), seuls 4 % des personnes interrogées y vont pour chercher des ebooks.

e-Libraire cherche e-Lecteur

En ce samedi matin ensoleillé, après avoir bu un café en terrasse accompagné d’un journal sur tablette, j’ai poussé
la porte de ma librairie préférée. Mais ce rêve nostalgique s’évapore au réveil. C’est presque un cauchemar pour
moi qui aie toujours entretenu avec les livres une relation particulière grâce à la médiation des présentoirs des librairies : entrer au Furet du Nord, chez Mollat ou chez Sauramps, et au hasard d’un rayon se laisser attirer par
un titre, une couverture, un auteur, pour repartir avec ce
qui se révélera être un trésor pour le modeste prix d’une édition de poche. Le lent déclin de la librairie s’est encore accéléré après une longue histoire. Au XVIIIe siècle, le métier de libraire se sépara de celui d’éditeur pour éclore progressivement au XXe. Le temps que l’alphabétisation gagne du terrain et le livre devienne plus accessible. Durant une période assez courte, qui fût sans doute son âge d’or, la librairie accueillait de nombreux lecteurs heureux de pouvoir se créer à domicile leur propre bibliothèque personnelle. Ce qui fut l’apanage des lettrés durant de longs siècles, de l’antiquité à la renaissance. Si être Montaigne n’est toujours pas donné à tous, s’entourer de ses livres préférés devenait enfin un objectif raisonnable.

« Nous avons découvert que le livre pouvait aussi se lire en streaming, le monde de la littérature adoptant le modèle déjà existant dans la musique. »

Jouer avec les nuages (II)

Ce Noël, rien sous le sapin ! Rien qui ne rappelle, de près ou de loin, les traditionnelles boîtes de jeux vidéo qui venaient s’y empiler, d’une année sur l’autre. Entre temps, la dématérialisation de la filière des jeux vidéo continuait avec obstination à vider la hotte du Père Noël et les magasins spécialisés. Et ce n’est pas terminé. D’abord, parce que les consoles résistent en trouvant, génération après génération, de nouvelles ressources d’innovation justifiant encore leur attractivité : un équipement à domicile s’avère toujours indispensable pour jouer en 3D et ultra haut-débit sur écran géant, en faisant appel aux nouvelles ressources du web des émotions, prometteuses de sensations inédites. Si la console n’est pas (encore) morte, c’est aussi pour la simple raison que, pour les jeux, le processus de dématérialisation est autrement plus complexe que pour la musique, les films ou les livres. Il ne s’agit plus de simplement télécharger des fichiers mais de pouvoir jouer en ligne et en temps réel. Il est question ici de Gaming on Demand (GoD) ou de Cloud Gaming : grâce aux ressources du « cloud computing », toutes les opérations de calcul ne sont plus réalisées sur une machine à domicile mais sur de puissants serveurs distants. Cela concerne un chapitre de plus en plus important du catalogue de jeux, à la complexité accrue mais désormais compatibles avec les performances croissantes des réseaux à très haut-débit. Finie la course des foyers aux micro-ordinateurs survitaminés.

« Au moment où les chronologies des médias de la vidéo ou du livre sont mises à mal, une chronologie des jeux vidéo se met en place ! »

Après le GIE E-Presse, un “GIE E-Edition” avec Orange

En fait. Le 8 novembre, lors des 3e Assises professionnelles du livre, Antoine Gallimard – PDG des Editions Gallimard et président du Syndicat national
de l’édition (SNE) – nous a indiqué qu’une plateforme de « bibliothèques personnalisées » verra le jour avec Orange courant 2012.

En clair. Après le GIE E-Presse Premium constitué l’an dernier avec des journaux (1), c’est au tour de s’organiser autour d’une plate-forme commune. « Le projet consiste à créer une plateforme de gestion de bibliothèques personnalisée, ouvert au grand public, qui fédèrera des maisons d’éditions, des libraires, des distributeurs et des opérateurs [télécoms] comme Orange et d’autres. Les expérimentations pourraient commencer
dès le premier semestre 2012 avec un prototype », explique Antoine Gallimard. La filière française du livre cherche ainsi à lancer une alternative aux environnements fermés des Kindle d’Amazon et des iPad d’Apple. Les lecteurs pourront ainsi gérer leur bibliothèque personnelle stockée à distance et consultable quel que soit leur terminal (tablette, ordinateur, smartphone), grâce au cloud computing. Gallimard est partie prenante au travers de la plate-forme Eden Livres dédiée aux libraires, créée il y a deux ans par les éditions Gallimard, La Martinière et Flammarion. Comme pour le GIE E-Presse Premium,
il s’agit de regrouper les différents partenaires dans un consortium qui pourrait être là aussi un groupement d’intérêt économique (GIE). Et comme pour le kiosque numérique
de la presse, Orange est appelé à jouer un rôle central (2) en assurant la plate-forme technique qui s’appuie notamment sur la solution Read & Go de la société miLibris.
« D’autres opérateurs comme ePagine [librairie numérique lancée par la société Tite-Live en 2008, utilisée notamment les éditions Eyrolles, ndlr]. », nous indique le patron des Editions Gallimard. Il n’exclut pas en outre le ralliement de SFR. Le Syndicat de la
Librairie Française (SLF), qui soutient le site 1001Libraires.com, s’associerait au projet.
Reste à savoir si de grands éditeurs comme Hachette (avec sa plate-forme Numilog), Editis (avec E-Plateforme) et l’Harmattan avec l’Harmathèque rejoindront le groupement. France Télécom reste le moteur du projet. Le financement se fait en deux temps :
« Un premier dossier vient d’être déposé auprès du fonds Oseo et du pôle de compétitivité Cap Digital. Un second est soumis à la commission du Grand emprunt », précise
Alban Cerisier, secrétaire général des Editions Gallimard et président de la commission numérique du SNE. Selon Le Monde du 6 novembre, Orange demanderait 3 à 5 millions d’euros au Grand emprunt pour financer le prototype de la plateforme. @