Jean-Marc Tassetto, Google : « La taxe sur la publicité en ligne va freiner la croissance des PME »

DG de Google France, Jean-Marc Tassetto fustige la « taxe Google », explique sa surprise d’être encore accusé de contrefaçon par des éditeurs, assure que Google TV et Google Music respecteront les ayants droits, et précise la portée de l’Institut européen de la Culture. Il évoque aussi Panda et Google Wallet…

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Google France a profité du Festival de Cannes pour lancer Media Ads. Quand Media Ads sera proposé à d’autres annonceurs que les producteurs de films ?
Jean-Marc Tassetto :
Le Festival de Cannes constituait
en effet une bonne opportunité pour présenter ce nouveau format publicitaire auprès des producteurs et des distributeurs de films en France. Cinq nouveaux films ont ainsi utilisé Media Ads pour leur promotion (1). Ce format permet de mettre en avant leur contenu au moyen de bandes-annonces ou d’extraits de films diffusés en haute définition lorsqu’un internaute clique sur l’annonce. Il s’agit actuellement d’un test bêta pour les annonceurs du cinéma. Lorsqu’un internaute effectuera une recherche liée à un film promu avec Media Ads, il trouvera une vidéo qu’il pourra lire sans quitter pour autant sa page de résultats. Nous attendons de voir les performances du format en France pour envisager de le proposer à d’autres annonceurs pour lesquels le format serait également pertinent. L’idée est clairement d’élargir la palette des outils publicitaires en ligne que Google propose aux différents annonceurs, mais aussi d’enrichir les réponses aux requêtes des utilisateurs. Notre souci constant est d’améliorer et d’innover sur nos formats publicitaires.

Eric Garandeau, président du CNC : « Les plateformes de VàD doivent s’enrichir et les FAI les référencer »

A la tête du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) depuis le 1er janvier, Eric Garandeau considère qu’« Internet est devenu un média audiovisuel ». Il explique à Edition Multimédi@ ce que cela implique pour les diffuseurs et les créateurs en termes de contributions et de soutiens financiers.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Une mission interministérielle
sur la contribution des opérateurs télécoms au Cosip (150 millions d’euros en 2010) devrait rendre ses conclusions fin avril : pourquoi cette mission ?
Eric Garandeau :
Suite à la modification du taux de TVA sur les offres composites, en loi de Finances 2011, il est apparu nécessaire de revoir la contribution des FAI au fonds de soutien du CNC. En particulier, un opérateur [Free, ndlr] a tenté de réduire sa contribution au fonds de soutien cinéma audiovisuel et multimédia en isolant et en réduisant la valeur de l’audiovisuel, alors même qu’il occupe une part croissante des offres triple et quadruple play. Internet est devenu un média audiovisuel. Il est donc légitime que tous ceux qui font directement ou indirectement commerce de la diffusion d’images contribuent à leur financement. La mission conjointe de l’Inspection générale des Finances et de l’Inspection générale des Affaires culturelles va formuler des propositions en ce sens qui permettront d’éclairer les futures décisions des pouvoirs publics. Il est certain que les opérateurs télécoms, comme toutes les entreprises qui distribuent des services de télévision, contribueront à juste proportion de leur chiffre d’affaires : si leur chiffre d’affaires est en croissance, nul ne s’en plaindra, a fortiori si cela permet de mieux financer des œuvres de qualité (1).

Europe : YouTube prêt pour des films destinés au Net

En fait. Le 14 mars, la filiale française de YouTube indique à Edition Multimédi@ qu’elle est « tout à fait prête à accueillir » des films qui seraient produits spécifiquement pour le Web en Europe ou en France. Depuis le 11 mars,
YouTube diffuse aux Etats-Unis un premier long-métrage tourné pour le Net.

En clair. Certains producteurs et réalisateurs de films sont tentés de tourner des films
de long-métrage pour les diffuser directement sur Internet, à l’instar de Sebastian Gutierrez qui propose sur YouTube Screening Room (1) son long-métrage hollywoodien
« Girl Walks Into Bar ». Son film a été créé spécifiquement pour Internet. « Hollywood vient à YouTube », s’est félicité le 11 mars la filiale de partage vidéo de Google sur son blog officiel. C’est la première fois qu’un film du Septième Art est conçu pour être diffusé directement sur le Web, sans passer par les salles de cinéma, ni par la sacro-sainte chronologie des médias. Pour l’Europe ou la France, YouTube nous indique ne pas avoir d’informations concernant des films qui seraient produits spécifiquement pour YouTube.
« Mais nous sommes tout à fait prêts à en accueillir », répond Anthony Zameczkowski, directeur des partenariats pour la France et l’Europe de l’Est. Le premier long-métrage européen mis en ligne par YouTube fut, à partir de juin 2007, « Le Monde du silence »
de Jacques-Yves Cousteau et de Louis Malle. Puis, ce fut deux ans plus tard au tour
de «Home» de Yann Arthus-Bertrand d’être diffusé sur YouTube et, cette fois, simultanément en ligne, à la télé et en salle. Ce film documentaire est produit par Luc Besson, dont le groupe EuropaCorp poursuit les discussions pour d’autres films. Et, depuis près d’un an, YouTube propose des films français sur la chaîne « Le Top Films » (2) grâce à un accord signé en avril 2010 avec Lagardère Active. Les internautes français peuvent y retrouver des films cultes (« Décroche les étoiles », « A ce soir »,
« La menace », etc). La chaîne compte pour l’instant 347 abonnés seulement. YouTube, qui met à disposition sa technologie anti-piratage par empreinte numérique Content ID (3), discute aussi avec d’autres producteurs, tel que Gaumont, Pathé ou encore Universal Pictures. Le 25 novembre dernier, YouTube avait annoncé avoir signé des accords en France avec trois sociétés de gestion collective de droits d’auteurs : SACD, Scam et ADAGP. Mais, pour l’Association des producteurs de cinéma (APC), aucune diffusion de film sur YouTube ne peut se faire sans la signature du producteur lui-même (4). Le concurrent français de YouTube, Dailymotion, a lui aussi l’intention de proposer gratuitement – cette année – des films de long-métrage français ou européen, comme il l’avait fait l’an dernier avec le film d’animation documentaire « Valse avec Bachir » @

L’hébergeur Dailymotion joue aussi un rôle d’éditeur

En fait. Le 17 février, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi des ayants droit du film « Joyeux Noël » (Nord-Ouest Production et UGC Images), confirmant un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 6 mai 2009 qui reconnaît à Dailymotion le statut d’hébergeur. Mais le site de vidéos a une autre « casquette ».

En clair. Dailymotion n’est officiellement pas un éditeur de service qui procède à « une sélection des contenus mis en ligne », échappant ainsi à la lourde responsabilité lié à
ce statut. Selon la Cour de cassation, la plateforme de partage vidéo française est un
« simple » hébergeur, qui peut « revendiquer le statut d’intermédiaire technique au sens
de l’article 6-I-2 de la loi du 21 juin 2004 » – loi dite LCEN sur la confiance dans l’économie numérique. A ce titre, Dailymotion bénéficie d’un régime de responsabilité dérogatoire qui ne le rend coupable que si – saisi par une autorité judiciaire – il n’a pas agi « promptement pour retirer le contenu illicite ou à en interdire l’accès ». S’il avait le statut d’éditeur, il aurait été responsable de plein droit et lourdement condamné pour contrefaçon avec versement de dommages et intérêts pour des contenus illégaux mis en ligne. Or, non seulement l’arrêt de la Cour d’appel – confirmé en cassation – a reconnu le statut d’hébergeur à Dailymotion, mais il l’a aussi disculpé en raison d’informations insuffisantes pour lui permettre de retirer plus rapidement le film
« Joyeux Noël » en 2007. Pour le concurrent de YouTube qui est depuis janvier dernier en négociation exclusives avec France Télécom (1), c’est une bonne nouvelle. « Cette décision permet de mettre de côté définitivement de stériles débats juridiques pour nous concentrer sur notre travail quotidien: faire d’Internet un relais de croissance efficace pour les industries culturelles », s’est félicité Giuseppe de Martino, directeur juridique et réglementaire de Dailymotion. Pourtant, l’hébergeur est-il en train d’élargir son métier à celui d’éditeur ! « Nous avons toujours revendiqué une double casquette et nous avons un “rédac chef“ depuis quatre ans », précise Martin Rogard, le DG France de Dailymotion, à Edition Multimédi@. Une équipe “éditorialise” les vidéos. C’est ce que les Anglo-saxons appelle « curation », qui consisteà les sélectionner et à les classer par thèmes pour en faciliter l’accès. Sont ainsi proposé aux internautes des « hubs » thématiques tels que « Bandes-annonces », « Célébrités », « Jeux » ou encore
« Musique ». Des événements comme le Salon de l’agriculture sont aussi “éditorialisés”. Dailymotion, déjà présent sur les téléviseurs connectés de LG, Samsung, Sony ou encore Panasonic, prévoit en outre cette année de lancer un service de VOD payante et de proposer aussi des films de long métrage (2). La frontière entre hébergeur et éditeur s’estompe. @

Marc Tessier, Vidéo Futur : « Le délai de quatre mois après la salle est trop long pour certains films »

Le président du groupe Vidéo Futur Entertainment, Marc Tessier, président du Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande (Sévàd), ancien PDG de France Télévisions et ancien DG de Canal+, explique à Edition Multimédi@ pourquoi
il croit au décollage de la VOD cette année.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : La vidéo sur Internet explose. Pourtant, la VOD, elle, décolle très lentement pour atteindre en 2010 les 135 millions d’euros de ventes.
Et ils sont seulement 4,2 millions en France à avoir visionné de la VOD sur 38 millions d’internautes. Comment expliquez-vous ce lent décollage de la VOD ? Marc Tessier (photo) :
Les statistiques concernant la
VAD [vidéo à la demande, ndlr] donnent lieu à deux réactions diamétralement opposées : déception quant au niveau en valeur absolue, encore faible, ou, au contraire, satisfaction de voir les chiffres doubler d’une année à l’autre, sans pour autant que le marché du DVD n’en soit trop affecté…
Le verre à moitié vide ou à moitié plein, en quelque sorte. Dans les faits, l’essor de la
VAD s’inscrit dans le mouvement plus large, qualifié de « délinéarisation » de l’offre audiovisuelle. Les nouveaux usages VAD (catch up TV gratuite ou payante, web TV reprise sur YouTube ou Dailymotion, …) se concurrencent, notamment sur la gratuité
ou sur le principe d’un paiement, tout en s’épaulant mutuellement.
C’est pourquoi, je parierais plutôt sur un décollage de la VAD dès cette année. Mais à deux conditions : une efficacité accrue de la lutte contre le piratage, notamment celui
des plateformes illégales « off shore » faute d’un accord international sur le droit de suite, et une meilleure mise en place des offres disponibles via Internet.