Fibre : l’Autorité de la concurrence contre Orange

En fait. Le 3 juillet, en marge d’un colloque sur les géants de l’Internet organisé
par l’Autorité de la concurrence, son président Bruno Lasserre a confirmé à EM@ l’envoi par ses services de « griefs » – émanant de Free – à France Télécom accusé de pratiques anti-concurrentielles dans la fibre optique.

En clair. On croyait la hache de guerre entre Free et France Télécom enterrée depuis les deux règlements de différends que l’Arcep a rendus il y a un an, respectivement les 21 et 26 juillet 2011, sur les offres d’accès et de mutualisation de leurs réseaux en fibre optique dans les zones très denses. Et bien non ! C’était sans compter sur la ténacité de l’Autorité de la concurrence qui vient de relancer d’elle-même les hostilités. Selon nos informations, confirmées par Bruno Lasserre, l’Autorité de la concurrence a adressé, en avril dernier, une cinquantaine de griefs à France Télécom, lui reprochant d’entraver la concurrence dans le déploiement du FTTH (1). Malgré les deux décisions de l’Arcep, les sages de
la rue de l’Echelle réactivent ainsi la plainte initiée à l’origine le 2 juillet 2007 par Free à l’encontre de France Télécom sur l’accès aux infrastructures de génie civil de ce dernier dans le cadre du déploiement de boucles locales en fibres optiques jusqu’aux abonnés (2). La filiale du groupe Iliad, qui avait reporté plainte en au printemps 2011 (cette fois devant l’Arcep), reproche à l’opérateur historique des pratiques « discriminatoires » et
son « refus d’accès » à cette « infrastructure essentielle » (voiries et immeubles). C’est
en juin, soit dans les deux mois impartis, que France Télécom a répondu au gendarme
de la concurrence en contestant point par point tous les griefs.
L’instruction de l’affaire ne fait donc que commencer chez les sages de la rue de l’Echelle, qui prennent le risque de ralentir encore plus le déploiement du FTTH déjà mal engagé : 220.000 abonnés seulement au premier trimestre 2012, selon l’Arcep. Il y a cinq ans, Free avait annoncé qu’il comptait investir dans le FTTH « jusqu’à 1 milliard d’euros d’ici 2012 ». On en est loin. Le nouvel entrant a opté pour une technologie dite « point-àpoint » (où l’abonné dispose de sa propre fibre tirée depuis le répartiteur NRO ou noeud de raccordement optique), qui est différente de la technologie « point à multipoint » ou GPON (3) de France Télécom. Dans ce dernier cas, une seule fibre est tirée depuis le NRO pour relier de nombreux logements (elle est ensuite divisée en plusieurs brins). L’architecture de Free prend en fait plus de place dans les fourreaux et les répartiteurs, mais garantit des débits optimaux pour chaque ligne quelle que soit l’utilisation simultanée des lignes voisines (4). @

Financement de la fibre : François Fillon enterrera-t-il la « terminaison data » ?

La « terminaison data » – projet de faire payer à la source les fournisseurs de contenus pour financer le très haut débit – n’est pas abandonnée. Mais le Centre d’analyse stratégique du Premier ministre privilégié la solution d’amener les internautes à payer des « tarifs premium ».

« Le concept de ‘’terminaison data’’ reste pour l’heure un concept à l’étude, présentant un certain nombre d’avantages, mais aussi des difficultés pratiques de mise en oeuvre. Il est difficile d’instaurer un tel système en France uniquement, sans créer une réaction d’extra-territorialisation des parties prenantes concernées. C’est aussi un système régulé (il faut fixer les terminaisons data) », indique Yves Le Mouël, DG de la Fédération française des télécoms (FFT), à Edition Multimédi@.

La fibre pourrait accélérer le « contournement » des opérateurs télécoms, dissuadés d’investir

Les régulateurs (CSA, Arcep, Hadopi,) et le gouvernement (DGMIC, DGCIS, CNC) voudraient décourager les opérateurs télécoms d’investir massivement dans la fibre optique qu’ils ne s’y prendraient pas autrement : une étude sur le très haut débit semble les en dissuader !

« Les opérateurs pourraient en être réduits à de simples transporteurs de contenus, contournés (ou « désintermédiés ») par les services en accès direct (ou services ‘’over-the-top’’). Cette menace peut freiner les opérateurs dans leurs déploiements des réseaux très haut débit », met en garde l’étude de Analysys Mason, commanditée par l’Arcep (1), le CSA (2), l’Hadopi (3), le CNC (4), la DGMIC (5) et la DGCIS (6), lesquels ont « décidé de rendre public l’essentiel ».

Le VDSL2 va être autorisé sur la boucle locale de cuivre : pour concurrencer la fibre ?

Alors qu’un rapport sénatorial sur l’aménagement numérique du territoire, daté
du 6 juillet, s’inquiète du retard dans le déploiement de la fibre optique, l’Arcep s’apprête à autoriser l’introduction du VDSL2 sur le réseau téléphonique pour permettre 50 à 100 Mbits/s.

Sur à peine plus de 1 million de foyers raccordables directement à la fibre optique, ou FTTH (1), seulement 140.000 sont abonnés au 31 mars dernier. Est-ce le présage d’un échec national malgré les 25 milliards que la France va consacrer au déploiement de
la fibre sur tout le territoire ? L’arrivée d’ici à la fin de l’année – sur les bonnes vieilles lignes de cuivre téléphoniques – de la technologie VDSL2, ne manquera pas de faire réfléchir opérateurs télécoms et consommateurs sur l’intérêt immédiat de miser sur la coûteuse fibre optique.

FTTH et LTE : vers une profonde fracture numérique ?

En fait. Le 9 juin se sont tenues les 5e Assises du très haut débit organisées à l’Assemblée nationale sur le thème de « L’heure des choix », sous le patronage d’Eric Besson. Le ministre chargé de l’Economie numérique y a annoncé la création de « commissions régionales d’aménagement numérique du territoire ».

En clair. Ces 5e Assises du très haut débit, organisées chaque année par l’agence Aromates, démontrent que la France tergiverse depuis au moins cinq ans pour savoir de quelle manière le public et le privé doivent déployer le très haut débit sur tout le territoire.
Il en résulte un retard chronique, alors que l’objectif du chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy,
est de 100 % de la population en 2025. Au 31 mars 2011, l’Hexagone ne comptait que 520.000 abonnés très haut débit FTTx (1). Et encore, 380.000 d’entre eux étaient reliés
à la fibre par un câble coaxial (voir p. 11). Résultat : seulement 140.000 abonnés FTTH (2). Il y a pourtant 1,135 million de logements éligibles à ce FTTH.« Le temps est venu pour les opérateurs d’investir et pour les consommateurs de s’abonner ! », a lancé le président de l’Arcep, Jean-Ludovic Silicani.
Si le déploiement de la 4G avec la technologie LTE s’engage sur le même rythme
« de sénateur » que les infrastructures optiques, le risque de voir s’aggraver à grande vitesse la fracture numérique est réel. « La stratégie des grands opérateurs est de se concentrer sur les zones les plus denses et les plus rentables (Paris, Lyon, métropole lilloise, …) pour ne couvrir d’ici quelques années qu’environ 5 millions de foyers sur les
25 que compte la France », prévient Jean-Michel Soulier, président de Covage, opérateur d’opérateurs télécoms. La question de la création d’un opérateur de réseau national de fibre « noire » dans les zones peu denses, en fédérant les réseaux d’initiative publique (RIP) déjà existants des collectivités locales (3), reste posée. L’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca) « regrette le recul des obligations de couverture du territoire par les opérateurs ». Elle constate que « le délai global est rallongé d’un quart (de 12 à 15 ans) » et que « la “zone prioritaire” est amputée de 30 % de sa population ». Alors que le gouvernement lance l’appel à candidatures pour les licences 4G, l’incertitude grandit: si les fréquences en 2,6 Ghz permettent de couvrir des zones urbaines (75 % de la population d’ici à 12 ans), il faudrait, aux quatre ou cinq opérateurs retenus, des
« fréquences en or » en 800 Mhz qui, seules, permettraient de couvrir l’ensemble
du pays (98 % d’ici à 12 ans). Là aussi, mutualiser – comme le souhaite Martin Bouygues (4) – la bande des 800 Mhz du dividende numérique pour couvrir les campagnes avec l’Internet mobile aurait un sens… @