Taxer l’exploitation des données personnelles : plus facile à proposer qu’à mettre en oeuvre

La fiscalité traditionnelle est contournée par l’économie numérique et les Etats s’appauvrissent, l’intermédiation de l’Internet se substituant à la distribution réelle. Pour y remédier, le rapport Collin & Colin prône une « fiscalité incitative » sur les données personnelles. Avec quel contrôle ?

Le rapport de Pierre Collin et de Nicolas Colin sur la fiscalité de l’économie numérique (1) vise deux objectifs. D’abord le rapport souhaite une modification des concepts de territorialité dans les conventions fiscales internationales, afin de mieux rattacher la création de valeur aux territoires où se situent les internautes utilisateurs du service en ligne. Ensuite, le rapport préconise l’instauration d’une taxe spéciale sur le suivi régulier d’internautes
sur le territoire français.

Isabelle Falque-Pierrotin, Cnil : « Il faut un New Deal mondial de la protection des données »

La présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) s’exprime en détail dans Edition Multimédi@ sur la position du Parlement européen, présentée le 10 janvier, sur la réforme de la protection des données personnelles. En outre, elle dit pour la première fois ce qu’elle pense de la proposition en France d’une « taxe sur les données personnelles ».

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Que pensez-vous de la proposition du rapport Collin & Colin, publié le 18 janvier, d’une fiscalité nationale assise sur la détention des données personnelles ?
IFPIsabelle Falque-Pierrotin : L’idée de travailler fiscalement sur
les données personnelles semble a priori naturelle au regard
de la réalité de l’économie numérique. La Cnil a été la première
à souligner l’importance des données personnelles, leur rôle
de carburant et de moteur de l’innovation. Mais il faut rester extrêmement prudent : d’une part, la fiscalité ne doit pas
envoyer des signaux contradictoires par rapport à nos principes de protection des données auxquels nos concitoyens sont fort attachés. L’outil fiscal doit donc encourager les comportements vertueux.
La protection des données personnelles se caractérise par des droits (accès, rectification, etc.) qui ne sont pas à vendre. Il conviendra donc, si une telle fiscalité est mise en place, de veiller à la cohérence des pratiques fiscalement valorisées avec la protection des données personnelles telle que garantie par la loi de 1978.
D’autre part, il ne faudrait pas assimiler les entreprises, dont le business model repose tout entier sur le traitement de nos informations, à celles qui sont appelées à en user de manière accessoire. La dernière difficulté que je vois est l’international, mais les deux rapporteurs ont bien relevé la nécessité d’une telle approche commune de la question.

Réforme européenne de la protection des données personnelles : l’année 2013 sera législative

Il y a un an, la Commission européenne publiait son projet – contesté par les “Cnil” des Vingtsept – de règlement européen et de nouvelle directive sur la protection
des données personnelles et de la vie privée. Après des mois de consultation,
le dénouement législatif est venu.

Par Etienne Drouard, avocat associé, cabinet K&L Gates

La Commission européenne a publié le 25 janvier 2012 (1)
une proposition de réforme complète (2) des règles adoptées
par l’Union européenne en 1995 en matière de protection des données personnelles et de la vie privée. Après six mois de débats passionnés ouverts durant l’été 2012 au sein du Parlement européen, lequel a exposé le 10 janvier 2013 sa position dans un rapport (de l’eurodéputé Jan Philipp Albrecht) auquel ont largement contribué les autorités nationales de protection des données. Ces dernières s’opposent catégoriquement à la confiscation de leurs pouvoirs réglementaires nationaux.

Cookies et données personnelles : la protection des internautes sera-t-elle suffisante?

Comme le contrôleur européen de la protection des données (CEPD), les eurodéputés (1) veulent une meilleure protection des données personnelles.
Le gouvernement français, lui, prévoit dans un projet d’ordonnance de la
renforcer. Mais le CNN, nouvellement créé, a rendu un avis critique.

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie.